Voici la seconde partie de l’interview de PAN M 360 réalisée par Alain Brunet avec le programmateur (et tromboniste) Modibo Keita, la meilleure tête de jazz dans l’équipe de programmation du Festival International de Jazz de Montréal (FIJM) 2025. Il poursuit la nomenclature des meilleures prises du festival parmi les plus ou moins 300 programmes présentés cet été, soit du 26 juin au 5 juillet. Très instructif!
Interviews
En avril 2024, la carrière de Carbonne a connu un tournant spectaculaire : son morceau Imagine est devenu viral sur les réseaux sociaux, rencontrant un succès monstre qui l’a propulsé au sommet des palmarès et sur les plus grandes scènes de France. Près d’un an plus tard, le natif de Montpellier traversait l’Atlantique pour réchauffer la scène des Francos avec ses hymnes ensoleillés.
Âgé de 28 ans, Carbonne, de son vrai nom Pierre Carbonne, propose un savant mélange d’influences méditerranéennes, d’éléments acoustiques et de textures électroniques. Guitare sèche, cajón et batterie sont au rendez-vous dans des titres accrocheurs qui donnent envie de bouger. Amour, chaleur et mélancolie s’entrelacent dans ses textes pour un cocktail solaire et entraînant.
De passage sur la grande scène des Francos la semaine dernière, le chanteur français s’est accordé parfaitement à l’ambiance estivale, transformant le Quartier des spectacles en véritable piste de danse. L’effervescence des Montréalais amassés devant la scène témoignait de l’ampleur de son succès ici : un an après sa sortie, Imagine cumule encore plus de 200 000 écoutes mensuelles au Canada.

Vous avez manqué son passage au Québec? Pas de souci : Carbonne sera de retour en spectacle à Montréal, au Studio TD, le 21 novembre prochain. Pour vos billets, c’est ici.
Avant de reprendre l’avion pour la France, PAN M 360 a jasé avec lui de son séjour québécois, de sa vie depuis le phénomène Imagine, de ses débuts en musique et bien plus encore.
PAN M 360 : Bienvenue au Québec! Votre séjour ici a été très chargé. Comment avez-vous vécu l’expérience?
CARBONNE : Oui, en effet, on est arrivés et on a joué au Festival Franco-Ontarien à Ottawa. Ensuite, on est allés à Montréal, et j’ai fait la première partie du concert de Fredz au MTELUS. Après, j’ai terminé le tout avec ma performance sur la Scène Rogers aux Francos. Ça s’est enchaîné, mais c’était très bien. C’était la première fois que mon équipe et moi venions ici.
PAN M 360 : Quel est votre ressenti par rapport à votre passage ici?
CARBONNE : Franchement, c’était la folie. C’était incroyable. Mon dernier spectacle sur la grande scène des Francos était complètement fou. La foule était très impressionnante. J’ai eu la chance de me balader dans le Quartier des spectacles et j’ai pu essayer quelques restaurants, c’était trop bien. Ce qui m’a régalé au Québec, c’est à quel point les gens sont bienveillants. L’ambiance est géniale et agréable.
PAN M 360 : Lors de votre prestation sur la grande scène des Francos, vous disiez être fier et heureux que votre musique vous ait amené ici. Que représente cet accomplissement pour vous?
CARBONNE : C’est incroyable, ça démontre que notre musique traverse les frontières. Ça permet à mon équipe et moi de venir ici. Grâce à ça, on a vécu une superbe semaine.
PAN M 360 : Pour nos lecteurs qui ne sont pas familiers avec votre parcours : d’où venez-vous? Et votre passion pour la musique, c’est une histoire de famille, n’est-ce pas?
CARBONNE : Je viens de Montpellier, donc du sud de la France. J’ai commencé la musique à l’âge de 4 ou 5 ans. Comme je disais sur la scène des Francos, j’ai commencé par la batterie et mes premiers cours m’ont été enseignés par mon oncle. Maintenant, il est sur scène à la batterie avec mon équipe, c’est incroyable. J’ai joué de cet instrument pendant une dizaine d’années et, en parallèle, j’ai commencé à écrire mes premiers textes. Petit à petit, j’ai sorti mes premières vidéos à 18 et 19 ans. Cela m’a mené à où j’en suis aujourd’hui.
PAN M 360 : Vous l’avez mentionné, vous partagez la scène avec votre oncle. Que représente cela pour vous?
CARBONNE : Ça veut dire que les choses se sont bien faites et que tout prend son sens. Je pense que quand tu fais les choses sincèrement, au bout d’un moment, tout commence à prendre son sens. Mon oncle a déjà fait des tournées au cours de sa vie, c’était logique de l’avoir avec nous.
PAN M 360 : Qu’elles soient méditerranéennes, rap, électro ou hip-hop, vos influences sont multiples. Comment décririez-vous votre son?
CARBONNE : En effet, les influences méditerranéennes sont très présentes et il y a beaucoup d’éléments acoustiques; il y a beaucoup de guitare sèche et de cajón. En même temps, le tout est mélangé à des sonorités plus électroniques. Ça fait un mélange hybride de tout ça. En termes de mélodies, il y a un côté ensoleillé, mais sur fond de mélancolie. J’aime bien les contrastes. Au quotidien, j’écoute beaucoup de styles différents. J’écoute autant du reggae, de l’électro, du rap français et bien plus. C’est le mélange de tout ça qui m’inspire depuis toujours et qui fait ce que Carbonne est aujourd’hui.
PAN M 360 : Il y a un peu plus d’un an, la parution de votre titre Imagine a bouleversé votre vie en connaissant un succès monstre. Quel a été le plus beau moment depuis la sortie de cette pièce?
CARBONNE : Déjà, le fait de venir au Canada pour trois concerts, c’est incroyable. On a fait une soixantaine de dates en Europe depuis la sortie d’Imagine. C’est fou, j’ai eu la chance de jouer en première partie de Bigflo et Oli devant 30 000 personnes. De voir autant de gens chanter le morceau, c’était quelque chose. En tournée, on va à la rencontre du public et on réalise que cette chanson a permis à beaucoup de gens de nous découvrir.
PAN M 360 : Quelques semaines avant Imagine, vous avez sorti un morceau intitulé Tout va changer. Vous avez vraisemblablement un don pour prédire l’avenir! Dans cet ordre d’idée, quel sera le nom de votre prochain titre?
