Le Festival Classica propose une rencontre originale avec le violoncelle, décliné quatre fois et exclusivement au féminin, le mercredi 4 juin à l’église Sainte Famille de Boucherville. Un quatuor de cet instrument donc, mené par les violoncellistes Chloé Dominguez, Justine Lefebvre, Noémie Raymond et Kateryna Bragina. Ceux et celles qui jouent de cet instrument aiment se réunir. À preuve ces nombreux ensembles de 12 violoncelles (je pense à ceux du Philharmonique de Berlin, entre autres) et leurs albums respectifs qui ont souvent atteint les sommets des palmarès classiques. Ici, ce seront quatre des meilleures interprètes québécoises actuelles qui offriront un programme en hommage à l’instrument, mais aussi à quelques compositrices telles Isabella Leonarda, Nadia Boulanger, Hildegarde de Bingen et même Charlotte Cardin! Quelques mâles (on les imagine bienveillants) se mêlent à la liste (Piazzolla, Debussy, Monteverdi…). J’ai parlé de tout cela avec la rayonnante Chloé Dominguez.
Interviews
Du 8 au 20 juillet 2025, MontrĂ©al accueille les 39e Nuits d’Afrique, soit plus de 700 artistes venus d’une trentaine de pays du monde entier oĂą vivent les Africains et leurs afro-descendants de la CaraĂŻbe, de l’AmĂ©rique latine ou de toutes les contrĂ©es de l’immigration. Voici venir 13 jours de concerts en salle et six 6 jours de programmation gratuite en extĂ©rieur dans le Quartier des spectacles. La BrĂ©silienne Flavia Coehlo, le NigĂ©rian Femi Kuti, l’Ivoirien Meiway, l’AlgĂ©rien Labess et le Martiniquais Blaiz Fayah sont parmi les tĂŞtes d’affiche de cet Ă©vĂ©nement incontournable de la culture montrĂ©alaise. Pour PAN M 360, Alain Brunet a interviewĂ© SĂ©popo Galley, programmatrice aux Nuits d’Afrique qui a parcouru le monde pour nous ramener les pĂ©pites de cette 39e programmation.
Le choeur LDV Les P’tits Da Vinci, ainsi que l’Orchestre symphonique Joseph-François Perrault ouvriront le bal lors de la 1ère journĂ©e du Festival des saveurs interculturelles de Saint-Michel. Également au programme ce soir-lĂ : une table-ronde sur la littĂ©rature et une soirĂ©e cinĂ©ma en plein air. Bref, tout ce qu’il faut pour entamer les festivitĂ©s du bon pied. Christian Toussaint, chargĂ© de concertation Espace culture de Vivre Saint-Michel en santĂ©, en parle plus en dĂ©tails avec notre journaliste Sandra Gasana.
Le 29 mai, Ă L’Église presbytĂ©rienne St. Andrew’s de Saint-Lambert a lieu le concert Ad Lucem rĂ©unissant l’altiste Elvira Mishbakova et la pianiste Meagan Milatz. Un projet sur l’espoir en ces temps difficiles et sur la musique comme vecteur d’apaisement dans ce monde chaotique.Â
Originaire de Russie et prĂ©sentement altiste solo Ă l’Orchestre MĂ©tropolitain, Elvira Misbakhova Ă©voque ici avec Judith Hamel de PAN M 360, les coulisses de ce concert, les choix musicaux et le lien qui l’unit Ă sa partenaire de scène.
PAN M 360 : Lors de ce concert, vous jouerez en duo avec la pianiste Meagan Milatz avec qui vous avez déjà souvent partagé la scène. Qu’est-ce qui vous unit musicalement? Qu’est-ce qui rend cette collaboration spéciale pour vous?
Elvira Mishbakova : La joie que nous partageons quand on joue ensemble est immense ! Je pense que si les musicien/e/s ne discutent pas beaucoup pendant leur rĂ©pĂ©tition, c’est très bien, parce que tout se passe dans la conversation musicale, les regards et les Ă©coutes. On se comprend instantanĂ©ment, nos rĂ©flexes, nos rĂ©actions, nos commentaires sont toujours en accord ! Quand le travail est basĂ© sur la confiance, l’ouverture d’esprit et la flexibilitĂ© musicale, tout va bien.
PAN M 360 : Dans vos notes de programme, vous décrivez ce concert comme une réflexion sur l’espoir en des temps difficiles. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette idée?
Elvira Mishbakova : J’ai choisi le rĂ©pertoire qui rĂ©sonne beaucoup avec l’espoir et les lumières. Quand les gens viennent aux concerts, je crois qu’ils veulent partir avec des impressions diffĂ©rentes, des Ă©motions, une apprĂ©ciation, peut-ĂŞtre mĂŞme avec un certain apprentissage, mais aussi ils viennent aux Ă©vĂ©nements, aux concerts pour relaxer, pour se dĂ©tacher de leur rĂ©alitĂ©, pour plonger dans un moment de rĂ©flexion, peut-ĂŞtre trouver la paix, et le calme… ou simplement ils sont guidĂ©s par leur curiositĂ© et leur admiration pour la musique classique et ce magnifique Festival Classica ! Notre idĂ©e de ce concert est de partager ces moments de rĂ©flexion, les moments de paix et de calme, les moments d’espoir, parce que la musique a ce pouvoir rare ! Elle nous guĂ©rit, elle nous unit, elle nous console et elle nous Ă©lève vers l’avenir, mĂŞme dans les moments difficiles.
PAN M 360 : Le programme de ce concert couvre plusieurs siècles et styles très différents, allant du romantisme russe de Glinka à la musique contemporaine de Kelly-Marie Murphy. Qu’est-ce qui relie toutes ces œuvres entre elles?
Elvira Mishbakova : La lumière dans ses diffĂ©rents Ă©tats. J’ai essayĂ© de trouver le reflet de la lumière dans chaque Ĺ“uvre. Parfois, la lumière est pure, comme dans le Magnificat de Pigovat, parfois, la lumière est intĂ©rieure et sombre, comme dans la pièce de Britten ÉlĂ©gie pour alto seul, ou alors c’est un phare dans l’obscuritĂ©, on peut le voir dans la pièce de Arvo Part Fratres, ou simplement, c’est un espoir pour le pardon dans Kol Nidrei de Max Bruch. La lumière est diffĂ©rente, mais elle est toujours lĂ pour nous ! Si le public pouvait imaginer ça ou chercher avec nous leur vision de la lumière dans chaque pièce, ça nous rendrait très heureuses.
