« La dernière fois que j’étais ici, j’avais dit que j’allais revenir à Montréal et parler français. Mais je ne le parle toujours pas. Mais j’ai commandé mon souper en français ! », nous partage fièrement la chanteuse brésilienne Bïa Ferreira en anglais, alors qu’elle entame son deuxième concert à Montréal. Et tout comme la première fois, elle divise son concert en deux parties, l’une abordant l’amour et l’autre, revendicatrice et très engagée.
« Si vous sortez d’ici différents de lorsque vous êtes arrivés, alors j’aurai fait mon travail », ajoute-t-elle. Et c’est partie pour une entrée en matière sous forme de prière alors que sifflement, voix et guitare se mêlent pour nous livrer un beau cocktail sonore. En effet, elle est peut-être seule sur scène avec sa guitare, mais par moments, on a l’impression qu’ils sont cinq.
Elle nous sert également du Xote, un rythme musical brésilien qui se danse souvent à deux. « Quand j’ai écrit cette chanson, j’étais très en amour. Mais j’étais la seule qui aimait », nous dévoile-t-elle. Avec sa voix qui porte et son timbre particulier, elle maitrise son rapport avec le micro, sachant quand il faut s’en éloigner ou s’en approcher. Avec mon amie Juliana qui est tout aussi mélomane que moi, on se disait que sa musique était à la fois empreinte de blues, jazz, soul, gospel, le tout à saveur brésilienne. Sa signature reste le sifflement qui revient dans plusieurs chansons et qu’elle maitrise très bien, mais aussi les nombreux autres bruits qu’elle fait avec sa bouche, en plus du beatboxing. D’ailleurs, sur un de ses morceaux, elle rajoute un bout de Easy Like a Sunday morning, de Lionel Richie, ce qui surprend mais plait tout de suite à l’audience.
« La dernière fois que j’étais ici, c’était en février et il faisait très froid. Alors je me suis dit qu’il fallait que je revienne en été. Et je suis là ! » sous les applaudissements du public.
Sur le morceau Saudade, on a parfois l’impression d’entendre du cajón et parfois du piano, alors qu’elle fait tout cela avec sa guitare. Elle termine ensuite avec un rythme bossa nova, ce qui vient rajouter du relief au morceau. « C’est difficile de traduire Saudade. Ce n’est pas “Tu me manques”! C’est autre chose, c’est un sentiment qui te rend malade ! »
Bïa Ferreira est également une excellente conteuse. Elle prend le temps d’expliquer toutes les chansons mais même durant certains morceaux, elle nous raconte des histoires, parfois avec un débit vocal très rapide mais toujours théâtral. C’est le cas notamment sur Molho Madeira, qui va figurer dans le prochain album d’Ellen Oléria, mêlant des passages où elle parle et elle rap, valsant entre douceur et agressivité, tapant sur sa guitare qui lui sert de percussions.
« Toutes les églises ont une chorale. Alors pour terminer cette première partie, j’aurai besoin de vous sur la chanson Levante a bandeira do amor, aux accents de raggamuffin.
La deuxième partie, plus engagée et plus politique, débute avec un a capella reprenant Zé do Caroço, de Seu Jorge,un classique de la musique brésilienne.
Après un hommage à Leci Brandão, la reine du samba, elle débute la deuxième partie avec un morceau reggae très rythmé, avec un peu de beatboxing, ce qui donne le ton à ce qui arrivera. Elle rend d’abord hommage aux femmes à travers le monde dans Não precisa ser Amélia, dans laquelle elle crie par moments, laissant paraitre ses cordes vocales en pleine action.
Le summum de la soirée à mon avis est lors de la chanson Diga não (ou Dîtes non !), dans laquelle elle dénonce le silence face au génocide qui sévit en Palestine. « En restant silencieux, vous choisissez un camp. Votre silence aide les oppresseurs ! » La salle participe fortement et prend son rôle de chorale très au sérieux, surtout sur le morceau A conta vai chegar (ou la facture va arriver) faisant allusion aux dettes liées à la colonisation.
Elle a terminé sur une bonne note avec Sharamanayas, principe qui consiste à garder ce qui est bon pour nous, et se débarrasser de ce qui est mauvais. Une chose est sûre, le concert de Bïa Ferreira a fait du bien aux spectateurs venus la voir, même si je me serais attendue à une salle plus comble, comme lors de son premier passage. Alors que nous sortons à peine du Festival Nuits d’Afrique, cet événement a peut-être échappé aux radars de plusieurs adeptes de sa musique.
Crédit photo: Inaa