Quand on évoque les terreaux fertiles du jazz, le Mexique n’est pas le premier endroit qui nous vient à l’esprit. Pourtant, le pays a une scène jazz qui lui est propre et le batteur Tino Contreras est là pour en témoigner. Maintenant âgé de quatre-vingt-seize ans, le bonhomme a traversé l’histoire du jazz mexicain, allant de l’époque du swing à aujourd’hui en passant par le bebop, le hard bop, le jazz modal et même le jazz psychédélique dans les années soixante-dix. C’est un véritable livre d’histoire musicale que le fameux DJ britannique Gilles Peterson nous fait maintenant découvrir par l’entremise de son label Brownswood.
Peterson – qui a aidé les jeunes pousses du jazz londonien que sont Shabaka Hutchings, Kamaal William et Nubya Garcia à grandir et se faire connaître – est un grand mélomane devant l’éternel qui a mis la main sur un vieil album de Contreras lors d’un voyage au Japon. Il a ensuite rencontré le musicien au Mexique et lui a proposé d’enregistrer un nouvel album pour son étiquette. Contreras a alors rassemblé un octuor afin de plancher sur La Noche de Los Dioses, un opus inspiré autant par sa propre vie mouvementée que par les divinités du folklore aztèque qui se prêtent ici à un rituel de son imagination.
Cette « nuit des dieux » est un condensé de toute la carrière musicale de l’artiste légendaire. On y croise des influences post-bop, blues, exotica et même moyen-orientales sur l’excellente El Sacrificio. Cette suite aux allures un brin cosmiques est diablement bien exécutée. Chapeau bas au pianiste. Et que dire de Contreras lui-même qui n’a décidément pas perdu la main ! Cet aplomb dans l’interprétation ainsi que les sonorités mystérieuses qui ponctuent l’œuvre afin d’évoquer le monde des esprits qui l’ont inspiré font qu’on se retrouve devant beaucoup plus qu’un simple résumé de l’histoire du jazz mexicain.