Du 23 mai au 15 juin, le Festival Classica présente 21 programmes distincts sous le thème Le classique sans limite. Le premier programme est consacré à une version symphonique des Beatles à travers différent travaux. Marc Boucher, excellent baryton désireux de donner du travail au milieu classique et aussi celui du chant lyrique, a fondé Classica et dirige toujours l’événement. Voici le quatrième fragment d’une longue interview réalisée par Alain Brunet, visant à décortiquer la programmation 2025 du festival Classica. On parle ici du programme Valses d’amour, piloté par l’Ensemble ArtChoral et construit autour de Brahms sous la direction de Mathias Maute. Lundi 28 mai !

Antoine Corriveau a 40 ans et survole toujours la nuit. Près de 5 années séparent la sortie de cet Oiseau de Nuit et Pissenlit, aussi sous étiquette Secret City Records et qui marquait alors un changement substantiel de sa facture orchestrale. Des concerts marquants précédèrent et succédèrent la sortie de Pissenlit et puis…

Au terme de transhumances existentielles, voire dépressives, l’artiste a fini par s’extirper de la pénombre et redémarrer le moteur de sa création, pour ainsi inviter une quinzaine de musiciennes et musiciens issus de différents horizons, évoluant pour la plupart au champ gauche de la culture montréalaise –  Stéphane Bergeron (batterie et co-réalisation), Marc-André Landry (basse), Simon Angell (guitare, saxophone), Sheenah Ko et François Lafontaine (claviers et synthétiseurs), Cherry Lena, VioleTT Pi, Rose Perron (voix), Taurey Butler (piano), Éveline Grégoire-Rousseau (harpe), Pietro Amato (cor), Émilie Fortin (trompette), Kalun Leung (trombone), Laurie Torres (piano), Mat Vezio (batterie), Ariel Comtois (saxophone).

Pour la sortie de ce cinquième album studio, Antoine Corriveau accorde cette interview à PAN M 360, menée par Alain Brunet.

PAN M 360:  Cet album  s’inscrit vraiment d’un changement déjà observé en 2019, peu avant la sortie de l’album Pissenlit (2020). Tu avais alors commencé à travailler avec Simon Angell (Thus Owls), Stéphane Bergeron (Karkwa), Pietro Amato (Bell Orchestre). Cette fois,  ils sont toujours là mais une quinzaine de musicien.ne.s ont collaboré à Oiseau de nuit.  Depuis cinq ou six ans, donc, on observe que ta culture musicale a vraiment changé.

Antoine Corriveau: Tu as raison.  Pendant la pandémie, mon ami Marc-André Landry avait  créé un petit groupe d’écoute quand on ne pouvait pas sortir de chez soi, le confinement était à son plus intense. Un de nous sélectionnait deux albums qu’on écoutait ensemble via What’sApp, puis on commentait ce qu’on écoutait. Ça m’a fait découvrir beaucoup de choses.

PAN M 360: J’observe dans ton profil biographique que vos découvertes étaient assez poussées, par exemple Makaya McCraven et Georgia Ann Muldrow.

Antoine Corriveau: Je les ai découverts là-dedans, en effet 

PAN M 360 : Je suis de ceux qui croient que le cadre musical, les arrangements, la réalisation, font la différence entre une chanson générique et une chanson musicalement visionnaire. Il y a plein de monde qui peut pondre de bonnes mélodies et de bonnes progressions d’accords, c’est un univers limité alors que le reste d’une chanson tient d’une créativité infinie. Et toi, Antoine, tu as bien compris ça c’est-à-dire que ta musique a évolué depuis le début. 

Antoine Corriveau: Je trouve quand même que cette approche est  dangereuse, parce qu’il est facile justement de tourner le dos à l’idée qu’une chanson doit se tenir dans sa plus simple expression. J’ai mon propre studio, c’est pour moi devenu facile de tomber dans l’arrangement, dans la production. Ça peut être facile des fois, je trouve, de faire un trip de production lorsqu’il n’y a pas de chanson derrière, ipas de texte qui se tient, il n’y a pas de musique qui se tient, il n’y a pas de progression (d’accords) qui se peut.

PAN M 360: Effectivement, il faut trouver l’équilibre, il faut éviter le dogmatisme, il faut que ça se tienne. Une chanson qui ne se tient pas ne peut compter sur un bel enrobage.

Antoine Corriveau: Ben c’est ça, je vous dirais que l’arrangement ne se peut pas si la chanson s’effondre en cours de route. C’est ben excitant mais…

PAN M 360: Quel fut le noyau créatif au centre de l’album?

Antoine Corriveau: C’est beaucoup moi et Stéphane Bergeron, qui a coréalisé. Ça fait dix ans qu’on joue ensemble. Dans les dernières années, il s’est mis à jouer beaucoup avec l’enregistrement, ajout des pédales, usage des compresseurs,  production de beats. Il me disait, envoie-moi des affaires, puis il gossait de son bord. Je l’ai alors impliqué parce qu’il travaillait beaucoup sur mes chansons. Au cours des dernières années, il a énormément évolué, il continue de chercher de nouvelles affaires. On a fait des trucs ensemble, on a fait de quoi de cool avec ce nouvel album. 

PAN M 360: Méthode de travail pour Oiseau de nuit ?

Antoine Corriveau: Une subvention du Conseil des arts et des lettres m’a permis d’inviter plein de monde en studio que j’enregistrais afin de me créer de la matière au début du processus. 

Au départ, j’avais envie de faire un disque de samples, j’avais mis la main sur une collection de vinyles. J’ai commencé à m’amuser avec ça mais mais je me suis senti un peu limité, n’étant pas un vrai beatmaker.  Je  me suis dit que ce serait peut-être cool de faire mes propres samples sur mesure; un accord une tonalité enregistré me permettait de poursuivre avec des instrumentistes et chanteurs.

Puis il fallait réutiliser ces enregistrements dans les chansons. Après ça, on enregistrait avec Stéphane, Simon et  Marc-André Landry, avec qui on a aussi enregistré une semaine de jams. Plusieurs chansons sont nées de ces séances où j’arrivais avec un riff autour duquel on a construit.

PAN M 360: Plusieurs anglophones ont travaillé, ce n’est pas strictement la famille indie-keb, il y a aussi mélange interculturel et multi-genres dont le hip-hop instrumental et le jazz qui sont très importants dans le résultat final.

Antoine Corriveau: Ouais, ça traduit un peu mes habitudes d’écoute des dernières années.

PAN M 360: Passons en revue quelques chansons d’Oiseau de nuit. On commence par Suzo, qui construit sur un motif de piano. C’est une déclamation proche du rap ou du slam, c’est à peine chanté.

Antoine Corriveau: Oui, la première portion de la chanson se rapproche des productions de rap. J’aimais l’économie de moyens, de choisir au plus trois ou quatre éléments. Ça a été un défi, tu sais; des fois, j’ai des chansons extrêmement touffues avec des gros arrangements, mais des fois aussi il s’agit d’assumer des parties assez minimalistes; au lieu d’ajouter il faut couper. C’était un peu ma petite fierté sur ce disque-là au niveau de l’arrangement, on le voit dans cette chanson. 