CARBONNE : Franchement, je ne sais pas du tout, je vais me laisser me prononcer à travers ma musique. En tout cas, c’est vrai qu’on a sorti Tout va changer le 4 avril et la vidéo d’Imagine a percé sur les réseaux sociaux le 17 avril. C’est fou!
PAN M 360 : Comment votre équipe et vous avez-vous vécu le fait de voir le nombre de vues grimper de manière phénoménale sur l’extrait d’Imagine publié avant la sortie du morceau? La chanson était-elle complétée lorsque la vidéo est devenue virale?
CARBONNE : Ça fait longtemps qu’on fait de la musique, donc cela ne nous a pas effrayés. Par contre, il fallait rester concentrés et surfer le plus loin possible sur cette vague. C’est pour ça qu’on a directement enchaîné avec une tournée.
Non, je n’avais que le refrain, elle n’était vraiment pas terminée. Ça a été fait très rapidement, dans la précipitation même, mais une bonne précipitation. Le résultat était à la hauteur.
PAN M 360 : Dans votre plus récent EP Par nous-mêmes, Música évoque un moment où vous étiez à la croisée des chemins et remettiez en question votre carrière musicale. Comment est né ce morceau?
CARBONNE : J’ai écrit ce morceau en décembre 2023 et janvier 2024. Ça faisait des années que je sortais de la musique et que j’étais déterminé. À un certain moment, j’ai commencé à me dire : « Bon, c’est bien, tu vis un peu de la musique, mais peut-être qu’il faudrait que tu ailles te trouver un travail plus stable ». Dans cette chanson, je m’adresse à la musique, et 3 ou 4 mois après, il s’est passé ce qu’il s’est passé avec Imagine. Ça démontre qu’il ne faut jamais abandonner et qu’au bout d’un moment, on récolte le fruit de notre travail.
PAN M 360 : Vous avez votre propre structure musicale, appelée PNM Production, et vous avez d’ailleurs sorti la majorité de votre matériel sous cette étiquette. Quelle est l’importance de ce projet pour vous?
CARBONNE : Ça permet de décider vraiment de ce que tu veux faire, d’aller loin dans ton propos et qu’il ne soit pas biaisé. Ça permet aussi de choisir les partenaires avec qui tu travailles. Éventuellement, j’aimerais avoir d’autres artistes sous cette étiquette. Le but, c’est de continuer d’avancer et de faire vivre le tout.
PAN M 360 : Quelle est la prochaine étape pour Carbonne?
CARBONNE : Je suis déjà en train d’œuvrer sur un long et nouveau projet. Nous n’avons pas encore de date de sortie pour le moment, mais c’est en préparation. Restez à l’affût!
Classe de maître le 2 juillet avec le coach vocal Claude Webster. L’audition le 13 juillet, Le Gala d’opéra le 24 juillet. La flûte enchantée de Mozart le 27 juillet. Voilà autant de programme alléchants pour les fans d’art lyrique, Les rendez-vous estivaux fixés par l’Institut canadien d’art vocal (ICAV) le sont depuis 21 ans, voilà une autre occasion de plonger dans ses 4 programmes de juillet. Directeur de l’ICAV et pilote de cette programmation, Marc-Antoine d’Aragon fournit toutes les explications nécessaires à notre préparation au Festival d’art vocal de Montréal.
Avec des racines à Beyrouth et une carrière partagée entre Montréal et New York, Nadim Maghzal est l’une des forces motrices de Laylit, un collectif et une série d’événements mettant en lumière la musique de la région SWANA (Asie du Sud-Ouest et Afrique du Nord) et au-delà. Également connu comme l’une des moitiés du duo Wake Island, Nadim est un producteur, un DJ et un biologiste moléculaire qui consacre désormais son énergie à la musique à plein temps. Nous l’avons rencontré avant son passage au Piknic Électronik, où il jouera aux côtés de Casa Kobrae, Manalou et MNSA, pour parler de son parcours, des origines de la Laylit et du mouvement culturel qui la sous-tend.
PAN M 360: Tout d’abord, comment vous présenteriez-vous ?
Nadim Maghzal : Je suis un artiste originaire du Liban, musicien, producteur et DJ. Je suis maintenant basé à Montréal.
PAN M 360 : Avez-vous toujours été un artiste et un musicien ?
Nadim Maghzal : Mon parcours est un peu complexe. J’ai toujours fait de la musique depuis que je suis jeune, mais lorsque je suis arrivé à Montréal au début des années 2000, j’étudiais la biologie à l’Université McGill. Je suis allée loin, j’ai obtenu un doctorat en biologie moléculaire et j’ai été diplômée en 2013, mais j’ai continué à faire de la recherche et à enseigner. Je suis donc aussi un scientifique, mais la musique a toujours été ma plus grande passion. Avant Laylit, j’étais impliqué dans de nombreux groupes à Montréal, comme des groupes de rock, des groupes punk, de la musique live. Très DIY. Tout s’est fait avec Phil, mon partenaire de Laylit. Nous avons créé Wake Island à Montréal et avons parcouru le monde avec ce projet qui a évolué au fil des ans, passant du rock à la musique électronique et, plus récemment, à la musique expérimentale ambiante. Alors oui, la musique a toujours été au centre de mon univers. Mais j’ai fait d’autres choses dans la vie et j’ai eu beaucoup, beaucoup de chance de pouvoir explorer différentes choses et d’avoir le privilège de pouvoir me concentrer sur la musique ces jours-ci et de travailler dans ce domaine. C’est une bénédiction, honnêtement.
PAN M 360 : L’obtention de votre doctorat a dû prendre une grande partie de votre vie. Comment avez-vous réussi à continuer à faire de la musique ?
Nadim Maghzal : Oui, il m’a fallu environ six ans et demi pour le terminer. La meilleure partie a été de poursuivre la musique en parallèle. C’était d’autant plus étonnant que je faisais de nombreux parallèles entre l’art et la science. Un doctorat peut être vraiment frustrant, surtout en science, quand on fait de la recherche dans son laboratoire pendant tout ce temps. Alors, être sur la route, faire des tournées, être créatif, être en studio, c’était toujours une grande évasion et une belle façon de s’inspirer. Une chose inspire l’autre. Et même si cela semble être des choses complètement différentes, bizarrement, pour moi, à l’époque, elles allaient de pair. Autre fait amusant, puisque nous en parlons, le troisième cofondateur de Laylit, Saphe, qui vit à New York, est également sur le point de terminer son doctorat en anthropologie à l’université de Columbia. Je ne sais pas si c’est pertinent, mais c’est juste un fait amusant.
