Dans la mythologie du rock progressif, on parle souvent des influences classiques qui ont nourri la musique des plus grands groupes du genre. Avec Calibrating Friction, le compositeur gréco-canadien Haralabos Stafylakis tente de renverser le pendule avec des compositions de musique de chambre fortement inspirées par le metal progressif.
Dans la musique classique, l’utilisation de rythmes et de mélodies comme matériau pour les œuvres orchestrales est une pratique courante depuis plus de deux siècles. Le son de la musique classique imprégné du folklore hongrois est bien connu grâce aux œuvres de Zoltan Kodaly et de ses descendants. Au XXIe siècle, le même phénomène se produit naturellement avec une nouvelle garde d’artistes qui, malgré leurs études supérieures en composition instrumentale, ont grandi avec ce que l’on appelle la « musique populaire ». Haralabos Stafylakis offre un exemple convaincant de ce phénomène avec son nouvel album à la croisée du métal et du classique. D’une durée totale de près d’une heure, Calibrating Friction rassemble cinq morceaux de musique instrumentale lourde et technique. De tous les hybrides métalliques issus du milieu classique, cet album est l’un des exercices les plus affirmés dans ce domaine.
Les pièces, dont les structures se développent comme de longs morceaux de rock progressif, sont truffées de cellules rythmiques saccadées et de mélodies sombres. Les œuvres font un usage réjouissant de la batterie et des guitares, au point que l’on pourrait parfois les confondre avec des arrangements pour orchestre de chambre de musique métallique. Pour parvenir à un tel mélange, le compositeur doit avoir une maîtrise presque égale des deux langages musicaux, ainsi qu’un respect pour les deux réalités culturelles qui leur sont associées. Lui-même guitariste de rock et de métal avant de devenir compositeur classique, Stafylakis semble concilier ces deux mondes le plus naturellement du monde.