Marc Rebillet : mettre le feu dans la neige sans la faire fondre!
par Alain Brunet
Jusqu’à 21h l’aire de jeu d’Igloofest s’est lentement peuplée. Jeudi soir, on renouait avec ces lieux garnis à l’aide de conteneurs devenus structures à usages multiples (terrasses, écrans, bars etc. ). Quatre week-ends consécutifs s’amorcent donc ce jeudi 18 janvier, les DJ producteurs.trices se succédaient sans se distinguer clairement et puis…
À celles et ceux qui pensent qu’Igloofest est devenu un événement dont la programmation est définitivement formatée, voici un contre-exemple frappant… ou encore un exemple probant de l’audace encore frétillante de sa direction artistique : l’heure passée avec Marc Rebillet ne se compare à aucun des (milliers) de sets présentés à Igloofest depuis sa fondation en 2007.
Légèrement vêtu, le mec ouvre les hostilités par un tonitruant « Why the fuck is it so hot here! » On était au-dessous des – 10 degrés sur le plancher des vaches mais sur scène, c’était visiblement très chaud !
Né d’un père français et d’une mère américaine, l’artiste amerloque est l’une des rares créatures de la mouvance électronique à offrir une telle heure d’improvisation.
Marc Rebillet se présente devant les milliers de one-pieces et leurs occupants avec sa dégaine provocatrice mais aussi avec des capacités peu communes à improviser en temps réel : avec ses équipements électroniques, il va sans dire mais aussi avec des claviers et sa propre voix, puissante voix de chanteur pop.
Il déclenche un beat house ou un beat techno, ou encore un autre plus tribal, avec lequel il sait juxtaposer des voix en temps réel. Il peut hurler à la lune ou improviser une ligne mélodique, il peut mettre en boucle une série d’accords posés sur une charpente rythmique, il peut balancer des grondements de moteurs, il peut haranguer la foule et la provoquer par un humour absurde, notamment lorsqu’il scande dans un français impeccable (assorti d’un accent charmant) qu’il ne parle pas français.
Ses influx harmoniques de jazz ou de funk aux claviers confèrent encore plus de profondeur à son show clairement atypique dans le contexte d’Igloofest. Rares sont les artistes du genre capables de capter l’attention en stoppant les machines pendant de longues minutes et y glisser de très simples mélodies vocales ou autres borborygmes pour ensuite relancer la fête au plus grand plaisir des festivaliers.
Toute une bête! Voilà qui promet pour la suite des choses, car il reste encore 11 soirées d’Igloofest, là où le feu peut prendre dans la glace.
crédit photo: Madeleine Plamondon
Searching for Goya : du flamenco pur, et plus encore
par Frédéric Cardin
Hier soir, au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, avait lieu la création canadienne de Searching for Goya, une chorégraphie existentielle à base de flamenco classique, surtout, mais aussi de danse moderne et d’un peu de ballet. Les Productions Nuits d’Afrique nous ont fait une fleur (une rose dans les cheveux, assurément!) en invitant la compagnie new-yorkaise Soledad Barrio et Noche flamenca à venir présenter son specacle à Montréal, peu de temps après la première réalisée à Seattle il y a quelque semaines.
Crédit photo : Peter Graham
Searching for Goya est inspiré, vous l’aurez deviné, de l’art de Francisco de Goya (1746-1828), immense peintre espagnol qui révolutionna la peinture à son époque et demeure aujourd’hui l’un des plus grands artistes visuels de tous les temps. Encore de nos jours, son art viscéral, parfois explosif, son propos et son style demeurent totalement modernes et visionnaires, sans avoir pris une seule ride.
Cela dit, si vous n’êtes pas spécialiste de Goya, vous devrez, à l’instar du titre, chercher Goya dans la chorégraphie. La présence du peintre et de son œuvre restent en filigrane, comme un fantôme, une présence sublimée plutôt qu’exposée, bien que quelques passages soient plus évidents. Qu’à cela ne tienne, ce détail n’est finalement pas déterminant, car la force émotive irrépressible qui se dégage de l’œuvre scénique de la danseuse Soledad Barrio et du metteur en scène Martin Santangelo submerge le spectateur. Nous sommes happés par un flamenco à la fois arrimé dans la tradition et dans une vision expansive où la danse moderne et le symbolisme viennent s’attacher de façon holistique.
Un décor presque nu, avec peu d’accessoires si ce ne sont quelques chaises, des costumes épurés, agrémentés de quelques rares ajouts, comme ces ailes (d’ange?) aperçues au début et à la toute fin de la pièce. Aucune projection de tableaux ou gravures de Goya. Il ne s’agit pas d’une expo-pop dans le genre à la mode actuellement. On est ailleurs. Dans le non-dit, dans l’allusion, dans une profondeur qui réclame concentration de la part du spectateur.
Modo de volar (1819) et Le vol des sorcières (1798), Francisco de Goya
Mais finalement, c’est le flamenco qui dit tout. Et la performance des quelque 13 artistes sur scène est à la hauteur. Époustouflante de perfection rythmique, de cohérence et coordination d’ensemble, d’expressivité incandescente, sensoriellement incendiaire. Jamais de décalage entre les coups de pieds, les clappements, les attaques de guitares. Tout est réglé au quart de tour, à la fraction de seconde près. On reste pantois.
On aurait peut-être pu profiter de surtitres, pour associer ce que l’on voit avec ce que l’on entend, chanté ou scandé. C’est la seule nuance que j’apporterai à l’appréciation de ce spectacle unique et original. Si on n’est pas un connaisseur de Goya, ou si on ne parle pas espagnol, ou les deux, on ne peut aller au bout de la totalité de cette expérience. C’est dire la qualité de Searching for Goya, si, malgré ces carences, le spectateur lambda en ressortira ravi et fortement impressionné.
