Daymé Arocena est une chanteuse afro-cubaine, protégée du franco-britannique Gilles Peterson, l’animateur et DJ de la BBC passionné de musiques du monde.
Sur ses trois premiers albums, Daymé Arocena a mélangé avec succès les rythmes traditionnels afro-cubains, la salsa et le jazz accoustique. Avec Alkemi, elle tente une incursion dans le domaine de la pop, ce qui risque de diviser ses fans.
Disons-le d’emblée : Alkemi est une réussite, à mon humble avis. Daymé Arocena souhaitait, depuis plusieurs années, explorer la pop et réaliser un disque de chansons d’amour. Son exil de Cuba à destination de Porto Rico, après être passée rapidement par Toronto, lui en a fourni l’occasion.
Pour ce faire, la grande chanteuse s’est associée à Visitante, alias Eduardo Cabra, la moitié du groupe rap-reggaeton Calle 13, de Porto Rico.
Cela donne un album plus pop, mais qui ne dénature en rien les racines de Daymé Arocena. On y trouve encore des cuivres, des percussions afro-cubaines, la voix puissante de la chanteuse. Mais tout cela est assorti de sons plus soul-funk, reggae, avec un soupçon de rap. Un chanson s’intitule « Coda » et ce n’est pas anodin. La chanteuse cubaine admire la nigérienne britannique Sade Adu et son célèbre « Smooth Operator » (1984).
Visitante fait ici un travail exemplaire de producteur, en s’adaptant aux qualités de Daymé Arocena plutôt qu’en imposant ses propres sonorités. Tout cela donne une pop jazz latine originale de haut niveau. Ce sera peut-être considéré comme trop commercial par les puristes du jazz afro-cubain. Par contre, je ne suis pas convaincu du potentiel commercial de cette proposition. On est très loin de Shakira ou de Ricky Martin et même de Sade. Et c’est tant mieux pour nos oreilles.