PAN M 360: Parlons du texte de Suzo. On se retrouve à Palerme, Suzo est le personnage dont tu fais le récit.

Antoine Corriveau:  Ce personnage m’est venu en tête un matin, je ne sais pas exactement pourquoi. Ça n’allait pas super bien dans ma vie, j’étais dans un genre de crise existentielle. Je m’imaginais fuir dans un autre pays, avec  l’idée d’effacer ma vie et en provoquer le recommencement à zéro.

PAN M 360: Un jardin est très influencé par le jazz. 

Antoine Corriveau: Oui, c’est ça. C’est une chanson où j’ai pigé ces mots dans un livre, des fois, je fais ça pour m’aider à écrire. Cette fois, ça m’a mené à mes souvenirs d’enfance parce qu’on avait un gros jardin chez nous. Dans l’ordre des chansons, d’ailleurs, il y a quelque chose de chronologique. Suzo était  une espèce de mise en place de ce qui vous attend, puis là, je pars avec la chanson qui traite peut-être un peu plus de mon enfance, de souvenirs d’enfance. Musicalement, j’avais envie justement de quelque chose de plus, vraiment plus doux que Suzo et finalement le groove de drum et de contrebasse est proche du jazz, notamment Makaya McCrevin. Ça s’entend. Puis, il y a un très long solo de guitare de Simon dans cette chanson-là. C’est drôle parce que Simon et moi sommes guitaristes, et on trouve ça parfois « boring », la guitare. Puis là, quand il a enregistré ce solo, on enlevait une pédale d’effet, à chaque nouvelle prise. Finalement, c’est le son complètement clean qu’on voulait, super naturel.

PAN M 360: Effectivement, il y a des moments « roots » comme celui-là, même si cet album est très produit dans l’ensemble. Et on observe beaucoup d’impro !

Antoine Corriveau: Comme j’enregistre beaucoup d’improvisation, c’est présent, même s’il y a beaucoup de traitement et de collage des sons. Quelque chose de profondément instinctif et humain.

PAN M 360: dans Moscow Mule, il est question de répression, ET ça ne va pas bien pour le narrateur !

Antoine Corriveau: Non, ça ne va pas bien. (rires) 

 Ben, ça, c’est un jam. Toute la première portion de la chanson, c’est l’enregistrement original du jam. J’ai juste commencé à jouer un riff de guitare, le band est embarqué, puis on a tenu ça pendant un bout. J’aimais beaucoup, beaucoup cette énergie.

Oui, j’ai écrit cette espèce de récit en ne sachant pas trop ce que j’écrivais. Mais j’avais beaucoup de plaisir ! J’écrivais cette narration,  j’avais des idées, ça sortait, je ne me cassais pas la tête avec ce dont je parlais. Une amie à qui j’ai fait lire la première version  m’a dit « On dirait que dans ce texte que tu racontes à quel point tu peux te mentir dans ta vie mais pas en art. » J’ai trouvé ça extraordinaire comme commentaire,  ça m’a permis de finir l’écriture du texte. C’est une chanson où il y a beaucoup d’idées qui font écho à des choses que j’ai vécues pour de vrai, notamment un personnage de la Côte ouest américaine. Après quoi, je parle de traverser vers l’Est et j’ai effectivement  vécu un moment dans l’Est américain. Je cherchais quelque chose, je n’allais pas bien et je roulais pour aller mieux. Fait qu’il y a plein d’éléments vrais et d’autres qui se mettent au service de l’histoire, qui mettent de la viande autour de l’os.

PAN M 360: Et ce titre?

Antoine Corriveau: J’avais le mot mule en tête et suis tombé sur un article racontant qu’un bar San Francisco avait retiré le mot « Moscow » dans sa liste de drinks,  en soutien à l’Ukraine. Alors là je me suis imaginé qu’arriver dans un bar et commander un Moscow Mule, comme s’agissait d’un mot de passe pour accéder au sous-sol où quelque chose se passait. Underground, un peu caché, ce qui correspondait à cette idée : ce qu’on dévoile de soi et ce qu’on cache. 

PAN M 360:  Pastorale , ça part d’un riff de blues et puis ça devient orchestral.

Antoine Corriveau: Oui, un grand jam qui a duré 30 minutes et que j’ai resserré, resserré, resserré jusqu’à en faire 9. C’est super bouillonnant et c’est tout le temps le même riff. C’est simple et ça dure 9 minutes pendant lesquelles il se passe quand même beaucoup de choses. Il y a quelque chose d’unique  et de beau dans cette affaire un peu cacophonique, ambitieuse aussi.

PAN M 360: Lorsqu’on pense à Pastorale, on pense à la symphonie no 6 de Beethoven, la Pastorale, ce qui n’a rien à voir avec cette chanson.

Antoine Corriveau: Pastorale est un mot auquel j’ai pensé il y a peut-être deux ans, que je trouvais qu’il était beau, je l’ai même envisagé comme titre d’album. Puis j’ai fait des recherches et la première association était la religion et le chant choral, un truc qui avait rapport avec ma jeunesse. Et puis il y a cette notion de campagne ou de nature avant l’intervention humaine. Que serait-elle si elle n’était pas altérée par la société humaine. Que serait-on sans altération sociale ? Des animaux sauvages ?   

PAN M 360: Et ainsi de suite. On ne fera pas la revue complète mais on a déjà une excellente idée du projet.

Antoine Corriveau: Cet album est un mélange de vies imaginées  et de réels souvenirs. Des fois, j’ai même l’impression que mes souvenirs appartiennent à d’autres, et je franchis cette limite entre fantasme et réalité et tout se mélange.

Dans le cadre de la soirée SAT × EAF, ce vendredi 25 avril, l’artiste torontois SlowPitchSound propose une approche unique du platinisme (turntablism), mêlant écologie profonde et imagination de science-fiction. Connu pour avoir inventé le terme sci-fi turntablism, leur travail fusionne les techniques classiques de DJ avec l’échantillonnage en direct, les enregistrements sur le terrain et la narration improvisée pour créer des paysages sonores expansifs et cinématiques. Avec des sets qui ressemblent à des voyages dans des dimensions parallèles, SlowPitchSound imagine des performances immersives où le son et l’image se mélangent lentement, guidés par l’intuition, la nature et une profonde curiosité pour l’inconnu.

PAN M 360 : Vous avez inventé le terme « sci-fi turntablism » pour décrire votre travail. Pouvez-vous nous expliquer ce que cela signifie pour vous, tant sur le plan sonore que conceptuel ?

