Pour faire monter la sauce d’une recette qui a pris un coup de vieux ces dernières décennies, le jazz international peine à trouver de nouvelles figures du jazz vocal au féminin et ainsi étoffer la cohorte déjà constituée des Dianne Reeves, Dee Dee Bridgewater, Cécile McLorin Salvant et autre Samara Joy. Voici un autre premier choix au repêchage : Ekep Nkwelle.
Vers 20h samedi, le petit amphithéâtre extérieur de l’Esplanade Tranquille, nommé Pub Molson pendant la durée du FIJM, était l’un des rares lieux protégés de la pluie insistante qui s’est calmée plus tard, fort heureusement pour notre Dominique Fils-Aimée qui a pu donner une performance impériale sur la Scène TD.
À plus petite échelle, cette jeune femme de 25 ans, née à Washington DC de parents Camerounais, a mis sur le cul les centaines de personnes présentes à cette authentique découverte. L’illustre inconnue a très peu enregistré, nous étions tous là au hasard de la découverte
Ça commence avec un jazz très enclin au gospel et à la soul jazz. Et puis ça plonge direct dans le monde de la grande Abbey Lincoln, et l’on se dit une fois de plus que cette vibe afro-américaine est absolument inimitable. Comme c’est le cas d’Ekep Nkwelle, il faut être imprégné de la vie noire états-unienne pour l’exprimer ainsi à travers le jazz. Excellent quartette de jazz moderne, chanteuse hantée par les esprit de ses aïeules.
Ekep Kwelle passe ensuite à des reprises de Betty Carter arrangées par le Brésilien Djavan, l’esprit de Betty y est chaudement interpellé.
La chanteuse passe ensuite à l’évocation fervente de Nina Simone et sa si puissante blackness.
Et c’est la relecture de Solitude d’ Ellington, et c’est Moanin’ de Bobby Timmons, et ainsi de suite jusqu’à la fin de cette heure, somme toute palpitante.
En choisissant ce répertoire somme toute assez prévisible du jazz moderne et du jazz vocal au féminin, Ekep Nkwelle aurait pu nous nous laisser de glace, nous endormir ou nous diriger vers d’autres scènes. Ce ne fut pas le cas! Avec de l’archi-connu, cette jeune chanteuse accomplit des miracles d’expressivité, de puissance, d’exubérance, d’aisance, de sensibilité, de passion, de tripes sur la table.
Dans sa robe blanche, elle aura mis tout le monde présent. Sans exception. Nous étions trop peu pour dégainer le cliché « une étoile est née » mais… nous ne sommes pas loin de le faire.