L’OSM reprend du service à l’orée de 2024, la Maison symphonique vibre cette semaine au son de Mahler et Szymanowski et ses occupants s’en portent très bien.
Simone Lamsma ne figure pas dans la liste Wikipédia des violonistes néerlandais de très haut niveau, mais cela ne saurait tarder. Pas exactement un pied de céleri ! Il faut effectivement un son d’enfer pour transcender la partition de ce fabuleux Concerto pour violon no 1 de Karol Szymanowski, qui fréquente régulièrement les hautes fréquences, notamment dans les parties sans accompagnement symphonique.
Les notes doivent être particulièrement bien appuyées pour éviter tout agacement dans les aiguës, ce que la musicienne accomplit dans les meilleures dispositions. Qui plus est, le jeu étincelant de Simone Lamsma inclut une articulation sans failles apparentes en haute vélocité.Qui plus est, l’intelligibilité de son interprétation n’est que très rarement réduite par l’orchestre dont le maestro a prévu un soutien quasi impeccable.
La relation musicale entre Rafael Payare, l’OSM et la soliste laisse assurément présager d’autres rencontres à venir. On applaudit ce choix du Concerto no 1 pour violon de Szymanowski, car ce compositeur né dans une zone frontalière de la Pologne (aujourd’hui faisant partie de l’Ukraine) a œuvré durant la même période que les grands compositeurs pré-modernes et modernes, soit au tournant du siècle précédent. On y observe des avancées harmoniques, une diversité rythmique, une modernité mélodique et des orchestrations comparables à celles des compositeurs les plus joués de cette époque.
Voilà un choix judicieux de la part de la direction artistique de l’OSM, qui mise aussi sur la découverte d’un répertoire moderne, dont cette œuvre considérée par les spécialistes comme le premier concerto moderne pour violon et orchestre.
Quant à la Symphonie no 7 de Gustav Mahler, une œuvre colossale de 77 minutes répartie en 5 mouvements, l’effet est plus que frappant – sans compter les frappes inappropriées des applaudissements d’une part de l’auditoire qui n’est jamais réprimandée par l’OSM, un choix d’accessibilité qui se défend certes, mais qui met à l’épreuve la tolérance de la majorité des mélomanes présents dans la salle.
Il faut certes très bien connaître ses meilleures interprétations de cette 7e symphonie de Mahler pour en déceler les petites failles perçues mardi soir, quelques ajustements seront requis pour atteindre l’excellence de la 5e, jouée magistralement par l’OSM et Payare, l’hiver dernier. Au premier de trois concerts du même programme, tout indiquait que l’orchestre montréalais et son chef pouvaient d’ores et déjà ravir l’auditoire et que les ajustements apportés cette semaine mèneraient à une exécution top niveau. On l’a vu et entendu au premier mouvement, un peu moins réussi que les autres, il est très difficile de bien rendre compte de cette dialectique orchestrale entre les ombres de la nuit et la lumière du jour, entre les moments de petit bonheur incarnés par des airs plus légers et les ambiances sombres et dramatiques. Gustav Mahler était assurément une être tourmenté, mais on ne pourra pas l’accuser de ne pas avoir recherché les éclaircies de l’existence humaine, d’où ce clair-obscur déployé au long de cette 7e symphonie construite autour d’un scherzo central. Ce dernier est enrobé de deux mouvement sombres et nocturnes émaillés d’étoiles, on parle ici des fameux Nachtmusik 1 et 2, le tout coiffé d’un rondo-finale.
Le cinquième et dernier mouvement évoque ironiquement la quête du petit bonheur si l’on est attentif à sa subtile caricature. Quête à peu près impossible dans l’univers de Mahler… les ténèbres n’y finissent-ils pas par l’emporter, paradoxalement à notre plus grand plaisir ?
crédit photo: Antoine Saito
École de musique Schulich | Martin Luther King, Tambour-Major
par Frédéric Cardin
Chaque troisième lundi du mois de janvier, aux États-Unis mais également ici au Canada, est soulignée la Journée Martin Luther King Jr. Hier soir, donc, Montréal tenait son événement commémoratif à travers un concert donné à la salle Tanna Schulich de l’Université McGill. Pour l’occasion, on y donnait une œuvre de John Hollenbeck, pour trois trombones, batterie, piano, accordéon, guitare électrique, marimba et vibraphone, The Drum Major Instinct : Three settings of MLK Jr’s last sermon. Le principe est le suivant : sur un enregistrement du dernier sermon de MLK (Martin Luther King), donné le 3 avril 1968 dans une église de Memphis, deux mois avant son assassinat, le compositeur Hollenbeck, également professeur à McGill, a créé trois univers sonores différents, construits autour d’un équilibre entre improvisation et partition écrite.