SlowPitchSound : La racine est le platinisme, mais ça va beaucoup plus loin. Les interactions avec d’autres objets sonores sont influencées par les techniques qui ont été pratiquées sur une platine. J’imagine d’autres mondes et d’autres réalités lorsque je crée, ce qui me permet de m’éloigner plus facilement des contraintes habituelles qui surgissent lorsque l’on pense en termes de genres musicaux. J’espère que cela a du sens.

PAN M 360 : Vos performances intègrent souvent des enregistrements de terrain et des échantillonnages en temps réel. Qu’est-ce qui vous attire dans ces textures et comment décidez-vous des sons à intégrer dans un set ?

SlowPitchSound : J’aime que les enregistrements sur le terrain contiennent généralement beaucoup d’autres sons qui ne sont pas nécessairement ceux que vous essayez d’enregistrer au départ. Il y a une imprévisibilité qui se produit sur le terrain et qui m’inspire : je l’entends d’une manière légèrement différente à chaque écoute. J’essaie de ne pas trop réfléchir aux sons que j’utilise, car j’aime être surpris par ce qui peut leur arriver.

PAN M 360 : Il y a un fort sentiment de mouvement et de progression dans votre travail. Considérez-vous vos concerts comme des voyages ? Comment abordez-vous la construction d’arcs émotionnels ou spatiaux à travers le son ?

SlowPitchSound : Absolument ! J’adore faire un bon voyage. Mes débuts de dj dans les bars m’ont permis de développer cette idée d’ajouter des arcs dans mes sets. À l’époque, je voulais être créatif avec mon mixage, cela me permettait de rester sur mes gardes et c’était amusant à faire. La grande différence aujourd’hui, c’est que je crée ma propre musique en direct et que mon équipement est beaucoup plus intégré à mes émotions, ce qui me permet de m’exprimer plus facilement.

PAN M 360 : Comment votre relation avec les tables tournantes a-t-elle évolué au fil des ans ? Qu’est-ce que vous découvrez aujourd’hui sur cet instrument que vous ne découvriez pas auparavant ?

SlowPitchSound : Il ne m’intimide plus du tout. Nous sommes devenus d’excellents partenaires 🙂 Honnêtement, c’est une relation merveilleuse, que l’on apprend à connaître plus profondément avec le temps. J’ai l’impression d’être moins un instrument aujourd’hui et d’être plus intuitif ou instinctif.

PAN M 360 : La nature et la fiction spéculative sont des thèmes récurrents dans votre musique. Y a-t-il des livres, des films ou des expériences de vie spécifiques qui ont façonné cette partie de votre vision artistique ?

SlowPitchSound : D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été un penseur hors des sentiers battus. J’ai toujours été émerveillé par la magie de la nature et par les choses inconnues de l’univers profond. Je suis sûr que c’est la raison pour laquelle je suis si attiré par tout ce qui touche à la science-fiction ou au fantastique. Une émission qui m’a particulièrement marqué lorsque j’étais enfant s’appelait The Twilight Zone (Au-delà du réel). C’était une émission de télévision en noir et blanc, et chaque épisode était tellement imaginatif avec certaines des réalités les plus bizarres. Cela m’a vraiment ouvert le cerveau.

PAN M 360 : Vos visuels sont souvent minimaux, abstraits ou atmosphériques. Comment abordez-vous la dimension visuelle de vos performances et comment la voyez-vous interagir avec votre son ?

SlowPitchSound : Les visuels ne sont que la cerise sur le gâteau, une version très peu sucrée. Il y a tellement de petits détails dans mon son, beaucoup pour nourrir l’imagination, alors j’aime juste ajouter des images subtiles et lentes pour l’atmosphère. Quelque chose qui nous place dans une autre réalité, mais qui ne nous submerge pas.

PAN M 360 : L’improvisation semble être au cœur de votre processus scénique. Que signifie l’improvisation pour vous et comment vous préparez-vous à quelque chose qui doit rester imprévisible ?

SlowPitchSound : Quelques points ressortent. Pour moi, il s’agit d’apprendre à écouter et à pratiquer. La façon dont je me prépare à réagir aux sons et aux pensées qui me parviennent, qu’ils viennent de moi ou d’autrui, consiste à m’entraîner constamment à de nombreux niveaux. Je comparerais cela à l’apprentissage d’une langue : plus on connaît de mots, meilleures sont les conversations et celles-ci sont généralement imprévisibles.

PAN M 360 : Vous avez parlé de votre passion pour l’environnement et de la création d’œuvres significatives et inspirantes. Comment cette conscience écologique façonne-t-elle votre pratique du son, et quel rôle pensez-vous que les artistes peuvent jouer pour approfondir notre lien avec le monde naturel ?

SlowPitchSound : Il me semble que nous humains, en tant qu’espèce, sommes très déconnectés de la nature de nos jours, alors en tant qu’artistes, tout ce que nous pouvons faire pour sensibiliser les gens vaut la peine d’être fait. L’art reste un outil puissant et, collectivement, nous pouvons absolument faire la différence. J’aime à dire « faites partie de la voix de la nature ». C’est l’une des raisons pour lesquelles j’inclus beaucoup de sons de la nature dans mon travail, afin que la nature puisse avoir l’occasion de toucher les autres.

PAN M 360 : Quels sont les outils – analogiques ou numériques – dont vous vous servez dans votre installation ? Avez-vous construit ou personnalisé quelque chose qui vous semble essentiel pour vos performances ?

SlowPitchSound : J’utilise une platine, une table de mixage, un échantillonneur et un pad Korg Kaoss pour les boucles et les effets. Ma dernière personnalisation a consisté à presser un vinyle qui contient un tas de sons et d’échantillons de mon cru pour jouer en direct.

PAN M 360 : Quel conseil donneriez-vous aux artistes émergents qui explorent des voies expérimentales ou transdisciplinaires dans le domaine du son ?

SlowPitchSound : Essayez d’oublier ce que vous savez de la musique et concentrez-vous sur la pratique des choses qui vous font du bien sur l’instrument de musique de votre choix. Plus vous les explorerez, plus vous aurez confiance en vous.

PAN M 360 : Montréal a une riche histoire en matière de son expérimental et de performance. Quelle est votre expérience de la ville, que ce soit en tant que collaborateur, membre du public ou simplement en tant qu’esprit ?

SlowPitchSound : J’adore passer du temps à Montréal, surtout pendant les saisons chaudes 🙂 Il y a une telle énergie, et j’adore flâner dans les ruelles. Au fil des ans, je me suis fait de grands amis dans le milieu expérimental. J’ai assisté à des spectacles extraordinaires et j’en ai aussi joué, notamment à Mutek quelques fois, j’ai présenté au Centre PHI et j’ai récemment joué dans un nouveau festival expérimental très cool appelé Flux. Je serai de retour pour jouer au 25e anniversaire de Suoni Per Il Popolo, le 27 juin.

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Les soirées Ultrasons commencent ce jeudi pour se conclure vendredi soir. En plus des deux œuvres installatives qui se tiendront dans deux locaux de la Faculté de musique de l’Université de Montréal, ce sont les œuvres de 18 étudiant·es qui seront présentées à la Salle Claude-Champagne à partir de 19h30. Nous avons eu l’occasion de poser quelques questions à quelqu’un des étudiants à propos de leurs œuvres, de même que sur leur influence et leur parcours et leur identité artistique.

