Quinzième album pour ce jeune vieux routier des voies de gauche qu’emprunte l’indie kebamericana. Écrit pendant une période sombre de sa vie où sa blonde était retournée en Acadie et que sa chienne Stormy faisait son dernier tour de piste, le Saguenéen a tenté de puiser au fond de lui-même pour y trouver une étincelle dans la noirceur. Car si « la lune éclaire, elle ne réchauffe pas », comme il le chante dans la très jolie Les fleurs dans cour.
Animé par son énergie forestière, sa voix de sauvageon bourru et par son joual assumé, Placard retrouve l’âme d’un trucker qui écouterait Johnny Cash et Neil Young en s’ennuyant de sa belle sur la route 66. Mais c’est dans les rues du quartier Rosemont qu’il vit ses rêveries de promeneur solitaire plus ou moins écorché.
« La bouche grande ouverte, j’avale des mouches noires mais j’en ai rien à foutre », dit-il dans la pièce titre. Cette ligne décrit à merveille ce désabusé qui, malgré les écueils, avance droit dans ses bottes dans cette vie de musicien plus ou moins marginal qui voit probablement venir la cinquantaine avec une certaine circonspection.
Il en découle un album intimiste qui sublime la banalité apparente du quotidien grâce à des ritournelles country folk accrocheuses, ponctuées de lapsteel, d’harmonica, de violon, de saxophone et de trompette.
Après ses explorations rock psychédélique de l’opus précédent, place aux émotions brutes, aux propos non châtiés mais mijotant dans une mixture orchestrale hautement sophistiquée, allant bieb au-delà du traditionnel socle guitare-basse-batterie. Voilà l’une des belles offrandes de l’année 2024.À surveiller lors du Taverne Tour 2025 qui se déroulera du 6 au 8 février, car du Placard, ça boué ben en criss!