chanson keb franco

Un 24 juin à MTL… un brin ce que nous sommes devenus

par Alain Brunet

Ce lundi  24 juin 2024, celles et ceux qui se sont fait aller sur planches de la scène érigée au Parc Maisonneuve, toustes avaient le désir d’une approche rassembleuse, inclusive. On voulait ainsi offrir un échantillonnage probant de diverses communautés peuplant le Québec dans le cas qui nous occupe. C’était probablement, selon les concepteurs de la soirée, le mélange le plus rassembleur disponible un 24 juin 2024. 

Voyez la distribution : 

PY Lord à l’animation. Des aînés bien en voix, à quelques détails près : Judy Richards resplendissante, en forme Toulouse, Patsy Gallant toujours cette pétillante funky-disco queen, Claude Dubois, toujours la plus belle voix brute au pays, Daniel Lavoie qui ne donne pas sa place non plus. Des vedettes consacrées de la génération « au pouvoir » : FouKi, Roxane Bruneau, Le Vent du Nord. Des artistes émergents triés sur le volet : la douée songwriter innue Kanen, l’excellente chanteuse afro-descendante Queenie, la nouvelle bombe pop franco Éléonore Lagacé. 

Voyez le programme :

Un brin de rap-keb, un fort bon spécial disco-funk nostalgie époque Boule Noire et Toulouse, deux hommages aux deux grands disparus de la chanson keb, JP Ferland et Karl Tremblay  de toutes manières disponibles sur scène, des relectures incontournables de Daniel Lavoie et Claude Dubois avec Daniel Lavoie et Claude Dubois une station consacrée à Michel Rivard et une conclusion collective autour d’Harmonium.

Voyez les relectures réussies : 

Le Labrador de Dubois, chantée de concert avec l’Innue Kanen, wow. Une chance qu’on s’a de Ferland par Queenie, wow. Aimes-tu la vie de Boule Noire chantée par Kanen, très cool. Chasse-Galerie de Dubois avec le Vent du Nord et renforcement rock, puissant. Et ainsi de suite.

Ce soir de 24 juin au Parc Maisonneuve, c’était donc cet échantillon de que nous sommes aujourd’hui en chanson, locuteurs de la langue française en Amérique: Autochtones vivant sur le territoire depuis des millénaires, Francophones venus d’Europe depuis des siècles, Anglophones de bonne volonté et de bon voisinage, Européens, Orientaux, Créoles, Maghrébins, Amazighs, Africains sub-sahariens, Latino-Américains et autres Asiatiques du Sud-Est venus s’y établir depuis des décennies.

Cette terre n’est pas parfaite, on y trouve son lot d’absurdités ou d’inégalités mais… malgré tous les agacements, il y a lieu d’y poursuivre l’aventure sur ce territoire quand même béni.

Inutile d’ajouter que cette  impression était ressentie à ce spectacle de la Saint-Jean, d’ailleurs fort bien mené,  sous la direction artistique de Twenty Nine que forment la claviériste Julie Lamontagne et le batteur Tony Albino.

Chanson francophone / électronique / krautrock

Zaho de Sagazan achève sa conquête de l’Amérique franco

par Claude André

Dans une ambiance oscillant de Barbara à Kraftwerk, la nouvelle égérie des cœurs sensibles est venue sceller un pacte d’amour/passion, samedi soir au MTelus de Montréal.

Si, d’emblée, l’auteur de ces lignes se disait en consultant la liste des 13 chansons à venir que la bande à Zaho de Sagazan ne se démarquerait pas par sa générosité, il en fut tout autrement.

Il est vrai que la jeune artiste 24 ans qui a connu un retentissement fulgurant depuis la parution La Symphonie des éclairs en mars 2023 n’a qu’un album à son actif. Mais, se disait-on, elle a commencé ses activités en publiant des relectures sur Insta et n’a-t-elle pas, depuis, offert une reprise transcendante de Viennes de Barbara sur l’album hommage à William Sheller ou, plus récemment, de Modern Love de Bowie résonnant au Festival de Cannes 2024 – précipitez-vous sur YouTube !

Qu’à cela ne tienne, la native de Saint-Nazaire nous aura fait vivre de grandes émotions en première partie de son concert avant de nous transporter dans un club krautrock électro berlinois, histoire de nous faire danser comme si notre vie en dépendait. 

Dès son arrivée sur scène, elle s’installe au piano électrique et attaque, vêtue de son veston violet, qui ajoute à l’effet dramatique, La fontaine de sang

Le charisme est manifeste. La voix est grave et modulée. Lorsqu’elle se lève et se met à danser de façon urbaine et assumée, on sait qu’on a affaire à une grande artiste qui utilise tout ce qu’elle possède avec grâce et subtilité. Qu’il s’agisse de ses regards, d’un index pointé ou, par exemple, de son léger coup de pied dans le vide, on tombe dare-dare sous le charme.

Après Aspiration où dans un éclairage rouge elle fait mine de fumer sa dernière cigarette en dansant, les ballades s’enfilent avec ses deux complices qui s’occupent du bidouillage électro pop et de la section rythmique pour le plus grand bonheur de la foule. Laquelle s’est avérée moins jeune que ce à quoi on pouvait s’attendre. 

Viendra le futur classique La Symphonie des éclairs. Une chanson qui cristallise l’idée que ce qu’elle croyait être son plus grand défaut, sa sensibilité exacerbée, est en fait sa plus grande qualité.  N’est-ce pas parce qu’elle a su la canaliser à bon escient que cela lui permet d’être avec nous à Montréal ce soir, avance-t-elle en substance sans flagornerie, je vous l’assure. 