Le sermon lui-même est un exemple probant du génie oratoire de Martin Luther King, qui en s’appuyant sur un passage de la Bible, construit tout un discours narratif autour du principe de Drum Major Instinct, ou « instinct du tambour-major », que l’on pourrait résumer par la volonté de chaque personne à vouloir diriger la parade, être meilleur que les autres, ou même supérieur. Ce discours, il le déploie efficacement grâce à sa remarquable faculté oratoire à bâtir de la tension et de l’émotion évolutive qui mène vers un paroxysme affectif et signifiant. MLK ouvre la perspective vers les sujets politiques de l’époque, soit un réquisitoire contre la guerre du Vietnam tout en bifurquant vers son sujet de combat personnel, les inégalités raciales. Dans cette perspective, le Drum Major Instinct des Blancs les amène à se croire supérieurs. Esthétiquement parlant, c’est diablement réussi. C’est donc là-dessus que Hollenbeck a écrit ses trois versions, jouées l’une à la suite de l’autre. On entend donc le même discours à trois reprises, avec un accompagnement musical différent, comme pour montrer à quel point celui-ci peut être adapté de toutes les manières imaginables. À ce sujet, je remarquerai que, sauf tout le respect que j’ai pour les immenses qualités verbales de MLK, l’écoute d’un même preach religieux, bien que fortement additionné de politique, d’humanisme et de philosophie, devient lassant. Ceux et celles qui n’aiment pas le prosélytisme religieux qui se cache derrières les scandes de « Jesus!!!! » avec intensité dramatique finiront par être fortement irrités. Avertissement.
Musicalement, cela dit, l’approche de Hollenbeck (vous trouverez sa page Bandcamp ici) est fascinante et très stimulante. La première itération, confiée aux trombones et à la batterie, et se déroulant dans le noir, tente de créer une atmosphère de conflit et d’opposition. Les trois cuivres y vont de déclamations abstraites, faites de points et de traits sonores improvisés, ce que j’appelle du pointraitisme, typique de la musique d’avant-garde savante. Il ne s’agit donc pas de jazz, mais bien de musique contemporaine informée par le jazz, car des inflexions ici et là laissent savoir de quel univers provient le sujet, celui de l’afro-américanité des années 1960. La batterie (Hollenbeck lui-même) accompagne cette séquence de façon très discrète, tout en retenue.
La deuxième version est à l’opposé. Exit les trombones et la batterie, bienvenue à l’accordéon, la guitare électrique, le vibraphone, le marimba et le piano (Hollenbeck, encore). La lumière revient sur un monde tout en douceur, presque planant. L’effet est notable : le discours de MLK qu’on réentend une deuxième fois se pare alors d’une autre personnalité. On y remarque plutôt les tendances humanistes, et on entend mieux les paroles! On dirait quelque chose entre le minimalisme ambiant et l’éthérisme feldmanien (Morton Feldman, grand compositeur inclassable du 20e siècle). Très beau travail de l’accordéoniste et du guitariste, qui laissent perler des notes délicates à travers la trame.
La troisième version appelle tout le monde sur scène, dans une sorte d’oecumémisme syncrétique entre la puissance des trombones et la douceur des autres instruments. Cette fois, cela dit, les trois cuivres se font moins abstraits, plus chantants, avec des réminiscences plus évidentes de jazz et même de blues. Les dernières minutes ressemblent à une parade de fanfare qui se dissout finalement dans une espèce de marche funèbre. Luther King n‘avait plus que deux mois à vivre.
Applaudissements soutenus pour les musiciens sur scène, tous excellents : Ed Neumeister, Kalun Leung, Felix Del Tredici, trombone; Gentiane Michaud-Gagnon, accordéon; Oliver Tremblay-Noël, marimba/vibraphone; Roman Munoz Bueno, guitare électrique; John Hollenbeck, batterie et piano.
Le résultat final est impressionnant et porte à la réflexion, car le Drum Major Instinct évoqué par MLK n’a pas disparu de notre monde, au contraire. Si j’ai trouvé la force d’écriture de Hollenbeck tout à fait réjouissante, je me questionne sur la hiérarchie qui finit par transpirer de l’ensemble. La triple répétition du discours de MLK (au-delà du bémol évoqué plus tôt en lien avec le rebutoir du preach religieux), auquel est inféodée la musique, fait en sorte que le Drum Major Instinct évoqué par MLK est finalement représenté par le texte, au détriment de la partition. Celle-ci prend plutôt le rôle de bande sonore, un peu commentatrice, mais sans avoir pu remplir tout son potentiel, bien plus grand. En clair, j’aurais aimé ne pas entendre le sermon une troisième fois (au moins), et laisser la musique transcender, voire sublimer, le propos de MLK. C’est là l’immense pouvoir de la musique, que les mots, même de l’un des plus grands orateurs de l’histoire, ne peuvent égaler. J’aurais aimé pouvoir plonger en moi-même, cogiter le sens et la profondeur du discours de MLK à travers la musique seule. Je pense que ça aurait été encore plus efficace que d’entendre une énième fois l’enregistrement. À un moment donné, cela finit par ressembler à ce que le sermonnage religieux a de pire : nous enfoncer avec insistance des choses dans la tête, par une répétition incessante et profondément lassante.
Ne vous méprenez surtout pas sur mes propos : The Drum Major Instinct : Three settings of MLK Jr’s last sermon de John Hollenbeck est une œuvre supérieure, peut-être un authentique chef-d’œuvre. Mais c’est sa musique qui porte le texte de MLK dans de nouveaux espaces de signifiance, au-delà même de ce qu’avait pu prévoir l’orateur. Pas le contraire. Alors que celle-ci soit mise de l’avant de façon plus équitable en regard de sa qualité, ce n’est, de ma part, qu’un souhait sincère et une reconnaissance de sa grande qualité.
Pour la programmation complète de l’École de musique Schulich, c’est ICI!
École de musique Schulich | Pleins feux sur les compositrices à McGill
par Frédéric Cardin
C’est une soirée musicale placée sous le signe de la féminité, disons même du féminisme, à laquelle il nous a été donné d’assister samedi soir dernier, le 13 janvier, à la salle Pollack de l’Université McGill. Mais, bien au-delà de ces catégories sommes toutes réductrices, ce fut avant tout une très belle soirée de grande musique, interprétée par des artistes de haute volée, professeures et étudiant, témoignant encore une fois du très haut niveau de qualité de cette école de musique parmi les meilleures en Amérique.
