POP Montreal Jour 1| Party d’ouverture avec Planet Giza, Jesse Futerman, Emma Beko

par Stephan Boissonneault

photo by Ming

Le soir du 27 septembre, les membres des médias, les délégués internationaux, les promoteurs et quelques autres festivaliers ont été invités à L’Entrepôt77 pour le party d’ouverture officiel de POP Montréal. Sous une nuit d’automne ridiculement chaude, les boissons ont coulé à flot et les conversations se sont intensifiées alors que la rappeuse Emma Beko a déversé quelques rimes venant directement du cœur. Il est dommage que L’Entrepôt n’ait pas été aussi rempli pour le set d’Emma Beko, car elle méritait une plus grande foule, mais bon, c’est ça être un opener.

D’autres invités sont arrivés à temps pour la combinaison de future house et de downtempo funky du DJ Jesse Futerman. Futerman a déjà joué au Piknic Électronik et à la Boiler Room et sait comment faire réagir la foule, mais son set s’est transformé en musique d’ambiance. Malgré tout, il semblait s’amuser, et c’est tout ce qui compte.

Le véritable événement de la soirée a été Planet Giza, un dragon hip-hop composé du rappeur Tony Stone et des producteurs Rami B et DoomX. La foule se précipite sur la petite scène de L’Entrepôt77 et le trio joue les morceaux de leur dernier album, Ready When You Are. En live, cet album a beaucoup plus d’énergie que l’album de rap funk-jazz relativement décontracté que l’on peut entendre en ligne ou au casque. Stone a une présence énorme, courant autour de la scène et faisant signe à ses producteurs pour les gouttes d’intensité.

D’autres invités sont arrivés à temps pour la combinaison de DJ Jesse Futerman avec des titres comme « SHIP N LUV », « FATAL ATTRACTION », qui ressemble plus à une version Motown moderne des Temptations, et « SHIP N LUV », qui ressemble plus à une version Motown moderne des Temptations.Cette dichotomie a fait de Planet Giza un groupe très intéressant.En tant que véritable groupe montréalais avec un melting-pot d’influences, je peux voir ce groupe devenir un nom familier dans le jeu rap/RnB dans les années à venir.

POP Montréal Jour 1 | Avec plaisir… Barnacle !

par Théo Reinhardt

POP Montréal est sans conteste un des événements majeurs de l’automne pour les vrais fans de musique. Du mercredi 27 septembre au dimanche 1er octobre, des dizaines et des dizaines de découvertes et acclamations d’artistes nichés dans la pop se produisent à Montréal. Suivez l’équipe de PAN M 360 jusqu’à dimanche !

Mercredi soir, Casa del Popolo

Avec plaisir

Avec Plaisir est un quartette mêlant indie punk et emo, avec quelques touches math rock. Les beuglements et lamentations vocales des chanteurs se collent aux jeux précis des guitares. Or, leur précision s’estompe par un ton complètement écorché. L’effet en ressort thématiquement dans un contraste entre robustesse et douceur, soutenu aussi par les accords souvent doux-amers. À tout cela s’ajoute un percussionniste qui agit comme véritable pilier, offrant des rythmes rigoureusement agités, et qui joue parfois avec les mesures. La musique évoque une nostalgie et une anxiété réminiscentes des scènes emo du début des années 2000. C’est bruyant et ça grafigne, mais on sent que le tout vient d’un endroit plus calme, plus doux. Après tout, les membres d’Avec Plaisir ne peuvent pas être si durs que ça s’ils acceptent nos demandes avant même qu’elles soient posées.

Barnacle

Barnacle est un quartette punk et bruyant. À voir leur timidité et leur douceur sur scène, ils ne semblent toutefois pas annoncer autant d’expressivité violente. Une belle surprise à chaque début de chanson, ce déchaînement. Leur musique est rapide, elle martèle les murs. Les instruments se battent entre eux en une tornade de fréquences. Ensuite, sur ce lit à clous s’ajoutent des déclamations vocales, de l’ordre du cri du ventre et non de la mélodie. C’est la voix humaine qui crie ses paroles par-dessus des guitares qui crient leurs notes. Dommage qu’on n’ait pas vraiment pu saisir un seul mot. Peu importe, ça crie, ça sue, même si ça ne bouge pas beaucoup. On dira que la musique prend toute la place.

Lizée, Holst, OSM : comète, planètes, vaisseau

par Frédéric Cardin

Ce fut une soirée très haute en couleurs à la Maison symphonique ce mercredi 27 septembre. Au programme : Blurr is the Color of my True Love’s Eyes, le concerto pour percussion et orchestre de la Québécoise Nicole Lizée (donné pour la première fois au Québec), ainsi que les fameuses Planètes de Gustav Holst. Au podium, Gemma New, une jeune cheffe d’origine néo-zélandaise qui est actuellement à la tête du Philharmonique de Hamilton. Cette dernière a démontré de très belles qualités avec une direction précise et nerveuse et un investissement personnel qui allait au-delà de ses petits pas de danse. Son physique délicat vibrait au diapason de sa solide maîtrise du discours et des nuances, bien suivies par les musiciens.

Le Concerto de Lizée, dont on vous invite à prendre meilleure connaissance en lisant l’entrevue que j’ai réalisée avec la compositrice il y a quelques jours à peine, est un magnifique chaos organisé. Une œuvre pétante de textures nervurées et de couleurs provenant autant de l’impressionnant assemblage du soliste (marimba, cloches tubulaires, xylophone, batterie, synthétiseur, guitare! et pleins de gugusses ovniesques) que de l’orchestre lui-même. La matrice de base est une suite de motifs orchestraux constamment changeants, mais perpétuellement répétés, à la façon de l’école étasunienne minimaliste (Glass, Reich), par-dessus lesquels, ou entre lesquels, le soliste s’échine à cogner et frapper et colorer l’espace sonore de toutes les manières imaginables (il frappe sur une guitare et, ailleurs, sur le violoncelle de Brian Manker, première chaise de l’orchestre!). Il y a peut-être un travail d’équilibre à peaufiner (dans le rendu? Dans l’écriture?), car on perdait occasionnellement certaines interventions du soliste dans la masse orchestrale. 

