Oyez, oyez, braves gens ! Le groupe londonien art-rock HMLTD nous présente son deuxième album! Il s’agit d’une épopée théâtrale style cabaret-prog-opéra-rock mettant en scène une Angleterre médiévale, anachronique, qui se fait dévorer par… un immense ver? Et un héros nommé Henry à qui la tâche incombe de tuer ce ver? Oui, c’est bien cela. Pas étonnant qu’un tel projet ait actuellement son moment de gloire dans les communautés musicales web (comme le site Rate Your Music, par exemple), dont les membres salivent sur l’ésotérisme énigmatique de Neutral Milk Hotel et l’absurdité jazz-rock à faire fondre le cerveau qu’est Black Midi.
Sans doute, le concept farfelu de cet album peut le faire tenir par soi-même à la première écoute, mais on remarque assez vite qu’il a bien plus à offrir. L’atmosphère est grandiloquente et la production est immense: c’est une cinquantaine de musiciens et musiciennes qui y ont prêté leurs mains ou leurs voix d’une manière ou d’une autre. Ainsi, l’échelle de l’entreprise se fait sentir. Il faut en venir à l’évidence, c’est un projet pris très au sérieux par ses artisans. Mais tout ce spectacle fait-il ombrage à la substance? Pas vraiment. En fait, le spectacle ici est si grand qu’il devient la substance. De plus, sous la surface, les thèmes traités sont tout de même humains. Au fil de l’album, on apprend que le ver qui consume l’Angleterre et le monde, ce ver est à l’intérieur de nous tous, et se nomme capital, angoisse, haine, envie, égo… Scénario apocalyptique, pas tant fictif que ça, donc.
À défaut d’être la plus subtile des métaphores, il faut apprécier la simple intransigeance de ce groupe. Dans ce cas-ci, la seule ampleur de l’effort et du chemin par lequel nous passons suffit pour impressionner. De toute manière, il y a assez de variété musicale dans le parcours pour nous maintenir bien en place.
Combinant post-punk, rock prog, opéra-rock à la Queen, jazz-rock et musique de chambre, cet album nous laisse deviner à chaque chanson ce qu’il deviendra. Pas facile à dire, compte tenu que même à l’intérieur des morceaux, on retrouve ces changements de cap. Même les chansons tortillent! Mais ce qui pourrait sembler complètement étourdissant ne l’est heureusement pas, puisque le parcours entre les titres est bien défini. La structure est solide, et on a même droit à certains moments de narration et d’histoire question de nous ancrer encore plus dans ce monde étrange. Évidemment, un album sur un immense lombric ne serait complet sans quelques vers d’oreille bien placés. Il s’agit d’une obligation conceptuelle.
Amateurs d’idées folles, ne vous abstenez pas, donc. Amateurs d’atmosphère, d’immersion, de fiction bien construite, plongez! Amateurs d’orchestration, essayez Liverpool Street et Lay Me Down. Sceptiques, finalement, faites connaissance avec le monde du Saddest Worm Ever et la chanson titre, et mesurez-vous à cette créature.