Après que la foule composée de plus de 2000 personnes ait repris en cœur le désormais célèbre refrain, la Révélation scène 2024 (Victoires)  a chanté Ne te regarde pas. Excellent prélude à ce qui s’en venait. « Finito les ballades, nous allons maintenant danser ». La transe s’est pointée et même votre plus très jeune serviteur a sautillé et bougé comme à la belle époque des raves d’il y a 30 ans. 

Comme si cela ne suffisait pas, la récipiendaire de 4 prix aux Victoires de la musique 2024 nous a balancé le vieux tubes de Nena de 1983, 99 Luftballons dans sa version originale allemande de surcroît. 

Puis, histoire de signer le pacte amoureux symbolique, Zaho a entamé la très belle et Ah que la vie est belle de Brigitte Fontaine et son refrain accrocheur avant de descendre dans la salle pour mieux se fondre parmi les gens. 

En fermeture de rideau, l’émotion était palpable et il faisait bon regarder les deux complices de la chanteuse se serrer dans leurs bras comme s’ils n’avaient jamais ressentis une telle charge d’amour. 

Bref, en ce qui  concerne l’auteur de ces lignes, ce fût le spectacle coup de cœur de cette édition 2024 des Francos.

soul/R&B

Clôture des Francos | La soul/ R&B francophone sous les projecteurs

par Baby Lafrance

Le grand spectacle de clôture des Francos a mis ses projecteurs sur un style musical trop longtemps effacé de la scène musicale keb franco jusqu’à une période récente: la soul / R&B.  Hormis quelques artistes internationaux qui ont foulé la scène sur la Scène Bell en ce samedi 22 juin, c’est surtout la fierté locale francophone qui a brillé pour ce spectacle grandiose.  mélangeant les artistes émergents à aux artistes émérites. Dansant et très divertissant, ce spectacle  se voulait une opportunité en or de ravir le public québécois déjà conquis et aussi de faire connaître à de possibles nouveaux adeptes. 

La soirée a commencé en force avec nul autre que Corneille. L’auteur-compositeur-interprète émérite a interprété cinq de ses chansons les plus populaires, en harmonie avec son public au rendez-vous malgré la pluie. À ses côtés se trouvaient 5 instrumentistes ainsi qu’une dizaine de choristes disposés de part et d’autre de la scène.

La première invitée à monter sur scène était la célèbre artiste algéro-canadienne Zaho qui a interprété son succès C’est chelou, extrait de son premier album studio paru en 2008, Dima. Acclamée par le public, elle a ensuite interprété Je te promets, Tourner la page ainsi que la fameuse chanson Hold My Hand de Sean Paul, sur laquelle l’artiste a chanté un couplet il y a de cela plusieurs années. La performance vocale de la soliste fut méticuleusement renforcée par des chorégraphies  interprétées par deux danseuses que le public a pu apercevoir à plusieurs reprises durant la soirée). 

Zaho a  ensuite cédé sa place au duo néo-soul belge Yellowstraps qui a également interprété trois de ses morceaux. C’était une première pour l’artiste qui a affirmé entre deux chansons que la scène Bell des Francos était sa plus grande depuis le début de sa carrière. Les chansons sélectionnées montraient une belle variété en termes d’instrumentation et de style, cependant la voix n’était pas toujours au rendez-vous. Rien ne dit si c’était un problème technique ou un léger manque d’articulation, néanmoins le chanteur a donné une performance juste. 

On enchaînait avec le duo Rau Ze qui foulait brièvement la scène, histoire de faire sa chanson L’Habitude. Que dire de la voix de la chanteuse ? Tout simplement magnifique. Le timbre rond et riche de Rose Perron est unique en son genre et ne passe définitivement pas inaperçu. 

Corneille annonce dès lors le prochain invité, Barnev, présent sur la scène musicale depuis 1993 et reconnu entre autres pour son travail remarquable comme choriste pour Céline Dion de 1999 à aujourd’hui. L’artiste exécutera deux chansons, dont une toute récente tirée de son album paru plus tôt cette année puis laisse la place au trio Kanda Gang, dont deux des trois artistes sont des anciens candidats de La Voix 2023 (équipe Corneille).

Par la suite, ce sont les sœurs montréalaises d’origine haïtienne Shah et Naïma Frank qui sont montées sur scène l’une à la suite de l’autre. Pour Shah Frank, c’est la beauté de la voix qui brille par-dessus tout, avec des trémolos bien placés et un falsetto en alternance avec la voix de corps. Naïma Frank a, quant à elle, une belle présence sur scène. Naturelle ! C’est l’énergie et l’occupation dynamique de l’espace qui ressortent de sa performance. La musique groove encore plus et invite le public à se laisser aller à fond.

Vincent Roberge alias Les Louanges,  a ensuite fait son apparition tant attendue. L’artiste qui porte multiples chapeaux a commencé avec Pitou, chanson tirée de son album La nuit est une panthère (2018). Il a ensuite poursuivi avec deux chansons tirées de son dernier album Crash, soit Qu’est-ce que tu m’fais qu’il a interprété avec Yellowstraps et Crash, en duo avec Corneille. Malheureusement pour ce dernier, un problème technique est survenu avec le microphone lors de son entrée, ce qui a amputé son solo de moitié. 

Puis Vacra est  apparu sur scène. Le Parisien a chanté trois de ses gros succès dont la chanson Plan Séquence et Tiki Taka. La voix de l’artiste, unique en son genre, était toutefois un peu trop masquée par l’autotune… ce qui ne semblait pas du tout déranger ses fans qui hurlaient à pleins poumons. Porté par une trame instrumentale  tout particulièrement rythmée et dansante, Vacra est un bon divertissement sur scène malgré tout. 

