Nous sommes arrivés juste après la tombée de la nuit, accueillis par une nappe de brouillard et la douce lueur des lumières stroboscopiques. Exposé Noir était en pleine action. Les caméras des téléphones étaient scellées, volontairement oubliées, remplacées par un étrange sentiment d’intimité et de confiance. C’était plus qu’une fête. On avait l’impression d’entrer dans un microcosme étudié, un monde construit sur le rythme, le souffle et la sueur, où le respect mutuel faisait place à la joie simple.
Sur la Terrasse, Tiga est déjà en pleine effervescence. Légende montréalaise ayant un long héritage dans la musique électronique mondiale, il a traversé les époques sans effort apparent. Les lignes de basse disco bouillonnaient sous les textures vocales à la Björk. C’était élégant, surprenant, presque cinématographique. La vue du Belvédère en accentuait le surréalisme, Habitat 67 et la Biosphère se profilaient sur l’eau sombre comme les accessoires d’un rêve. Il y a eu un moment, juste après qu’un rythme soit tombé dans le silence, où nous avons regardé autour de nous et réalisé que les gens n’étaient pas en train de documenter cela. Ils le vivaient. On pouvait sentir l’intention dans la conception de l’espace : immersif, généreux, protecteur.
Mais c’est à côté, à l’intérieur du Belvédère, que le charme opérait. Le travail d’éclairage était époustouflant : doux, net, atmosphérique. Le brouillard enveloppait la pièce de velours. Les lumières s’y réfractaient, sculptant les corps en mouvement. Cela ressemblait à une cérémonie, comme si l’on entrait dans une transe collective.
Yazzus, la DJ britanno-ghanéenne issue de l’underground queer berlinois, a pris les commandes et a propulsé la soirée dans une autre dimension. Son set était radieux : rapide, sexy, explosif. Elle a puisé dans le ghettotech, la jungle et la nostalgie des raves du début des années 2000, mais le résultat était indubitablement le sien. Avec chaque drop et chaque build, elle créait un espace à la fois extatique et vulnérable. Très énergique mais joyeuse, elle nous a donné la permission de nous laisser aller. La salle a réagi de la même manière. Comme on nous l’a dit plus tôt dans la soirée, « c’est une question d’intensité, mais c’est aussi une question d’attention ».
Puis est arrivé DJ Tool, qui nous a plongés encore plus profondément dans l’obscurité. Membre du collectif berlinois Mala Junta , il est connu pour sa techno rapide et chargée d’émotions, d’une précision chirurgicale. Son set était implacable, industriel, physique et inébranlable. Si Yazzus nous a donné des ailes, Tool nous a enfermés dans le tunnel et a accéléré. Mais même ici, dans les moments les plus durs, il y avait un sentiment de contrôle et de confiance, celui d’être emmené quelque part dans un but précis.
Cette soirée à l’Exposé Noir ne s’est pas contentée de présenter trois DJ. L’événement a honoré l’architecture émotionnelle de la vie nocturne : comment la bonne énergie, le bon son et le bon cadre peuvent faire passer une salle de l’évasion à quelque chose de plus profond. Elle nous a rappelé à quel point il est bon d’être complètement, pleinement présent.