Elle croasse, grogne, mâchonne ses mots, laisse dégouliner les syllabes de son accent sudiste parfaitement assumé, s’appuie sur des rythmes lourds, déambule sur des claviers charnus et des guitares saturées. À 67 ans, l’indomptable Lucinda Williams arrive encore à extirper de son maelstrom intérieur une vraie substance chansonnière et ainsi à magnifier son américanité. Chargées de mélodies poignantes, ces nouvelles chansons se démarquent d’abord pour leurs vertus rock et blues, par la capacité de sa créatrice à mettre le doigt sur tous ses bobos et en faire émerger les plus belles fleurs de peau. Dans plusieurs cas qui nous occupent, la saleté de l’accompagnement sied bien à l’hyperlucidité et à l’hypersensibilité de la parolière. Son instabilité justifie la nôtre, la nôtre justifie la sienne et nous revoilà à bord de son pick-up à sillonner des routes en gravier. Les nids de poule abondent sur le parcours, on y traverse aussi des régions plus accueillantes, rassurantes, bucoliques. Coréalisé par Ray Kennedy, Good Souls Better Angels a été imaginé à l’intérieur des terres par Lucinda Williams et Tom Overby, son mari, manager et partenaire de création. Rares sont les auteurs-compositeurs et interprètes capables d’encore nous surprendre avec un tel jeu d’intensité et d’urgence. Même si peu de variations conceptuelles figurent au programme après quatre décennies de farouches activités, l’écoute de ce quinzième album procure un réel contentement.
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