Au programme et en ordre chronologique inversé, nous avons entendu le Trio pour piano en la mineur, opus 150 (1938) d’Amy Beach, le Trio pour piano no1 en sol mineur, opus 11 (1881) de Cécile Chaminade et le Trio pour piano en ré mineur, opus 11 (1847) de Fanny Mendelssohn. Un panorama élargi de l’acte compositionnel féminin, non seulement en termes temporels, mais aussi géographiques (une Étatsunienne, une Française et une Allemande) et stylistiques.
Amy Beach déploie des trésors de couleurs et de textures dans son Trio, solidement charpenté de façon classique, mais témoignant d’un tempérament romantique et manifestant des velléités stylistiques non seulement impressionnistes, mais aussi, dans le mouvement final, un stimulant Allegro con brio, des clins d’oeil discrets mais notables au jazz et au folklore étatsunien. Le tout a été rendu avec force et conviction par les artistes, Violaine Melançon au violon, Joshua Morris au violoncelle et Kyoko Hashimoto au piano.
Contrairement au Trio de Beach, une œuvre de maturité (en vérité la dernière pièce de musique de chambre de la compositrice), le Trio de Cécile Chaminade est une œuvre de jeunesse, sa toute première pour formation chambriste. Chez la jeune Chaminade (elle avait 24 ans), beaucoup de lumière, avec des phrasés déployés de façon très limpide et dessinés à la pointe fine. Une musique très française en somme. On y entend des passages à la fois délicats et virtuoses que Fauré aurait été fier d’avoir écrits. Ailleurs, c’est Schumann qui aurait apprécié les tournures mélodiques. Même si l’espace sonore créé par le trio dans son ensemble était un peu plus dense et charnu que souhaité dans ce genre de musique, on doit tout de même noter l’impeccable technique de chaque artiste et l’écoute attentive de chacun vis-à-vis des autres. Je remarque en particulier un scintillant jeu de piano de Kyoko Hashimoto.
Finalement, le concert s’est terminé par le Trio, éminemment romantique, de Fanny Mendelssohn, encore ici, une œuvre de maturité de la compositrice (même si elle était encore jeune, elle devait mourir peu après). Rien à envier à frérot Félix, ou à n’importe quel mâle de l’époque. Rempli de mélodies engageantes et d’affects à la fois très personnels et finement contrôlés, il s’agit d’un authentique chef-d’œuvre du Romantisme allemand. La lecture des représentants de McGill fut à la hauteur d’une soirée qui se terminait ainsi avec brio et surtout une immense satisfaction.
En 2024, nous avons désormais la grande chance d’apprécier de plus en plus régulièrement ce genre de bijoux musicaux, trop longtemps éclipsé par la mauvaise foi et les préjugés stupides d’une gente masculine jalouse de ses prérogatives et des ses privilèges auto-proclamés et accordés. Tant pis pour ces imbéciles qui n’ont jamais su reconnaître l’immense valeur de cette musique par le passé (mais dommage pour ces femmes qui en ont pâti…). Justice commence enfin à être rendue, non seulement pour la musique, mais particulièrement pour les mélomanes que nous sommes!
Pour la programmationcomplète de l’École de musique Schulich, c’estICI!
Bugs Bunny at the Symphony | L’humour intemporel de Bugs Bunny
par Elena Mandolini
Lorsque l’on pense à Bugs Bunny et aux Looney Tunes, la première chose qui nous vient à l’esprit est rarement la musique. Le thème du générique, peut-être, mais mois souvent la bande sonore qui accompagne les dessins animés qui ont bercé l’enfance de nombreuses générations. Cependant, lorsque l’on s’y attarde, on remarque bien vite que la musique classique occupe l’avant-plan de bien des cartoons. C’est ce que ce concert, Bugs Bunny at the Symphony, veut nous faire remarquer. Non seulement des extraits d’opéras, de ballets, et de symphonies classiques sont présentes dans la trame sonore de ces dessins animés, la partition originale arrange savamment ces extraits pour les adapter aux images, sans toutefois dénaturer la source.
Bugs Bunny at the Symphony se déploie donc sous le format du ciné-concert. L’Orchestre FILMharmonique, qui interprète la partition pour la version montréalaise de ce concert, est spécialiste de ce genre, et démontre toute son expertise dans le domaine. On remarque l’interprétation sans faille, d’une précision irréprochable et d’un dynamisme exemplaire. L’orchestre est amplifié de manière très satisfaisante. Seul bémol : le click track utilisé pour synchroniser son et image est clairement audible lors des moments de silence.
Sur un grand écran, qui domine la scène de la Salle Wilfrid-Pelletier, plusieurs dessins animés défilent, pour le plus grand plaisir de tous et toutes. On redécouvre les cartoons les plus connus mettant en vedette Bugs Bunny, bien sûr, mais aussi Wile E. Coyote, Road Runner, Elmer Fudd, et tous nos autres personnages favoris. Petite surprise également : de nouveaux dessins animés, réalisés spécialement pour ce concert, sont également présentés. L’excellent orchestre FILMharmonique est dirigé par George Daugherty, le créateur de ce concert. Tout au long de la soirée, il partage des anecdotes sur la création de Bugs Bunny et sur la musique que l’on y entend.
Tout au long de la soirée, le public s’amuse, et on entend plusieurs exclamations lorsque l’on reconnaît des mélodies ou des personnages. Il s’agit d’un concert très bien conçu, avec de la musique magnifiquement interprétée, qui saura charmer petits et grands.