Malgré les jaillissements éclatés de timbres et de sonorités diverses provenant de celle-ci, la trame générale du Concerto est pulsatile, voire groovy tout du long (quelque 30 minutes). On hoche plaisamment de la tête comme si on était dans un char qui crache sa bass rebondie. Heureusement, celle de Lizée est infiniment plus subtile, même si résolument ressentie. Parlons du soliste : Colin Currie. C’est lui-même qui créa l’œuvre l’an dernier et qui la reprenait ici. Le plaisir du spectacle réside autant dans les sonorités qu’il crée avec sa vaste instrumentation, que dans les courses parfois effrénées qu’il doit réaliser entre les parties du set-up (placées de part en part de la cheffe)! Respect.

Voilà certainement un jalon important, je pense, dans le répertoire encore occasionnel de grands concertos pour percussion. Nicole Lizée et son Blurr is the Color of my True Love’s Eyes feront date. J’ai adoré, et le public a longuement applaudi les artistes montés sur scène.

La foule était constituée d’un grand nombre de jeunes, chose plaisante à voir. Ces derniers étaient manifestement issus de groupes ou de programmes musicaux d’écoles secondaires car ils étaient attentifs et franchement impressionnés.

En deuxième partie, nous avons eu droit à de très vivantes Planètes de Holst. Gemma New a repris sur les chapeaux de roue avec la même énergie en lançant Mars, le porteur de guerre. Peut-être un peu trop précipité, car les premières secondes ont semblé vouloir dévier vers la perte de contrôle. Heureusement tout s’est replacé très vite. La jeune cheffe a convaincu l’orchestre de briller avec moult écarts de dynamique et nuances de couleurs et de textures. J’ai très peu de choses à dire qui pourraient apporter des bémols substantiels à cette performance excitante. 

J’étais avec fiston, et nous avons eu du gros gros fun. C’est comme ça qu’on aime nos soirées symphoniques!
Le concert sera repris intégralement dimanche à 14h30. Amenez votre ado, surtout s’il ou elle aime la musique de film!

Salle Bourgie | Concert d’ouverture du Quatuor Dover : Le quatuor à cordes à travers les âges

par Rédaction PAN M 360

Le Quatuor Dover est de passage à Montréal et nous a offert mercredi soir une classe de maître sur l’art de la composition du quatuor à cordes à travers les grandes époques de la musique avec, au programme, Haydn, Florence Price et Chostakovitch. Un voyage à travers le temps qui nous en apprend beaucoup sur l’évolution de la musique de chambre, avec un ensemble formidablement virtuose.

Le Quatuor Dover jouit d’une excellente réputation à l’international, et on comprend rapidement pourquoi. Le Quatuor en sol mineur, op. 74 no. 3 de Haydn, plus communément appelé « Le Cavalier » à cause de son dernier mouvement au rythme galopant, est exécuté avec une foudroyante précision. On applaudit la virtuosité dans la vitesse et la sensibilité dans les largesses des mouvements plus lents.

Le concert était animé par les contrastes. Dans le Haydn, il s’agissait du contraste entre les mouvements rapides et les mouvements lents. Le Quatuor à cordes no. 1 en sol majeur de Florence Price contrastait quant à lui avec la façon dont il a été composé. Alors que la tradition classique d’Haydn construisait le quatuor à l’essentiel autour d’un premier violon virtuose et de trois autres instruments en soutien, Price accorde un traitement plus équilibré à chaque instrument. Le contrepoint est bien plus développé et complexe, voire trop par moments, mais est balisé par des idées intéressantes sur le plan harmonique. La beauté de la musique de Price réside dans ses motifs particuliers, souvent inspirées de musiques d’origines populaires. Le second mouvement est absolument fantastique sur ce point, avec un passage en pizzicato rappelant une « walking bass ».

Le Quatuor à cordes no. 9 en mi bémol majeur de Chostakovitch change encore une fois la structure fondamentale de cette forme musicale. Une superposition de motifs qui entre parfois en accord, souvent en désaccord, forment une tension palpable. L’ensemble reproduit à merveille l’intensité et la violences des émotions que le compositeur a transcrit sur la partition. C’est dans un nuage de résine et de crins que le Quatuor Dover a terminé cette œuvre débordant d’une créativité introspective et troublante.

Avec une main de maître, le Quatuor Dover a démontré toute la virtuosité, tout le lyrisme et toute l’intensité que le répertoire du quatuor à cordes peut offrir. La qualité des sonorités de l’ensemble les œuvres en elles-mêmes. Vivement la prochaine occasion de les revoir en concert!

Piknic Electronik : Chaos In The CBD, EEJUNGMI et Waner

par Elsa Fortant

Les Piknic Electronik du mois de septembre ont quelque chose de spécial. La saison touche tranquillement à sa fin, l’envie d’en profiter, elle, reste intacte. Alors que les arbres dévoilent des teintes rougeâtre et orange, que le vent frais s’installe, que la lumière automnale s’empare du ciel, nous voilà encore en train de danser, lunettes de soleil sur le bout du nez. La météo était au beau fixe dimanche pour la venue du duo néozélandais Chaos In The CBD, accompagné par la Torontoise EEJUNGMI et le Montréalais d’adoption Waner. PAN M 360 était de la partie, voici ce que vous avez manqué.

