« Ensorcelée », chantait Daniel Bélanger au début des années 1990; le musicophile risque fort de l’être, ensorcelé, à l’écoute des voix croisées de Fabien Guidollet et de Sammy Decoster, les deux sorciers vaporeux qui forment Facteurs Chevaux. Dans la même chanson, Bélanger enchaînait avec « Sans calme et sans repos jamais ». C’est là que les plans divergent, car Facteurs Chevaux nous en invoquent des tonnes, de calme et de repos.
Sammy Decoster et Fabien Guidollet ont collaboré au sein du groupe parisien Verone, fondé par Fabien et Delphine Passant. Sammy a été accompagnateur-guitariste d’Ultra Orange et a créé deux albums. Le duo doit son nom à Ferdinand Cheval, facteur de son métier, qui a passé plus de 30 ans de sa vie à dresser son « Palais idéal », monument d’art brut qui se trouve à Hauterives, dans la Drôme (le facteur Cheval a d’ailleurs fait l’objet d’un film de Nils Tavernier, en 2018). C’est au Palais idéal, entre autres, que Facteurs Chevaux ont écrit et composé les chansons de Chante-Nuit, album qui suit La maison sous les eaux, paru en 2016.
Le folk de Facteurs Chevaux se distingue par son minimalisme. Les harmonies vocales sont sobrement accompagnées d’accords de guitare. Les chansons exhalent une langueur intemporelle et décidément rurale; elles semblent avoir cheminé longtemps, par monts et par vaux, pour aboutir à nos oreilles. Contrairement aux frangines suédoises de First Aid Kit, qui reproduisent admirablement le son de leurs idoles des Appalaches, Facteurs Chevaux créent un folk montagnard doté de sa propre singularité. La méthode de création du duo s’apparente peut-être davantage au « folk imaginaire » que préconise avec succès le groupe slovène Širom. Celui-ci s’inspire de l’environnement bucolique de la Slovénie sans toutefois faire de musique traditionnelle.
Un ethnomusicologue pourrait sans doute départager la tradition de l’invention, dans le folk alpin de Facteurs Chevaux. Retenons surtout que cette musique est authentiquement ensorcelante.