PAN M 360 : La pièce Ad Lucem de Kelly-Marie Murphy sera créée en première mondiale. Comment cette œuvre est-elle arrivée à vous?
Elvira Mishbakova : En fait, c’est une première quĂ©bĂ©coise ! Quand j’ai eu l’idĂ©e de ce projet Ad lucem (avec l’enregistrement d’un album), j’ai tout de suite pensĂ© Ă faire une commande d’Ĺ“uvre Ă une compositrice canadienne, et comme j’admire Ă©normĂ©ment la musique de Kelly-Marie Murphy, je lui ai proposĂ© d’Ă©crire une pièce pour alto et piano qui s’appellera Ad lucem et elle a acceptĂ© avec un grand enthousiasme ! Meagan et moi, nous avons très hâte de la prĂ©senter Ă notre concert au Festival Classica.
PAN M 360 : Pouvez-vous nous présenter un peu plus sur Ad Lucem? Qu’est-ce que le public pourra entendre, ressentir?
Elvira Mishbakova : Le rĂ©pertoire est très variĂ©, il y aura des pièces d’Ă©poque classique, romantique, post-romantique, moderne et contemporaine, le choix pour tous les goĂ»ts ! Le public va entendre les Ĺ“uvres originales Ă©crites pour alto et piano, mais aussi des arrangements que d’autres altistes ont faits pour Ă©largir notre rĂ©pertoire. Il faut dire que l’alto, comme instrument soliste, prend de plus en plus la place devant la scène! Je suis très heureuse de jouer de cet instrument, qui est le plus proche de la voix humaine. Meagan et moi, nous avons très hâte de partager ce concert. J’espère que les gens vont apprĂ©cier ce choix de rĂ©pertoire, qui est rempli avec des Ă©motions fortes et profondes.
crédit photo : Sasha Onyschenko
C’est ainsi qu’il a dĂ©cidĂ© de nommer son plus rĂ©cent album afro-dancehall paru en 2024 et qu’il continue Ă dĂ©fendre encore aujourd’hui. Originaire de Guadeloupe, Aldo Guizmo n’en est pas Ă sa première participation au Festival des Saveurs interculturelles de Saint-Michel. En effet, il y Ă©tait l’annĂ©e dernière, mais cette annĂ©e, il sera accompagnĂ© du groupe SolidGround, avec lequel il a collaborĂ© Ă plusieurs reprises. Cet artiste d’inspiration afrocaribĂ©enne est Ă©galement rassembleur culturel, ingĂ©nieur en informatique et animateur radio. Un morceau de son rĂ©cent opus « Touchy » a connu beaucoup de succès alors que les opportunitĂ©s ne cessent de se multiplier pour ce vocaliste. Il sera sur plusieurs scènes cet Ă©tĂ©, alors ne manquez pas l’occasion de le voir ce dimanche. Notre journaliste Sandra Gasana l’a interviewĂ© Ă quelques jours de sa performance tant attendue, alors qu’il sortait d’un studio de rĂ©pĂ©tition.
Dans le cadre du Festival TransAmériques (FTA) , les compagnies Carte Blanche et Chants Libres se sont associées avec le Quatuor Bozzini afin de présenter une adaptation d’Hiroshima, mon amour en opéra contemporain en première mondiale à l’Usine C. Un hommage lyrique créatif qui ravive nos souvenirs : du film, de leurs événements et de la mémoire. Suivant la forme d’une production cinématographique, le spectacle met en scène Yamato Brault-Hori, Marie-Annick Béliveau et Ellen Wieser qui nous livrent, sur un plateau habillés de tulles de projection surdimensionnées, la poésie d’amour et de mort de Marguerite Duras en brouillant les codes et les frontières entre les médias, en même temps qu’entre le passé et le présent. Sur les partitions délicatement dissonantes de Rosa Lind se déploient les huit musicien(nes) et l’histoire d’amour intemporelle en musique. On a eu la chance de poser quelques questions à Christian Lapointe et Rosa Lind.
PAN M 360 : Comment avez-vous trouvĂ© la direction musicale de l’opĂ©ra ?
Rosa Lind : Le texte me fournit l’inspiration musicale. L’Ă©motion des mots, des lignes, me guide tout au long du processus.
PAN M 360 : Était-ce particulier pour vous de composer un opéra pour l’adaptation d’un film?
Rosa Lind: J’ADORE les films ! Je m’Ă©tais dĂ©jĂ penchĂ©e sur l’adaptation des  » Ailes du dĂ©sir  » pour un quatuor Ă cordes, mais un opĂ©ra est tellement amusant parce qu’on peut aussi travailler avec la voix humaine, qui est totalement appropriĂ©e pour cette histoire très humaine.
PAN M 360 : Est-ce que la trame sonore du film originale a eu une influence sur votre manière d’entendre l’histoire?
Rosa Lind : En fait, lorsque je travaille sur quelque chose, j’ai besoin de m’isoler complètement, et je n’Ă©coute donc pas d’autres compositeurs pendant le processus. Lorsque j’ai revu le film pour l’opĂ©ra, je l’ai regardĂ© sans le son pour vraiment m’imprĂ©gner du texte et de la magnificence des images afin que ma propre dĂ©finition et mes propres sentiments puissent Ă©merger.
PAN M 360 : Parallèlement au magnifique quatuor Bozzini, qu’est-ce qui a guidé votre choix d’instruments?
Rosa Lind : J’ai choisi la harpe en raison de sa tessiture (6 octaves), de sa clartĂ© dans les notes les plus aiguĂ«s et de la profondeur de ses basses. En tant que pianiste, je pense souvent Ă la musique de manière pianistique. (rires) J’ai optĂ© pour la clarinette en raison de la richesse du son, comme une liqueur de miel. Enfin, j’ai optĂ© pour la flĂ»te traversière en raison de sa forte connotation japonaise.
PAN M 360 : Pourquoi avoir décidé d’adapter Hiroshima mon amour en opéra en 2025?
Christian Lapointe : J’avais envie de montrer les événements oubliés, ceux racontés par le film et celui du film en soi, dans un contexte de nucléarisation du monde sans précédent.
PAN M 360 : D’où t’es venue l’idée d’ajouter le personnage de Marguerite Duras et de la faire vivre aux côtés de ses propres protagonistes?
