Trente-deux ans après le truculent Milou en mai, voici le succulent Mercure en mai. Le film de Louis Malle se déroulait durant les chamboulements de mai 1968, mais à l’écart de ceux-ci, en province. Les huit chansons et deux instrumentales du nouvel album de Daniel Bélanger défilent, quant à elles, loin de l’actualité et des débats du moment. Remercions-en ce vétéran de la pop de pointe québécoise : pas de prêchi-prêcha, d’incitations à ceci ou à cela, de culpabilisation à hue et à dia. Que des paroles généralement introspectives, que des propos poétisés selon le mode opératoire bélangien : élans aériens et lumineux qui butent, par moments, tout doucement, sur les limites de la versification et de la prosodie. Qu’importe, lorsque ces mots émergent de la gorge de Daniel pour s’harmoniser à des mélodies également bélangiennes, le musicophile profite pleinement de la succulence susmentionnée.
Dans ce Mercure en mai, les textes de Bélanger sont exempts de ces facéties qui les agrémentent parfois (sauf peut-être, légèrement, dans Dormir dans l’auto, un clin d’œil au J’ai couché dans mon char de R. Desjardins?). Daniel Bélanger traverse une phase sérieuse? On n’y entend rien de grave. Musicalement, point d’incursions dans les idiomes country, comme dans Chic de ville (2013), ou funk, comme dans Nous (2009). Sur Mercure en mai, l’électro-pop-folk règne. Avec, bien sûr, quelques citations transcendant ce sous-genre, comme les percussions synthétiques à connotation africaine de Pendu aux étoiles, le rythme jazz chaloupé et les onomatopées à la Francis Lai-François de Roubaix de Oh no!!! ou encore, dans Il faut s’accorder, ces effusions de synthé qui évoquent le Moog de feu Keith Emerson (« Oh, quel homme chanceux il était… »).
Outre un coup de main de Robbie Kuster à la batterie et de Guillaume Doiron à la basse, Daniel B. a tout fait lui-même, sur ce Mercure en mai. Le résultat est probant, à la hauteur des capacités exceptionnelles de ce jeune homme de 60 ans.