Depuis quelques années, la forme jazz connaît un regain de vitalité grâce à de jeunes loups qui lui accolent des rythmes hip-hop ou des influences électro. Il y a là de quoi faire passer le post-bop plus traditionnel de la pianiste Carla Bley (81 ans), le bassiste Steve Swallow (79 ans) et le saxophoniste Andy Sheppard (une petite jeunesse : 63 ans) pour de la musique de dinosaures.
Dès les premières notes jouées par Bley, l’auditeur qui ne se méfie de rien se dira qu’il a affaire à un vieux blues pantouflard. Nenni! Tout au long de la première des trois suites qui composent ce disque, le jeu espiègle de la pianiste, le son chaleureux de la basse électrique de Swallow et l’approche raffinée mais jamais empesée de Sheppard soufflent sur tout ce qui pourrait s’apparenter à de la poussière.
Le titre de la seconde suite, Beautiful Telephones, fait allusion à un commentaire de Donald Trump qui aurait été impressionné par les téléphones de la Maison-Blanche lorsqu’il y fit son entrée. Elle est de teneur plus grave, mais on n’y sent aucun accès de colère ou de désespoir. C’est là une des grandes qualités de cet album : préférant prendre les choses à la légère, madame Bley et ses partenaires ne versent jamais dans les débordements.
Après quelques citations ironiques d’airs patriotiques américains et de la Marche Funèbre de Chopin, le trio amorce Copycat, la dernière suite au programme, tout en douceur. La conversation entre les trois musiciens y est si fluide que l’auditeur ne peut que lui donner son attention complète et ce, jusqu’aux derniers moments de ce disque rempli de sève qui démontre que la jeunesse n’est rien de plus qu’un état d’esprit.