PAN M 360 : Pour que les lecteurs le sachent, lorsqu’il y a un événement Laylit, tout le monde est en sécurité parce qu’il y a deux médecins. Y a-t-il eu un moment où la musique a pris le dessus ?
Nadim Maghzal : Quand j’étais à New York, de 2015 à 2020, j’avais encore un pied dans le monde scientifique. J’enseignais beaucoup pour joindre les deux bouts parce que le simple fait de faire de la musique peut être extrêmement difficile, surtout quand vous êtes indépendant et que vous essayez de faire des projets intéressants. Notre première soirée Laylit a eu lieu en 2018 à Brooklyn dans un tout petit bar, et très vite en 2019, nous avons commencé à voir à quel point ce projet avait du potentiel. Il faisait partie d’un mouvement à New York qui a vraiment explosé en raison de la nécessité pour des espaces comme Laylit d’exister dans le paysage culturel. J’ai réalisé que Laylit allait prendre beaucoup de temps. J’ai arrêté d’enseigner les sciences et j’ai consacré tout mon temps à Laylit et aux autres projets que nous avions, comme la tournée de Wake Island et la production musicale.
Ensuite, il y a eu la pandémie, une période très confuse, bien sûr, parce que les fêtes, les événements en direct et les tournées sont tous physiques. Je me suis donc demandé ce que je devais faire de mon temps et si la musique était morte ou non. Devrais-je retourner aux sciences ? Peut-être que la musique est morte telle que nous la connaissons, qu’elle n’existe plus. Mais en 2021, lorsque les choses se sont ouvertes à nouveau à New York, nous avons été rassurés et agréablement surpris, car les événements étaient fous. Les gens avaient besoin de faire la fête, et depuis, la musique est devenue tout ce que je fais.
PAN M 360 : Comment expliquez-vous le succès de ces événements ? Vous avez parlé d’un mouvement qui se déroule à New York vers 2018. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
Nadim Maghzal : Lorsque je vivais à New York et que je participais à la vie nocturne en tant que spectateur, il est devenu évident qu’il y avait beaucoup d’espace pour notre peuple (SWANA), notre culture et notre musique, pour simplement exister. Des musiques du monde entier étaient jouées dans les clubs et la diversité était vraiment appréciée. En tant qu’artiste libanais évoluant dans une bulle indie rock à Montréal, j’ai trouvé cela très inspirant. Cela faisait longtemps que je voulais me reconnecter à mes propres racines, et la musique de danse était le moyen idéal pour revisiter et plonger au cœur de ce qui fait de moi ce que je suis, les rythmes, la culture, la langue.
La première fête était très informelle. Nous nous sommes dit : « Hé, organisons une petite fête un mercredi soir et invitons nos amis à venir nous voir ». Nous avons organisé cette soirée dans un bar appelé Mood Ring et nous avons été choqués, c’était plein à craquer. Les gens en redemandaient. À l’époque, on sentait qu’il y avait un besoin dans ce domaine. Notre communauté n’a jamais vraiment eu d’espaces. Pour être clair, il y a toujours eu des événements musicaux, mais la plupart du temps ils restent au sein de la communauté, des mariages, des fêtes en banlieue, mais je n’ai jamais vraiment eu l’impression que la musique arabe était célébrée au cœur de la ville de New York ou de la culture musicale de Montréal. Nous avons réalisé que nous avions une chance d’y arriver et que nous devions y travailler. On devrait y travailler. » C’est ce que nous avons fait, et c’est formidable.
Après le 11 septembre, la culture arabe a été durement touchée. Il a fallu beaucoup de temps à la communauté pour surmonter les préjugés de la société, et nous ne les avons pas encore surmontés, et pour partager la beauté et la diversité de cette culture. C’est ce que nous faisons dans la musique de danse et nous sommes heureux d’y apporter notre petite contribution.
PAN M 360 : Au Liban et au Moyen-Orient, il existe des mouvements musicaux qui s’étendent à de nombreux pays différents. La diversité et la complexité des genres dans la culture SWANA peuvent être difficiles à appréhender. Comment abordez-vous cette question lors de l’élaboration d’une programmation ?
Nadim Maghzal : Lorsque nous nous sommes plongés pour la première fois dans ce projet, nous avons été un peu submergés, en particulier à cause de la diversité que vous avez décrite. Ayant grandi au Liban, et ne serait-ce qu’en écoutant de la pop arabe, les influences sont tellement nombreuses. Ce projet nous a beaucoup appris. C’était un défi de creuser dans le répertoire, de commencer à écouter des choses que nous ne connaissions pas. Essayer de comprendre les aspects sociaux et l’origine des mouvements culturels a été très enrichissant, non seulement du point de vue de la conservation, mais aussi, je crois, pour les membres du public, en ouvrant l’espace à des DJ de toute la région SWANA.
Par exemple, au Piknic, il y a Manalou et Casa Kobrae, respectivement d’Algérie et du Maroc, qui vont tourner avec nous. Ils apportent de la musique et des rythmes originaires de ces régions, des sons avec lesquels je n’ai pas grandi mais qui restent très proches de la musique que je connais, il y a toujours cet aspect de nouveauté qui est vraiment cool.
C’est tellement riche. Nous essayons d’apporter cette diversité de sons au public. Ce n’est pas toujours simple, car certains publics ont une idée préconçue de ce qu’est une fête de la musique arabe, ils s’attendent à entendre des tubes du Top 40. Mais parfois, nous engageons un DJ qui se plonge dans un répertoire plus folklorique, des choses qui n’ont jamais été entendues auparavant. Tant que nous apprenons quelque chose de nouveau, le projet reste intéressant et vivant. Nous sommes ici pour cela, pas seulement pour organiser des événements ou être des promoteurs de soirées.
PAN M 360 : Puisque Laylit couvre des artistes de toute la région sans réduire la musique arabe à un stéréotype, pensez-vous qu’il y ait un fil conducteur dans la région SWANA ?
