C’est avec sa participation au magnifique album Chambre avec vue d’Henri Salvador, pour lequel il cosignait quatre titres dont le classique Jardin d’hiver, que Benjamin Biolay fit une entrée fracassante sur la scène de la variété française top qualité.
C’était il y a un peu plus de 20 ans. Puis il nous a donné des œuvres très senties sur le plan atmosphérique, dont Rose Kennedy qui lui valu la Victoire de l’album révélation de l’année 2002 et sur lequel on entrevoyait les volutes de Gainsbourg se répandre ici et là.
Après quelques opus moins retentissants, il ébranle les colonnes du temple en 2009 avec le bien nommé La Superbe, un des apports incontournables au corpus de la variété française. Depuis ce temps, on attendait l’œuvre qui nous transporterait autant que le fit ce double album conceptuel qui explorait une rencontre amoureuse de l’ivresse du début à la cruauté du quotidien qui s’installe, entraînant la rupture dans son sillage.
Onze ans plus tard, on fondait nos espoirs sur Grand Prix, son 9e album studio qui succédait au discret Volver, paru en 2017. Allait-il nous rendre accros comme le fit La Superbe, cette épopée intime si marquante? Malgré Comment est ta peine?, notre morceau hyper accrocheur, envoûtant et coup de cœur de l’année 2020, l’album articulé autour de sa passion pour les bagnoles de course ne distillait pas les essences enivrantes tant attendues, hormis quelques titres convaincants dont Comme une voiture volée, Vendredi 12 ou encore la chanson-titre.
Et maintenant, ça y est, vous demandez-vous?
Moins enveloppant sur le plan du spleen atmosphérique que La Superbe, Biolay nous frappe néanmoins droit au plexus grâce à ce don qu’il possède de créer des mélodies des plus ensorcelantes. C’est notamment le cas du titre Les Joues roses, qui cartonnera assurément partout où l’on aime danser en français, et du très réussi morceau Rends l’amour.
Mélomane amateur de The Strokes et de The Fab Four et aussi fana de Ferré, l’artiste en retient l’audace langagière allant même jusqu’à nous avouer, en guise de métaphore, qu’il a « fait prostitué » dans le morceau (Un) Ravel. Ça nous change d’une certaine aseptisation généralisée.
Comme Gainsbarre en son temps, Biolay, qui s’est récemment épanché sur son penchant pour la vodka, aime collaborer ou s’amouracher des plus belles artistes de la scène musicale. Après Karen Ann, Chiara Mastroianni et Vanessa Paradis, le frère de la chanteuse Coralie Clément propose cette fois un duo avec Clara Luciani, la pop star du moment, pour la très accrocheuse composition Santa Clara.
Bref, pour ce 10e album qui aligne 17 titres, on ne recensera pas les innombrables collaborations avec tout ce qui compte en France, dont Isabelle Boulay. Biolay semble plus serein, moins aigri, heureux d’être content et libre de danser sur des textes, ma foi, pas piqués des vers, bien au contraire.
M’est avis qu’on prendra assurément des refills jusqu’à plus soif et basta pour La Superbe. Exit la mélancolie, place à la fête. Champagne!