PAN M 360 : Quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous a incité à entreprendre des études en musique à l’Université de Montréal?

Matisse Charbonneau : N’étant pas issu d’un milieu musical, mon parcours est atypique : j’ai commencé à apprendre la théorie à l’université, à 23 ans. En 2022, après avoir acheté Ableton 11, j’ai compris que ce logiciel deviendrait mon outil principal. L’université m’a ouvert des portes et m’aide aujourd’hui à orienter ma pensée artistique.

Nicolas Bourgeois : Mon parcours musical commence par une formation en piano classique. Je développe un intérêt pour l’interprétation et, peu à peu, pour la création sonore. Plus tard, j’entreprends des études en psychologie en m’intéressant aux études de genre et aux théories queers. Dans un contexte de pandémie, j’ai interrompu mon cheminement universitaire pour revenir à une pratique artistique incarnée et engagée. En ligne, je découvre des œuvres numériques hétéroclites et des artistes qui œuvrent à l’intersection de l’art sonore et des technologies interactives. Cette exploration m’a mené à la musique numérique, un domaine où je peux articuler mes préoccupations sensibles à travers le son, le corps, et la performance. C’est dans cette perspective que j’ai choisi de poursuivre mes études en musique à l’Université de Montréal.

Z Neto Vinheiras : J’ai commencé par étudier la musique classique – ce n’était pas ma tasse de thé – mais j’ai continué toujours à jouer du piano, toujours en improvisant. J’ai fait des études en arts plastiques (sculpture) et un peu de cinéma et j’ai repris plus tard des études en musique acousmatique, après avoir déménagé en Belgique. Venir étudier à l’UdeM était une surprise. J’ai reçu une bourse pour un programme d’échanges sans trop savoir ce qui se faisait ici. Je l’ai vu comme une opportunité d’aller ailleurs, de voir l’autre côté de l’océan ce qui s’y faisait. Je suis très content·e avec ce que j’ai trouvé.

PAN M 360 : Quelle a été votre premier contact avec le monde des musiques numériques?

Matisse Charbonneau : Ma découverte du Dubstep à l’âge de 17 ans.

Nicolas Bourgeois : Je cible la découverte de musiciennes électroniques telles que SOPHIE et Arca comme mon point d’entrée dans les musiques numériques. Leurs compositions abrasives constituées de sons méticuleux m’ont donné envie d’ouvrir à mon tour une station audionumérique pour découvrir les mondes possibles de sculpter avec le son comme unique matière.

Z Neto Vinheiras : C’était en 2017 quand j’ai commencé mes études en sculpture. Une amie a découvert cette « époustouflante » façon de faire de la musique. On était tous deux sidérés par ce nouveau monde que j’ai continué à explorer sans avoir aucune idée ou même désir nécessairement de me rendre là où je suis maintenant.

PAN M 360 : Parlez de l’œuvre que vous allez présenter. Qu’est-ce qui vous a inspiré dans sa composition?

Matisse Charbonneau : Actuellement, des enfants, des familles, des milliers d’Ukrainiens et de Russes meurent dans une guerre politique totalement absurde. J’ai l’impression que nous nous désensibilisons, car le conflit semble toujours lointain. Pourtant, il est grave et concerne des sites sensibles comme Tchernobyl. Si des obus venaient à frapper cette zone protégée, les conséquences pourraient être catastrophiques pour nous tous. Je me sens impuissant face à cette situation, et j’ai ressenti le besoin de crier à travers ma musique. « Крик душі » (Kryk Dushi) signifie « Cri de l’âme » en ukrainien, une expression qui reflète profondément mon état intérieur.

Nicolas Bourgeois : À cette édition des Ultrasons, je présenterai une performance où des données corporelles de ma collaboratrice et moi sont captées en temps réel et interprétées par des algorithmes musicaux. Ces analyses prennent la forme d’une pièce électroacoustique évolutive et où le corps est à la fois un déclencheur, un instrument et un médium. Concrètement, je porte un dispositif de gants électroniques qui captent mes mouvements et transmettent ces données en temps réel à un système de traitement sonore. Ces signaux physiologiques sont traités par un ensemble d’algorithmes que j’ai conçu pour transformer le geste chorégraphique en geste musical.

L’œuvre s’inscrit dans une recherche sur les liens entre le corps, l’intimité et la technologie, dans une perspective queer et féministe. Nous sommes inspiré·es par les façons dont le son peut rendre audibles des états corporels souvent invisibles ou tus. Le dispositif agit comme un traducteur, un révélateur de l’espace entre nos deux corps, tout en laissant une part à l’aléatoire, à l’émotion et à l’erreur.

Z Neto Vinheiras : « here now all over again » est une performance semi-improvisée qui joue sur le feedback et un peu sur la psychoacoustique dans un système simple avec 2 guitares électriques, 2 amplificateurs, une station de no-input et quelques pédales d’effet. Je voulais continuer à explorer le phénomène de feedback, ce qui m’a toujours fasciné depuis que j’ai découvert la musique d’Eliane Radigue. C’est une manière de produire le son qu’on évite normalement, mais en prenant un point de vue, ou un point d’écoute plus créatif que destructif, on est amené à un type d’écoute très spécial: très lent, actif, très vigilant et très doux. Ça me « force » à ralentir, à être vraiment présent·e et à utiliser l’écoute comme instrument. Le fait que ce soit une approche aussi précaire aussi, qu’on peut presque le faire n’importe où et comment avec les outils les plus basiques et accessibles, me donne une flexibilité intéressante à explorer dans ma pratique et dans le style de vie que j’ai. 

La musique de Nina Garcia et l’infâme album (que j’aime beaucoup) « Metal Machine Music » de Lou Reed et son dernier « Hudson River Meditations » m’ont certainement inspiré à utiliser la guitare électrique – un instrument que je ne maîtrise pas -, dans cette improvisation de feedback.

PAN M 360 : Qu’est-ce que le médium de la composition en musique numérique vous permet d’exprimer?

Matisse Charbonneau : La musique me permet d’exprimer des émotions profondes, à travers des sons qui me transportent ailleurs, me surprennent, me donnent des frissons. Elle me fait réfléchir, en touchant quelque chose d’intime, de personnel, qui résonne en moi d’une manière unique.

Nicolas Bourgeois : Je me concentre principalement sur l’élaboration d’interfaces sensibles qui captent des données de l’environnement (gestuelles, physiologiques ou spatiales) et traduisent ces informations en compositions musicales et numériques. Ainsi, mon travail sonore n’est pas fixé: il existe un moment de coprésence entre le corps, le dispositif et l’espace performatif. Ces possibilités créatives incarnées me forcent à m’interroger sur mon rapport avec mon corps queer lorsque celui-ci est détecté avec des composantes électroniques qui produisent du son. Quelles transformations émergent lors de l’utilisation d’un dispositif sensible pour réaliser une composition sonore en temps réel ?