Crédits photo : play.fille

Ouvrir un événement, lorsqu’on est DJ, est un rôle complexe. Il faut savoir donner le ton, chauffer le public mais pas trop, autrement dit, mettre l’eau à la bouche. Français installé à Montréal depuis un bout, le DJ et producteur Waner a très bien relevé le défi. Celui qui est aussi cofondateur du collectif Kizi Garden a alterné entre table tournante et CDJ, navigant entre la house et la deep house pour commencer. Lorsque la piste de danse a commencé à se remplir, aux alentours de 17h30, il est allé puiser dans la tech-house, la chill house et l’électro; avec des remix bien sentis des Fugees, de Eminem et surtout de Britney Spears à la sauce ukg (inattendu et apprécié).

Par la suite, EEJUNGMI a pris les commandes, mais la transition entre les sets laissait légèrement à désirer. Cependant, une fois qu’elle a pris son élan, l’énergie s’est manifestée à travers des lignes de basse acid, révélant un groove progressif et enivrant. Les sonorités disco et RnB se sont entremêlées, ponctuées par des retours aux lignes acid, le tout accompagné de nappes texturées. Alors que la nuit commençait à s’installer, une forme d’électro plus percussive a émergé, plongeant le public dans une atmosphère plus sombre. On pourrait se demander si EEJUNGMI n’a pas oublié qu’elle était invitée comme opener et non comme tête d’affiche. Malgré cela, sa prestation reste très bonne.

Voir le jour se coucher à l’horizon, sur le Saint-Laurent, tandis que les lumières des condos s’illuminaient progressivement, a ajouté une touche particulière à l’ambiance du Piknic Electronik.

Puis, Chaos In The CBD est arrivé. Composé des frères Ben and Louis Helliker-Hales, ce tandem a conquis les scènes mondiales grâce à leur fusion unique de deep house et de jazz expérimental. Dès leurs premières productions, ils ont fait preuve d’une maturité sonore notable. C’est assez rare pour être souligné : leurs DJ sets sont audacieux et nous emmènent dans des directions inattendues, tout en restant cohérents. Le duo incarne l’essence même de l’innovation dans le paysage de la musique électronique contemporaine. Leur capacité à tisser des mélodies complexes et envoûtantes avec des rythmes percutants les distingue, créant ainsi une signature sonore reconnaissable entre mille. Avec Chaos In The CBD, chaque set est une expérience qui révèle une profondeur musicale rare. En bref, la prochaine fois qu’ils sont en ville, on ne peut que vous conseiller d’aller les voir.

Olga Kudriakova et la Chapelle historique du Bon Pasteur : grande musique et résilience en partage

par Frédéric Cardin

Hier après-midi, c’était jour de rentrée pour la Chapelle historique du Bon Pasteur. Oh, bien sûr, pas à la Chapelle historique. Les réparations qui doivent remettre l’édifice en état suite à l’incendie du 25 mai dernier ne sont même pas encore commencées. C’est plutôt dans la salle Paul-Desmarais du Centre canadien d’architecture que prendra refuge la programmation ainsi que l’administration de la Chapelle pour la saison 2023-2024 (au moins). Et c’est hier, donc, que fut inaugurée cette saison « en exil » avec un récital exceptionnel d’une artiste elle aussi exilée, la pianiste d’origine ukrainienne Olga Kudriakova. 

Kudriakova est arrivée à Montréal en août 2022 avec mari (Russe) et bagages pour fuir la guerre et la répression que l’on connaît. La jeune dame était déjà en pleine ascension de carrière quand a commencé l’invasion russe : enseignante et concertiste, elle avait déjà plusieurs prix de concours dans sa besace et une renommée qui commençait à s’étendre. Elle a dû laisser tout cela en plan en précipitant sa fuite, mais pas pour longtemps. Aussitôt arrivée à Montréal, on l’a remarquée et elle a rapidement et résolument commencé à prendre sa place dans l’écosystème artistique de la métropole culturelle. Si bien qu’une année à peine après avoir déposé ses valises dans sa nouvelle maison, la dame est admirée par un nombre toujours grandissant de mélomanes et a été invitée à donner le récital inaugural de la Chapelle, noble institution culturelle s’il en est une ici. Elle fait même la couverture du programme de la saison d’automne. 

Reportage de Radio-Canada sur Olga Kudryakova et son mari Maxim Chatalkine peu après leur arrivée à Montréal

Qui plus est, elle est hyper dynamique : elle a mis sur pieds une fondation qui soutient l’enseignement musical des jeunes ukrainiens qui ont dû interrompre leurs études en raison de la guerre, et elle vient tout juste de participer à la création d’un nouvel espace de récitals appelé Dissonances Studio qui offrira sur abonnements des expériences de concerts classique renouvelées. Dans le style des salons amicaux du 19e siècle et dans un espace non conventionnel, les curieux et les mélomanes pourront s’y présenter avec leur propre nourriture et leur propres boissons, et assister à des concerts dans une ambiance décontractée et ouverte. La petitesse de l’endroit rendra les contacts entre artistes et public très intimistes. L’initiateur du projet, Mathieu Baribeau, en rêvait depuis plus de 20 ans. Il a donc investit de sa poche les fonds pour mettre l’endroit en ordre et acheter un beau piano Bechstein D282. Bref, Olga Kudriakova sait s’entourer et se faire remarquer!

Deux exilées, donc, la Chapelle et Olga Kudriakova, dont le destin a fait des partenaires de résilience dans un concert qui fut tout à fait mémorable. On est d’abord heureux, habitués de la Chapelle, d’entrer dans la salle Paul-Desmarais du Centre canadien d’architecture, une salle de belle configuration classique rectangulaire, à la scène bellement boisée et de couleur ambrée chaleureuse. Le piano Fazioli, rescapé de l’incendie, trône fièrement et, dès les premières notes, sonne magnifiquement (restauré minutieusement par l’indispensable Oliver Esmonde-White).

