En musique balinaise comme dans toute tradition vivante, la contemporanéité se manifeste de façon plurielle. L’une des grandes tendances actuelles en gamelan est de composer pour des ensembles d’instruments confectionnés sur mesure ou adaptés à des besoins compositionnels spécifiques. Gamelan Pesel est l’un de ces ensembles qui innovent tant avec sa musique qu’avec la facture instrumentale. Et comme le titre de ce deuxième album le suggère (Pesta Nada : Fête de notes), tout ça se fait dans la joie et l’allégresse.
Gamelan Pesel est le projet du jeune compositeur I Wayan Arik Wirawan, ainsi que d’une vingtaine de jeunes musiciens de la région de Denpasar, capitale de Bali. L’ensemble a été fondé autour d’instruments hybrides combinant les propriétés du Gamelan Selonding, vieil orchestre de fer en pleine période de renaissance, et du Gamelan Semar Pegulingan, orchestre de bronze autrefois associé à la musique de cour. Pesel est donc constitué de lames de fer pour ses métallophones, mais de bronze pour tous ses gongs. Qui plus est, l’accordage a été librement inspiré de la gamme majeure tempérée, tout en préservant des différences d’accord de quelques hertz d’un instrument à l’autre. Il est ainsi assez particulier d’entendre un gamelan accordé de façon diatonique, mais qui préserve les battements acoustiques typiques de la musique balinaise.
Pesta Nada est donc constitué de 7 pièces originales signées par Wirawan, toutes très énergiques et accrocheuses. La démarche s’éloigne ainsi des abstractions de forme et de l’expérimentalisme de nombreux artistes balinais d’aujourd’hui. Les compositions sont plutôt enjouées, ludiques et passent à travers une variété de tempi entraînants. Les fameuses mélodies imbriquées (kotekan)des métallophones ressortent avec une clarté enivrante. Les techniques de jeu modernes employées sur ces instruments de fer leur donnent un timbre riche et inédit. La qualité de l’enregistrement laisse d’ailleurs entendre la finesse des dynamiques de jeu, tout comme les interactions rythmiques subtiles entre les tambours (kendang) et le carillon de gongs (reong).
La radiance d’un sourire, un cerf-volant dans le ciel, la beauté d’une plage, la rigolade et la valeur du feu : toutes ces évocations sont une célébration candide de la musique, de la vie et des éléments. Ces thématiques se lient naturellement avec la tradition du gamelan à Bali, qui se fait souvent instrument de cérémonies religieuses et séculières. Gamelan Pesel surprend justement par l’aisance avec laquelle il innove sans pour autant rompre avec l’héritage et les idiomes traditionnels.