Z Neto Vinheiras : En ce moment je ne fais pas trop de composition ou de musique numérique. J’essaie de m’éloigner le plus possible des écrans et je suis plus attiré par une approche physique et in situ de la performance improvisée, avec des instruments et/ou des objets. Si l’on peut appeler cela de la « composition en temps réel », l’improvisation me permet d’aller dans un état de présence profonde et de me sentir connecté à l’écoute et à l’environnement. Il n’y a pas de performeurs·ses ou de public, mais un écosystème vif, actif et activé par l’écoute. J’aime beaucoup jouer avec les éléments de risque et de surprise et rester curieux·se. Comme on dit : « whatever happens, happens! » Je trouve ça très spécial.

PAN M 360 : Comment qualifieriez-vous votre style musical et esthétique?

Matisse Charbonneau : Je suis convaincu que mon son est brut et violent, porteur d’une énergie instable et mystique qui le rend unique et intense. Je ne me situe dans aucun cadre ni genre ; je puise ici et là des éléments, me permettant de naviguer librement entre plusieurs univers. Avec un peu de prétention, j’aimerais qu’un jour on puisse dire : “J’écoute PIERRU.”

Nicolas Bourgeois : Je qualifie mon style d’hybride. Il s’inscrit à la croisée de la musique électroacoustique, de l’art sonore et de la performance, en mobilisant des outils numériques sensibles pour créer des œuvres affectives, politiques et ancrées dans le corps. Autrement, je puise de l’inspiration à partir d’imageries et de concepts liés à des pratiques BDSM. De toutes mes œuvres émane une vulnérabilité révélée, amplifiée, transformée.

Z Neto Vinheiras : Un mélange de noise, de drone et bien sûr d’improvisation

Consultez le programme du jeudi 24 avril et du vendredi 25 avril.

crédit photo : Nina Gibelin Souchon

Le 26 avril prochain, des instruments indonésiens de gamelan envahiront la Salle Claude Champagne, de la Faculté de musique de l’Université de Montréal. Depuis des décennies, en fait, on y enseigne le gamelan, une pratique orchestrale de Bali et de Java qui séduisait déjà les mélomanes occidentaux aux débuts de la modernité. Et ce concert est gratuit ! Notre collaborateur Michel Labrecque en a discuté avec un autre collaborateur de PAN M 360, Laurent Bellemare, que l’on connaît pour sa connaissance profonde du rock métal, des musiques électroacoustiques, actuelles et… indonésiennes ! De surcroît, Laurent est chargé de cours dédié au gamelan et l’un des organisateurs de cette soirée. 

Le gamelan est une musique très particulière et très complexe, issue de plusieurs régions de l’Indonésie. Pensez d’abord à des instruments de percussions, mais avec un aspect mélodique. Des gongs, des métallophones, des xylophones, des carillons, mais avec une structure et des rythmes très spécifiques. Le gamelan a été créé principalement à Java et Bali, il remonte à au moins deux millénaires et a fortement impressionné le compositeur français Claude Debussy à la fin du 19e siècle. 

« J’ai un intérêt pour les musiques inhabituelles et j’ai découvert le gamelan à Université de Montréal, puis je suis allé étudier à Bali un an », raconte Laurent Bellemare, qui est tombé inconditionnellement amoureux de ce style musical. Il est membre depuis dix ans de L’ensemble Giri Kedaton, un orchestre en résidence à l’université de Montréal, signifie « montagne royale » en langue indonésienne. 

Laurent est également chargé de cours pour les ateliers de musique gamelan, qui rassemblent des musiciens curieux de ce style, à titre d’un cours par session. « Souvent mes étudiants viennent du classique ou du jazz, ils sont curieux de découvrir ce genre, qui défie bien des conventions musicales ». 

Mais comment donc l’Université de Montréal s’est-elle intéressée au gamelan? Tout commence avec l’Exposition universelle de Vancouver de 1986 : l’Indonésie offre alors des instruments traditionnels au Canada, dans une forme de diplomatie culturelle destinée à mettre en valeur la culture du pays. L’Université de Montréal  et l’Université Simon Fraser de Vancouver en sont les principales bénéficiaires. Les deux institutions obtiennent des instruments différents.

Laurent Bellemare peut vous parler de cela pendant des heures. Il a fait sa thèse de maîtrise sur ce sujet. « C’est le regretté compositeur et professeur José Evangelista qui s’est intéressé à ce style musical et qui a fait en sorte que l’Université de Montréal reçoive son lot d’instruments ».

À quoi aurons-nous droit lors du concert de ce samedi 26 avril? « Ce sera un mélange de pièces apprises par mes étudiants et de celles de l’Orchestre Giri Kedaton, sans oublier la danse, qui est une composante essentielle du gamelan », nous dit Laurent Bellemare. « Vous aurez droit à un festival de rythmes flamboyants, parfois beaucoup plus lents, en plus de danse avec des masques et beaucoup de couleurs ».

Il faut noter que, parmi les artistes, on retrouve un mélange d’Indonésiens expatriés chez nous et de Québécois passionnés par le style. « Il y a des gens comme la chorégraphe et danseuse Komang Swijani qui se sont reconnectés à leur culture d’origine grâce à nos activités », raconte Laurent. 

Le 26 avril, à 19h30, nous entendrons autant des pièces traditionnelles datant de 1925 ou 1950 qu’à une composition contemporaine du montréalais Olivier Schoeser. 

Malgré ses traditions millénaires, le gamelan n’arrête pas de se transformer. « Il y a un attachement aux traditions, mais vous trouverez aussi des musiciens actuels ont une approche contemporaine radicale », nous dit Laurent Bellemare, qui mentionne qu’un de ses amis compositeur marie le gamelan à l’électronique. Pourquoi pas?

Ce samedi 26 avril, à la Salle Claude Champagne, ce sera une chouette occasion de s’initier ou de se rebrancher au gamelan, cette musique unique qui figure au patrimoine culturel de l’Unesco.

En plus d’assurer la direction artistique du Festival international de Landaudière, soit le plus important festival de musique classique au Canada, Renaud Loranger est Vice-Président Artistes et Répertoire du label européen Pentatone, c’est-à-dire qu’il chapeaute le recrutement et le développement discographique de grands musiciens de la planète classique, on pense notamment aux maestros Vladimir Jurowski, René Jacobs et Esa-Pekka Salonen, aux chanteurs.euses Piotr Beczala, Lisette Oropesa, Javier Camarena et Magdalena Kožená, aux pianistes Pierre-Laurent Aimard et Francesco Piemontesi, on en passe évidemment. Depuis novembre 2018, Renaud Loranger est directeur artistique de Lanaudière, soit à Joliette, sa ville natale où il séjourne chaque été depuis. Musicologue et historien de l’art, il est parmi les professionnels les plus aguerris et les plus raffinés pour mener à bien de telles missions. Écoutez-le exprimer sa passion pour sa nouvelle programmation lanaudoise et nous faire part de ses meilleures prises! Alain Brunet a mené cette interview pour PAN M 360.

