Lors de la dissolution du groupe Zen Bamboo en 2020, Charles-Antoine Olivier, Léo Leblanc et Xavier Touikan ont promis de revenir musicalement « sous un autre nom, sous une autre forme ». Les voici alors trois ans plus tard en tant que Blesse, nouveaux, transformés, avec leur album Normal.
C’est par un esprit évidemment rock, mais infusé d’expérimentation électro (ou « post-prod DIY » comme leur site web précise) que le groupe se démarque. Ils ont joint leurs forces avec Valentin Ignat (Hubert Lenoir, Lydia Képinski, Bibi Club) pour la réalisation. L’influence d’icônes alt-rock et électro se fait entendre : un peu de MGMT et LCD Soundsystem sur LTAM ; une trace des jeux de guitare façon The Strokes sur « Gants noirs ». Malgré les influences, le mélange est original, homogène, coule de source. Il faut dire que ces trois musiciens ont un bon instinct de composition. Leur Petite lune est un exploit au niveau de la structure : dans les quelques quatre minutes de ce morceau pop rêveur et acidulé, plusieurs virages à gauche imprévisibles donnent instantanément envie d’y revenir.
À tout cela s’ajoutent des paroles chargées de sens, qui transmettent clairement une volonté d’affirmation, une honnête vulnérabilité. Les trois membres ayant dit qu’ils se sentaient créativement écrasés dans leur projet précédent, on ressent le tout comme une sorte d’exorcisme d’un malaise accumulé. N’y voyons pas que douleur, cependant. C’est aussi l’euphorie du premier pas, un air de renaissance et de libération qui se traduit autant par des paroles tendres que des cris déchirants, comme sur Météore. C’est d’autant plus l’affirmation d’une amitié saine et sans piédestal, les trois membres s’y passent le micro d’une chanson à l’autre. La figure trop souvent insidieuse d’un frontman n’a pas sa place ici.
C’est donc une première proposition réussie pour Blesse, rien de moins que la promesse d’un futur enflammé. On le sent, on le sait : ce n’est qu’un début.