Bugs Bunny at the Symphony, une production locale de GFN Productions, avec l’Orchestre FILMharmonique et George Daugherty. Deux autres représentations auront lieu le dimanche 14 janvier, à 14h et 19h. BILLETS ET INFO ICI!
Crédit photo : Martin Bélanger, gracieuseté de Warner Bros. Discovery
Aubades symphonique ou le triomphe du cycle orchestral de Jean-Michel Blais
par Alain Brunet
On ne peut commencer l’année 2024 sans vous causer du triomphe de Jean-Michel Blais et l’Orchestre de l’Agora : deux Maisons symphoniques à guichets fermés pour boucler la boucle du chapitre Aubades, album de JMB consacré à la musique de chambre dont la matière était exécutée devant public par plus ou moins une cinquantaine de musiciens de l’Agora sous la gouverne de Nicolas Ellis.
Avec en prime le persillage concluant d’œuvres complémentaires signées Philip Glass (Opening, Closing), Claude Debussy (Passepied), Érik Satie (Gymnopédie no 3, arr. Debussy), Benjamin Britten (Playful Pizzicato), Bedřich Smetana (Ma Vlast), Sergueï Rachmaninov (fondu dans une pièce de JMB), Max Richter(Spring no 1, inspirée de Vivaldi et impliquant le grand orgue Pierre-Béique joué par JMB), Yann Tiersen (J’y suis jamais allé) ou même Yanni (Santorini), ces Aubades, musiques du petit matin en mode symphonique contribuent à définir les standards les plus élevés du néoclassicisme.
Entrelarder de grands compositeurs du passé aux compositeurs néoclassiques d’aujourd’hui est une pratique de plus en plus prisée, force est d’observer. Pour le public conquis au néoclassicisme, cette pratique est louable à n’en point douter. Or, pour le public féru des périodes romantiques et modernes, c’est peut-être autre chose, car les plus grands compositeurs de notre époque ne sont pas tous post-minimalistes ou platement consonants, comme c’est le cas des néoclassiques en majorité absolue.
Quoique…
Jean-Michel Blais, un pianiste de talent n’ayant pas complété sa formation et revenu à la musique au terme d’un louable parcours humanitaire, était doué pour la composition et sensible aux enjeux stylistiques de son époque. Ainsi, il n’a pas systématiquement adopté ses connaissances de la musique romantique ou impressionniste à une forme easy listening de musique classique. Ses injections de musique électronique l’avaient déjà positionné dans une classe à part. Puis la pandémie l’a conduit à se pencher sur l’écriture orchestrale, nous voilà au cœur de ce processus dont le principal intéressé se dégage lentement de l’exercice de style.
On l’avait observé il y a quelques années lorsqu’il avait assuré la première partie de l’Islandais Ólafur Arnalds à la Maison symphonique, nourrissant pour certains et soporifique pour d’autres. C’est aujourd’hui encore plus concluant. JMB est désormais un artiste consacré. Et sa personnalité attachante, empathique, drôle et sans prétention ne nuit certainement pas à son succès populaire.
L’arrangeur François Vallières a parfaitement saisi ces musiques consonantes en leur conférant un lustre plus contemporain, et ce sans déroger aucunement de la tradition classique pré-contemporaine. Rappelons qu’il remplit fort bien cette mission auprès d’Angèle Dubeau et l’ensemble à cordes La Pietà depuis plusieurs années, il poursuit cette œuvre notamment auprès de JMB avec le soutien fervent de l’Orchestre de l’Agora et son chef Nicolas Ellis.
Ce très bel orchestre, d’ailleurs, ne cesse de progresser dans cohésion, dans ses exécutions ou dans l’efficience de ses sections et de ses solistes. On l’a d’ailleurs observé vendredi chez les bois et les cuivres. Les parties de cordes n’étaient pas particulièrement mises à l’épreuve, sauf le mouvement Playful Pizzicato, deuxième mouvement de la Simple Symphony de Britten entièrement joué en pizzicato par les cordes (pincées, sans archet).
Et… de toute cette mouvance, Jean-Michel Blais n’est-il pas un des musiciens québécois ayant favorisé les meilleurs accommodements entre musique classique consonante et création contemporaine ? Snobée par les mélomanes rompus à la « grande musique », cette approche n’est certes pas la panacée de la musique contemporaine, mais n’est pas non plus un chemin menant systématiquement à la facilité et à l’édulcoration.
Le 9 janvier, Travis Scott a enflammé la foule montréalaise lors de son passage au Centre Bell pour sa tournée Circus Maximus. L’occasion était de célébrer la matière de son quatrième album studio UTOPIA sorti en juillet 2023. C’était la deuxième fois que le rappeur texan remplissait le Centre Bell, lui qui avait fait bonne impression auprès des montréalais lors de sa visite en 2019, pour sa tournée Astroworld – Wish You Were Here.”
Ainsi, environ 20 000 fans de rap ont bravé des conditions météorologiques extrêmes pour être en la présence d’un rappeur au sommet de son art, le temps d’une soirée. Et ils n’ont pas été déçus.
Au lieu de Teezo Touchdown en première partie comme c’est le cas dans la majorité des spectacles de sa tournée, c’est son DJ Chase B qui a pris la scène d’assaut. Ce dernier enchaînera certaines de ses chansons les plus populaires des dernières années, question de réchauffer la foule avant l’arrivée de son collègue de longue date.