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Les œuvres pour violon et piano de Johannes Brahms sont des incontournables de la musique de chambre, ici interprétées par deux virtuoses montréalais de renommée internationale : Andrew Wan, premier violon de l’Orchestre symphonique de Montréal qui mène aussi une carrière de soliste lorsque le temps le lui permet, et Charles Richard-Hamelin, pianiste lauréat du fameux Concours Chopin. Cette association fructueuse a mené à l’exploration des sonates de Beethoven et de Schumann, et puis Brahms, dont , les artistes se plongent dans ces trois œuvres dont l’interprétation sur scène sera offerte en première au festival Classica, le dimanche 27 mai. Marc Boucher explique, dans le contexte d’une longue interview fragmentée en plusieurs parties et dont c’est la troisième.

BILLETS ET INFOS

Du 23 mai au 15 juin, le Festival Classica présente 21 programmes distincts sous le thème Le classique sans limite. Le premier programme est consacré à une version symphonique des Beatles à travers différent travaux. Marc Boucher, excellent baryton désireux de donner du travail au milieu classique et aussi celui du chant lyrique, a fondé Classica et dirige toujours l’événement. Voici le deuxième fragment d’une longue interview réalisée par Alain Brunet, visant à décortiquer la programmation 2025 du festival Classica. On parle ici d’Albertine en cinq temps, version acoustique de l’opéra composé par Catherine Major selon la dramaturgie de Michel Tremblay. Samedi 24 mai !

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Dans les profondeurs du studio mixte de la faculté de musique, Nicolas Drouin, étudiant en troisième année du baccalauréat en musiques numériques, se prépare à présenter Désuétude | Courant les 24 et 25 avril dans le cadre des soirées d’Ultrasons. Accompagné par Dominic Thibault, il signe une installation visuelle et sonore qui met à l’avant-plan des objets analogiques désuets : une télévision cathodique, un tourne-disque, un projecteur à bobine et un magnétophone. Muni·es de lampes de poche, les visiteur·euses seront invité·es à explorer ces artefacts oubliés. Lorsqu’éclairés, ceux-ci se mettront en fonction et déclencheront des changements sonores. Voici notre échange au sujet de son installation.

Peux-tu nous expliquer ta démarche derrière ce projet ? 

C’est une installation interactive. J’ai travaillé essentiellement avec des photoresistors, qui sont des capteurs de lumière. Ils envoient graduellement des données quand elles reçoivent de la lumière. J’envoie ces données à mon ordinateur, et je viens contrôler plusieurs paramètres du son. Les capteurs sont installés sur plusieurs objets qui, lorsqu’ils sont illuminés à l’aide de lampes de poche, vont se mettre à vivre d’eux-mêmes. Ils vont s’allumer, se mettent à jouer, à faire des boucles.

J’utilise un adaptateur qui prend les données des capteurs et envoie du voltage aux objets. Tout ça, c’est nouveau pour moi. Je ne connaissais rien de tout ça au début de la session. J’ai appris à utiliser un microcontrôleur, une sorte de mini-ordinateur sur une petite plaquette. J’ai fait beaucoup d’électronique et de soudure. J’ai joué avec du voltage et du vieux matériel que je n’avais jamais utilisé. Des tourne-disques oui, mais des vieilles télés cathodiques, je pense que la dernière fois que j’ai utilisé ça j’avais dix ans et un projecteur à bobine je n’ai jamais utilisé ça. Je trouve qu’il y a quelque chose de fun à réemployer du matériel dont les gens ne veulent plus. Il y a toute une poétique à réemployer du matériel plus ou moins fonctionnel.

Et qu’est-ce que tu aimerais que les gens ressentent en visitant l’installation ?

J’y pensais tout à l’heure. J’ai l’impression que ça peut se déployer de plusieurs manières. Pour moi, je le vois comme un jeu. Comme une exploration qui se manifeste aussi par ma pratique où j’explore tous ces nouveaux outils. Lorsqu’on va se promener dans la pièce avec des lampes de poche, il y a cette interaction de jeu avec le matériel. D’un autre côté, ce sont des objets semi-fonctionnels. C’est aussi une réflexion sur le numérique qui met au centre de l’installation des objets analogiques que plus personne n’utilise. Tout au long de la session, j’ai médité là-dessus. Redécouvrir du vieux matériel, comprendre comment ça fonctionne, pourquoi c’était utilisé à l’époque, les limites de l’objet… c’est vraiment passionnant.

Ton installation va baigner dans une certaine obscurité et faire appel à des objets vétustes. Est-ce que tu cherches à créer une ambiance particulière, par exemple de « mettre en lumière » ces artefacts avec une lampe de poche ?

Depuis le début de la session, je me suis un peu éloigné de ça, mais il y a quand même une ambiance tendue qui s’en dégage. Une des idées que j’avais au début était de se promener dans le noir dans les bois et de tomber sur des choses étranges. Il y a un petit quelque chose de cette idée qui reste. Entrer dans une pièce obscure avec des sons étranges, c’est certain que ça peut être un peu tendu, mais à mesure que la pièce s’illumine, les sons deviennent de plus en plus consonants et on va ailleurs. 

En 2023 tu avais présenté à Ultrasons Dénaturation, une œuvre acousmatique d’écologie sonore. Est-ce qu’il y a une ligne directrice entre ces deux projets ?

C’est probablement ça la ligne directrice entre les deux : le recyclage de matériel, la réutilisation de matériel brisé ou dont les gens ne veulent plus. Je trouve qu’il y a quelque chose de beau là-dedans, quelque chose à explorer.

Y a-t-il des artistes qui t’inspirent particulièrement pour ce projet ?

Je suis probablement inspiré par tout ce qui m’entoure. J’ai regardé beaucoup de vidéos d’installations, exploré ce que d’autres artistes font. Et bien sûr, être en contact avec certains enseignant·es, ça te pousse dans des directions spécifiques, selon leur bagage. Mais je ne saurais pas nommer une influence précise.

Est-ce que c’est un projet qui va te suivre après Ultrasons?

Oui, j’aimerais vraiment continuer à le développer. En contexte académique, c’est parfois difficile d’amener un projet à son plein potentiel. Il y a des aspects que j’aimerais pousser davantage, et pourquoi pas l’installer ailleurs. C’est tout mon matériel, alors c’est faisable !

Qu’est-ce que Ultrasons représente pour toi?

C’est une manière de présenter de manière claire et concise le travail des quatre derniers mois. De mettre en évidence ma personnalité en tant qu’artiste. Et c’est vraiment agréable de découvrir ce que les autres ont fait. On en parle entre nous, mais de voir les projets en vrai, c’est quelque chose de différent. L’ambiance est détendue, les gens ont du fun à découvrir les projets. C’est une super belle expérience.

