Récidive de plateau double le 5 octobre à La Chapelle dans la programmation de Québec Musiques Parallèles. En première partie, le duo d’artistes composé de Chantale Boulianne et Sara Létourneau présentait pour une deuxième soirée leur œuvre performative Ce qui reste quand la peau se détache du corps, dont nous avons pu apprécier personnellement la teneur et le rendu la veille. (Voir notre critique ici)
La deuxième partie de la soirée au retour était assurée par les membres du groupe E27, ensemble et organisme de création basé à Québec. Fondé en 1999 par Patrick Saint-Denis, Alexis Lemay et Yannick Plamondon, l’organisme œuvre depuis 25 ans à la découverte, à la création et à la diffusion de la musique nouvelle au Québec et notamment dans la région de la capitale nationale, se taillant ainsi une place durable dans l’écosystème des musiques de créations. Les visites de l’ensemble sont pour autant peu fréquentes dans la métropole. Une initiative comme celle de QMP qui encourage la diffusion des genres et l’échange des protagonistes, comme le soulignait Alain Brunet dans une récente entrevue avec Isabelle Bozzini, est donc tout à fait à propos et bienvenue pour la libre circulation et le partage des univers musicaux.
L’œuvre qui était au programme était une pièce de Pierre-Yves Martel, Chance Variations, créée en 2023 par E27. La pièce comporte un effectif relativement hétéroclite : une viole de gambe, avec Martel lui-même comme interprète, un vibraphone joué par Raphaël Guay – qui est aussi le directeur artistique d’E27 – et une clarinette basse jouée par Mélanie Bourassa. L’œuvre « intègre des procédures aléatoires et explore la notion de répétition à travers des cellules mélodiques superposées qui évoluent progressivement au fil du temps ». Un peu comme l’œuvre de Davachi la veille, la notion de temps et de son élasticité est présente dans l’œuvre de Martel et offre, après l’intensité sensorielle et visuelle de la performance de Létourneau et Boulianne, un moment d’apesanteur et de flottement serein pour l’auditeur. Le jeu des textures était cependant plus varié et la forme beaucoup plus active.
Évoluant dans une structure où la forme et la sélection des notes ont été déterminées au hasard (à l’aide de dés) et où les rythmes, les séquences de notes et les registres ont été construits librement, les interprètes s’échangent les notes de basse pour soutenir une harmonie aléatoire où les différentes constituantes créent un jeu entre les hauteurs et les timbres des instruments. Au fil de la pièce, des instants de dissonances deviennent perceptibles, principalement en provenant des cordes, qui créent un léger élément de tension, tandis que la clarinette et le vibraphone sont imperturbables. Des points d’ancrage tonaux où les timbres des instruments se rencontrent et créent une sorte de saturation sonore par les harmoniques d’une douce intensité. Il se dégage ainsi de la pièce un caractère méditatif et profondément introspectif, mais qui continue à capter notre attention.
Constituer un plateau double est toujours un jeu d’équilibriste entre créer de la variété et de la découverte et pour autant opposer un trop grand déséquilibre stylistique entre les parties. La programmation montréalaise de QMP est très juste à ce titre en proposant œuvres complexes et œuvres aux caractères plus intimes. Il faudra cependant prendre garde à ce que l’on ne tombe pas dans une opposition stylistique trop marquée, question de garder active l’attention de l’auditeur.
crédit photo: Alexandre Villemaire