Travis Scott est apparu devant un public affamé vers 21h20. La scène immense ressemblait aux ruines d’une montagne avec quelques têtes gravées dans la roche et où il se promenait tout au long du spectacle, interagissant avec différentes sections de l’aréna. Il ouvra le spectacle avec Hyena , suivi de Thank God et Modern Jam, respectant ainsi l’ordre d’Utopia en en jouant les trois premières chansons.
La mégastar alterna ensuite entre des titres plus populaires tirés d’ancien projets, tel que 3500 et Nightcrawler, avec des chansons où il est l’artiste invité comme Aye de Lil Uzi Vert ou encore la nouvellement sortie Backrooms de Playboi Carti, tout en continuant de présenter ses pièces sur Utopia. Que tu sois un nouveau ou un vieux fan, il y en avait pour tous les goûts.
Tout au long du spectacle, le son était dans le tapis, plus particulièrement la basse qui était prédominante, le tout mélangé avec la voix de Scott baignant dans l’autotune et les cris inépuisables des fans. En a résulté l’un des concerts les plus bruyants auxquels j’ai assisté.
“Le son était tellement fort que des verres se sont brisés dans les loges et des tuiles du plafond sont tombées”, a dit Bruno Corica, un employé du Centre Bell présent à l’événement.
Déjà gonflés à bloc, les fans sont passés de chauds à bouillants lorsque Scott a entonné avec eux ses plus gros morceaux d’Utopia tels I Know? et Meltdown.
Le spectacle a atteint son apogée lorsque le rappeur interpréta FE!N 11 fois de suite devant les olés! d’un public qui en redemandait toujours plus. Chaque répétition du morceau déclenchait une montée en intensité, ces 20 minutes de feu ont constitué le moment le plus marquant de la soirée.
En gardant ses fans debout pour l’entièreté du concert,Travis Scott a su démontrer encore une fois qu’il est l’un des meilleurs performers dans le milieu.
Place Émilie-Gamelin, la soirée autochtone du Solstice d’hiver nous a permis de faire un peu de rattrapage avec les récentes créations du chanteur, auteur, compositeur Akawui Riquelme, très actif sur la scène locale et plus encore. D’origine chilienne comme plusieurs concitoyens québécois et canadiens, le Montréalais Akawui a du sang mapuche, peuple autochtone très important établi dans la partie méridionale de l’Amérique latine.
Akawui en impose. Bon chanteur, il sait s’imposer sur scène, n’hésite pas à sortir de la zone chauffée de la scène et se défoncer malgré le froid très vif de ce 21 décembre. Force est d’observer que la connexion avec les peuples autochtones d’el norte est naturelle et nous rappelle drette là que les premiers peuples du Chili et de l’Argentine sont un ferment de premier plan pour la culture latino-américaine en général, y compris dans les zones septentrionales où nous sommes. Et c’est pourquoi l’artiste montréalais Akawui est pertinent, aux portes de l’hiver.
Ses identités culturelles sont autochtones, latines, québécoises francophones, panaméricaines, mondialistes. Son expression est vaste, chaque chanson représente un courant de la pop latine d’aujourd’hui : rap keb, rap latin,, hip hop, rock latin, cumbia, reggaeton, pop et plus encore. Sorti l’été dernier, son album El Futuro Es Tribal intègre le chant de gorge inuit, le chant chants maori Haka, des percussions afro-colombiennes, des flûtes quena et des flûtes de pan des Andes, des chants Pow wow des Premières Nations, des chapelets de guitares soukous.
Les 9 titres de l’album ont été enregistrés dans les studios d’Indica à Montréal et produit en France par Hedayat Mirnezami. Sur scène, le son est différent : guitare, basse et batterie sont derrière Akawui et ses instruments variés. Les accompagnateurs sont très solides, excellents instrumentistes dans ce créneau au service du frontman.
Que peut-on espérer de plus ? Tout est là pour la prochaine étape. Quels en seront les facteurs clés? Suggérons qu’Akawui pourrait mettre encore plus d’emphase sur le beatmaking et les arrangements de son répertoire, sans en négliger les ingrédients actuels.
Un Messie signé YNS et l’OM à la Basilique Notre-Dame.
par Alain Brunet
Dans les contrées liées historiquement et politiquement à l’Angleterre, le Messie de Handel est l’œuvre sacrée la plus jouée à l’approche de Noël. Handel était certes Allemand de naissance mais avait fait sa carrière à Londres où il devint citoyen d’adoption et sujet du royaume. C’est pourquoi son fameux Messie, bon an mal an, est joué deux ou trois fois plutôt qu’une dans une grande ville comme Montréal.
En 2023, le Messie l’était d’ailleurs présenté à Montréal par deux orchestres montréalais, soit à la Salle Bourgie en version ancienne avec Arion Orchestre Baroque et ses instruments anciens puis cette semaine à la Basilique Notre-Dame par la superstar Yannick Nézet-Séguin aux côtés de son Orchestre Métropolitain, d’un Choeur Métropolitain réduit mais composé de professionnels trié sur le volet, ainsi que de 4 solistes : la soprano québécoise Magali Simard-Galdès, la contralto québécoise Rose Naggar-Tremblay, le ténor britanno-colombien Spencer Britten, et le baryton-basse québécois Philippe Sly.
Dans la version de l’œuvre ici présentée, on avait prévu 45 stations en trois parties distinctes : ouverture, arias, récitatifs, récitatifs accompagnés, choeurs. Tous ces éléments constituent cette œuvre incontournable du répertoire sacré de la période baroque, composée en 1741. L’œuvre se consacre à la résurrection du Christ et à ses conséquences rédemptrices sur les fidèles de la chrétienté. Prévue à l’origine pour la période de Pâques, l’exécution du Messie s’est progressivement déplacée vers la période de la Nativité, et nous voilà bien assis sur un banc d’église pour en apprécier les vertus avec cette joie inhérente du temps des Fêtes.