Dernière invitée, la Montréalaise Naomi a donné un numéro de choix,  haut en couleur. La chanteuse a présenté deux chansons, soit Zéro stress et Phénomène avec une énergie hors pair et a vraiment su charmer le public. L’artiste multidisciplinaire a su garder sa voix brillante et perçante tout en dansant. Les influences pop et R&B étaient plus qu’évidentes! 
Cette soirée R&B en français s’est  conclue par le succès de Corneille Parce qu’on vient de loin, interprété aux côtés de Zaho, Barnev et Les Louanges ainsi que tous les autres invités de la soirée qui ont été invité à remonter sur scène une dernière fois. Bref, ce fut une grande célébration d’un genre qui, encore aujourd’hui, n’est pas assez mis en valeur pour son importance réelle dans notre culture francophone d’Amérique.

crédit photo : @rousseaufoto pour les Francos

Chanson francophone

Francos | Eddy de Pretto, entre douceur et défoulement

par Sandra Gasana

D’abord, une lumière sur Johan Barnoin, le pianiste. Puis une autre sur Eddy de Pretto qui entre sur scène sous des applaudissements incessants. L’art de la mise en scène est maîtrisé par cet artiste qui parvient à changer de décor pour chacune de ses chansons. Il se promène sur scène, il est parfois assis, parfois debout, parfois assis sur le piano même et danse bien. Et il décide de démarrer ce concert avec son hit Love and Tendresse.

Et d’un coup, changement de décor pour Crash Cœur, un écran apparaît. On y voit les musiciens, qu’il présente un après l’autre, mais qui ne sont pas là physiquement. Après Yamê qui est venu en petit comité, voici qu’Eddy de Pretto nous sert la même formule.
Vêtu de son légendaire débardeur blanc, de jeans en patte d’éléphant et des chaussures à semelles, il nous partage une première confidence. « J’ai cherché un costume pour ce soir, vu que je joue dans une grande salle, mais je n’ai rien trouvé. Alors j’ai gardé mon débardeur, j’espère que ça vous va ? » dit-il en rigolant.

Sans transition, il nous sert R+V avec cette fois à l’écran, non pas ses musiciens mais des effets spéciaux pour illuminer la salle et la transformer en véritable piste de danse.

« Ok Montréal, est-ce que ça bouge ? Montrez-moi comment ça bouge à Montréal », demande-t-il avant d’inviter la salle à se mettre debout, ce qu’elle fait sans se faire prier. Il enchaîne avec Mendiant de Love et Papa Sucre, pour rester dans l’ambiance discothèque. Certaines des chansons de son nouvel album restent fidèles à sa marque de commerce, à savoir des sujets parfois durs mais abordés avec intelligence et poésie.

Il passe de rythmes dansants à des chansons plus calmes, où sa voix, qui va dans les graves et dans les aiguës, est mise en évidence. C’est le cas lorsque le pianiste revient sur scène pour Pause, sur laquelle il a collaboré avec la grande Yseult (qui n’était pas présente malheureusement) et Parfaitement, qu’il chante assis sur le piano. Encore une fois, on retourne au décor initial minimaliste, deux lumières, un piano, pas d’écran pour distraire. Ce moment était chargé émotionnellement et l’on pouvait le ressentir dans la salle. On pouvait entendre des murmures comme si les spectateurs voulaient chanter avec lui. 

« Si vous avez des verres, c’est le moment de faire quelque chose ensemble : levons nos verres à la chanson Kid, qui est dans les manuels scolaires en France », nous apprend-il, sous des tonnerres d’applaudissements. « C’est grâce à vous alors un énorme merci ! », ajoute-t-il. Le moment fort lors de cette chanson est sans aucun doute lorsque la salle entière chantait à l’unisson : Vi-ri-li-té a-bu-sive !, à plusieurs reprises.

Autre changement de décor qui nous secoue un peu tellement on ne s’y attend : retour à l’ambiance festive, aux lumières stroboscopiques, aux effets spéciaux et aux musiciens sur l’écran pour Créteil Soleil et Être bien, qu’il introduit en abordant un sujet qui lui est cher. « Je vais parler de santé mentale. Pour moi, c’est aussi important d’avoir une bonne santé mentale que physique. Je vais beaucoup chez mon psy et je lui dis : J’ai qu’un but dans la vie, c’est d’être bien avec moi-même ! », tiré de la chanson. La salle était restée debout durant toutes les chansons dansantes, ce qui n’est pas toujours pratique pour les personnes qui souhaitent rester assises. Ils n’y verraient rien de la scène. « C’est le temps de se lâcher », crie-t-il à la salle. « Est-ce-que vous sentez l’énergie ? », demande-t-il aux spectateurs avant de poursuivre avec Fête de trop, sur laquelle il invite le public à chanter avec lui.
Dernier retour au piano avec Johan qui revient sur scène pour Maison, qu’Eddy de Pretto interprète brillamment en émouvant la salle. Il se promène lentement, avec la même lumière du début qui le suit sur la scène.
Pour finir, on retourne dans l’ambiance discothèque avec Urgences 911, avec un décor aux couleurs de sirènes de polices. Il clôture le spectacle avec la même chanson du début, Love and Tenderness, mais cette fois-ci dans une version plus rythmée avec les paroles qui défilent sur l’écran pour que toute la salle puisse chanter. Cela lui a valu des applaudissements, qui se sont transformés en un long standing ovation. Tellement long, qu’il a dû revenir pour un rappel et nous a partagé Heureux, qui figure aussi dans son nouvel opus Crash Cœur. « Montréal, à très très très bientôt j’espère ! ».