Christian Lapointe : Au FTA en 2013, j’avais présenté un montage des textes de Marguerite Duras « L’homme atlantique » et « La maladie de la mort » où j’avais déjà commencé à explorer ça. J’ai donc voulu mettre en scène l’écriture elle-même, tout en faisant un clin d’œil.
PAN M 360 : Comment s’est fait le choix de la compositrice et du quatuor Bozzini?
Christian Lapointe: Rosa est une grande amie à moi et on avait envie de faire un opéra ensemble, alors elle m’a proposé le film et ça a été une évidence. Ensuite, le quatuor Bozzini est connu partout dans le monde et on sait qu’il peut être « flyé », et eux connaissaient déjà le travail de Rosa aussi, alors ça nous donnait une opportunité de mettre tout ce beau monde-là ensemble.
PAN M 360 : Pourquoi avoir choisi les projections surdimensionnées pour donner vie aux images?
Christian Lapointe: Je voulais jouer sur la mémoire et l’oubli, pour jouer à se souvenir du film. Le soldat allemand qui brûle la pellicule, le processus de création du film sur scène, Marguerite Duras incarnée, ce sont toutes des représentations de l’oubli de celui-ci, que les projections géantes viennent rappeler.

Pour commĂ©morer le 50e anniversaire de la mort de l’immense compositeur russe Dimitri Chostakovitch, le Quatuor Molinari prĂ©sente l’intĂ©grale des 15 quatuors Ă cordes du compositeur russe, comme l’avait fait l’ensemble montrĂ©alais, d’ailleurs en 2015. soit Ă l’occasion des 40 ans de la disparition de Chostakovitch. Ainsi cycle complet des quatuors sera jouĂ© en trois soirĂ©es consĂ©cutives, Ă raison de cinq quatuors par concert. Les programmes sont prĂ©sentĂ©s les jeudi 29, vendredi 30 et samedi 31 mai, 19h30, au Conservatoire de Musique de MontrĂ©al. Directrice artistique, fondatrice et premier violon du Quatuor Molinari, Olga Ranzenhofer nous parle de ce grand dĂ©fi Ă relever pour les interprètes de son ensemble. Alain Brunet a rĂ©alisĂ© l’interview pour PAN M 360.
OR, ON APPRENAIT LE MERCREDI 28 MAI QUE L’ALTISTE FRÉDÉRIC LAMBERT ÉPROUVAIT DES ENNUIS DE SANTÉ, CE QUI OBLIGE LE QUATUOR MOLINARI Ă€ REPORTER Ă€ UNE DATE ULTÉRIEURE CE CYCLE DES 15 QUATUORS.
BALADOS SUR LES QUATUORS CHOSTAKOVITCH ANIMÉS PAR JEAN PORTUGAIS POUR LE STUDIO MOLINARI ICI

Composée en 1988, oubliée par son compositeur submergé de travail, débusquée longtemps plus tard et joué par le quatuor de saxophones Quasar: en création le 26 février 2021 à la Salle Pierre-Mercure dans le cadre du Festival Montréal/Nouvelles Musiques.
Un an plus tard, Chaleurs fut prĂ©sentĂ©e pour la première fois devant public Ă l’Espace Orange du Wilder dans le cadre de la Saison montrĂ©alaise de Quasar, en co-diffusion avec Le Vivier. L’enregistrement de ces sĂ©ances de jeu, ainsi que le film et le documentaire qui l’accompagnent, inscrivent aujourd’hui Chaleurs parmi les incontournables de la musique contemporaine.
Chaleurs est aussi une expĂ©rience immersive mise en scène par Maxime Genois et son Ă©quipe. Cet enregistrement public fit l’objet d’une captation et constitua le second d’un triptyque de films d’arts de Quasar consacrĂ©s Ă des crĂ©ations canadiennes. Chaleurs s’inscrit dans un grand cycle d’œuvres de Walter Boudreau intitulĂ© le Cercle Gnostique et Ă©voque certaines particularitĂ©s du cosmos. La pièce se dĂ©ploie sur près de 50 minutes et requiert une virtuositĂ© extrĂŞme.
L’enregistrement audio fut rendu public en novembre 2024. Pour conclure la saison 30e anniversaire de Quasar, PAN M 360 a rĂ©uni les saxophonistes Marie-Chantal Leclair (soprano) et Jean-Marc Bouchard (baryton) auxquels se joignent le compositeur Walter Boudreau. MenĂ©e par Alain Brunet, voilĂ une interview costaude Ă conserver dans les archives du patrimoine culturel quĂ©bĂ©cois.
Sol-Étienne Labesse baigne dans la musique depuis l’adolescence, avant de devenir batteur pour le groupe Kulcha Connection, puis Deya avant de cofonder SolidGround, un collectif de reggae qui accompagne plusieurs artistes locaux et internationaux. Un peu Ă l’image des groupes de reggae en JamaĂŻque qui jouent pendant plusieurs heures accompagnant parfois une vingtaine d’artistes, SolidGround veut surtout promouvoir le reggae, et pas nĂ©cessairement un artiste en particulier. Ils prĂ´nent un esprit de partage et d’Ă©changes entre artistes. Ils seront au Festival des Saveurs ce dimanche 1er juin lors de la journĂ©e consacrĂ©e au Forum Social Mondial des Intersections, avant de poursuivre avec un calendrier chargĂ© cet Ă©tĂ©. Ils seront notamment au Festival de Reggae de Trois Rivières mais Ă©galement au Festival d’Ă©tĂ© de QuĂ©bec, et Ă MontrĂ©al pour quelques dates. Sandra Gasana s’est entretenue avec Sol-Étienne, en direct du studio de rĂ©pĂ©tition du collectif.
Innovations en concert, dirigĂ© de façon inspirante par Isak Goldschneider depuis une quinzaine d’annĂ©es (d’abord avec Cassandra Miller, puis seul depuis 2014), offre aux mĂ©lomanes avisĂ©.e.s et curieu.x.ses des trĂ©sors d’expĂ©riences musicales Ă chacune de ses saisons. La version 24-25 se terminera le 30 juin avec une autre trouvaille qui promet des instants de grâce contemporaine : la combinaison d’une oeuvre de Maxim Shalygin, compositeur post-minimaliste ukraino-nĂ©erlandais (Angel, pour violon et violoncelle, en crĂ©ation quĂ©bĂ©coise), et une autre du MontrĂ©alais Olivier Alary, vaste fresque de quelque 40 minutes pour 12 guitares lap steel. Oui, douze lap steel! Une soirĂ©e qui promet d’être fascinante Ă l’église Saint-Denis, sur Laurier est, Ă MontrĂ©al. J’ai discutĂ© avec Oliver et Isak des Ĺ“uvres au programme et d’autres choses.Â
Olivier Alary, rappelez-nous votre parcours qui vous a mené des études en architecture à la musique puis à Montréal
C’est un parcours assez sinueux, ponctué de bifurcations, mais qui s’est construit de manière organique. J’ai d’abord étudié l’architecture, ce qui m’a permis de développer une sensibilité à la structure, à l’espace et à la forme — des notions qui, avec le temps, ont trouvé un écho naturel dans ma manière d’aborder la musique.
