Il y a bientôt 20 ans, le jeune groupe français Alcest lançait son EP Le secret, une proposition mettant en symbiose la légèreté et la douceur du shoegaze avec la noirceur et les mélodies stridentes du black métal. Aujourd’hui, le duo maîtrise parfaitement cette esthétique et livre un septième long jeu tout en lumière et nostalgie.
Maîtriser le clair-obscur, cela signifie aussi être capable d’en sortir pour approfondir les diverses facettes de ce mélange. Sur Écailles de lune (2010), Alcest empruntait beaucoup à l’héritage du black métal dans des morceaux assez progressifs, alors que Shelter (2014) évacuait presque toute trace de musique pesante dans un pastiche à la Slowdive et autres pionniers du shoegaze. En 2016, l’album Kodama a ensuite fait ressurgir les racines black métal du groupe, quoique c’est l’inspiration délibérée de l’œuvre du réalisateur japonais Hayao Miyazaki qui insufflait alors toute sa personnalité à l’album.
Sur Les chants de l’Aurore, on a du mal à identifier ce qui démarque l’album des autres. Il est certainement plus cohérent et constant que son prédécesseur Spiritual Instinct (2019), mais on ne peut s’empêcher d’y entendre une certaine redondance. C’est potentiellement la sortie la plus symbiotiquement « Alcest » depuis le classique Souvenirs d’un autre monde (2007), mélangeant de façon indiscernable les pôles esthétiques. La comparaison est d’autant plus pertinente que ces deux opus traitent à parts égales de souvenirs. Le retour aux sources dans la musique étant donc de circonstance. Les chants de l’Aurore enchaîne lui aussi des morceaux structurellement simples, construits autour de couplets et refrains accrocheurs qui s’étirent selon des durées variables d’une piste à l’autre. Sorte de rock lourd, mais éthéré d’où émergent d’occasionnels cris tranchants parmi les chants lointains, la musique fait l’économie de développements complexes au profit de variations sur ses thèmes. Les couches de trémolo appuyant les mélodies viennent renforcer un arrière-plan agressif, sans toutefois dénaturer le ton feutré de l’ensemble.
De façon générale, ce nouvel album se démarque moins parmi la discographie d’Alcest. Sa mélancolie estivale, qui rappelle celle du premier album, pourrait tout aussi bien plaire que décevoir selon le rapport que chaque auditeur a avec le groupe. Chose certaine, Les chants de l’Aurore est un album accrocheur, efficace et mature. Dès la première écoute, les mélodies s’imprègnent à l’esprit et invitent à contempler les vestiges de saisons passées.