Et les notes parlons-en! Un programme tout romantique, réservoir de textures délicates et de sonorités puissantes, était à l’honneur. Les quatre Impromptus D.899 de Schubert lançaient le bal. Une vision limpide, dépouillée de trop de rondeurs, presque baroque surprend mon compagnon de concert, un connaisseur de l’œuvre. Moi je suis déjà sous le charme, car je sais que cette clarté du discours est une particularité de la jeune pianiste, mais que jamais elle n’oublie la charge émotionnelle de la musique. Et le miracle se produit : une architecture musicale dessinée à la pointe fine s’imprègne, subtilement, d’un couvert délicat d’émotions, du simple fait que l’on comprend parfaitement où chaque phrase se dirige et ce qu’elle veut exprimer. Il y a très peu de failles techniques (rarissimes) dans le doigté de la néo-montréalaise, si bien que c’est un délice à écouter toutes ces superbes notes perlées qui percolent à travers l’espace sonore de la salle. D’autant plus que l’acoustique est très bonne. On applaudit chaleureusement. Mon ami aussi, conquis.

Suit le Prélude de Tristan et Isolde de Wagner, dans une transcription d’Ernest Schelling, un entremets qui sert de tampon textural entre les papillonnements schubertiens précédents et la monumentale et tempétueuse Sonate en si mineur, S.178 de Franz Liszt. Encore une fois, la clarté technique de Kudriakova ainsi que sa maîtrise remarquable du discours des œuvres qu’elle joue transforment une exécution musicale en moment de communion ou même le plus profane des spectateurs réussirait à suivre les circonvolutions lisztiennes sans se perdre! Le squelette ainsi parfaitement équilibré, la pianiste y insère une substantifique moëlle spirituelle, du muscle sonore et une chair émotionnelle palpable qui émerveillent les sens du public nombreux (la salle était comble, même à peu près deux fois plus grande que la Chapelle).

La salle en question sera vite adoptée par le public, je le prédis. On se dit même qu’une fois que la Chapelle pourra retourner dans ses quartiers habituels, on se plaît à rêver de saisons régulières de musique de chambre en bonne et due forme et comme legs de cette nouvelle collaboration! Jusqu’à maintenant, il y avait principalement des conférences qui s’y donnaient. Je pense que cette utilisation devra être étoffée musicalement pour un avenir durable.

Si j’étais morbidement cynique, je dirais que la présence d’Olga Kudriakova à Montréal est peut-être le plus beau cadeau que Vladimir Poutine et sa guerre stupide aient pu nous faire. Sinon, quelle raison aurait pu avoir une si grande et belle artiste à venir s’installer chez nous? Mais maintenant que c’est fait, soutenons sans relâche son immense talent et aidons-le à se déployer au maximum de son potentiel. Olga Kudriakova est l’une des pianistes les plus intéressantes de la nouvelle génération sur la planète en ce moment. J’ose le déclarer. C’est comme ça. 

Les Violons du Roy à la Maison Symphonique : Une ode à la Seine et à la France… en italien

par Rédaction PAN M 360

Les Violons du Roy ont entamé dimanche après-midi leur saison montréalaise sur les planches de la Maison Symphonique. On a pu y entendre un orchestre extrêmement bien rodé, il s’agit après tout de la troisième représentation de ce concert, avec les deux premières jouées au Palais Montcalm à Québec, et une œuvre d’une forme bien particulière.

La Senna festeggiante est une sérénade, une forme à cheval entre la cantate (païenne) et l’opéra, qui fait l’éloge de la France à travers une allégorie parfois subtile, parfois moins, construite grâce à trois personnages incarnés par les trois solistes : la soprano Robin Johannsen, la mezzo-soprano Ana Reinhold, et la basse Alex Rosen.

Ces solistes ont été fantastiques, transportant le public sur les rives de la Seine avec des duo enchanteurs de la part des voix féminines, et des arias puissants de la part de Rosen, qui rappellent par moment les bouffes italiennes. L’orchestre était lui aussi de très bonne qualité. Derrière les directions minimalistes du chef Jonathan Cohen, souvent occupé au clavecin, on sent tout le travail et la rigueur des musiciens. D’un effectif plus réduit que l’on est habitué d’entendre à la Maison Symphonique, on peut regretter le volume un peu bas, qui évoque l’ambiance d’un salon de l’époque, mais qui est peu adaptée à la salle. La partition est quant à elle typique de Vivaldi. On reconnait bien la structure des ses mélodies, ainsi que quelques emprunts à ses anciennes compositions. On remarque avec plaisir les références à la musique française de l’époque, notamment avec l’ouverture à la française.

La saison à venir des Violons augure bien. On espère pouvoir les retrouver dans un environnement plus intime et adapté pour leur prochain concert, mais on ne peut que féliciter l’ensemble pour une superbe exécution!

OSM | Consécration (tardive) du prodige russe Alexander Malofeev

par Alain Brunet

Au début de l’invasion russe en Ukraine, soit en mars 2022, le jeune Moscovite Alexander Malofeev avait été retiré d’un programme de l’OSM. Le conflit trop récent avait alors conduit plusieurs sociétés de concert à jouer de prudence en « protégeant » les musiciens russes de débordements activistes et de tensions locales entre les communautés ukrainennes et russes. Ce fut le cas de l’OSM. 

S’il était plutôt simple de barrer la route aux musiciens ouvertement pro-Poutine (Valery Gergiev, Anna Netrebko, Denis Matsuev, etc.), ça l’était moins pour les autres artistes russes ne pouvant s’exprimer ouvertement sur le conflit pour des raisons évidentes de possibles représailles à leur endroit ou à leurs proches comme c’est souvent le cas dans les régimes autoritaires. Ainsi, la diffusion culturelle occidentale ne savait pas sur quel pied danser dans ce contexte et les excès de prudence ont fait des victimes avant que le tir soir rajusté. Le pianiste Alexander Malofeev avait fait les frais de cette guerre naissante qui s’enlise aujourd’hui. À l’OSM, on a fait visiblement la part des choses car les musiciens russes font partie des programmes, dont celui de vendredi et samedi à la Maison symphonique.