Assez rapidement, j’ai ressenti le besoin de me tourner vers le sonore. Cela m’a conduit Ă Londres, oĂą j’ai Ă©tudiĂ© l’art sonore Ă l’universitĂ© Middlesex. Cette pĂ©riode a Ă©tĂ© fondatrice : j’y ai dĂ©couvert une approche très libre et expĂ©rimentale du son, Ă la croisĂ©e de la musique, de l’installation et de l’art contemporain.
En 2000, j’ai sorti un premier album sous le pseudonyme Ensemble sur le label Rephlex, fondé par Aphex Twin. Ce disque a attiré l’attention de Björk, avec qui j’ai eu la chance de collaborer sur plusieurs projets, notamment sur son album Medúlla. Cette rencontre a marqué un tournant, me donnant accès à des contextes de création très variés, entre musique expérimentale, pop avant-gardiste et collaborations multidisciplinaires avec Doug Aitken et Nick Knight.
Après Londres, j’ai passé quelque temps à New York, avant de m’installer à Montréal, où j’ai trouvé un environnement particulièrement propice pour approfondir ma pratique. C’est là , après quelques albums sortis sur le label FatCat Records que j’ai véritablement plongé dans la musique de film, un domaine dans lequel j’ai évolué pendant près de quinze ans. J’ai composé pour une soixantaine de films, principalement des documentaires et des fictions d’auteur, en collaborant avec des cinéastes aux univers très divers. Cette expérience m’a permis d’explorer en profondeur le lien entre musique et narration, entre son et image.
Après cette longue pĂ©riode de pratique professionnelle, j’ai ressenti le besoin de revenir aux fondements de la composition instrumentale. C’est dans cette optique que j’ai entrepris une maĂ®trise en composition Ă l’UniversitĂ© de MontrĂ©al, afin de mieux articuler mes connaissances techniques et d’explorer de nouvelles pistes de crĂ©ation. C’est dans ce cadre que j’ai dĂ©veloppĂ© des pièces instrumentales acoustiques, prenant comme point de dĂ©part la traduction en Ă©criture des techniques et processus que j’ai Ă©laborĂ©s en studio depuis plus de vingt ans. Ce travail m’a permis d’ouvrir un dialogue entre l’univers Ă©lectronique que j’avais cultivĂ© et l’écriture orchestrale, en cherchant Ă transposer des gestes de production, de montage et de traitement du son dans un langage purement instrumental. Vestiges s’inscrit dans la lignĂ©e de ces recherches.
Et finalement, je suis resté. Montréal s’est imposée comme un lieu d’ancrage, à la fois artistique et personnel. La ville dispose d’un vivier exceptionnel de musiciens, formés dans quatre universités et un conservatoire, ce qui favorise des collaborations de très haut niveau. Et puis, j’y ai rencontré ma conjointe, et nous avons eu deux enfants. Aujourd’hui, même si mon parcours peut sembler un peu éclaté, chaque étape a nourri la suivante, et l’ensemble forme une trajectoire cohérente qui continue d’évoluer.
DÉTAILS ET BILLETS POUR LE CONCERT ANGEL ET VESTIGES
Quels modèles (compositeurs, styles musicaux) ont façonné votre personnalité musicale?
Ma personnalité musicale s’est construite à travers un large éventail d’influences, souvent portées par des artistes qui aiment repousser les limites, que ce soit en musique, au cinéma ou dans les arts visuels. Côté cinéma, des réalisateurs comme David Lynch, David Cronenberg ou Andrei Tarkovsky m’ont profondément marqué par leur univers singulier et souvent déstabilisant. Dans les arts plastiques, je pense particulièrement à des figures comme César, Jean Tinguely ou Niki de Saint-Phalle, dont les œuvres questionnent la matière et le mouvement, ainsi qu’à Hans Bellmer et Gerhard Richter, qui explorent la forme et la perception d’une manière radicale.
Sur le plan musical, j’ai été fortement influencé par le Krautrock avec des groupes comme Can, Neu! ou Kraftwerk. Leur capacité à mêler rythmes hypnotiques, textures électroniques et improvisations a nourri mon goût pour l’expérimentation sonore. J’ai aussi une grande admiration pour le free jazz psychédélique de Sun Ra ou Pharoah Sanders, qui offrent une énergie et une liberté d’expression incroyables.
Le rock indépendant, notamment avec des groupes comme Sonic Youth ou My Bloody Valentine, m’a montré comment le bruit, la texture et les couches sonores pouvaient devenir des éléments expressifs à part entière.
Par ailleurs, la musique électroacoustique — notamment les œuvres de Bernard Parmegiani et Luc Ferrari — a profondément influencé mon approche de la composition, en m’apprenant à sculpter le son et à créer des espaces sonores riches à partir de détails subtils.
J’ai également été inspiré par la musique contemporaine du XXe siècle, avec des compositeurs comme György Ligeti, Gérard Grisey ou Luciano Berio, qui explorent la matière sonore avec une grande finesse. Le minimalisme américain, représenté par Steve Reich, David Lang ou Julia Wolfe, ainsi que le minimalisme spirituel d’Arvo Pärt et John Tavener, ont aussi marqué ma sensibilité par leur capacité à construire des émotions puissantes à travers la répétition et la simplicité.
Enfin, la chanson pop avant-gardiste, avec des artistes comme Björk — avec qui j’ai eu la chance de collaborer — mais aussi Velvet Underground, Robert Wyatt, Chico Buarque et Brigitte Fontaine, a toujours été une source d’inspiration, mêlant innovation musicale et poésie.
Au-delà des styles ou des noms, ce qui m’anime vraiment, c’est cette volonté constante de dépasser les conventions, de créer des ponts entre différents langages et médiums, et de chercher une musique qui puisse à la fois interroger, surprendre et émouvoir.
