Justin Townes Earle est mort le 20 août 2020 dernier d’une surdose de cocaïne additionnée de fentanyl. On dit que la hantise suprême de tout parent est de voir, de son vivant, la Faucheuse lui ravir un enfant. C’est d’autant plus cruel pour Steve Earle, qui a survécu à sa dépendance aux drogues dures, de perdre son fils aux griffes de celles-ci. Sur J.T., Earle père rend donc hommage à feu son descendant Justin Townes, dont le deuxième prénom commémore incidemment, par une triste ironie du sort, Townes Van Zandt, figure tragique country-folk engloutie prématurément par l’alcoolisme et la toxicomanie. Des onze pièces que compte J.T., dix ont été composées et écrites par Justin Townes (avec la collaboration de Scotty Melton pour Turn Out My Lights et Far Away In Another Town). Last Words, onzième et ultime chanson de l’album, provient de Steve Earle : « J’y étais quand tu es né – Ta mère te tint puis moi aussi (…) – À ton trépas j’aurais souhaité – Y être pour te tenir ainsi »
En musique populaire comme dans bien d’autres domaines, les progénitures qui reprennent le flambeau abondent. Parmi celles-ci, nombre ne produisent rien d’aussi édifiant que leurs géniteurs (nous nous garderons, par charité chrétienne, de citer des exemples). Or, Justin Townes Earle faisait partie de la minorité authentiquement douée des « fils » ou « filles de », comme le prouve sa discographie de qualité. Son père a extrait de ce fonds héréditaire des gemmes comme Harlem River Blues et They Killed John Henry. Il nous les présente, avec ses valeureux Dukes, dans un écrin appalachien aussi stimulant qu’émouvant. En mai dernier, Steve Earle a publié Ghosts of West Virginia, album portant aussi sur une tragédie, minière celle-là. J’avais écrit alors qu’Earle œuvre, depuis une quarantaine d’années, à l’édification d’une cathédrale de l’americana. Je ne pouvais prévoir, à l’époque, qu’il y célébrerait les funérailles de son fils.