Nadim Maghzal : Il y a certainement des points communs. Je vais essayer de les décrire en évitant les stéréotypes. Je dirais que la langue est l’élément qui se recoupe le plus, mais même là, la région SWANA présente une grande diversité linguistique. Il y a une langue principale parlée dans de nombreux dialectes, mais il y a aussi l’arménien, le persan, le kurde, le turc, l’amazigh, etc.
Mon point de vue est qu’en général, dans tout ce que j’ai entendu, il y a toujours une générosité dans le son. Qu’il s’agisse d’une chanson d’amour triste ou d’une chanson de fête joyeuse, l’émotion est transmise avec générosité. Il y a moins de retenue. Évidemment, c’est subjectif et ce n’est pas propre à la musique arabe, le jazz peut aussi être généreux, mais contrairement à la techno minimale ou à d’autres musiques plus intellectualisées, la musique arabe a tendance à être plus ouverte sur le plan émotionnel.
Sur le plan rythmique et mélodique, la région partage des structures et des modèles profonds, de la Syrie à l’Égypte en passant par l’Irak. Il y a un langage musical commun, mais ce qui est fascinant, c’est le mélange des influences : musique amazighe, sub-saharienne, blues, africaine… C’est un vrai désordre, mais dans le bon sens du terme. Il y a des éléments unificateurs, mais aussi des différences régionales impressionnantes. C’est ce que nous essayons de mettre en évidence dans nos événements.Sur le plan rythmique et mélodique, la région partage des structures et des modèles profonds, de la Syrie à l’Égypte en passant par l’Irak. Il y a un langage musical commun, mais ce qui est fascinant, c’est le mélange des influences : musique amazighe, sub-saharienne, blues, africaine… C’est un vrai désordre, mais dans le bon sens du terme. Il y a des éléments unificateurs, mais aussi des différences régionales impressionnantes. C’est ce que nous essayons de mettre en évidence dans nos événements.
PAN M 360 : Comment le fait d’être un artiste de la diaspora affecte-t-il votre approche de la musique ?
Nadim Maghzal : C’est la troisième dimension, n’est-ce pas ? Vous prenez toute cette richesse et vous l’ouvrez à la diaspora, et tout ce mélange commence à se produire. Pour ma part, en tant que personne ayant passé la moitié de sa vie au Liban, j’ai beaucoup appris au cours de ce processus. Avec l’âge, il n’est pas plus facile, il devient même plus difficile de savoir qui l’on est, d’où l’on vient. Mais grâce à l’expression artistique, l’hybridation des sons crée des identités uniques pour chaque artiste qui puise dans ses influences.
De plus, en grandissant au Liban, notre musique a toujours été façonnée par la tradition, certes, mais aussi par la musique occidentale. Il en va de même en Égypte et en Syrie. On peut entendre des influences de ballets russes dans des enregistrements des années 1920. En Afrique du Nord, on trouve des disques de reggae arabe. Ce n’est donc pas seulement une question de diaspora, la culture occidentale a fait partie de mon identité musicale très tôt. Nous essayons tous de puiser notre inspiration dans notre enfance, car c’est ce qui résonne le plus.
PAN M 360 : Lorsque vous organisez un événement Laylit, vous avez plus de contrôle, mais à Piknic, vous vous concentrez surtout sur la musique. Comment organisez-vous cet événement ?
Nadim Maghzal : Nous nous adaptons à l’espace dans lequel nous nous produisons. L’accent est toujours mis d’abord et avant tout sur la musique et la programmation. Pour le Piknic, nous proposons simplement un lineup de DJs. Il y aura Manalou, dont j’ai parlé plus tôt, et Casa Kobrae, un DJ marocain de Casablanca qui est maintenant basé à Montréal. L’accent est mis sur les DJs montréalais de la communauté SWANA et sur la mise en lumière de leur expression musicale. Nous espérons avoir un public réceptif et aussi curieux que nous.
PAN M 360 : Dernière question, qu’attendez-vous de cet été ? Qu’est-ce qui vous motive ?
Nadim Maghzal : Lorsque nous avons lancé Laylit, le projet s’est développé si rapidement que nous avons dû concentrer toute notre attention sur les événements organisés à New York et à Montréal. Rapidement, d’autres villes se sont ajoutées et nous avons été tellement occupés que j’ai dû mettre d’autres projets de côté, y compris une grande partie de ce que j’aime dans la musique, la production.
Maintenant que nous avons mis en place un système, nous nous sommes concentrés sur la musique originale en tant que collectif, en ouvrant doucement un label. Nous avons sorti notre première compilation il y a quelques semaines. Ce fut une expérience très enrichissante.
C’est ce qui me motive ces jours-ci, c’est une synthèse de ce que Laylit a été pour moi. Mettre ces sentiments dans des morceaux, encourager d’autres producteurs à faire de même. Pas seulement des DJ sets, mais des morceaux que d’autres peuvent jouer. Saphe, dans notre collectif, dit toujours que la musique voyage plus vite que nous. C’est tellement gratifiant de voir des gens d’Athènes ou de Russie écouter et jouer nos morceaux. Il y a beaucoup de nouvelle musique à venir et nous sommes très enthousiastes à l’idée de la partager.
L’été 2025 à Orford Musique s’annonce encore une fois riche en belles rencontres musicales. Marc-André Hamelin et Charles Richard-Hamelin, Alain Lefèvre, du tango, des piques-niques, pleins de jeunes artistes fascinants, un quatuor en pleine ascension internationale, les rendez-vous passionnants ne manquent pas. J’ai discuté de tout cela avec le directeur artistique d’Orford Musique, Wonny Song.
Cette interview consacrée à la programmation de la saison Orford Musique s’inscrit dans le cadre d’un partenariat de contenus PAN M 360 avec La Vitrine, soit le plus important site web consacré quotidiennement aux sorties culturelles à travers le Québec.
Pour accéder à Orford Musique via La Vitrine, c’est ici!
Le percussionniste montréalais Ziya Tabassian organise, depuis maintenant 11 ans, une série de concerts tous les étés. Jusqu’ici, rien d’étonnant, surtout à Montréal. Mais les siens ont lieu dans son garage! Vous vous rendez au 5226 rue Clark, la porte est ouverte, vous entrez, vous traversez le corridor, la cuisine, la cour arrière et vous arrivez dans un garage aménagé en petite scène avec des chaises et des coussins. Voilà. Dix fois dans l’été, vous y rencontrerez, gratuitement (mais donation volontaire suggérée), des artistes de tous les horizons, de la musique persane au classique médiéval en passant par la Chine, le klezmer, la Mongolie ou l’empire mandingue. J’ai parlé de la programmation de l’édition 2025 avec Ziya Tabassian.