Donc rendez-vous le 24 et 25 avril 18h45-19h30 au Studio mixte de la faculté de musique de l’Université de Montréal. d’autres artistes font. Et bien sûr, être en contact avec certains enseignant·es, ça te pousse dans des directions spécifiques, selon leur bagage. Mais je ne saurais pas nommer une influence précise.

Est-ce que c’est un projet qui va te suivre après Ultrasons?

Oui, j’aimerais vraiment continuer à le développer. En contexte académique, c’est parfois difficile d’amener un projet à son plein potentiel. Il y a des aspects que j’aimerais pousser davantage, et pourquoi pas l’installer ailleurs. C’est tout mon matériel, alors c’est faisable !

Qu’est-ce que Ultrasons représente pour toi?

C’est une manière de présenter de manière claire et concise le travail des quatre derniers mois. De mettre en évidence ma personnalité en tant qu’artiste. Et c’est vraiment agréable de découvrir ce que les autres ont fait. On en parle entre nous, mais de voir les projets en vrai, c’est quelque chose de différent. L’ambiance est détendue, les gens ont du fun à découvrir les projets. C’est une super belle expérience.

Donc rendez-vous le 24 et 25 avril 18h45-19h30 au Studio mixte de la faculté de musique de l’Université de Montréal. 

Du 23 mai au 15 juin, le Festival Classica présente 21 programmes distincts sous le thème Le classique sans limite. Le premier programme est consacré à une version symphonique des Beatles à travers différent travaux. Marc Boucher, excellent baryton désireux de donner du travail au milieu classique et aussi celui du chant lyrique, a fondé Classica et dirige toujours l’événement. Voici le premier fragment d’une longue interview réalisée par Alain Brunet, visant à décortiquer la programmation 2025 du festival Classica: premier programme, Beatles symhonique, vendredi 23 mai.

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Zachary Hard présentera son installation |telemirror| dans le cadre des soirées Ultrasons à la Faculté de musique de l’Université de Montréal. Accessible dès 18h45 au local B-325, ce sera l’occasion de réfléchir à notre relation avec le monde numérique.

PAN M 360 : Peux-tu nous présenter ton projet |[telemirror]|?

Zachary Hardy : |[telemirror]| est une installation sonore inspirée par l’être humain et son rapport au monde numérique qu’il a créé au cours des quatre dernières décennies. Un monde évoluant rapidement pour permettre et faciliter l’interconnexion entre tous, dans lequel il projette sa propre réflexion. Cette réflexion se retrouve constamment altérée par ses propres acteurs jusqu’à sa désintégration par la surcharge de contenu et la masse d’utilisateurs sollicités par cet environnement. |[telemirror]| propose d’observer cette réflexion déconstruite à travers un système audiovisuel de caméras et d’écrans interconnectés où l’auditeur·rice se retrouve face à son reflet défaillant.

L’installation fait l’usage de plusieurs stations qui collectent, à l’aide d’une caméra et d’un programme de reconnaissance faciale par intelligence artificielle, les images et les positions de visage pour les envoyer à un hub principal générant un visuel projeté. Chaque station agit comme un miroir défaillant devant lequel le spectateur peut s’observer à travers une image résiduelle ou bien écouter le tout dans son ensemble bruité.

PAN M 360 : Qu’est-ce que tu aimerais que les visiteur·ses retiennent de ton installation?

Zachary Hardy : Ce que j’aimerais que les visiteur·ses retiennent de mon installation serait à quel point nous sommes plongés à travers un monde numérique, de notre propre création, et comment nous, en tant que personne, l’affectons comme acteurs de ce dernier. L’installation présente simplement un état, une réflexion de cette réalité numérique. Je tente aussi de souligner plus implicitement une certaine fragilité face à notre dépendance de plus en plus importante au média numérique pour nous connecter socialement. Un média qui, par son arrivée relativement récente et son omniprésence, risque toujours de se retrouver pris pour acquis ou d’être mal utilisé.

PAN M 360 : Ce n’est pas ta première installation : l’hiver dernier, tu présentais |MONOLITHE|À|L’OBSOLESCENCE|, et à l’automne #Board_Revival, qui abordait le gaspillage électronique. Est-ce qu’il y a une ligne directrice derrière ces différents projets? 

Zachary Hardy : Absolument, ces projets s’inspirent principalement de la technologie et de notre relation par rapport à celle-ci. Un lien qui peut aussi se faire avec ma dernière œuvre |[telemirror]|. Dans les trois cas, ces œuvres partent d’un questionnement sur notre utilisation des technologies modernes. Pour |MONOLITHE|À|L’OBSOLESCENCE| et #Board_Revival, la question posée était principalement celle du gaspillage et de l’obsolescence programmée.

Dans mon processus de création, j’ai aussi un positionnement écologique et économique à travers mes œuvres en tant qu’artiste. J’essaie toujours de prioriser la réutilisation, les dons et les prêts d’objets pour concevoir mes installations. Premièrement pour donner ou ajouter de la valeur à des objets sans utilités ou bien sous-utilisés. Deuxièmement pour me donner le défi de création tout en minimisant mon impact écologique.

PAN M 360 : Quelles sont les sources d’inspiration qui ont nourri ce projet?

Zachary Hardy : C’est principalement ma passion pour la technologie et l’esthétique noise.

Je suis premièrement parti sur l’élaboration d’un système inspiré du modèle client-serveur où les clients envoient les requêtes au serveur qui les attend. De là est arrivée l’idée de me pencher sur notre relation au média numérique qui est très orienté vers le partage de soi-même dans un environnement qui est de plus en plus axé sur la collecte d’information des usagers, d’où l’utilisation des caméras. Comme toute création humaine, toutes ces technologies sont aussi le reflet de ses créateurs et de ses utilisateurs. C’est principalement vers ce point de vue que je me suis orienté.

PAN M 360 : Qu’est-ce que Ultrasons représente pour toi?

Zachary Hardy : Pour moi, Ultrasons représente une plateforme de partage et d’échange au sein de la faculté de musique de l’UdeM. Ultrasons nous permet de présenter, après plusieurs mois de travail, le fruit de notre expérimentation à nos collègues de la communauté étudiante et à un public plus académique. Ça nous offre aussi l’opportunité d’obtenir de nouveaux retours constructifs sur nos œuvres. C’est toujours une superbe occasion d’observer différentes pratiques et artistes émergeant. Ultrasons offre aussi une grande variété d’art sonore de la musique acousmatique à l’installation en passant par la musique visuelle et la performance.

Donc rendez-vous le 23 et 24 avril 18h45-19h30 au B-325 de la faculté de musique de l’Université de Montréal. 

crédit photo : Nina Gibelin Souchon

Présentées à deux reprises dans le courant de l’année académique, soit en décembre et en avril, les soirées Ultrasons qui ont lieu à la Faculté de musique de l’Université de Montréal sont le moment de l’année pour les étudiant·es des programmes en composition de musique numérique de présenter le fruit de leur travail élaboré tout au long de la session.

