2023 est l’année Fito Paez en Argentine et dans tout le monde hispanophone.
Netflix a produit El Amor Despues Del Amor (Traduit en français par La Vie en Rock de Fito Paez),un biopic de 8 épisodes sur les premières années de sa carrière, qui commence à la fin des années de dictature.
Il poursuit une tournée internationale qui célèbre le trentième anniversaire de l’Album El Amor Despues Del Amor (L’Amour Apres L’Amour), disque rock paru en 1992 qui s’est le plus vendu dans l’histoire de l’Argentine.
Pour boucler cette longue boucle, Fito Paez fait paraître EADDA9223, qui signifie El Amor Despues Del Amor 1992-2023.
Cet album est une sorte de déconstruction ou de relecture de l’original, avec une instrumentation et parfois des rythmes différents. Sur la plupart des pièces , on retrouve des collaborateurs de plusieurs pays et générations, qui incarnent la pluralité musicale de l’Amérique latine.
Les brésiliens Marisa Monte et Chico Buarque, la chilienne Mon Laferte, la mexicaine Angela Aguilar, les rappeuses argentines Nicki Nicole et Nathy Peluso, la soprano transgenre Maria Castillo De Lima, les rockers compatriotes Andres Calamaro et David Lebon.
Il faut ajouter les chanteurs flamenco Antonio Carmona et Estrella Morente. Ainsi que le vieux compagnon britannique Elvis Costello, qui a contribué à plusieurs reprises avec Fito.
L’album de 1992 était un album de rock qui était à la fois commercial et exploratoire. Un rock qui flirtait avec le tango, certaines musiques latines et folkloriques et un tantinet de prog. Écoutez ,par exemple, La Balada de Donna Helena.
Tout comme son mentor Charly Garcia, avec qui il a débuté comme claviériste et qu’on voit dans le biopic Netflix, Fito Paez a une formation de pianiste classique.
Dans sa version 2.0, EADDA 9223 fait plus de place aux arrangements de cordes, à une plus grande palette d’explorations sonores, mais, dans plusieurs pièces, la surproduction se révèle néfaste. On perd un peu la vitalité essentielle de certaines chansons dans ce magma d’arrangements. Par contre, à 60 ans, la voix de monsieur Paez est un peu plus basse, ce qui lui va bien. Les harmonies vocales entre lui et ses partenaires sont parfois juste fantastiques.
Pour celles et ceux d’entre vous qui ont accès à un site de diffusion en continu, (tout le monde je présume) je vous suggère d’écouter les deux versions.
La chanson titre, El amor después del amor, est presque méconnaissable. Au lieu du groove trépidant avec des cuivres et des voix féminines torrides, c’est une douce musique de cirque avec orchestre symphonique, avec tempo beaucoup plus lent, qui nous surprend et se termine par une chorale d’enfants avec un orchestre au bord de la dissonance. Vachement étonnant, dans le bon sens.
Les cuivres torrides, nous les retrouverons sur Trafico por Katmandu, où le rock presque hard se transforme en jazz fusion, avec la voix d’Elvis Costello en prime.
En revanche, la magnifique ballade Pétalo de Sel souffre de surproduction comparativement à l’original, où la voix de Fito Paez était si pénétrante. Même chose pour La Rueda Magica, qui se voulait à l’époque un hommage musical aux Beatles et aux Rolling Stones, tout en évoquant les hauts et les bas de la vie de musicien. Ça lève beaucoup moins que la première version.
Mais au final, il y a de fort jolies choses sur cet album qui vise à fédérer tout un continent, plus l’Amérique centrale, le Mexique, l’Espagne et les communautés latines aux États-Unis et ici.
La relecture de Detras del Muro de Los Lamentos (Derrière le mur des lamentations), avec de la danse et des guitares flamencas, est fascinante. La Balada de Donna Helena ajoute du hip-hop symphonique dans sa version 2.0.
Fito Paez est dans un cycle très créatif depuis les dernières années et il semble vouloir continuer de nous surprendre. Il est aussi un citoyen très actif politiquement dans un pays si riche culturellement et tellement compliqué au niveau social et économique.
Bonne chance à l’Argentine. Gagner le Mondial est une chose. Régler ses problèmes structurels est plus difficile .