Miro Chino a assuré la première partie du concert d’Eddy Pretto, lors de la 35è édition des Francos de Montréal. Ce rappeur québécois, également guitariste, était accompagné de son bassiste, d’un guitariste et d’un batteur. 

Du Miel de montagne, de la Bagarre, du punk manière DVTR

par Baby Lafrance

À la demande de PAN M 360, notre collaboratrice Baby Lafrance s’est retrouvée dans trois salles différentes afin d’y déguster un Miel de Montagne, assister à une Bagarre et conclure sur une virée punk avec DVTR. Tout ça un jeudi soir aux Francos.

La douce synth pop de Miel de Montagne

Miel de Montagne, c’est le projet solo de Milan Kanche-Daudin. L’auteur-compositeur-interprète français propose une synth pop qui touche parfois le R&B, la soul et le funk. Le chanteur, guitare en main, était accompagné de son batteur dans une formule «simple et légère». Miel de Montagne est d’abord apparu sur scène vêtu d’une jupe, d’un chandail rose et des barrettes dans les cheveux, l’optique étant de casser les codes attribués aux genres binaires. Pour ce qui est de la musique, l’artiste a donné une performance dynamique qui alternait entre des interactions avec la foule et des segments musicaux électrisants. Les mélodies sont dansantes et invitent quiconque dans la foule à se déhancher. Lors de la chanson Relax le plexus, Miel de Montagne suggère à la foule de s’allonger pour ensuite venir s’y installer au grand plaisir du public. Le spectacle s’est clôturé avec un mosh pit frénétique, encore là orchestré par l’artiste.  

Faire danser la foule avec Bagarre

La formation Bagarre se produisait à Montréal pour la première fois en huit ans. Le groupe fait de la musique populaire assortie de parties instrumentales et électroniques, propices à des chorégraphies live.  Les 5 musiciens partagent les différents solos et harmonisent également leur voix. Les textes sont exprimés dans un parlé-chanté s’approchant de certains rap français. 

Une partie de la scène était surélevée, ce qui a permis au groupe de jouer avec la hauteur et de varier leur configuration. Les membres du groupe avaient chacun une touche personnelle, une couleur distincte, une touche personnelle. Quant aux chorégraphies  déployées sur scène, elles étaient bien exécutées, parfaitement synchronisées pour la plupart. Le travail derrière leur spectacle est définitivement senti. Bagarre a repris la chanson Pursuit of Happiness de Kid Cudi et remixé par MGMT, Ratatat ainsi que Steve Aoki – qui est également la fameuse chanson du film Projet X, sorti en 2012. En bref, le groupe a su nous en mettre plein la vue.

DVTR, punk jusqu’au bout

Le nouveau projet de la chanteuse Demi-Lune (Laurence G-Do) et Jean-Divorce (Jean-Cimon Tellier) célèbre tout juste sa première année d’existence. Les deux artistes sont des habitués de la scène musicale francophone avec leurs projets antérieurs, soit le groupe rock Gazoline pour Jean-Cimon Tellier et le groupe plus pop Le Couleur pour Laurence G-Do. 

DVTR (qui signifie D’où vient ton riz?) a amorcé la soirée avec la chanson Crématorium avant de tout déchirer. Le guitariste et chanteur Jean-Divorce a annoncé son fameux «okay là je vais crier» avant de s’exécuter devant une foule ébahie. Le groupe a entrecoupé sa performance avec des covers tel que la chanson  Les Chinois de Mitsou ainsi que Pied de Poule de Geneviève Lapointe (cette dernière qu’ils interprètent à chaque spectacle). La formation interprète avec brio les six chansons qui figurent sur son seul et unique EP. Le groupe était accompagné d’un bassiste, d’un batteur ainsi qu’un caméraman en cagoule, dont l’identité n’a pas été dévoilée.

On s’en doute, DVTR fait lever des foules de par son énergie et son expérience de scène. Pas de répit pour ce public qui se donnait à fond ! Entre mosh pit et  danse punk two-step, ça s’éclatait ! Voilà une performance plus que réussie pour ce jeune groupe qui avait l’énorme défi de mettre le feu pendant une heure avec un enregistrement de  25 minutes.

Chanson francophone / indie rock / krautrock / rock prog

La meilleure version de Karkwa

par Claude André

Malgré un ciel menaçant, des milliers de personnes se sont agglutinées devant la grande scène des Francos pour célébrer, hier soir, le retour de la formation Karkwa qui n’avait pas joué à Montréal depuis 2011.

Dès les premières notes de Ouverture , l’intro musicale envoûtante et hypnotique du dernier album de Karkwa, jumelée aux éclairages particulièrement efficaces signés Loan Rixhon, on a l’impression d’assister à un spectacle prog rock d’envergure internationale des années 1970.

Visiblement plus dans son élément que lors de l’hommage à Ferland, Louis-Jean Cormier a ensuite attaqué avec  Parfaite à l’écran  également enregistré sur le dernier chapitre de la formation, sans doute le meilleur, nommé Dans la seconde. Une œuvre dont la chanson éponyme figurait aussi au programme, avec  Gravité  et Nouvelle vague du même album.

La qualité sonore était telle, que dans la foule, on peut saisir la totalité des paroles, et cela sans effort. Ce qui n‘est pas toujours évident dans ce contexte. Chapeau bas à Mathieu Parisien.

Célébrant cette année leur 25e anniversaire de naissance, les membres du groupe que l’on a souvent comparé à Radiohead à une époque, étaient visiblement heureux de se retrouver.