La musique a eu tôt fait de l’emporter sur les humeurs guerrières, il fallait être carrément bouché pour refuser l’éblouissement de ce pianiste prodigieux, qui aura 22 ans en octobre. Il a encore l’air d’un gamin, il a un physique relativement frêle, mais ce physique est capable de grandes choses. L’articulation de la main droite est absolument impeccable, la main gauche est plus que sûre (on le constatera au rappel côté Scriabine), l’expressivité du musicien étale toutes les nuances de l’émotion humaine, de la passion à l’introspection. Les fans de haute virtuosité en ont eu pour leur argent à travers les mouvements de cette œuvre magistrale (andante-allegro, andantino con variazoni, allegro ma non troppo), surtout le premier et le troisième où la vélocité de l’exécution pianistique cadrait parfaitement avec le style intense de Rafael Payare. Qui plus est, les mélomanes ont pu également savourer les nuances de son phrasé dans les séquences plus paisibles du Concerto no 3. 

En somme, on a pu assister à une version extraordinaire de l’œuvre et une réelle consécration d’Alexandre Malofeev à Montréal, avec cette conviction profonde que la musique est cette langue universelle à laquelle adhèrent tous les humains de bonne volonté. 

En début de programme, on a eu droit à un poème symphonique d’une autre artiste russe :  Lera Auerbach est une surdouée cumulant les fonctions exigeantes de compositrice, cheffe d’orchestre, pianiste, poétesse et artiste visuelle. Icarus, son œuvre au programme, avait été créée en juillet 2011 par l’Orchestre symphonique du festival de Verbier (en Suisse) sous la direction d’un certain Charles Dutoit. Inspirée du mythe d’Icare, cette œuvre substantielle a le pouvoir de plaire aux mélomanes plus conservateurs car elle maintient plusieurs balises de la musique consonante tout en explorant des zones rythmiques, harmoniques et timbrales nettement plus audacieuse. Rien à voir avec  le post-romantisme, encore moins avec le néo-classicisme, donc; on a plutôt affaire à un continuum contemporain très inspiré, avec le souci de paver la voie du mélomane de la musique symphonique moderne vers la musique orchestrale d’aujourd’hui, sans cette nostalgie ronflante qui étouffe trop souvent les perceptions soi disant expertes.


En deuxième partie de programme, Rafael Payare et l’OSM ont exécuté la Symphonie no 1 en ré majeur, dite Titan. rappelons que le processus de création de l’œuvre fut jadis relativement laborieux, soit de 1884 à 1906, année de sa version définitive en quatre mouvements. Au début de sa carrière de symphoniste, Gustav Mahler était tributaire de la période romantique qui l’avait précédé et sa facture orchestrale naissait dans un effort normal de synthèse de ses connaissances profondes. L’identité mahlérienne n’y était pas encore parfaitement affirmée d’entrée de jeu, les citations stylistiques (canons, valses, musique traditionnelle juive, entre autres) ne se fondaient pas toujours dans un tout parfaitement fluide, quoique tous les bourgeons de la façon Mahler étaient visibles. Cela dit, cette « synthèse » demeurait et demeure au-dessus de la moyenne symphonique de l’époque de sa conception, inutile d’ajouter que son exécution sera toujours pertinente. Celle de l’OSM? Jeudi soir, elle était fort défendable mais on ne peut conclure à une exécution aussi achevée et aussi mémorable que celle de la Symphonie no 5 en do dièse mineur de Mahler, en mars dernier.

Entre Bruce Liu et l’OM, « c’est l’amour! »

par Alain Brunet

crédit photo: François Goupil

Samedi soir, l’Orchestre Métropolitain jouissait une fois de plus du charisme remarquable et de la réputation béton de son chef, et lançait sa saison dans une Maison symphonique archi pleine. De surcroît, une foule archi enthousiaste devant son orchestre préféré et son chef bien-aimé.

Controlled Burn, fait  état d’une pratique autochtone ancestrale, visant à déclencher des feux préventifs afin de régénérer la forêt et aussi éviter une propagation des incendies ravageurs. La compositrice et violoncelliste crie Cris Derksen, formée à UBC en Colombie Britannique, a intégré les sonorités forestières et les crépitements du feu via les coups d’archets et autres procédés percussifs.

Harmoniquement, on est dans le typique néoclassicisme consonant des blockbusters cinématographiques et de séries télé nord-américaines, autour desquels la compositrice et soliste pour l’occasion, a greffé certains effets et manipulations électroacoustiques en temps réel – plutôt ténus. Chose sûre, les référents de cette esthétique étaient bien assez évidents pour que la vaste majorité du public présent à cette création y adhère au point d’ovationner sans réserve.

Comme nous l’a rappelé YNS en parlant de lui à la 3e personne, Richard Raymond avait joué ce concerto sous sa direction, en mars 2000. Il y a 22 ans, donc, le Concerto pour piano et orchestre no 2 en do mineur de Rachmaninov avait été joué et enregistré, et vu notamment  par le Montréalais Bruce Liu, soliste vedette de la soirée.

À l’évidence, cette œuvre post-romantique se veut un autre choix consensuel cohérent avec la direction artistique de l’OM, surtout pour le fameux thème du deuxième mouvement (adagio sostenuto) qui fut repris en 1975, disons-le une énième fois, par le créateur (et mashupper) du mégatube All By Myself, Eric Carmen, repris comme on le sait par Céline Dion – à tel point que certains pensent aujourd’hui qu’il s’agit d’un hit de Céline.

