Les quatre gars de Chat Pile ne sont guère diserts quant à leur identité. On ne sait pas leurs noms réels, puisqu’ils ont adopté des alias loufoques : Cap’n Ron pour le batteur, Luther Manhole pour le guitariste, Stin pour le bassiste et Raygun Busch pour le chanteur. Sinon, on sait qu’ils viennent du centre-sud des É.-U., plus précisément d’Oklahoma City. Puisque God’s Country est le premier opus complet du groupe, après deux microalbums parus en 2019, on en déduit que ses membres n’étaient sans doute pas nés lorsqu’un monstrueux cinglé a fait détonner un camion chargé d’explosifs devant un immeuble fédéral, en 1995. Peut-être pas au monde, donc, mais il serait tout plausible que cet épouvantable attentat ait influé, une génération plus tard, sur les créateurs de ce recueil d’une noirceur inquiétante.
Le nom du groupe désigne les tas de fragments toxiques résultant du broyage du minerai de plomb-zinc. Selon la notice descriptive de l’album sur Bandcamp, les musiciens de Chat Pile vivent à proximité de ces amas délétères. Et ils en ont plein les bottes de la pandémie. Et du capitalisme débridé. Et du désespoir qui afflige le Midwest. Et ils absorbent énormément de THC. Bref, on balance tout ça dans un mélangeur « Magic Bullet Single Shot » acheté chez Costco, on saupoudre d’un peu de Shellac, d’Oxbow et de Baroness, puis on appuie sur le bouton. La potion obtenue tient davantage du pudding à l’arsenic que du smoothie fraise-cantaloup. Au fil des quarante minutes que dure God’s Country, le musicophile se tape une enfilade de coups de massue sur la noix. Les acceptions death, thrash et sludge du métal s’imbriquent pour cogner très fort. La guitare est maximalement abrasive, la section rythmique se lance parfois dans des élans post-punk et Raygun Busch hurle comme si on lui rôtissait la plante des pieds à la lampe à souder.
S’agissant de brutalité musicale, c’est ce qu’on a entendu de meilleur cette année.