Xavier Amin Dphrepaulezz, alias Fantastic Negrito, créateur d’électro-blues d’Oakland, a toujours représenté une énigme pour moi. Il peut jouer du blues sale et de la guitare slide comme les plus grands; il arrive amalgamer le R&B, le funk screamo, le jazz cosmique et ce que l’on pourrait appeler le post-rock. Son plus récent album, White Jesus Black Problems, est l’une de ses œuvres les plus singulières.
La première pièce, Venomous Dogma, commence comme un gospel sombre auquel s’ajoute un peu de blues acoustique à la John Lee Hooker, puis se transforme en un jam post-hardcore ressemblant à du Blood Brothers. C’est diablement bizarre et certains des artifices vocaux utilisés par Fantastic Negrito – comme des bruits de statique qui tapent dans le rouge – pourraient rebuter certains auditeurs. Persistez et vous retrouverez le fil du gospel sur Highest Bidder, que Fantastic Negrito chante de sa voix coriace.
White Jesus Black Problems est inspiré de l’arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-grand-père de Dphrepaulezz (un esclave anonyme) et de son arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-grand-mère (une servante blanche d’origine écossaise), qui sont tombés amoureux et ont vécu ensemble en Virginie, dans les années 1700. À cette époque, les relations interraciales étaient interdites et leur idylle mettait leurs vies en danger. Cette histoire est évoquée dans les chansons Nibbadip et Man With No Name, qui traitent de cette époque révolue et de son racisme qui subsiste. Fantastic Negrito explore la relation fragile de ses grands-parents de la septième génération tout en découvrant ses racines. Il chante comme Prince, Childish Gambino, James Brown et Rob Tyner des MC5. Il aborde également la question du contrôle des armes et de la violence du point de vue d’un Noir, dans le morceau psychédélique You Better Have a Gun.
Bien qu’il crée une musique entremêlant les genres, personne ne sonne comme en ce moment ni ne sonnera comme lui, sans doute, dans le futur. Le son de Fantastic Negrito est étrange, tout simplement; il génère des millions de possibilités que l’on peut déceler dans sa musique. À preuve, écoutez le banger Motown Trudoo. La vastitude de son style explique pourquoi il a reçu deux prix Grammy. Je crois toutefois que certaines des chansons les plus étranges de White Jesus Black Problems seront trop excentriques pour les juges et les auditeurs ordinaires.