Bruce Liu avait joué l’œuvre récemment avec le Philadelphia Orchestra et prolongeait le plaisir à MTL pour une toute première fois avec l’OM sous la direction du même chef – comme on le sait. Entre Bruce Liu et l’OM, « c’est l’amour », a souligné son chef avant l’exécution du Concerto no 2 de Rachmaninov. La version de l’œuvre était relativement apaisée par rapport à d’autres versions connues dont l’originelle et sied fort bien au style de Bruce Liu, d’une extrême finesse et d’une grande circonspection si l’on prend en compte son jeune  âge (26 ans). 

Rappelons qu’on a ici affaire à un champion olympique du piano, grand gagnant du Concours Chopin en 2021, de surcroît le 1er musicien québécois à avoir ravi la première place après que son collègue Charles Richard-Hamelin eut ravi la seconde en 2016. Permettons-nous d’insister: cet honneur décerné à Bruce Liu est énorme sur la planète classique, d’où la nécessité de suivre de près la carrière de ce jeune musicien ayant joint l’élite mondiale.

Proposant un style ni trop éteint ni trop flamboyant, Bruce Liu affiche d’ores et déjà cette maturité des grands concertistes, et dont la personnalité affirmée nous réserve encore bien des surprises. Cohérent jusqu’au rappel, le soliste jouera un Prélude de JS Bach en mi mineur, BWV 855, jadis transposé en si mineur par Alexandre Illitch Ziloti qui avait dirigé la création du concerto no. 2 – à Moscou en 1901.

La seconde partie du programme était consacrée à l’enregistrement pour le label Atma Classique de la Symphonie no 2  en ré majeur op. 43 de Jean Sibelius, créée en 1902 à Helsinki. Cette captation en direct se faisait dans le contexte d’une intégrale discographique des symphonies du compositeur finlandais en cours de production. Le troisième choix au programme est aussi consensuel, cette symphonie de Sibelius étant la plus connue et forcément la plus jouée. Inutile de l’ajouter, nous sommes de nouveau sur ce territoire post-romantique que prise (entre autres) YNS. 

Cette très belle œuvre fut d’abord inspirée par un séjour en Italie et le personnage de Don Juan (imaginé au 17e siècle) et a souvent été comparée à la Pathétique de Tchaïkovski. Le caractère épique du premier et quatrième mouvement avaient alors une résonance nationale dans une Finlande opprimée par la Russie. Transfert de sens…
Malgré les agacements causés par les applaudissements réprimés par le chef et quelques épisodes de sanatorium dans l’amphithéâtre, on peut conclure à une solide exécution et à une une fluidité enviable entre les sections de l’OM, particulièrement aux troisième mouvement ( Vivacissimo — Lento e suave — Tempo primo — attacca) et au quatrième mouvement ( allegro moderato – Moderato assai – Meno moderato e poco a poco ravvivando il tempo – Tempo I – Largamente e pesante – Poco largamente – Molto largamente). La cohésion des pupitres, la rondeur et l’amplitude du son témoignent d’une connaissance profonde de l’œuvre par le maestro québécois. Avec quelques retouches il va sans dire, cette interprétation de la Symphonie no 2 de Sibelius pourra s’inscrire sans problème dans le répertoire discographique de l’OM chez Atma Classique.

Rare Morton Feldman pour inaugurer le nouvel Espace Kendergi

par Frédéric Cardin

Sans tambour ni trompette (c’est le cas de le dire), une nouvelle salle de concert a été inaugurée hier soir à Montréal. Une salle, c’est vite dit. Un espace intime réservé à la musique, mais aussi à des événements privés, des lancements ou des conférences serait une formule plus appropriée. L’Espace Kendergi, en hommage à Maryvonne Kendergi, musicologue, communicatrice et figure centrale de la vie musicale québécoise pendant plus d’un demi siècle, est une salle rectangulaire d’une capacité d’environ 30 personnes assises (excluant les musiciens) ou d’une cinquantaine debout (à vue de nez, qui n’a rien de scientifique, cela dit). 

À l’arrivée en ce mardi soir, on sent que c’est tout neuf. L’odeur de peinture flotte furtivement, l’espace en question est blanc immaculé, de belles mouloures décorent les murs autrement nus et le piano, un petit modèle à queue de marque Fandrich & Sons, trône tout au bout.

Espace Kendergi du Centre de musique canadienne au Québec, Montréal. Piano à queue de marque Fandrich & Sons

Si on est là ce soir, c’est pour venir entendre, sur ce piano justement, un monument rarement joué live de la musique contemporaine : les Triadic Memories de Morton Feldman, le ‘’plus gros papillon en captivité au monde’’, selon son créateur. L’artiste, Isak Goldschneider (que je vous présentais récemment lors d’une interview publiée ici) est une autre importante figure de la musique contemporaine montréalaise, autant musicien que compositeur et principalement directeur artistique de l’organisme Innovations en concert (dont c’était le lancement de la saison 2023-2024, ceci expliquant cela vous l’aurez compris). 

Lisez l’interview avec Isak Goldschneider au sujet d’Innovations en concert et de sa saison 2023-2024

Côté musique, un moment de communion a été réalisé grâce à cette œuvre massive en durée (environ 90 minutes, non-stop!), mais aussi délicate musicalement qu’un voile de soie transparente. La musique de Feldman est un minimalisme atonal simple et complexe. La simplicité se retrouve dans les formules et motifs rythmiques et mélodiques alors que la complexité se situe dans l’évolution et la transformation de ces cellules à travers un lent, mais irrémédiable processus de répétitions et de superpositions. Avec Feldman, il faut savoir prendre le temps d’écouter. Une trempette auditive de 2-3 minutes est contre-indiquée. Ce n’est qu’à la fin des 90 minutes (dans le cas de cette pièce), que la finalité du tout, qui surpasse aisément la somme des multiples parties, nous apparaîtra accessible et l’on pourra alors comprendre le sens de l’expérience vécue. Morton Feldman, c’est comme un tableau de Rothko, mais si on peut s’imprégner de la spiritualité proposée par le peintre états-unien en un seul regard holistique, il est impossible de prendre la pleine mesure d’une oeuvre de Feldman sans, comme je viens de le dire, prendre le temps. Et même prendre le temps de prendre le temps.