 « On a quand même changé. On reste des mauvais garçons (!!!), mais on dirait qu’on s’est libéré d’un certain poids. Il y a 12 ans, on était encore en train de développer une carrière et on voulait conquérir le monde. Maintenant, nous sommes en colonie de vacances : on est juste content de se voir et de jouer de la musique. Ce soir, Montréal, profites-en parce que, bien honnêtement, notre plan de match est très éphémère et on retourne se coucher dans notre boîte dans quelques mois. J’aimerais que tu profites du moment présent et de chaque note qui va sortir de cette tête-là », a lancé Cormier. 

On a vu alors que les multiples écrans judicieusement disposés sur place diffusaient le visage ravi du claviériste François Lafontaine. Ce joyeux geek qui est aussi le grand manitou derrière les envolées musicales homériques et (parfois) grandiloquentes de la formation.
Après avoir distillé 14 titres dont Le Coup d’état (sic),  Le Pyromane , Les Chemins de verre  et  L’Épaule froide , ou la très rare,  Marie tu pleures, les cinq artistes ont offert, en guise de rappel,  28 jours  et  Échapper au sort . C’est alors que la marmaille issue des membres de la formation a investi la scène pour interpréter en chœur  Le vrai bonheur. Le temps s’est arrêté. Tout était dit.

free jazz

Suoni: retour sur Luke Stewart + Tcheser Holmes + Aquiles Navarro + Keir Neuringer + Nicolas Caloia + skin tone + Geneviève Gauthier + Jason « Blackbird » Selman + Charlotte Layec + Dave Rempis + Tashi Dorji + Eric Hove

par Alain Brunet

Un festival international peut désormais avoir plusieurs dimensions, tant les réseaux culturels se sont multipliés de manière exponentielle au cours des dernières décennies. Les Suoni Per Il Popolo s’inscrivent dans cette réalité et on pouvait l’observer cette semaine à la Sala Rossa et la Casa del Popolo, notamment avec cette rencontre entre musiciens de Philadelphie et de Montréal, réunis sur une même scène. 

La soirée de lundi a commencé par une mauvaise nouvelle : Moor Mother, l’artiste la plus connue de l’aréopage from Philly, avait pris un vol qui s’est mal terminé car son avion a dû rebrousser chemin à cause d’un passager en crise. Moor Mother devait remettre ça au lendemain mardi et a finalement annulé son engagement. Ce fut donc l’occasion de découvrir ses collègues afro-américains, réunis sous la bannière du collectif Irreversible Entanglements (enchevêtrements irréversibles).

Luke Stewart (contrebasse), Tcheser Holmes (batterie), Aquiles Navarro (trompette, électronique),  Keir Neuringuer (saxophones alto + soprano , électronique), auxquels se sont  joints les Montréalais.e.s Geneviève Gauthier (sax alto),  Nicola Caloia (contrebasse), skin tone (mbira, électroniques, saxo), Jason « Blackbird » Selman (poésie et trompette) et Kim Zombik (chant).

La soirée s’est construite sur une série d’interventions typiquement free jazz, à géométrie variable. Saxo solo d’Aquiles Navarro, puis de contrebasse-voix-poésie (Caloia, Zombik, Selman), le tout entrelardé de mbira (instrument à lamelles de métal que certains nomment le piano africain), après quoi les artistes de MTL et Philly se sont progressivement mélangés jusqu’à ce que le quartette Irreversible Entanglements puisse conclure la soirée, ce qui fut également le cas le lendemain mardi.

À celles et ceux qui prêtent au free-jazz une forme redondante impliquant des techniques limitées de la part de leurs interprètes, sachez que la haute virtuosité est aussi au rendez-vous, plusieurs excellents musiciens de jazz plus conservateur s’investissent aussi dans l’improvisation libre. L’excellente saxophoniste Geneviève Gauthier, par exemple, brille dans plusieurs contextes différents, dont l’improvisation libre et (surtout) atonale. 

Le quatuor de Philadelphie, pour sa part, ne s’en tient pas aux formes convenues de free jazz, y greffant des grooves polyrythmiques, typiques du jazz contemporain ou carrément jazz-fusion, ce qui diffère considérablement de l’approche « swing déconstruit » des générations précédentes. L’influx de musiques électroniques via claviers, ordinateurs et autres technologies de pointe confère de nouvelles couleurs à l’improvisation libre. Assurément, la nouvelle génération de musiciens improvisateurs aborde le free-jazz en y enrichissant le discours de composantes typiques de la lutherie de 2024.

Autre observation faite le lendemain mardi à la sala Rossa, à la suite de la projection d’un concert groove mené par le saxophoniste Eric Hove et tourné dans la Biosphère du parc Jean-Drapeau, la mélodie et la tonalité/modalité ne sont pas exclues du discours soi-disant free, on l’a observé et savouré durant le duo que forment la chanteuse inspirée Kim Zombic et le contrebassiste Nicola Caloia, le meilleur du genre à Montréal depuis l’époque (de plus en plus lointaine) du tandem Michel Donato/Karen Young. 

On a observé de nouveau cette approche hybride  jeudi soir à la Casa Del Popolo, alors que la clarinette basse de la Montréalaise Charlotte Layec juxtaposait son jeu en temps réel avec une série d’enregistrements filtrés et recomposés de musiques surtout folkloriques. C’était aussi observable avec le duo mettant aux prises le saxophoniste de Chicago(alto et soprano) Dave Rempis et du guitariste Tashi Dorji, originaire du Bhoutan et installé à Asheville,Caroline du Nord. Si le jeu du saxophoniste, fort bon au demeurant, ne nous a pas appris grand-chose du vocabulaire free tel qu’on l’imagine, le jeu de Dorji s’est avéré fort singulier pour ses explorations de saturation, son approche percussive et autre recherches texturales via un vaste assortiment de pédales d’effets.