DÉTAILS DE LA SÉRIE GARAGE CONCERTS 2025 ICI
Ce qu’on apprécie au plus jaut point du pianiste montréalais Matt Herskowitz, c’est sa passion et sa maîtrise équivalentes du jazz moderne et de la musique classique. Ce samedi, 16h, dans le contexte de la saison Orford Musique, il compte interpréter les études sélectionnées de Chopin op. 10 et op. 25, cette fois recomposées à travers des arrangements originaux où s’invite le jazz. Les influences musicales variées incluent le montuno cubain, le boogie-woogie, le tango, le gospel ou le ragtime. Ces réinterprétations/recompositions mènent les mélomanes à revisiter le romantisme de Chopin dans un contexte moderne et jazzy. Le meilleur des deux mondes, explique Matt Herskowitz à Alain Brunet dans cette interview vidéo.
Samedi soir à la Sala Rossa, les Suoni Per Il Popolo accueillent Sanam, groupe inclassable mariant le post rock, le bruitisme, l’ambient, la musique classique arabe et plus encore. Sandy Chamoun (voix), Antonio Elhatt Moussa (basse et électroniques) , Farah Kaddour (bouzouk), Anthony Sayoun (guitares, électronique), Pascal Semerdjian (batterie), Marwan Tohme (guitares) se joindront sur scène à leur ami et collègue musicien Radwan Ghazi Moumneh (Jerusalem in my Heart), avant d’enregistrer de la nouvelle matière à l’Hotel2Tango où réside le label Constellation. La fameuse étiquette sera celle de Sanam pour un album à paraître en septembre prochain. Il est ici question de créer en temps réel sous les missiles israéliens, de poursuivre la démarche tout en résistant à cette épouvantable adversité. Voilà un entretien des plus instructifs pour nous, privilégiés de l’Occident.
Ponteix, de son vrai nom Mario Lepage, a grandi dans le village francophone de St-Denis en Saskatchewan. Son album le canadien errant, paru en février, raconte son périple personnel de l’Ouest canadien à Montréal, où il vit désormais. Ne vous y trompez pas: Ponteix embrasse des sonorités très modernes, qui rappellent parfois Karkwa. Son dernier album a été co-réalisé par Louis- Jean Cormier. Ponteix sera en concert gratuit aux Francofolies jeudi 19 juin, à 18 heures sur la scène Loto-Quebec. Michel Labrecque s’est entretenu avec Mario Lepage pour PAN M 360.
Inspiré par feu le peintre québécois Jacques Hurtubise (1939-2014), Hippie Hourrah a pondu beaucoup de musique depuis 2023: d’abord l’album Exposition individuelle, plus pop et fondé sur la forme chanson, et puis tout qui vient de nous être balancé en juin 2025: l’album instrumental Il y eut un rythme sous étiquette Simone Records dont les musiques contribuent à magnifier les six cycles de la vie créative de ce très grand artiste visuel contemporain. Ces tableaux audiovisuels sont projetés à la Satosphère dans une production immersive de 30 minutes pour dôme 360°. Voilà la fusion ces musiques de Hippie Hourrah et des concepts visuels de l’équipe créative de Normal Studio! Saisir le Chaos est présenté à la Satosphère de la SAT jusqu’au 19 juillet. Pour PAN M 360, Alain Brunet a absorbé toute cette matière et ensuite posé moult questions aux compositeurs du concept: le guitariste Gabriel Lambert et le percussionniste Miles Dupire-Gagnon, tous deux multi-instrumentistes de surcroît.
Guérison est une œuvre de la saxophoniste, compositrice et improvisatrice Joane Hétu (paroles et musique) pour l’Ensemble SuperMusique (ESM) et la Chorale Joker. Cette création est construite en trois mouvements, l’artiste y aborde les thèmes de l’épreuve, de la douleur, de la résilience, la guérison étant l’heureuse conclusion.L’inspiration provient d’un fait bien réel: en avril 2021, la fille de Joane Hétu fut atteinte d’un cancer des seins dont elle dut subir l’ablation, le tout suivi de 18 mois de traitements intensifs avant de se trouver enfin en rémission. Cette épreuve dramatique, vécue par tant de femmes, est l’épicentre de l’œuvre, dont Joane Hétu croit la portée universelle.À quelques jours de sa création sur scène, soit les jeudi 18 et vendredi 19 juin à l’Espace Orange de l’Édifice Wilder, Joane Hétu nous en apprend davantage sur la construction de l’œuvre et sa corrélation avec cette expérience familiale des plus douloureuses. Alain Brunet lui a posé les questions qui suivent.
PAN M 360: Y a-t-il à ajouter sur ce cycle très éprouvant de ta fille et de votre vie familiale?
Joane Hétu: L’écriture et la réalisation de cette pièce, tout en étant imprégnées par la réalité de cette expérience, étrangement, s’en détachent. Le projet a sa propre vie et devient une œuvre qui a sa propre indépendance.
PAN M 360 : À quel moment as-tu pensé en faire l’évocation musicale?
Joane Hétu: À vrai dire, depuis plus d’une dizaine d’années, je souhaitais réaliser un grand projet réunissant la Chorale Joker et l’Ensemble SuperMusique. Je rêvais d’un opéra. Mais je ne trouvais pas le sujet. Sans sujet, pas d’opéra, pas d’opéra sans sujet.
À partir du diagnostic de ma fille, j’ai commencé à tenir un « journal de bord » à caractère poétique, sans but. Comme ça, les mots venaient et m’apaisaient. Et au bout de six mois, j’ai réalisé que j’avais déjà rassemblé un bon corpus de textes et que je tenais mon sujet pour ce grand projet que je remettais d’année en année.
Pour donner vie à ces thèmes, Guérison offre une expérience sensorielle riche et immersive mêlant récit, musique, poésie et art visuel. La pièce s’ouvre sur l’angoisse des rêves brisés, puis évolue vers un clair-obscur où s’entremêlent acceptation et lutte. L’espoir, d’abord ténu, éclot progressivement jusqu’à la célébration des survivantes, une grande fête musicale clôture l’œuvre. Bien que ces sujets soient graves, la pièce est traversée par un souffle d’espoir.
