Heinrich-Joseph Riegel (devenu Rigel en France) est un compositeur de naissance allemande (1741), mais qui a vécu l’essentiel de sa vie professionnelle à Paris (jusqu’à sa mort en 1799). C’est quelqu’un de presque totalement oublié que nous permettent de redécouvrir ici ces interprètes québécois de très belle tenue, en collaboration avec le Centre de musique baroque de Versailles. On y retrouve des extraits d’œuvres lyriques très agréables, comme la ‘’comédie pastorale’’ Blanche et Vermeille, dans laquelle la superficielle Blanche préfère un Prince volage alors que sa vertueuse sœur Vermeille trouve son bonheur chez le fidèle Colin. Blanche et Vermeille est à l’origine un conte moral (ça, on l’avait deviné!) de Marie Leprince de Beaumont, autrice de… La Belle et la Bête! Le drame lyrique Alix de Beaucaire raconte l’histoire de la fille d’un Seigneur prêt à se sacrifier pour sauver son enfant, né d’une union interdite par son père. Si dans ces deux ouvrages, Rigel fait de l’édifiant moralisateur, il vire totalement à la propagande pour Paulin et Henri, de 1793. On est en pleine Terreur, et l’histoire d’un prêtre qui trouve un trésor et le remet aux autorités légitimes a autant de subtilité qu’une tonne de briques.
Heureusement, après plus de deux siècles, il est aisément loisible de nous extirper des considérations idéologiques ceinturées pour apprécier l’habileté mélodique de ce compositeur. Sa plume est en effet aérée, conduisant des émotions simples et directes, mais très agréablement conviées. On soulignera les excellentes lectures faites par la soliste québécoise Magali Simard-Galdès, toujours aussi agile dans son soprano lumineux, et par le ténor anglais Nicholas Scott, au timbre mesuré et au charme élégant.
À ce lyrisme très accessible, on ajoute quelques mesures instrumentales, domaine ou Rigel s’est également bien démarqué à son époque. Un Concerto pour pianoforte en fa majeur et une Sonate en ré mineur nous offrent l’occasion d’entendre encore une fois le juste talent de Mélisande McNabney au pianoforte, et la Symphonie en sol majeur, op. 12, no 2 ouvre la porte à un déploiement raisonné de couleurs par Arion et Mathieu Lussier.
En tout et partout, un album de découvertes très réussi.