Reste à souhaiter que cette approche hybride saura trouver des publics moins confidentiels  et galvaniser les jazzophiles à une plus grande échelle.

Chanson francophone / indie pop / indie rock / prog

Philippe Brach aux Francos : party caniculaire sur la Place des Festivals

par Alain Brunet

En ce mercredi 19 juin aux Francos, Philippe Brach n’en était pas à son premier événement majeur sur la Place des Festivals; il a déjà fait l’expérience d’un public de masse et ça paraissait en ce soir de canicule, devant un parterre bien garni – quoiqu’un peu moins en fin de prestation.

Arborant une tunique d’inspiration hippie et psychédélique,  ainsi qu’un chapeau pour le moins spectaculaire, sorte de design composite inspiré des couvre-chefs de Jean Leloup, de Pharell Williams ou du Grand Schtroumph, l’artiste keb a offert un spectacle un tantinet hirsute, ébouriffé, néanmoins efficace malgré les poils qui dépassaient de tous bords tous côtés. 

Ses acolytes réunis en formation pop-rock (et non pop orchestrale comme c’est souvent le cas dans ses enregistrements), Gabriel Desjardins (claviers, direction musicale, arrangements), Marie-Anne Tessier (percussions), Simon Trottier (Fender Jaguar), Guillaume Bourque (guitares), Lisandre Bourdages (batterie) et Étienne Dupré (basse) ont bellement servi les chansons de leur employeur, dont celles tirées de son plus récent album paru l’an dernier, Les gens qu’on aime- Last call, Soleils d’automne, Tic tac, Un peu de magie, Révolution, ou OK Canada,  reprise hallucinogène et réharmonisée de l’hymne canadien. Encore en 2024, on carbure encore à ce type d’insolence, autre preuve que la question nationale est encore loin d’être réglée… Ben coudon.

En bon Keb tributaire de notre culture prog rock, post rock ou même métal,  notre hôte a fait une belle place sur scène au groupe Population II, dont parle PAN M 360 avec un enthousiasme consommé depuis quelques années déjà. Les fans de rock plus exigeants étaient ravis, inutile de le souligner, devant l’interprétation musclée de leur pièce C.Q.T.S. Dans un autre ordre d’idée et de divertissement, Lisa LeBlanc s’est aussi présentée sur scène aux côtés de Brach, Gibson SG en bandoulière, pour une version adaptée de Gossip, tirée de son excellent Chiac Disco.

Le reste du répertoire au programme, vous vous en doutez bien, était constitué  de chansons connues La peur est avalanche, Nos bleus désir, Né pour être sauvage, Le bonheur tousse moins qu’avant, Alice, Héroïne, C’est tout oublié, Mes mains blanches, Dans ma tête et Bonne journée, écrite il y a 9 ans et qui évoque une pluie de cendres sur Gaza, question de conclure sur un contraste frappant entre la tragédie moyen-orientale et cette température exceptionnellement chaude et clémente dont bénéficient  les Francos de MTL. Comme si de rien n’était…

Chanson francophone

Hommage à l’ami JP aux Francos… Écoute ça !

par Claude André

Sous la houlette d’Ariane Moffatt qui assurait la direction artistique et faisait office de maître de cérémonie, onze musiciens et choristes en plus plusieurs interprètes ont offert un hommage à celui qui nous a quittés le 27 avril dernier. 

Arrivé pendant la reprise de Je reviens chez nous  (hélas, votre serviteur n’a pas le don d’ubiquité) interprété par l’omniprésent Louis-Jean Cormier ainsi que Marie-Pierre Arthur, François Lafontaine et Ariane Moffatt, votre serviteur a ressenti tout de go l’ambiance des grands soirs. 

Avec 11 musiciens sur scène, et une pléiade d’interprètes, les Francos n’ont pas été chiches ! Sous le ciel immense et parmi de nombreux projecteurs, l’humoriste et chanteur Adib Alkhalidey tout vêtu de jaune en guise de flash à l’album mythique de Ferland, considéré par plusieurs comme le plus important du corpus québécois, nous a livré, ému, un témoignage qui nous a rappelé, en sa qualité d’enfant de l’immigration, à quel point Ferland a su lui insuffler une âme québécoise à travers son œuvre. Un artiste, a-t-il dit en substance, que même s’il ne connaissait pas personnellement, il a toujours eu l’impression de le connaître. Comme quoi l’art peut aussi servir à cela!

Moment jubilatoire :  la reprise de Le chat du café des artistes par Karkwa, Martha Wainwright et d’autres, dont un cœur situé sur une plateforme au milieu de la foule (bon flash). Lequel était composé de Ariane Roy, Thierry Larose, Lou-Adriane Cassidy, Soleil Launière et Marie-Denise  Pelletier qui avait chanté, plus tôt, Un peu plus haut un peu plus loin.

Comme il l’avait déjà fait avec Ferland qui n’en croyait ni ses yeux ni ses oreilles, Hubert Lenoir, accompagné de Karwka, nous a livré une version rock et endiablé de Si on s’y mettait. L’artiste de Québec, qui n’est pas trop sorteux ces temps-ci, a -t-il dit, ne pouvait rater cet hommage à un visionnaire qui lui a tant apporté musicalement. Par son charisme, sa fougue irradiante et son attitude frondeuse, Lenoir est dans une classe à part.  Il nous semble évident qu’une carrière à l’échelle internationale l’attend. Puis, avec Karkwa et consort, il nous a  rappelé de façon rock et extatique que God Is An American
L’hommage au Petit Roi, qui a aussi été ponctué de la grandiose La Musique, Le Petit roi, et autres Écoute pas ça, s’est terminé par Une chance qu’on s’a et Le soleil emmène au soleil. Clin d’œil sympa compte tenu de la chaleur accablante.