Feldman est un minimaliste, mais d’une tout autre trempe que Glass ou Reich. Contrairement à ses deux compatriotes, Feldman refuse la pulsation marquée. Celle-ci existe, mais elle est insinuée, suggérée. Il refuse également la précipitation extatique et fébrile des deux autres (ainsi que leurs disciples). L’expérience musicale que procure Feldman a probablement plus à voir avec le minimalisme ‘’mystique’’ d’Arvo Pärt, ou de John Tavener. Mais furtivement, car il maintient le lien avec l’atonalisme, au contraire des deux Européens. En fin de compte, Feldman est unique et difficile à imiter. Techniquement, ce serait probablement facile, mais pour obtenir le genre de plongée transcendante que procure sa musique, je pense qu’il faut se lever de bonne heure. Là ou des imitateurs finiraient par être insupportables et paraître interminables, les 90 minutes de Triadic Memories en on parues beaucoup moins. C’est parce que Feldman réussit à faire de cette longue marche auditive (comme les autres de son catalogue), un objet qui enveloppe toute l’écoute d’une aura d’incarnation émotionnelle et spirituelle. Un sens de la totalité qui englobe la musique elle-même, le son, sa résonance dans l’espace physique et la présence humaine en relation avec ce ‘’moment-espace’’ précis. La musique de Morton Feldman est l’une des plus humanistes que l’on puisse entendre en ce 21e siècle. 

Isak Goldschneider a paru nerveux avant de s’asseoir devant le piano. On peut le comprendre. Si les exigences techniques n’ont rien du concerto virtuose, l’implication émotionnelle, intellectuelle et spirituelle, dans ce genre de musique, doit être totale, sincère et profondément incarnée. Il semblait comme repu après la dernière note, et pour cause. Il venait de livrer un magistral exercice de communications empreint d’infinies subtilités ou l’intimité réclamée par l’œuvre se doit d’être d’une rare force de pénétration vers les auditeurs. Une musique en équilibre constant sur un fil ténu, faites de délicates ‘’griffures de silence’’, comme le disait Renaud Machart dans Le Monde, mais qui, une fois réussie sa traversée, offre une marque mémorielle indélébile.

Le public a chaleureusement manifesté son approbation. C’était mérité.

Lisez A question about rhythm in Triadic Memories de James Pritchett, pianiste, sur les dessous de l’interprétation de cette oeuvre

L’acoustique de la salle est très bonne, mais elle doit conjuguer avec la rue montréalaise, ici Crescent, le nouveau nid du Centre de musique canadienne (CMC) au Québec. On a été habitué à cette dynamique urbaine, grâce à la salle Bourgie (située à quelques pas!), dans laquelle il n’est pas impossible d’entendre occasionnellement une sirène de police ou un le vacarme d’un camion-benne pendant une sonate de Schubert ou un récital de mélodies françaises. La différence avec cet Espace Kendergi, constatée lors de ce concert, c’est qu’il existe à proximité des clubs/discothèques. Ainsi, pendant les quelque trente premières minutes du concert, une vague tapisserie de ‘’pompe à beats’’, provenant d’on ne savait quel voisin, se laissait deviner dans les très nombreux interstices musicaux chers à Feldman. La sirène occasionnelle, on l’attend, mais le broum-broum continu d’un Dancefloor, ça peut devenir irritant. Ce fut le cas pour moi. Heureusement, ça s’est arrêté un moment donné. Mais on était un mardi soir! Ce que ce sera un jeudi, vendredi ou samedi, on ne peut que présumer. 

Il faudra peut-être considérer la programmation en vertu de cet élément. Un récital d’airs de Mozart, ça pourra cacher le bruit de fond. Mais du moment où les silences, ou quasi-silences, de pièces bien plus délicates seront plus présents, il y aura un risque. On verra bien ce qui en résultera, car Claire Marchand, Directrice générale et artistique du CMC, a annoncé qu’une programmation en bonne et due forme sera dévoilée plus tard. 

Ne boudons pas notre plaisir, cela dit, de voir arriver un nouveau joueur dans le réseau d’espaces de diffusion de la musique de chambre, qui plus est contemporaine et canadienne (Feldman est états-unien, mais quelques nobles exceptions de ce genre sont bien tolérables)! Juste pour cela, je crois qu’on pourra faire fi des quelques bémols joués par l’urbanité environnante. 

Et surtout, on devine que Maryvonne aurait été heureuse et honorée d’y être associée.

OSM | Le Sacre du printemps dans toute sa force et sa splendeur

par Rédaction PAN M 360

crédit photo:  Gabriel Fournier

Mardi soir à la Maison symphonique ouverture de la saison 2023-2024 de l’Orchestre symphonique de Montréal,  nous a réservé, peut-être à l’image de la saison dans son ensemble, quelques surprises fort intéressantes. Bien-sûr, le monument qu’est le Sacre du printemps d’Igor Stravinski était annoncé en grande pompe, mais cela n’a pas empêché le public de découvrir une autre forme de rituel en musique durant le concert.