PAN M 360 : Comment peut-on associer des sons à cette trame dramatique?
Joane Hétu: Je n’ai pas composé en associant des sons à la thématique en tant que telle. Avec le temps, l’idée de l’opéra s’est estompée et a été remplacée par la forme semblable à la Passion selon Saint-Matthieu, à savoir des récitatifs, des grandes chansons, des chorals, et des juxtaposition chansons/chorales. Comme j’avais beaucoup de texte, cette forme me convenait parfaitement. J’avais une histoire à raconter (les récitatifs) et j’avais des moments touchants à évoquer (les chansons /chorales). Donc, dans un premier temps, j’ai réécrit les textes et je les ai attribués aux différentes formes. Ça été une étape assez longue, plusieurs mois pour arriver à la cohérence du livret.
PAN M 360 : De quelle manière as-tu choisi les matériaux pour illustrer l’angoisse, l’acceptation, la lutte, la rédemption et la célébration de la victoire contre l’adversité ?
Joane Hétu: Je ne suis pas certaine d’avoir consciemment décidé du caractère mélodique de chaque texte. Les mots étaient déjà assez puissants et la musique s’est imposée d’elle-même. C’est difficile à expliquer mais la musique a émergé de l’inconscient.
PAN M 360: : Dans un contexte tonal, les référents existent depuis les débuts de la musique écrite, mais dans un contexte contemporain, comment t’y es-tu prise?
Joane Hétu: Au départ, je souhaitais travailler dans un contexte d’improvisation avec les participant·es en incluant la gestuelle de direction en musique improvisée que j’utilise, car l’ESM et la Chorale Joker partagent la connaissance de cette gestuelle. Toutefois, je n’ai pas reçu toutes les subventions nécessaires, en fait j’ai reçu très peu de subventions, et j’ai dû modifier mon projet. Travailler en improvisation, ça demande beaucoup de temps et je n’avais pas l’argent pour réaliser ce processus. J’ai donc composé toute la musique à l’avance. Ça sonne comme ma musique, c’est de la musique actuelle écrite.
PAN M 360 : Comment as-tu choisi l’instrumentation et les interprètes?
Joane Hétu: C’est un peu le hasard de la vie. Je suis partie à la base avec les membres de l’ESM et de la Chorale Joker. Toustes sont très occupé.e.s, car les cachets sont si faibles qu’il faut faire beaucoup de projets pour rejoindre les deux bouts. À cause du budget que j’avais, j’ai dû réduire les deux ensembles à 7 à 8 instrumentistes de ESM, (des cordes, des vents et des percussions) et à 8 participants·e.s pour la Chorale Joker. Je savais déjà que j’avais plusieurs chansons, donc j’ai cherché des chanteuses qui m’inspiraient, au total 5 chanteuses et 3 voix d’hommes pour assurer les basses. Ça été un éprouvant casse-tête pour établir les horaires. J’ai fait mes choix selon les disponibilités et en concordance avec mon plan de travail.
PAN M 360 : Quelle est la part de la structure (écriture, consignes, etc.) et la part de l’improvisation dans ce contexte?
Joane Hétu: Au final, il n’y a presque pas d’improvisation. J’en suis étonnée moi-même. C’est un projet musical unique qui ne ressemble à rien que j’ai déjà composé. Je suis loin de ma zone de confort et en même temps, étonnamment, totalement en harmonie avec le projet. Et comme le projet devenait vraiment écrit, j’ai demandé à Jean Derome s’il voulait faire les arrangements de ces musiques. Et là encore, le projet a pris un tournant. C’est toujours ma musique mais arrangée par Jean Derome, donc il y a le savoir musical de Jean qui s’inscrit dans Guérison. C’est la première fois que Jean travaillait si intensément sur ma musique.
PAN M 360 : Comment as-tu imaginé la part vocale de l’œuvre ?
Joane Hétu: Au début, ç’a été d’attribuer les chansons à chaque chanteuse. Et on a passé beaucoup de temps à bien structurer et maîtriser les chansons. Tranquillement, le rôle de la Chorale Joker a commencé à s’étoffer et on y ajoute encore des lignes.
Une chose importante à mentionner, c’est que j’ai demandé à Camille Paré-Poirier d’assumer le rôle de narratrice du concert. Elle est une autrice-comédienne dans la trentaine et elle incarne ma fille.
PAN M 360 : De quelle manière le chant choral entre en relation avec la partie instrumentale de l’œuvre ?
Joane Hétu: Au final, la Chorale Joker est bien présente. Il n’y a aucune pièce strictement instrumentale.
PAN M 360 : Il est ici question de récit, musique, poésie et art visuel. ? De quelle manière la partie multidisciplinaire est-elle construite? Qui a écrit le récit? Qui a conçu la partie visuelle?
Joane Hétu: Comme j’ai dit plus tôt, le récit est écrit principalement par moi et j’ai emprunté quelques phrases et mots à d’autres écrivain·e.s. Finalement, le théâtre a été mis de côté, pas assez d’argent et de temps. C’est un concert de musique avec projection vidéo réalisé par Poli Wilhelm et Andrea Caladeron-Stephens. Un travail pictural colossal qui épouse la trame musicale.
Pour ce qui est du récit, je tiens à dire que ce ne sont pas les mots de ma fille, c’est ma projection de ce qu’elle a ressenti. C’est un projet qui m’appartient et c’est ce qui rend ma fille à l’aise face à ce projet. Elle me soutient beaucoup dans ce projet, elle est mon totem et mon inspiration. Elle a été tellement puissante dans toute cette tourmente. J’espère vraiment lui rendre hommage.
PAN M 360: Si j’ai bien compris, tu avais pour objectif de faire une œuvre plus ambitieuse que d’ordinaire. Pourquoi cette œuvre en particulier? Serait-ce parce qu’elle évoque l’événement personnel le plus marquant de ton existence? Autres motivations?
Joane Hétu: J’ai le sentiment que j’arrive dans la dernière phase de ma carrière et je souhaitais vraiment faire un grand projet avec la Chorale Joker et l’Ensemble SuperMusique. Ça s’imposait à moi. Effectivement, la thématique m’a tellement marquée qu’elle était toute désignée pour soutenir ce projet. La pièce dure environ 100 minutes.