Alary a collaboré avec des artistes tels que Björk, Nick Knight, Cat Power et Doug Aitken, et a publié sa musique sur des labels comme Rephlex, Fatcat Records, 130701 et LINE. Il a également signé la musique de plus de cinquante films, plusieurs ayant été primés dans des festivals prestigieux tels que Cannes, Sundance ou Venise.
Comment percevez-vous la différence entre composer pour des artistes pop et pour des artistes associés à la musique contemporaine stricte?
Je perçois la composition pour des artistes pop et pour des artistes associés à la musique contemporaine stricte comme deux approches différentes mais profondément complémentaires. Ce ne sont pas pour moi des mondes séparés, mais plutôt des espaces de création qui dialoguent constamment et s’enrichissent mutuellement.
La musique pop, par sa nature souvent plus directe et accessible, offre un cadre où l’on peut jouer avec des formats plus courts, des structures plus claires et une immédiateté émotionnelle qui touche rapidement l’auditeur. Elle permet aussi d’explorer des sonorités plus électroniques ou des textures qui, bien que plus simples en apparence, demandent une grande précision et sensibilité pour garder leur impact.
À l’inverse, la musique contemporaine stricte ouvre un champ de recherche où l’on peut expérimenter librement avec des formes plus complexes, des techniques avancées, et une abstraction qui pousse à questionner la matière sonore, le temps et la perception. C’est un univers où la rigueur et la profondeur cohabitent avec l’innovation, ce qui me permet de développer des pièces instrumentales très travaillées, comme Vestiges, qui m’ont demandé plus de dix ans de recherche.
Ce qui est intéressant, c’est que ces deux univers fonctionnent pour moi comme des vases communicants. Les expériences acquises dans la musique contemporaine me donnent des outils pour enrichir mes compositions pop, en apportant plus de subtilité, d’originalité et de densité. Et inversement, le travail sur des formats pop plus immédiats stimule ma créativité et me pousse à simplifier, à être plus direct, tout en gardant une richesse expressive.
Dans mon expérience en musique de film, cette capacité à naviguer entre des registres très variés est essentielle. Selon le genre du film — qu’il s’agisse de suspense, d’horreur ou de drame — il faut souvent faire le pont entre une musique accessible, qui soutient l’émotion narrative, et des textures plus expérimentales qui créent des ambiances particulières et inédites. Cela m’a permis de développer une grande flexibilité et une ouverture d’esprit qui nourrissent aussi bien mes projets personnels que mes collaborations.
En résumé, plutôt que de voir la composition pop et contemporaine comme deux disciplines distinctes, je les considère comme deux pôles d’un même continuum créatif. Cette oscillation entre rigueur et immédiateté, entre expérimentation et émotion, me permet de faire évoluer sans cesse mon écriture et d’affiner une voix artistique personnelle, capable de traverser différents styles et publics.
Vestiges pour 12 lap steel. Pourquoi 12? Pourquoi des lap steel? Qu’est-ce qui vous attire dans cet instrument?
J’ai choisi d’utiliser douze guitares lap steel dans Vestiges parce que c’est un instrument qui m’a fascinĂ© depuis une quinzaine d’annĂ©es, notamment dans le cadre de la musique de film et de mes projets personnels. Ce qui m’attire particulièrement dans la lap steel, c’est sa texture sonore unique, surtout quand on joue avec des trĂ©molos et un slide posĂ© directement sur les cordes. Ce son a quelque chose de très vocal, presque comme une voix humaine, ce qui lui confère une expressivitĂ© très particulière.
Par ailleurs, la lap steel est souvent perçue comme un instrument limité, avec des connotations très marquées — notamment country ou western — ce qui peut être réducteur. Mon intention était justement de casser ces clichés, d’explorer ses potentialités au-delà de ces styles, pour offrir une musique totalement différente, plus éloignée de ces genres traditionnels.
J’ai aussi été intéressé par le fait que la tessiture de la lap steel est assez proche de celle d’une chorale, allant des graves aux aigus, ce qui m’a naturellement amené à imaginer des conduites de voix similaires, avec des registres allant de la basse au soprano.
Pourquoi douze guitares ? Parce qu’une guitare possède six cordes, et que la chorale choisie comporte six registres de voix. En doublant cela — soit deux fois six — on obtient douze instruments, ce qui sonne beaucoup mieux et surtout, cela offre une richesse harmonique et une profondeur sonore plus grande. Ce dispositif permet aussi de jouer pleinement sur la spatialisation du son, en répartissant les guitares dans l’espace pour créer une immersion acoustique très intéressante.
Enfin, je savais que travailler avec cet instrument dans une forme longue serait un vrai défi, mais cette limite même m’a stimulé : je voulais voir si je pouvais construire une pièce solide et cohérente autour de cette sonorité singulière.
Vestiges est une œuvre unique, fruit de dix années de recherche
Le message, ou le discours, l’idée maîtresse derrière Vestiges?
L’idée maîtresse derrière Vestiges est liée à une réflexion sur les traces que laissent certaines formes culturelles, spirituelles ou sociales en transformation. J’ai l’impression que nous vivons une période de transition, où certains repères traditionnels – qu’ils soient liés à la religion, à la structure familiale ou à des cadres sociétaux plus larges – évoluent ou perdent peu à peu leur place centrale dans nos vies.
Avec cette pièce, j’ai voulu évoquer ces transformations, en imaginant une sorte de requiem pour ces formes anciennes, et plus spécifiquement pour les traditions vocales et liturgiques issues de diverses spiritualités. Vestiges est une tentative de convoquer ces voix du passé, non pas pour les figer dans une posture nostalgique, mais pour les faire résonner autrement – dans une perspective sensible, presque médiumnique. Les douze guitares lap steel deviennent alors comme des relais, des passeurs de mémoire sonore, permettant à ces formes de réapparaître sous une nouvelle lumière.
D’ailleurs, ce qui ajoutera une dimension encore plus poignante à la performance, c’est le fait qu’elle soit présentée à l’église Saint-Denis – un lieu à l’architecture magnifique, chargé d’histoire, mais qui commence lui aussi, très concrètement, à devenir un vestige architectural. Ce contexte résonne parfaitement avec le propos de l’œuvre.
Sur le plan musical, Vestiges s’inspire de diffĂ©rentes formes de musique polyphonique vocale, comme les madrigaux, les chorales, la musique liturgique orthodoxe et la psalmodie gaĂ©lique
Isak, parlez-moi de Maxim Shalygin. Qui est-il ?