Lorsqu’on a goûté au Messie exécuté en version originelle, soit avec instruments anciens qui en modifient sensiblement l’interprétation et les sonorités, revenir à une exécution avec instruments modernes est une expérience clairement différente. Bien sûr, écouter le Messie dans un lieu sacré confère une certaine magie à cette expérience, mais les conditions acoustiques n’y sont pas optimales lorsqu’on est habitués aux conditions acoustiques de la Maison symphonique.
Cette version avec instruments modernes exclut plusieurs procédés baroques, moins de sons liés, plus d’éclat vu la nature des instruments conçus après la période baroque (cordes de métal au lieu de cordes de boyaux, notamment), solistes formés selon des techniques vocales mises au point bien après la confection de l’œuvre.
La soprano Magali Simard-Galdès aura bien fait son travail sans trop en mettre, la contralto Rose Naggar-Tremblay m’a semblé plus magnétique encore et laisse présager une magnifique carrière, le ténor Spencer Britten a très bien chanté mais sans dominer la basilique, et le baryton-basse Philippe Sly est à mon sens celui qui s’est le mieux démarqué de la représentation de mercredi, par son coffre et et sa présence altière.
Côté instrumental, la direction orchestrale s’est avérée sobre et rigoureuse, toujours au service du chant. Évidemment, le Choeur Métropolitain atteint son point culminant à la 39e station. L’auditoire se lève pour apprécier le fervent Alléluia et même en applaudir l’interprétation.
Fort agréable soirée, certes, un orchestre et des chanteurs.euses bien préparés par le maestro bien-aimé. Cela dit, on ne peut affirmer qu’il s’agisse ici d’une grande spécialité de l’OM malgré la très belle facture de son exécution. La relecture d’une œuvre baroque par un orchestre « moderne » ne requiert-elle une longue pratique avant d’atteindre les plus hauts standards connus ? On retiendra néanmoins le rôle crucial du trompette solo Antoine Mailloux, très solide et très inspiré aux stations 42 et 43. Malgré ces menus détails de la vie, on ne se formalisera de rien et on ne boudera certainement pas ce plaisir d’apprécier de nouveau notre OM et de sauter à pieds joints dans la période des Fêtes.
Hervé Niquet dirige l’OSM | Reconnaître le divin dans la musique
par Rédaction PAN M 360
Œuvre rare et exécution parfaite, L’enfance du Christ d’Hector Berlioz a été chaleureusement reçue par le public de la Maison symphonique mardi soir. Le dernier concert de l’année, la saison des fêtes se termine en triomphe pour l’OSM.
Une histoire est nécessaire pour souligner ce concert. Il y a deux ans de cela, l’OSM avait programmé L’enfance du Christ d’Hector Berlioz avec Hervé Niquet comme chef. Certains avaient décidé de sauter sur l’occasion de voir une œuvre si rare et unique qu’ils avaient pris des billets pour toute la famille rapprochée. Malheureusement, le sort en aura voulu autrement et la seconde fermeture des salles durant les fêtes de 2021 a été amèrement reçue.
Il a fallu attendre deux ans pour finalement pouvoir voir ce concert et l’attente fut totalement justifiée. Une fraîcheur alléchante émane de la partition et la musique, certes évocatrice, mesurée et équilibrée d’une main de maître. On ne tombe jamais dans le cliché, au contraire, et on est immédiatement saisi par la beauté et la puissance des paroles et des accompagnements.
L’œuvre raconte l’histoire de l’exode de la Sainte Famille après la naissance de Jésus, suite au décret du roi Hérode ordonnant le meurtre de tous les nouveau-nés. La première partie, « Le songe d’Hérode », est la plus remarquable, avec une performance intense et dévouée de la part de Robert Gleadow, dans le rôle d’Hérode. On sent le conflit des émotions qui bascule dans la folie et la lourdeur des actions avec, notamment, l’appui sur le pizzicato des contrebasses. Les autres parties, qui racontent la fuite en Égypte et l’arrivée à Saïs, sont charmantes à leur manière, avec la forte présence de thèmes presque orientalistes durant la seconde, et des passages touchants durant la troisième. Cyrille Dubois, le ténor en charge du récitant, sort du lot et sa magnifique voix, si claire et franche, a ému la salle à maintes reprises. L’ensemble des solistes était solide et virtuose.
L’orchestre était excellent, avec un effectif assez réduit mais efficace. Les bois étaient énergiques et dialoguaient avec les cordes, assez conséquentes, qui occupaient l’essentiel de la scène. Le chef, Hervé Niquet, dirigeait avec fluidité et une énergie suave, teintée d’un respect profond pour l’œuvre. On peut noter le travail remarquable des flûtes et de la harpe durant le Trio enchâssé dans l’œuvre juste avant l’épilogue. L’arrière-scène était occupée par un chœur de qualité, dirigé par Andrew Megill, qui était toujours en temps et clair comme le cristal, tant pour les voix féminines que masculines. Le « Amen » final était d’une délicatesse transcendante. L’exécution de l’œuvre est marquée par une douceur et un contrôle qui ont marqué l’esprit du public, qui a applaudie chaleureusement pour quatre, voire cinq rondes.
Une mise en scène simple mais évocatrice était en place. L’éclairage qui passe du bleu froid pour suggérer la nuit, au doux vert pour évoquer la clairière et à l’aveuglant rougeâtre pour illustrer le désert et le soleil est à saluer. Le jeu d’acteur des solistes était inégal, mais fort apprécié, surtout pour Hérode.