Et pour terminer, j’aimerais dire que la réalisation de ce projet n’a pas atténué ma peine. J’ai cru que ça pourrait m’aider, ça m’a aidé oui, mais la peine est encore là. Une création ne peut nous guérir de nos blessures, juste l’atténuer et surtout nous aider à affronter notre destin. J’ai beaucoup pleuré en composant Guérison, et il m’arrive encore parfois de pleurer un peu pendant les répétitions, d’avoir la larme à l’œil comme on dit. Je porte ce projet depuis 4 ans et de réaliser un projet qui colle autant à sa vie, c’est parfois lourd et c’est très exigeant.
J’ai vraiment hâte de présenter ce concert. Je suis prête. Et me voilà!
Programme
: Guérison , 2024 (œuvre en trois mouvements : Elle est née – Point de bascule – Héroïne)
– création
Artistes – Michel F Côté s’est retiré du projet pour des raisons personnels, il y a quelques jours.
VERGIL SHARKYA’
(Voix)
(Voix)
(Voix)
(Voix)
(Voix)
(Voix)
(Voix)
(Voix)
(Narration)
(saxophone, flûtes, voix)
(violon)
(violoncelle)
(guitare électrique)
(percussions)
MICHEL F CÔTÉ REMPLACÉ PAR PRESTON PEEBE
(batterie, percussions)
(contrebasse)
(synthétiseur, harmonium)
(saxophone alto, cheffe)
À quelques jours du concert-lancement de son album Dogue dans le cadre des Francos, nous avons pu nous entretenir avec Ariane Roy. Avant la soirée du mercredi 18 au Club Soda, on y parle notamment de la pression d’être une artiste solo, d’une tournée en France et du plaisir à composer tout en faisant du yogourt.
PAN M 360 : Dogue, c’est un album un peu plus sombre, synthétique, différent de medium plaisir. Était-ce une rupture consciente avec l’image un peu plus douce et chaleureuse que projette ton album précédent ?
Ariane Roy : C’est une bonne question. Est-ce conscient ou pas? Je pense que oui, c’est conscient, j’avais envie d’aller ailleurs. Mais ce n’est pas parce que je renie le passé ou que je veux que les gens me perçoivent autrement. Je pense que quelque chose d’autre m’appelait et j’avais envie qu’on ne me colle pas nécessairement une étiquette dès mon premier album, qu’on ne m’associe pas exclusivement à quelque chose.
PAN M 360 : Dans les paroles de Dogue, on sent aussi une prise de position féministe, comme dans la chanson Tous mes hommages. Dénoncer certains comportements, ça rend plus vulnérable ou est-ce plus libérateur ?
Ariane Roy : C’est vraiment plus libérateur pour moi. Ça laissait une place à la colère, à l’affirmation puis en même temps ça me permettait d’utiliser un ton moqueur, sarcastique. Je pense que ça fait un peu partie de moi: j’ai un humour noir, je suis quand même dans l’ironie, puis j’ai envie que ça se transpose dans ma musique. C’est comme si pour moi, la façon simple d’aborder des sujets plus crus, c’est utiliser l’autodérision ou la moquerie et m’amuser avec ça. Je sais pas à quel point je me suis posée la question « ok, j’ai envie que ce soit féministe », ça venait naturellement avec la femme que je suis en général je pense. Je me positionne comme très féministe dans la vie.
PAN M 360 : As-tu une chanson coup de cœur sur ton dernier album ?
Ariane Roy : Tous mes hommages a été une de mes préférées pendant longtemps. J’aime beaucoup cette chanson-là parce que c’est une chanson que j’aurais vraiment aimé écouter comme public. Je trouve que c’est le fun quand tu arrives à ça, tu te dis « moi si ça sortait, je serais vraiment contente de l’écouter ». Ça correspond vraiment à ce que j’aime, il y a les ruptures de ton, j’aime la ligne de basse. Je trouve que ça vient chercher dans le ventre et je trouve ça entraînant, puis en même temps, je trouve ça tendu comme chanson. Je l’ai composée très rapidement cette toune-là, on dirait qu’elle m’est venue naturellement, alors que d’autres chansons ont été plus difficiles à écrire. Je trouvais aussi qu’elle était très différente de tout ce que j’avais fait avant. Je suis contente d’avoir sorti ça.
PAN M 360 : Est-ce que t’as un processus de création bien établi ?
Ariane Roy : Ben je te dirais que c ‘est sûr que des fois c’est plus facile, on le sent, faut comme que t’arrêtes tout. Mettons que t’es en train de faire la vaisselle, c’est quelque chose qui se passe, tu t’en vas pis t’écris. Je pense que quand t’es en création, faut être à l’écoute de ces moments-là, sauf que c’est important pour moi de show up to work chaque jour. C’est-à-dire que chaque jour, je m’assois à mon bureau, je teste des trucs, je vais sur Logic Pro. Il faut tout le temps que j’aie comme une phase exploratoire, même si j’ai pas nécessairement envie d’écrire ou de composer. Il y a une discipline que je dois m’imposer. J’ai besoin d’avoir l’impression qu’ il y a une structure dans mon travail pour sentir que ça sert à quelque chose, sinon j’ai beaucoup trop d’angoisse. Moi je suis facilement distraite, donc il faut que je mette les chances de mon bord. Je suis une bonne élève.
PAN M 360 : Généralement la musique vient-elle avant les paroles ou plutôt le contraire ?
Ariane Roy : Pour cet album-là, ça a vraiment été la musique qui est venue avant, tandis que medium plaisir, c’était pas mal l’inverse. Moi je fais du yogourt quand je compose des chansons, je chante mes mélodies avec des mots semi-anglophones inventés juste pour me donner une piste, pis ça fait en sorte que ça me mène ailleurs. Après, quand j’écris des textes en français, j’essaie de trouver des phonèmes qui ressemblent à ça ou qui ont un peu le même groove sur la musique, ce qui n’est vraiment pas facile. Des fois ça m’a pris 6 mois à écrire un texte. Je ne regrette pas d’avoir fonctionné comme ça parce que je pense que je n’aurais pas composé cet album si j’avais fonctionné autrement. Mais c’est vrai que ça a été une tâche difficile par moment, mais je pense que c’est instinctif pour moi de fonctionner comme ça.
PAN M 360 : En parlant du côté musicalité, tu as travaillé avec Félix Petit pour cet album. C’était comment de joindre vos deux univers musicaux?