Maxim Shalygin est un compositeur ukraino-néerlandais qui vit aux Pays-Bas depuis 2010. Comme Olivier, il a beaucoup d’expérience dans l’écriture de musique pour des contextes en dehors de la scène de concert, comme le cinéma, la danse ou le théâtre – ce qui explique peut-être, à mon avis, pourquoi leurs œuvres partagent une certaine atmosphère : une approche similaire de l’espace, du son, de l’intériorité.
Qu’est-ce qui vous attire dans sa musique ? Pourquoi avoir choisi de jouer cette pièce (Angel) à ce moment ?
La nature introspective de la musique de Shalygin et sa capacité à évoquer des paysages émotionnels profonds résonnent fortement avec moi. Angel, composé en 2020 pendant le bouleversement mondial de la pandémie de COVID-19, réfléchit à la relation de l’humanité avec la nature et à la fragilité de l’existence – on peut l’écouter comme une méditation sur les traumatismes historiques. Jouer cette œuvre aujourd’hui me semble tout à fait opportun, au vu de ce que nous vivons actuellement dans le monde.
Comment décrire l’univers sonore de Angel ? Peut-on le rapprocher d’autres styles qu’on connaît déjà ?
Angel offre à ses auditeurs une interaction délicate entre le violon et le violoncelle : un paysage sonore méditatif et éthéré. L’œuvre s’inspire de la Sonate pour violon et violoncelle de Maurice Ravel, composée un siècle plus tôt, à la suite de la Première Guerre mondiale et de la pandémie de grippe espagnole. Comme chez Ravel, la mélodie est au cœur de l’expression chez Shalygin, ce qui donne lieu à une œuvre que je trouve à la fois intemporelle et profondément humaine.
D’autres informations pertinentes à mentionner ?
Il est intéressant de souligner les croisements de sens entre Angel et Vestiges d’Olivier, une composition de 42 minutes pour douze guitares lap steel amplifiées et diffusion électronique. Il y a dans la vocalité spectrale de Vestiges – cette chorale fantomatique d’échos et de réverbérations flottant entre mémoire et oubli – quelque chose que je trouve très « shalyginien ». Chaque guitare, jouée avec des techniques étendues et peu conventionnelles, devient un canal pour des fragments sonores, comme des échos de voix oubliées : cela évoque peut-être un autre grand chef-d’œuvre ukrainien [Shadows of Forgotten Ancestors de Sergueï Paradjanov].
Vestiges s’appuie sur des principes structurels empruntés aux madrigaux, à la liturgie orthodoxe, aux psaumes gaéliques et aux chorals, pour construire une architecture sonore enracinée dans le passé tout en évitant la nostalgie. Cette immédiateté émotionnelle et cette attention portée à la mémoire me rappellent fortement le travail de Shalygin ; c’est, pour moi, un bel exemple d’évolution musicale convergente.
Je suis très reconnaissant, dans ce projet, d’avoir l’occasion de m’engager avec des œuvres qui nous bousculent musicalement et qui nous poussent à réfléchir sur la mémoire et la nature éphémère de l’existence. Pour moi, la musique – et l’art en général – est une manière d’entrer en dialogue avec ces questions, avec les grands enjeux de la vie.
Interprètes
Angel de Maxim Shalygin :
Adrianne Munden-Dixon, violon
Audreanne Filion, violoncelle
Vestiges de Olivier Alary :
Jonathan Barriault ; Nicolas Caloia ; Steven Cowan ; Simon Duchesne ; Ben Grossman ; Marc-AndrĂ© Labelle ; Dominic Marion ; Pierre-Yves Martel ; Matt Murphy ; Jean RenĂ© ; Pascal Richard ; Julien Sandiford – guitares lap steel
Isak Goldschneider, direction musicale
Ce dimanche, Fred Everything occupera la scène du dĂ©but Ă la fin, ne jouant que des morceaux auxquels il a participĂ© Ă l’enregistrement. Loin d’ĂŞtre un simple DJ set, c’est l’occasion d’assister Ă l’aboutissement du travail de toute une vie – ce qui, avec plus de 250 sorties Ă son nom et plus de 100 sorties sur son label Lazy Days, est une sacrĂ©e caisse de rĂ©sonance. Ayant produit, remixĂ© et collaborĂ© Ă divers genres de musique Ă©lectronique, son approche improvisĂ©e des platines peut nous emmener dans n’importe quelle direction.
La durabilitĂ© de Fred Everything est Ă Ă©tudier. Au cours des trois dernières dĂ©cennies, ses contributions Ă la musique Ă©lectronique en tant que producteur, DJ et fondateur de Lazy Days Records ont cimentĂ© sa rĂ©putation d’artiste non seulement Ă©clectique, mais aussi constant. Avec un spectacle Ă Mutek l’Ă©tĂ© dernier, une nomination aux Junos pour l’album Ă©lectronique de l’annĂ©e il y a quelques mois Ă peine, et maintenant un marathon du Piknic, Fred Everything continue de rĂ©colter les fruits de son authenticitĂ©.
Curieux d’en savoir plus sur l’esprit qui se cache derrière ce tour de force, Fred Everything a bien voulu partager avec nous une partie de son histoire – ou de l’Histoire, si l’on considère son Ĺ“uvre monumentale. Il nous parle ici de sa prĂ©paration pour le set de dimanche, de ses dĂ©buts modestes, de son approche pĂ©renne et de son intĂ©rĂŞt rĂ©cent pour le mentorat.
PAN M 360 : Vous allez fĂŞter les 30 ans de votre premier album et les 25 ans de Lazy Days. C’est un grand moment, comment vous sentez-vous ?
Fred Everything : GĂ©nial ! Passer en revue toute la musique pour mon set, c’est vraiment un processus un peu introspectif et Ă©motionnel. Il y a des choses qui ont passĂ© l’Ă©preuve du temps et d’autres que je ferais diffĂ©remment, mais tout cela fait partie du voyage qui m’a menĂ© lĂ oĂą je suis, alors je suis lĂ pour l’accepter !
PAN M 360 : C’est un vĂ©ritable exploit de jouer aussi longtemps, mais si j’ai bien compris, c’est quelque chose que vous faites rĂ©gulièrement au Salon DaomĂ©. Qu’est-ce qu’un set prolongĂ© vous permet de faire que vous ne pouvez pas faire dans un crĂ©neau horaire normal ?