La Messe glagolitique de Leos Janácek était une belle surprise, un choix étonnant comme première œuvre jouée de la saison, mais un choix qui mérite d’être félicité. Le mélange de la tradition liturgique et du romantisme tardif a façonné une œuvre qu’on ne peut qu’apprécier pour sa puissance et sa spiritualité. Une exécution remarquable, on souligne toutefois le volume magistral du chœur de l’OSM, de qualité incroyable comme toujours, qui étouffait un peu les solistes par moments.

Après un entracte bien mérité pour les musiciens, c’était au tour de la tête d’affiche de prendre la scène, ou plutôt les lutrins. Le Sacre du printemps est une œuvre difficile qui avait donné du fil à retorde aux musiciens pendant plus d’un mois,  lors de sa création en 1913. Malgré tout, l’OSM a su briller à maintes reprises au cours de l’œuvre. Les timbres étaient parfaits, les sonorités claires et soutenues, et il est justifié de féliciter la performance des bassons, des flûtes et de la section des cuivres qui ont été excellents tout au long de la pièce. La section rythmique était plus que solide. Elle a su porter l’œuvre pour qui le rythme est si important.

Le choix des tempi est à noter pendant la première moitié du Sacre. On souligne le pesante des « Rondes printanières » qui était un peu carré, mais surtout une aisance dans la vitesse des parties vives et rapides. À l’image de leur mantra depuis deux ans, l’OSM et Rafael Payare excellent dans l’intensité. De plus d’une manière, l’exécution de la seconde moitié de l’œuvre de Stravinski le démontre à merveille. La maîtrise de la tension grandissante menant au sacrifice et la puissance de l’orchestre ferait chaud au cœur du compositeur. Une finale parfaite pour un superbe concert d’ouverture et, on le sent, une superbe saison à venir!

Kaytraminé au Piknic: vitaminé !

par Jacob Langlois-Pelletier

En avril dernier, le producteur & DJ montréalais Kaytranada et le rappeur américain Aminé en ont surpris plus d’un en annonçant la naissance de leur duo KAYTRAMINÉ. En peu de temps, ils ont dévoilé 4EVA, un premier titre dance & hip-hop en collaboration avec le grand Pharrell Williams, et annoncé la sortie imminente d’un album homonyme. 

C’est à la mi-mai que les deux hommes ont fait paraître KAYTRAMINÉ, un effort de onze titres d’une durée de (seulement!) 34 minutes. Après avoir été vanté avant sa sortie comme étant LE projet de l’été, il faut dire que les attentes étaient (très) élevées, et c’est l’une des raisons pourquoi cet opus en a laissé plusieurs sur leur faim. KAYTRAMINÉ est loin d’être un mauvais projet, comprenez-moi bien. Cependant, l’ambiance des différents morceaux n’est pas nécessairement ce à quoi l’on s’attendait après avoir écouté 4EVA. Malgré cela, l’album comporte de bons couplets du rappeur, d’intéressants invités dont Freddie Gibbs et Big Sean ainsi que d’excellentes productions qui servent à merveille les différents interlocuteurs. Le premier effort collaboratif des deux artistes ne passera certainement pas à l’histoire, mais demeure une proposition intéressante et différente de ce qui se fait présentement dans le hip-hop. 

Ainsi, me voilà au Parc Jean-Drapeau un jeudi soir pour voir KAYTRAMINÉ sur scène. Hier, les deux artistes donnaient le coup d’envoi de leur courte tournée de cinq concerts. Étant un fan du matériel solo des deux protagonistes, ce rendez-vous était un incontournable pour moi, d’autant plus que Montréal était leur seule date au Canada. Kaytranada et Aminé ont offert un excellent concert 3-en-1 d’environ 75 minutes et ont régalé l’imposante foule amassée près de la Scène FIZZ. 

KAYTRAMINÉ a commencé en force avec quelques titres issus de leur album, débutant par l’introduction Who He Iz suivi de UGH UGH. Sur scène, Kaytranada se retrouve à l’arrière-plan derrière sa console, tandis qu’Aminé occupe la scène. D’entrée de jeu, les deux artistes brillent par leur charisme et leur chimie. Il faut dire qu’ils se connaissent depuis plusieurs années; ils ont d’ailleurs collaboré sur le remix de la chanson Not at All en 2015 (qu’ils ont d’ailleurs jouée lors du concert) et la chanson Egyptian Luvr en 2018. Après une vingtaine de minutes, le DJ montréalais a quitté la scène et Aminé a enfilé plusieurs de ses titres les plus populaires, allant de REEL IT IN issue de ONEPOINTFIVE à Caroline de son premier album Good For You. On tend à l’oublier, mais le rappeur de 29 ans a plusieurs bons projets derrière la cravate depuis 2017. Nul doute, c’est pendant son moment solo que la foule s’est montrée la plus engagée. 

Vous l’aviez sûrement déjà deviné, mais après une quinzaine de minutes en solo d’Aminé, c’était au tour de Kaytranada de briller seul sur scène. Le Montréalais a transformé le Parc Jean-Drapeau en véritable piste de danse en offrant un excellent set de ses morceaux. Derrière sa table, le trentenaire était tout sourire, n’hésitait pas à danser et semblait passer un superbe moment. Par la suite, les deux hommes se sont rejoints sur scène pour conclure avec 4EVA, leur meilleur titre en duo (non pas une, mais deux fois lors du rappel).

KAYTRAMINÉ a donné tout un spectacle en cette soirée de Piknic Électronik à guichets fermés. L’énergie des deux artistes était contagieuse, et la construction du concert était franchement intéressante. Sur scène, les morceaux de KAYTRAMINÉ m’ont paru plus intéressants et plus estivaux, surtout avec les chants de la foule. Finalement, peut-être les deux vedettes avaient-ils raison: par “album de l’été”, ils voulaient signifier que ce projet était conçu pour les festivals d’été. 

Crédit photos: Alexanne Brisson

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