Il y a une dizaine d’années, la pianiste madrilène Marta Sanchez quittait son Espagne natale pour aller se mêler à la fameuse scène jazz new-yorkaise. Depuis, les amoureux de la note bleue ont pu faire connaissance avec une artiste douée et sensible qui a un faible pour le jazz de chambre, tout comme Carla Bley, une de ses sources d’inspiration. Son véhicule de prédilection est le quintette à deux saxophonistes, un type de formation avec lequel elle a joué et endisqué à multiples reprises. Les effectifs de son nouvel opus intitulé Spanish American Art Museum comptent Alex LoRe au sax alto, Roman Filiu au sax ténor, Rashaan Carter à la contrebasse et Allan Mednard derrière les fûts. Aussi bien entourée, la créatrice nous livre une œuvre complexe sur le plan technique, mais également empreinte d’émotion. En fait, bien que le niveau de virtuosité mis de l’avant par madame Sanchez et ses instrumentistes soit excellent, c’est cette dimension émotive qui prime. Les neuf compositions au menu prennent racine dans la période trouble qu’a suscitée la pandémie liée au coronavirus, ainsi que dans le chagrin que la musicienne a ressenti à la suite de la disparition de sa mère. C’est d’ailleurs ce deuil qui a inspiré les pièces les plus remarquables de SAAM. La chanson Marivi est le centre névralgique de tout le programme. Les deux saxophonistes y sont absents, remplacés par la chanteuse et guitariste Camila Meza, la claviériste Charlotte Greve et l’incontournable trompettiste Ambrose Akinmusire. Les mots touchants que chante Meza en espagnol y sont magnifiés par le jeu émouvant d’Akinmusire. Plus loin sur le disque, December 11th – date à laquelle la mère de Sanchez est décédée – offre à la pianiste l’occasion de briller grâce à un solo tout en nuances. SAAM est une réussite de plus à l’actif d’une musicienne dont nous n’avons pas fini d’entendre parler.