Crédit photo: victordiazlamich & rousseaufoto pour les Francos

Chanson francophone

Daniel Boucher, sérénité flamboyante

par Claude André

De retour aux Francos après plusieurs années d’absence, c’est un « bummer funambule », serein et porteur d’une énergie souriante et contagieuse qui, le mardi 18 juin, nous a montré de quel bois il se chauffe toujours.

« Choisir d’aller vivre en Gaspésie est la meilleure décision que j’ai prise dans ma vie », m’avait lancé Daniel Boucher lors d’une conversation téléphonique il y a quelques années. « Pourquoi? » « Parce que je suis heureux, man! »

Et ça paraît !

Enthousiaste, souriant, efficace jeu de pieds, celui qui a parfois été l’un des enfants terribles de notre showbizz a retrouvé son public dans une Cinquième Salle de la Place des Arts qui avait des allures de party de famille, tant la complicité avec ses fans était palpable. « On s’est ennuyé, han? » Moment de gratitude pour celui qui, à une autre époque, a connu des passes difficiles comme il l’a rappelé avant d’entamer la pièce Aidez-moi.

Dans une forme splendide, l’artiste qui s’accompagnait seul avec une guitare électrique et quelques pédales, a d’emblée planté son univers en y allant d’un poème bien senti, dont certaines lignes plairaient sans doute au poète Patrice Desbiens. Ce qui nous a rappelé, mais on le savait déjà, à quel point il est un excellent guitariste doublé d’une bête de scène fascinante. Et, à moins que ce ne soit une hallucination, même sa voix ne nous a jamais parue aussi efficace, juste et puissante, notamment dans le registre aigu.

Puis, il a distillé ses tubes pour le plus grand bonheur de tous : Le poète des temps gris, Sympathique colley (un morceau qui aurait pu être écrit par Réjean Ducharme), Boules à mites, Le vent soufflait mes pellicules et Chez nous, dont la finale s’est transformée en refrain indépendantiste accrocheur. Puis, juste avant le rappel, ce fut La désise pendant laquelle une vingtaine de spectateurs (dont Biz de Loco Locass en fan parmi d’autres) sont montés sur scène pour effectuer la chorégraphie inhérente à la pièce et reprendre à l’unisson le refrain qui l’a rendu populaire au siècle dernier « Ma gang de malades, vous êtes donc oùùùùùùùù? ».

Si nous pensions au départ ne rester qu’une heure, en raison d’un conflit d’horaire avec l’hommage à Ferland de l’autre côté de la salle, le charisme et la fougue contagieuse de Boucher nous auront scotchés à notre fauteuil pendant un peu plus de deux heures.

Car ce n’est pas le moindre talent du Gaspésien d’adoption que nous rendre heureux et de nous faire rire, ce dont il a le don. Notamment lorsqu’il se paya gentiment la tête de Vincent Vallières, son ancien co-chambreur pendant un atelier de chansons chez Gilles Vigneault. Lequel Vallières jouait d’ailleurs audit hommage à Ferland en même temps à un jet de pierre.

C’est en partageant des anecdotes liées à ces séances d’écriture que Boucher nous a présenté Les gâteaux de fête, un morceau touchant écrit juste après avoir reçu de sa blonde la photo d’une échographie lui annonçant qu’il serait de nouveau papa.

Maintenant que l’heure de la rédemption a sonné, il faut impérativement qu’un producteur permette qu’on retrouve l’artiste avec une formation complète devant une foule immense. Car, comme il l’a rappelé hier, Boucher demeure l’un des plus beaux fleurons du corpus de la chanson d’ici.

Crédit photo : Victor Diaz Lamich pour les Francos

Chanson francophone / folk / pop

Aliocha Schneider aux Francos | Paysage de la Grèce, chaleur de Montréal

par Jacob Langlois-Pelletier

Mardi soir, l’auteur-compositeur-interprète et acteur franco-canadien, Aliocha Schneider, a transformé le Club Soda en une immense plage ensoleillée, où il fait bon vivre et tout est si simple. De retour pour quelques jours d’une série de spectacles en France, l’artiste de 30 ans a eu droit à un accueil des plus chaleureux lors de cette première de deux soirées aux Francos.

Après une première partie assurée par la talentueuse Rosie Valland, c’est au tour du principal intéressé de monter sur scène. Pour débuter, il s’amène seul, guitare à la main, puis présente Flash in the Pan, morceau provenant de son premier EP Sorry Eyes paru en 2016. Toutes les lumières sont rivées vers lui et la salle est plongée dans l’obscurité; on saisit tout de suite l’ambiance intimiste que souhaite y installer le chanteur.

« Il y a un an, je n’aurais jamais pensé avoir un Club Soda rempli devant moi. J’ai l’impression que c’est le début de quelque chose entre nous, et j’aime ça », dit-il avant de lancer les premières notes de Suspendus, la deuxième de la soirée.

Si Aliocha nous a transportés sur le bord de la mer aux Francos, il s’agit probablement aux abords de la Méditerranée en Grèce, là où il a écrit la plupart des titres de son album homonyme paru en septembre dernier, son troisième en carrière et premier en français. C’est d’ailleurs en majorité du matériel issu de son plus récent projet qu’il a offert à son public, allant de la superbe ballade pop L’Océan des Amoureux à Mexico, un air de bossa nova servant de fermeture à son dernier projet.

