Sur son premier opus The Disfigured and the Divine, le groupe international Emasculator coche toutes les cases du death metal dit « brutal », détournant au passage les connotations souvent misogynes de cette niche. Mais au-delà du message, ce quatuor exclusivement composé de femmes livre avant tout une excellente dose de férocité inhumaine.
Inaccessible, opaque et bestial : ce sont les mots d’ordre de la niche qu’on appelle le death metal brutal, un sous-genre du métal extrême réputé entre autres pour ses paroles de violence et d’horreur. Bien qu’inintelligibles, ces textes se marient naturellement avec une musique dense, rapide et aux registres plutôt graves, oscillant sur une mince ligne entre la fantaisie d’exploitation et la violence dirigée spécifiquement envers les femmes. C’est ce qu’heureusement plusieurs artistes s’efforcent aujourd’hui de démentir en se tournant vers la science-fiction ou en détournant les clichés sanglants. Emasculator adopte la seconde voie, la chanteuse Mallika Sundaramurthy écrivant ses textes du point de vue de déesses de la destruction telles Kali et Durga, déployant leur courroux vengeur sur les Hommes (avec grand et petit H).
Musicalement, « The Disfigured and the Divine » livre la marchandise : la batterie martèle sans compromis, enchaînant blast beats et rythmes lourdement syncopés, les cordes grondent à en emmurer l’auditeur et la voix est gutturale et inintelligible. Heureusement, Emasculator va un peu plus loin. L’interlude « The Unassailable » met très bien en valeur l’influence mystique qui parcours tous les textes, grâce aux échantillons de la tampura indienne et d’un chant en sanskrit. Le contraste avec la dureté des autres morceaux est très efficace et on souhaiterait voir de tels éléments s’imbriquer davantage dans les prochaines compositions du groupe. Voilà qui ferait rayonner d’autant plus l’originalité des thèmes.
Bien que la scène death metal soit de moins en moins peuplée exclusivement d’hommes, Emasculator accomplit tout de même ce que d’autres groupes récents comme Nervosa, Crypta et Castrator n’ont pas su faire : créer un death metal original et dont la musique se démarque au-delà du féminisme qui sous-tend sa genèse. Quoi qu’il en soit, Emasculator est un groupe à suivre qui pourrait être le fer de lance de réelles transformations dans la sous-niche du death metal brutal, autant musicalement que démographiquement.