Fred Everything : Pour ma gĂ©nĂ©ration de DJs et les DJs qui m’ont prĂ©cĂ©dĂ©, c’est un processus normal. Nous nous sommes habituĂ©s Ă jouer du dĂ©but Ă la fin dans une salle. Accueillir les gens, crĂ©er l’ambiance, essayer diffĂ©rentes choses au cours de la soirĂ©e, et la meilleure partie, renvoyer les gens chez eux avec quelque chose dont ils se souviendront.
PAN M 360 : Vous avez parlĂ© de longs mĂ©langes et de mixage crĂ©atif – arrivez-vous Ă un set comme celui de Piknic avec un plan strict, ou prĂ©fĂ©rez-vous lire l’Ă©nergie et improviser ?
Fred Everything : Je n’ai jamais jouĂ© un set planifiĂ©. Cela va au-delĂ de mes convictions en tant que DJ. Nous sommes lĂ pour offrir une expĂ©rience basĂ©e sur des moments et des humeurs. Cela dit, j’ai prĂ©parĂ© pour dimanche un set spĂ©cial qui ne comprend que de la musique Ă laquelle j’ai participĂ©. Que ce soit en tant qu’A&R pour Lazy Days avec diffĂ©rents artistes du label, ou mes propres productions, collaborations, remixes ou mĂŞme si c’est quelqu’un qui a remixĂ© une de mes chansons. J’ai une idĂ©e de l’ambiance que je veux crĂ©er au dĂ©but, au milieu et Ă la fin de mon set, mais cela peut aussi changer !
PAN M 360 : Il semble que la musique Ă©lectronique ait toujours Ă©tĂ© au cĹ“ur de votre exploration musicale. J’ai lu quelque part que mĂŞme au tout dĂ©but, vous vous ĂŞtes procurĂ© un SH101 et un TR909 pour jouer dans les raves. Pouvez-vous nous dire ce qui vous a attirĂ© vers ce mĂ©dium ?
Fred Everything : J’achète des instruments depuis que j’ai pu lĂ©galement travailler pendant l’Ă©tĂ© au lycĂ©e. J’ai fait la vaisselle pour acheter mon premier synthĂ©tiseur. Le 101 et le 909 ont Ă©tĂ© achetĂ©s pour ma propre production. Ils Ă©taient très bon marchĂ© Ă l’Ă©poque, environ 300$ pour les deux – j’ai toujours mon 101 rouge original que j’ai achetĂ© il y a 35 ans. J’ai toujours Ă©tĂ© fascinĂ© par les sons Ă©lectroniques, mĂŞme lorsque j’Ă©tais enfant. Les boĂ®tes Ă rythmes, les synthĂ©tiseurs et les vocoders attiraient instantanĂ©ment mon attention lorsqu’ils passaient Ă la radio. Je pense que dès mon plus jeune âge, j’ai toujours voulu travailler avec des machines. J’ai Ă©galement fait partie de la première vague de raves Ă QuĂ©bec, ce qui m’a permis de jouer en direct avec mes instruments Ă l’Ă©poque.
PAN M 360 : Fred Everything est connu pour faire un peu de tout. C’est d’autant plus impressionnant que vous exercez votre mĂ©tier depuis plus de 30 ans. Mais c’est peut-ĂŞtre lĂ le secret… Qu’est-ce qui, selon vous, a nourri votre curiositĂ© crĂ©ative pendant toutes ces annĂ©es ?
Fred Everything : La musique est comme une force que j’ai en moi. MĂŞme lorsque je suis dĂ©sillusionnĂ©, je trouve toujours la force de continuer. Je l’ai choisi, mais il m’a aussi choisi. L’une des choses qui me poussent Ă continuer, c’est aussi de savoir que j’ai encore des choses Ă exprimer et de la musique Ă dĂ©couvrir, ancienne et nouvelle. Cela ne s’arrĂŞtera jamais complètement.
PAN M 360 : Votre dernier album, Love, Care, Kindness and Hope, qui a Ă©tĂ© nommĂ© pour un prix JUNO cette annĂ©e, est sorti en vinyle. Vous avez toujours entretenu un lien avec les formats physiques. Quel rĂ´le le vinyle joue-t-il encore aujourd’hui dans votre processus de crĂ©ation et d’Ă©coute ?
Fred Everything : Comme tout ce que je fais, il est Ă©galement sorti en version numĂ©rique, mais il Ă©tait important d’avoir un objet Ă tenir, comme un testament de cet ensemble de travaux. Beaucoup de gens aiment encore le vinyle. Ă€ la maison, j’Ă©coute presque exclusivement des disques et j’aime continuer Ă en acheter et Ă en Ă©couter autant que possible. C’est de lĂ que je viens. J’aimerais pouvoir presser tout ce que je fais sur vinyle, mais c’est un peu difficile Ă rĂ©aliser de nos jours.
PAN M 360 : En plus d’ĂŞtre producteur et DJ, j’ai remarquĂ© que vous ĂŞtes Ă©galement très actif en tant que mentor, avec une forte prĂ©sence sur des plateformes telles que Puremix, Station Clip, IO Music Academy, et Echio.co. Sans dĂ©voiler toute la sauce, quel genre de conseil ou d’orientation donnez-vous aux jeunes artistes ?
Fred Everything : Bien que je n’aie jamais Ă©tĂ© un bon Ă©lève dans ma jeunesse, j’ai toujours Ă©tĂ© intĂ©ressĂ© par le partage de mes connaissances. Pendant la pandĂ©mie, j’ai commencĂ© Ă le faire davantage en ligne et j’ai reçu des demandes de mentorat privĂ©, ce que j’ai fait par intermittence au cours des dernières annĂ©es. La plupart du temps, j’essaie de partager une approche plus philosophique de la crĂ©ation musicale plutĂ´t que de rĂ©pĂ©ter les interminables tutoriels techniques qui sont dĂ©jĂ en ligne. Je donne un cours sur le remixage mercredi prochain, le 28 mai, ici Ă MontrĂ©al, Ă la Station Clip.
PAN M 360 : Vous avez passĂ© du temps dans des villes comme San Francisco et Londres, mais MontrĂ©al semble exercer une attraction durable. Qu’est-ce qui fait que vous ĂŞtes toujours ancrĂ© Ă MontrĂ©al ?
