J’aime beaucoup Christina Pluhar et son ensemble L’Arpeggiata. Je ne suis donc pas impartial, ceci dit en toute transparence. Mais je ne crois pas un instant que quiconque m’en tiendra rigueur tellement la qualité des offres musicales de l’artiste autrichienne au grand cœur italien (mais pas que) est indéniable. Ce qui enthousiasme le mélomane dans la façon Pluhar, c’est le regard également bienveillant qu’elle porte envers la musique ancienne savante et folklorico-pop du Moyen-Âge jusqu’au Baroque. On le perçoit aisément dans le répertoire, mais aussi dans le style d’interprétation de toutes les musiques qu’elle touche. Qu’il s’agisse de pièces de Monteverdi ou du répertoire populaire anonyme du 15e siècle, la même énergie et surtout le même sens de la liberté se dégage de son jeu. Oui, la liberté, c’est le fil d’Ariane de tout ce que Christina Pluhar touche musicalement. On ne sent jamais, archi jamais, de recette et de posture guindée dans le jeu musical de l’une ou l’autre des œuvres interprétées. Motets ou danses rustiques, toute musique devient plaisir sensoriel.
Passacaille de la folie pige dans le répertoire profane ‘’sérieux’’ des 16e siècle et 17e siècles, celui des chansons d’amour (la ‘’folie’’ du titre) de compositeurs savants, initialement inventées à la cour de France vers la fin des années 1500, mais qui a essaimé un peu partout par la suite. On y retrouve des compositeurs peu connus du grand public, mais de notoriété moyenne dans le milieu classique, tels Étienne Moulinié, Michel Lambert (rien à voir avec La Bottine souriante), Robert de Visée, Antoine Boësset. Ces chants, parfois empreints de grande tendresse, parfois aussi plus truculents, voire osés, côtoient des pièces instrumentales dansantes qu’on devait assurément entendre avec plaisir dans les cours royales d’Ancien régime.
Si Pluhar et son ensemble sont les véhicules parfaits pour donner une nouvelle vie à ces brillants petits joyaux, le contreténor Philippe Jaroussky sert quant à lui de guide à travers ce cabinet de merveilles plus-que-vintage. Si le vibrato un peu plus large qu’à ses débuts atténue quelque peu la pureté tonale de sa voix, Philippe Jaroussky demeure un interprète qui s’incarne habilement dans les textes et les affects suggérés par la musique. Il faut le voir sur scène pour constater le formidable acteur qu’il est.
Plongez dans le temps et laissez-vous séduire… courtoisement.