La salle Wilfrid-Pelletier a dansé hier et ce tour de force est signé Pink Martini. Dans une salle comble, les 12 musiciens de la formation née en Oregon, il y a 30 ans cette année, ont franchi les frontières musicales et langagières pour le plus grand bonheur des spectateurs.
Multipliant les langues et les styles musicaux, la formation de Portland nous a offert pendant plus de deux heures une pétarade de morceaux en technicolor, allant du lounge au rétro, en passant par le jazz, le ladino, la salsa, le cha-cha-cha et autres genres, le tout entrecoupé de solos à couper le souffle.
Dès son arrivée sur scène, la bande menée par la chanteuse China Forbes et son complice de toujours, le pianiste Thomas Lauderdale, sorte d’archéologue musical, nous auront ragaillardis par leur énergie enthousiaste et des rythmes endiablés qui n’auraient pas déplu aux vénérables disparus du Buena Vista Social Club.
Notamment en raison de la section de cuivre, composée de la trompette envoûtante de Tom Barber et d’un trombone à coulisse pas piqué des vers manipulé par Antonis Andreou (responsable du solo qui déchire dans la pièce « Pata Pata » de l’album Je dis oui).
Ajoutez à cela une guitare Benedetto 16-B tenue par le maestro Dan Faehnle (picking hypnotique), un jeu de balais exquis signé Brian Davis et vous avez là de quoi décoller vers des nirvanas musicaux (on peut d’ailleurs les voir à l’œuvre en tapant The Flying Squirrel – Pink Martini | Live from San Francisco, 2022, sur YouTube).
Bien évidemment, la bande de joyeux exaltés a débouché « Sympathique », le tube, inspiré jadis par un court poème de Guillaume Apollinaire (qui aurait valu quelques soucis avec la succession, tout comme la reprise du « Boléro » de Ravel, d’ailleurs), en guise de troisième chanson. Il semblerait que le titre de l’album éponyme qui les aura fait connaître à travers le monde a été choisi parce qu’il n’existe pas d’équivalent du mot sympathique en anglais.
On aurait souhaité davantage de pièces dans la langue de Brel, car généralement la formation reprend à sa sauce « Ne me quitte pas », dans ses spectacles.
On se rabattra sur l’album Non ouais! The French Songs of Pink Martini, sur lequel on retrouve notamment « Le premier bonheur du jour » de la regrettée Françoise Hardy.
Qu’à cela ne tienne, la très dynamique formation nous a offert un cocktail de chansons puisées dans le répertoire de ses 11 albums, composé de pièces originales et de reprises comme « Bésame Mucho », entendue hier.
Moments exaltants? « Donde Estas Yolanda? », tirée de l’album Sympathique. Toute l’assistance s’est levée comme un seul homme pour se dandiner dès les premières notes jouées et dansées par le charismatique chanteur et percussionniste Timothy Nishimoto. La Mexicaine Edna Vazquez, également choriste, a pour sa part interprété le classique « Bésame Mucho » ainsi qu’une chanson en rappel qui faisait penser au répertoire de Yasmin Lévy.
Enfin, si la vedette principale de la soirée, China Forbes, vêtue d’une seyante robe noire et rouge, a été contrainte dans le passé de se faire remplacer en raison d’une opération aux cordes vocales, il n’en paraissait rien hier. Son grain si familier pour le grand public depuis « Je ne veux pas travailler » (Sympathique) était intact, tout comme son goût des langues étrangères qui s’est encore manifesté lors de l’interprétation d’un vieux succès… en coréen!
Autres moments de grâce : une chanson au piano évoquant Lady Gaga (« Always Remember Us This Way »), l’interprétation de « Hang On Little Tomatoe » ainsi que la très jolie « Hey Eugene! », tirée de l’album du même nom. « Une chanson écrite pour un type qui m’a un jour demandé mon numéro de téléphone sans jamais me rappeler! », dixit China Forbes.
Parions qu’aujourd’hui Eugène s’en mord les doigts!
crédit photo : Victor Diaz Lamich