Ancrées depuis plusieurs années dans la programmation événementielle de la faculté de musique, ces deux soirées qui auront lieu les 24 et 25 avril plongeront le public dans des univers sonores diversifiés et uniques. Œuvres installatives, vidéomusique et musique acousmatique, entre autres, seront à l’honneur. En amont de ces deux soirées de concerts qui mettront de l’avant le travail de la relève, Alexandre Villemaire, collaborateur à PAN M 360, s’est entretenu avec ceux qui pilotent cette série et accompagnent ces jeunes créateurs et créatrices dans leur cheminement : Myriam Boucher, Nicolas Bernier et Dominic Thibault, professeu·res à la Faculté de musique.

PAN M 360 : Pour les gens qui y seraient moins familiers, qu’entend-on par « musique numérique »? Quels sont les genres et/ou styles musicaux que ce terme englobe ?

Nicolas Bernier : Le mot « numérique » fait davantage référence aux outils technologiques (notamment l’ordinateur) qu’à un genre musical. Le fait d’explorer les technologies à leur plein potentiel mène habituellement à diverses formes d’expérimentation et à des musiques éclatées, non conventionnelles, surprenantes.

Myriam Boucher : Ce n’est pas un style musical, mais plutôt une façon de faire de la musique avec des outils numériques. Mais, globalement on pourrait dire que le terme est associé à la musique électroacoustique, à la musique expérimentale et à la musique électronique.

PAN M 360 : Quelle est la genèse de la série Ultrasons et comment s’inscrit-elle au sein de la programmation de la Faculté de musique de l’Université de Montréal et de l’année académique ?

Nicolas Bernier : Ultrasons permet de présenter l’impressionnante quantité de création qui se fabrique dans le cadre d’une session en musiques numériques. Après avoir travaillé sur son projet pendant une session, l’étudiant·e peut partager son travail avec ses collègues et le public. Ultrasons est donc un espace d’échange qui est crucial à la formation… et au plaisir d’étudier en création !

Myriam Boucher : La série est une véritable vitrine pour les étudiant·es du baccalauréat en musiques numériques. C’est aussi un moment important d’échanges, de rencontres et de partage.

PAN M 360 : À quoi peut-on s’attendre à voir et à entendre durant ces deux soirées de concerts ?

Nicolas Bernier : À l’inattendu ! C’est le principe de la création de ne pas pouvoir savoir d’avance ce qui se passera. Il y aura des œuvres vidéos, quelques installations… et une vaste quantité d’œuvres purement sonores qui seront diffusées dans des conditions impeccables utilisant notre système « plus que surround » d’une vingtaine de haut-parleurs.

Myriam Boucher : On ne sait jamais trop, car il y a autant de démarches qu’il y a d’étudiant·es ! On pourrait nommer les orientations classiques : musique acousmatique pour dôme de haut-parleurs, vidéomusique, performance audiovisuelle, projets de lutherie numérique et d’installation. Mais ces termes se limitent aux formats, alors qu’en réalité, il y a tellement de variété dans les propositions artistiques. 

PAN M 360 : En quoi une série de concerts comme Ultrasons est importante dans le parcours des étudiants et étudiantes ?

Myriam Boucher : C’est bien sûr très formateur, car ça reflète en quelque sorte la réalité professionnelle des artistes. Mais c’est aussi très formateur du point de vue de l’appartenance à la communauté et aux échanges et réflexion que cela peut offrir.

PAN M 360 : En tant qu’enseignants, quelles sont les notions que vous souhaitez transmettre à vos étudiants et étudiantes?

Nicolas Bernier : Chaque enseignant·e a sa sensibilité propre et c’est pour cette raison que les étudiant·es auront plusieur·es enseignant·es pendant leur parcours. De manière générale, les enseignant·es seraient sûrement toustes d’accord pour dire que nous cherchons à sortir de la boîte, à encourager les étudiant·es à trouver leur personnalité propre à travers leurs projets de création.

Myriam Boucher : Je dirais la passion, mais aussi la persévérance, la bienveillance envers soi-même. Aller au bout de ses idées, ce n’est pas toujours facile, car on se compare aux autres et on se confronte à nos propres insécurités. Il est important de se rappeler pourquoi on fait de la musique et pourquoi on veut la partager. Trouver sa place dans ce domaine n’est pas toujours facile et, comme enseignant·e, je pense que nous pouvons offrir certains outils afin d’accompagner ce processus.

PAN M 360 : Y a-t-il une évolution au niveau des profils que vous voyez arriver dans chaque nouvelle cohorte ?

Myriam Boucher : Je ne nommerais pas ça une évolution. Mais, c’est évident qu’il n’y a pas une cohorte qui est pareille. C’est toujours en mouvement, et ça nous oblige à rester très souple et ouvert comme enseignant·e.

Dominic Thibault : On a aussi la chance d’avoir des cohortes super diversifiées avec, à chaque année, des personnes passionnées par la création sonore sous toutes ses formes. Si leurs intérêts évoluent au rythme des préoccupations contemporaines (c’est normal iels font de l’art!), la constance, c’est leur passion pour le renouveau, la découverte et l’expérimentation avec les médiums numériques et les discours importants pour la société.

PAN M 360 : Les œuvres présentées dans le cadre des deux concerts constituent les projets musicaux des étudiants. Est-ce que vous leur laissez carte blanche ou est-ce que vous leur donnez certaines balises ?

Myriam Boucher : Iels ont carte blanche, mais ça doit bien sûr entrer dans les objectifs de notre programme : expérimentation sonore, recherche, processus, développement d’une démarche personnelle. On ne fait pas du country !

Dominic Thibault : Nous essayons de laisser autant de liberté créative que possible aux participant·e·s et essayons ensuite de les soutenir dans la présentation de leur œuvre. Pour ce faire, les enseignants travaillent très fort avec les étudiant·e·s durant le processus de création afin qu’iels réfléchissent et prennent position sur une manière accomplie de présenter leur œuvre au public.

PAN M 360 : Qu’est-ce qui caractérise le programme de composition en musique numérique de l’Université de Montréal ? 

Myriam Boucher : Nous avons le privilège d’avoir de petites cohortes et une équipe d’enseignant·es très engagée, alors nous sommes comme une petite famille. Ensuite, c’est un programme complètement unique au monde. Nous ne connaissons pas d’équivalent. 

Dominic Thibault : Notre programme se concentre à donner le temps et l’espace aux étudiantes et étudiants pour qu’ils développent leur personnalité artistique. C’est pour cette raison que les cours-projets sont au cœur de notre formation ; ils sont l’endroit où chacun peut mettre en application et approfondir de façon personnelle les connaissances acquises dans un cursus très varié et foisonnant !

Consultez le programme du jeudi 24 avril et du vendredi 25 avril.

crédit photo : Nina Gibelin Souchon

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