Fred Everything : J’ai vĂ©cu Ă Londres peu de temps après 1999 et Ă San Francisco pendant 8 ans jusqu’Ă il y a 10 ans. J’adore voyager, mais le meilleur moment est toujours de rentrer Ă la maison. J’ai eu des hauts et des bas avec cette ville dans le passĂ©, mais nous nous sommes totalement rĂ©conciliĂ©s et je pense que mĂŞme avec tous ses dĂ©fauts, MontrĂ©al reste l’une des meilleures villes du monde !
PAN M 360 : Enfin, Lazy Days fĂŞte ses 20 ans cette annĂ©e – tout d’abord, fĂ©licitations. Quels sont vos espoirs pour le prochain chapitre du label ? Y a-t-il de nouvelles directions, de nouveaux artistes ou de nouveaux formats que vous ĂŞtes impatient d’explorer ?
Fred Everything : Merci ! Il y a beaucoup de choses Ă venir qui m’enthousiasment, comme un nouvel album que j’ai fait avec mon vieil ami et partenaire musical Atjazz. Je suis Ă©galement heureux de continuer Ă sortir la musique de nombreux amis talentueux sur le label et, je l’espère, de dĂ©couvrir de nouveaux talents en chemin !
Sources
Présenté par la Société de musique contemporaine du Québec, le concert de ce dimanche 25 mai à la Chapelle Notre-Dame-de-Bonsecours se veut un  » vibrant hommage consacré à la compositrice vancouveroise Jocelyn Morlock, disparue prématurément en 2023 dans un programme émouvant construit autour de sa mémoire, avec des œuvres de Samy Moussa, Rita Ueda et Tanya Tagaq. »
Simon Bertrand, compositeur et directeur artistique de la SMCQ, explique ses choix.
« Figure de proue de la musique de concert au Canada, lauréate de nombreux prix dont un prix Juno pour sa pièce My Name is Amanda Todd, dédiée à la mémoire de cette jeune étudiante victime de harcèlement, feue Jocelyn Morlock (1969-2023) fut une compositrice marquante, en témoigne « un catalogue d’œuvres puissante alliant légèreté et profondeur dans un langage musical très lyrique et personnel ».
PAN M 360: En quoi leurs œuvres se rapprochent-elles de celles de la disparue?
Simon Bertrand: Ce concert a été conçu comme une sorte de rituel en mémoire de Jocelyn Morlock. Les œuvres de Moussa et de Ueda ont étées commandées par la SMCQ avec le demande spécifique d’être « in memoriam » Jocelyn Morlock, chose rendue facile car ces deux compositeurs admiraient l’œuvre de celle-ci, tout comme c’est le cas de Luis Ramirez. Pour ce qui est de la puissante pièce de Tanya Tagaq, il s’agissait de la recherche d’un effet dramatique car l’œuvre est très perturbante. Car tout cela est un hommage à la vie, à la mort, à la lumière et aux ténèbres.
PAN M 360: Pourquoi et comment Jocelyn Morlock a-t-elle marqué les esprits?
Simon Bertrand: Par sa musique, à la fois simple et complexe, techniquement ou émotionnellement, et par son témoignage humaniste, notamment avec sa pièce iconique My name is amanda Todd et par son caractère généreux et empathique envers le milieu musical.
PAN M 360 : Quelles sont ses œuvres les plus importantes?
Simon Bertrand: « My name is Amanda Todd », justement mais aussi Exaudi, qui est au programme du concert de dimanche et qu’elle considérait comme une de ses meilleures pièces.
PAN M 360: Pourquoi avoir intitulé ce programme Aurore solennelle?
Simon Bertrand: Le thème des trois portraits de compositrices de la saison, en marge du festival MNM, ( Saariaho, Lizée, Morlock) était les aurores boréales en lien avec ce que nous avons vécu en 2024.
Les deux œuvres de Morlock au programme sont The uses of solitude, pour flûte, harpe et alto, et le poignant Exaudi pour violoncelle solo et chœur. La première est une des toutes dernières œuvres de la compositrice. Elle est présentée en première québécoise par le Trio Kalysta (Lara Deutsch, flûte; Marina Thibeault, alto; Emily Belvedere, harpe). La seconde pièce est interprétée par la soliste Chloé Dominguez, violoncelle solo de l’Ensemble de la SMCQ et quelques chanteurs de l’ensemble Voces Boreales dirigé par Andrew Gray.
Ce concert sera dédié à la cause de la santé mentale chez les musiciens.
PAN M 360 : Pourquoi avoir choisi Exaudi et The Uses of Solitude dans ce programme?
Simon Bertrand: Exaudi est une œuvre bouleversante et une très grande réussite, autant au niveau de l’écriture vocale que de la partie de violoncelle solo. The Uses of Solitude est une des dernières, sinon la dernière œuvre qu’elle a composé, et se veut une réflexion sur la solitude qu’a pu engendrer la pandémie de Covid-19, qui a engendré beaucoup de souffrance dans le milieu musical et des arts de la scène en général.
PAN M 360: Au-delà de la description ci-haut, que peut-on ajouter sur les formes de chaque œuvre des compositeurs invités à ce programme hommage?
Simon Bertrand: Samy a composé une œuvre qui est un chant très simple pour hautbois solo qui dégage mélancolie et solitude. Cela devient presque un personnage dans le contexte de ce concert, ou il y a de plus en plus de musiciens sur scène. Puis, le trio Kalysta joue deux œuvres et peu à peu on se dirige vers la musique vocale, le hautbois devient cor anglais et les cordes se mêlent au rituel dans l’œuvre de Ueda, qui est bouleversante et magique à la fois. Le point culminant est Exaudi de Morlock, suivi du retour du chant initial du hautbois solo de Moussa. C’est un peu une sorte de dramaturgie musicale en hommage à Jocelyn.
Participant·es
- Ensemble de la SMCQ
- Voces Boreales
- Andrew Gray, chef invité
- Trio Kalysta
Lara Deutsch, flûte; Marina Thibeault, alto; Emily Belvedere, harpe
- Chloé Dominguez, violoncelle
- Mélanie Harel, hautbois
Programme
- [titre à déterminer], 5:00
Création
hautbois
- Volador (2023), 5:30
flûte, alto et harpe
- The uses of solitude (2023), 20:00
Première (Québec)
flûte, alto et harpe
- Sivunittinni (2015), 10:00
Arr. Jacob Garchik
quatuor Ă cordes
- [titre à déterminer], 10:00
Création
cor anglais, quatuor Ă cordes et ensemble vocal
- Exaudi (2004), 9:00
violoncelle et ensemble vocal (9)