Ariane Roy : Ça a vraiment été le fun parce que j’ai pris le temps de composer chez nous, essayer des trucs, trouver mon son, puis on dirait que quand la vision était un peu plus claire pour moi et que je savais où je m’en allais, ça s’est comme imposé. La personne avec qui je devais travailler, c’est Félix. Je suis très admirative de son travail et de ce qu’il a fait avec des artistes avant, puis je pense que Félix, c’est un gars brillant mais qui a aussi une sensibilité d’arrangeur. On s’était déjà rencontrés, mais on ne s’était quasiment jamais parlé avant, puis on a tout de suite commencé à faire de la musique. Je suis arrivée avec mes trucs, pis il m’a vraiment donné confiance en ma vision. Il m’a appris à avoir confiance en mes capacités. Ce que j’ai apprécié aussi, c’est qu’il a pas essayé de me dénaturer. Il a un instinct vraiment impressionnant, Félix. Avec lui, c’est des premiers jets, des premières idées qui sont vraiment hot et audacieuses et artistiquement ça a vraiment, vraiment cliqué.
PAN M 360 : Parlant de collaboration, la semaine passée, LaF a sorti une nouvelle version de leur chanson June avec un de tes couplets. Comment cette collaboration est-elle arrivée?
Ariane Roy : En fait, ce sont eux qui m’ont écrit pour que j’ajoute un verse justement. Leur idée c’était de ressortir June, mais d’une autre façon, on savait pas trop comment encore. Ils étaient comme « explore des affaires », un peu carte blanche, donc moi je leur ai fait un verse. J’ai fait ça chez nous, de mon côté et ils ont trouvé ça nice, donc on s’est rencontrés pour enregistrer ça ensemble. C’était vraiment le fun. Pour vrai, c ‘est vraiment une belle découverte LaF. C’est un groupe que je connaissais, mais pas tant que ça, genre je leur avais jamais vraiment parlé en vrai. Je trouve ces personnes full brillantes, pis full smattes. C’est vraiment le fun de collaborer et je l’aime beaucoup cette chanson-là, fait que je suis contente qu’ils aient pensé à moi pour ça.
PAN M 360 : Et si on parle de collaboration, ça serait quoi ta collaboration de rêve?
Ariane Roy : Ma collaboration de rêve ça serait avec Saya Gray qui est une artiste torontoise que j’ai full écoutée dans les dernières années. Elle est vraiment inspirante pour moi. Ça arrivera sans doute jamais, vu qu’elle est rendue trop big, mais on sait jamais, je le lance dans l’univers pareil.
PAN M 360 : Tu lances Dogue à Montréal cette semaine dans le cadre des Francos. Comment se sent-on à quelques jours de donner un spectacle devant un Club Soda complet ?
Ariane Roy : J’ai vraiment hâte de faire le show et je suis contente qu’on ait eu le temps de le faire plusieurs fois avant aussi. Je suis un peu stressée, mais je suis plus dans l’excitation pour l’instant, il n ‘y a pas encore trop de stress. Ça va me faire du bien je pense d’être en contact avec la foule de Montréal, ça va être le fun !
PAN M 360 : Est-ce que tu as un rituel d’avant show ?
Ariane Roy : On a un bon rituel d’avant show. C’est un peu inspiré d’un rituel qu’on faisait avant le Roy, la Rose et le Lou[p]. On se met en cercle et on fait trois respirations. Après ça, un membre de notre band fait un discours motivateur comme si on allait faire une game de hockey, c’est vraiment un discours d’athlète. Après ça on a un call et c’est « Who let the dogs out » et là, le nombre de « ouh » qu’on fait, c’est le nombre de shows qu’on a déjà fait dans la tournée. Mettons que c’est notre huitième spectacle, on fait huit « ouh ». C’est ben compliqué, mais on fait ça avant tous les shows.
PAN M 360 : Tu reviens de Paris, j’ai vu que tu as fait un spectacle à la Cigale et tu étais déjà allée faire une petite tournée en France dans le passé. C’est comment de faire des spectacles à l’étranger?
Ariane Roy : C’est vraiment le fun ! C’est tout le temps un peu intimidant, parce que tu ne connais pas tant la réception des gens là-bas. Je veux dire, moi j’arrive là en étrangère, en inconnue aussi, mais pour l’instant, la réception est vraiment bonne. Ça a vraiment bien été. Je trouve que c’est le fun d’avoir tout à prouver quand les gens ne me connaissent pas. Moi j’ai comme pas d’attente quand je vais en Europe et je pense que ça m’aide beaucoup à trouver mon plaisir et à trouver ça moins stressant, parce que ça peut être intimidant quand même. Non, j’aime vraiment ça !
PAN M 360 : Finalement, qu’est-ce que ta tournée avec Le Roy, la Rose et le Lou[p] t’a appris ? Es-tu nostalgique de partir en tournée avec une grosse gang ?
Ariane Roy : Honnêtement, je ne me sens pas tant nostalgique, parce que ma tournée en ce moment, je la fais avec l’éclairagiste de Le Roy, la Rose et le Lou[p], alors qu’avant j’avais pas d’éclairagiste, donc on est plus qu’avant. On est quand même huit à partir en tournée, c’est déjà beaucoup. Mais je te dirais que ce que ça m’a appris d’être avec Le Roy, la Rose et le Lou[p], c’est que c’était extraordinaire quand même. Partir en gang en tournée avec des amis, c’est quand même un rêve. Ça prouve que c’est important d’être bien entouré, ça fait une différence. Je te dirais que ça m’a aussi montré que j’ai besoin d’avoir du monde autour de moi quand je pars en tournée, parce que je trouve que ça peut quand même être un métier qui nous fait nous sentir seule à certains moments. Moi ça m’arrive souvent de me sentir seule, parce que c’est beaucoup de pression à porter sur mes épaules. Je pense que quand tu fais le choix d’être un artiste solo, c’est normal, ça fait ça. Veut veut pas, il y a aussi des moments où on est en entrevue et on est plus seule, donc je les apprécie vraiment les moments où je suis avec mon band et que ça devient comme une famille. On porte ça ensemble quelque part et pour moi c’est très rassurant, donc ça m’a fait du bien d’avoir ça avec Le Roy, la Rose et le Lou[p]. Se confier et vivre ça ensemble, surtout qu’on partageait un show à trois, et non seule, ça change la donne.