Outre les premiers instants de la soirée, Schneider est accompagné d’arrangements simples, mais efficaces de son band formé d’un claviériste, un bassiste et un batteur. Sur scène, le protégé de Jean Leloup est décontracté, authentique et multiplie les interventions avec le public.

La superbe réception de la foule est une énième preuve du lien particulier qu’entretiennent Aliocha et le public québécois. Pour plusieurs, la série télé québécoise Tactik a été leur première rencontre avec l’artiste, lui qui incarnait le personnage du jeune footballeur Carl Bresson. Au fil des années, le Québec l’a vu grandir sous ses yeux, autant en tant qu’acteur que musicien. Ce sentiment de voir un proche s’épanouir et trouver sa voie, c’est ce qui rend cette relation si spécial.

Après l’enfilade de morceaux Julia et Avant Elle, le parolier quitte la scène pour y revenir avec une invitée surprise, son amoureuse Charlotte Cardin. Il n’en fallait pas plus pour que la foule explose et se fasse plus bruyante que jamais. Après une excellente reprise de Rêver Mieux de Daniel Bélanger, les deux tourtereaux ont interprété, Ensemble, chanson abordant les difficultés des relations à distance, plus particulièrement de la leur. Ils s’échangent les regards et leur amour est contagieux; impossible de demander de mieux qu’un tel moment pour clore cette soirée.

Vers la fin mai sur ses réseaux sociaux, Aliocha Schneider annonçait que son spectacle prévu décembre prochain au mythique Olympia à Paris était déjà complet. Pas surprenant que sa pop langoureuse connaisse un tel succès en Europe; sa poésie est bien ficelée et rien n’y est laissé au hasard. Chapeau à lui pour cette transition francophone réussie.

Crédit photo : gracieuseté de Ludovic Rolland-Marcotte, @ludovicphotographie

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expérimental / contemporain

Suoni, un 17 juin | Réverbérations, voix et réflexions multiples

par Michel Labrecque

En ce début de canicule montréalaise, le festival Suoni Per Il  Popolo nous offrait un concert intriguant à la Sala Rossa…avec l’air climatisé.

Cette triple affiche était étonnamment complémentaire : un jeune Kanien’keháka / Mohawk en quête d’identité contemporaine, une artiste multidisciplinaire en recherche ancestrale et une musicienne poète qui tente de gérer ses voix multiples.

Kahero:ton a ouvert ce bal expérimental, en compagnie du guitariste Grim Beverage. Nous sommes plongés dans un océan de réverbération, avec guitare, basse et synthétiseur. On entend aussi de nombreux extraits d’entrevues évoquant les crises antérieures vécues par les communautés Kanien’keháka / Mohawks du Québec et de l’Ontario. 

On sent que Kahero: ton cherche une voix plus expérimentale et contemporaine pour exprimer ses identités. Tout n’est pas forcément au point encore, mais on peut présumer que, d’ici peu, l’artiste, claviériste et bassiste arrivera avec une création plus affinée. A suivre.

En seconde partie, la musicienne, chanteuse et artiste multidisciplinaire montréalaise Sarah Rossy s’est présentée seule sur scène, avec une valise. C’était le point de départ d’un voyage à la recherche de ses ancêtres. Sarah est d’origine libanaise par sa mère et, avec cette performance, elle explore de façon métaphorique la venue de certaines communautés ici.

Pour l’accompagner, il y a une magnifique bande sonore, conçue par Sarah, avec des voix, des claviers et de multiples ambiances sonores incarnant le voyage. Elle chante aussi en direct, danse mime, parle. S’ajoutent des éléments visuels, créés aussi par la dame. 

Ce spectacle tranche radicalement avec les récentes sorties discographiques de Sarah Rossy, notamment Seemingly Insatiable Waves et The Conclusion, qui étaient plus proche du jazz et du folk éthéré. Ici, Sarah affiche davantage ses influences arabes. Elle n’a jamais caché la grande influence de la chanteuse Fairuz.

Tout ceci donne un spectacle franchement interpellant. La voix de Sarah Rossy est riche et polyvalente. L’assemblage sonore et visuel est complexe et touchant. L’artiste nous montre une fois de plus l’étendue de son talent et sa grande versatilité artistique.  

Sarah a été mon coup de cœur de ce concert. 

Pour clore la soirée en beauté, la suédoise montréalaise Erika Angell a offert sur scène une grande partie de son premier album solo, The Obsession With Her Voice, paru en mars. 

Entourée d’une batterie de machines diverses, séquenceurs, synthés, pédales d’effets, Erica nous a fait vivre dans un dialogue à l’infini entre ses voix et ses instruments. Les machines multiplient le son de ses voix transformées par les machines. Le son d’une clochette se réverbère à l’infini. La symbiose entre la femme et les machines fonctionne. 

Puis, arrive une autre femme, la batteuse fabuleuse Millie Hong, bien connue du milieu alternatif et jazz montréalais. Se produit alors une nouvelle symbiose à trois. Millie Hong, qui était présente discrètement dans An Obsession With Her Voice, s’éclate à fond sur scène, improvise autour de la voix d’Erika et des harmonisations générées par des machines. Parfois, on frôle le délire, puis l’apaisement revient. 

En toile de fond, si vous me permettez le jeu de mots, on trouve les œuvres visuelles de l’artiste Maxime Corbeil-Perron. 

En bref, ce fut une soirée musicale torride et fascinante, qui montre une fois de plus la grande pluralité du tenant musical montréalais.

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