Un seul sentiment habite le spectateur de ce concert, soit le regret de ne pas avoir pu offrir cette expérience magique à plus de gens. L’enfance du Christ est une œuvre hors du commun qui mérite d’être plus souvent jouée. On n’aurait pu espérer une meilleure interprétation et on en ressort ému et grandit par la beauté de la musique.
Solistes :
Un récitant : Cyrille Dubois
Marie : Julie Boulianne
Joseph : Gordon Bintner
Hérode : Robert Gleadow
Un père de famille : Tomislav Lavoie
Polydorus : Geoffroy Salvas
Un centurion : Joé Lampron-Dandonneau
Pour plus d’information sur les concerts à venir, visitez la page des concerts de l’OSM ICI.
Le retour de l’immuable : Meshuggah, In Flames, Voïvod and Whitechapel
par Laurent Bellemare
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y avait de l’excitation dans l’air. Cela faisait plus de six ans que Meshuggah ne s’était pas arrêté au Québec – huit pour la région de Montréal ! Le temps a joué en faveur du groupe, qui est sans équivoque au sommet de sa popularité. On est loin de l’époque où le quintette devait se contenter d’un Club Soda bien rempli. Samedi dernier, c’est un stade plein à craquer qui attendait les maîtres du déphasage rythmique. Il faut dire qu’une belle brochette de grands noms de la scène metal était également au programme pour susciter l’intérêt de l’événement. Quoi qu’il en soit, cette soirée ne fut rien de moins qu’un rassemblement réussi, un méga événement de musique heavy qui marquera les esprits pour les années à venir.
Whitechapel
Whitechapel… voilà un groupe qui a bien changé depuis ses débuts à la tête du très brutal mouvement deathcore des années 2010. Par le passé, les influences death metal étaient toujours clairement audibles sous un enrobage hardcore parsemé de breakdowns exubérants. Dans l’immensité de la Place Bell, on avait l’impression d’assister à la prestation d’un tout autre groupe. Whitechapel n’a eu que 25 minutes pour laisser sa marque, et force est de constater que le groupe n’a pas fait grand-chose pour mettre en valeur son évolution musicale. Aucun des six morceaux joués ne fait appel à la voix chantée de Phil Bozeman, grande nouveauté des deux derniers disques. À l’inverse, très peu de moments rapides nous ramènent à l’époque des trois premiers albums.
Restent donc des grooves sur des grooves, qui donnent une bonne moyenne du son actuel du groupe sans en révéler les couleurs plus dynamiques. On peut aussi contester la présence de trois guitaristes, dont au moins deux jouent toujours la même chose. Est-ce uniquement par souci de puissance sonore brute ? La basse était, à l’exception d’un tremblement en arrière-plan, pratiquement inaudible. Tout cela n’a finalement pas gêné le public, très enthousiaste face à la prestation musclée du groupe américain.
Voïvod
Fidèle à quatre décennies d’excentricités novatrices, Voïvod était à bien des égards l’anomalie du lieu. Le groupe culte de Jonquière n’était programmé que pour cette seule et dernière date de la tournée, manifestement une invitation privilégiée de la tête d’affiche. Le quatuor nous a immédiatement ramené en arrière, avec une énergie plus thrash metal old school, voire punk. Après avoir sorti une compilation de reprises au cours de l’été, Voïvod nous a offert une succession de classiques, passant en revue les points forts de sa discographie. Nous avons même eu droit à la fameuse version métallique de « Astronomy Domine » de Pink Floyd. Deux morceaux issus d’albums récents ont encore témoigné de la vitalité créative du groupe, qui ne semble pas s’éteindre. Il faut saluer la résilience du groupe. Non seulement il a su se réinventer au fil des pertes tragiques et des changements de personnel, mais il est resté au sommet de l’expérimentation dans son genre respectif. Le batteur Michel Langevin et le chanteur Denis Bélanger, tous deux dans la soixantaine, se comportent encore comme d’infatigables artistes de scène. L’ancienneté mise à part, c’est sans compromis et avec une vitalité impressionnante que Voïvod a offert à la foule un spectacle à la hauteur de son héritage. On regrettera seulement une sonorisation médiocre pour le bassiste, pratiquement inaudible.
In Flames
Ayant pratiquement inventé le pendant mélodique du metal suédois, In Flames est un autre groupe à avoir connu son lot de changements stylistiques. Depuis les années 2000, le groupe a évolué vers un son plus accessible, multipliant les refrains exprimant la vulnérabilité et les albums controversés. Foregone, nouvellement sorti cette année, témoigne cependant d’une volonté de synthétiser cette évolution par un certain retour aux sources. À l’image de ce nouvel album, In Flames a offert une performance puissante et sans faille, comme un groupe en pleine possession de ses moyens.
À travers ses nouvelles pièces, In Flames a ponctué la soirée de pièces tirées d’albums de premier plan. Le groupe est même remonté jusqu’en 1994 pour jouer une rareté du premier album Lunar Strain ! Il y a aussi eu des succès de l’ère Reroute to Remain (2002) et Come Clarity (2006), dont les refrains ont été chantés avec enthousiasme par la foule. En somme, la sélection était judicieuse et évoquait autant la nostalgie que la fraîcheur d’une nouvelle direction musicale.
Il faut saluer le charisme du chanteur Anders Fridén, dont la technique particulière semblait en grande forme, tout comme son sens de l’humour. Le jeu des instrumentistes était au rendez-vous et le son était là, ce qui n’aura pas déplu aux fans venus spécialement pour In Flames.
Meshuggah
Les premières notes de « Broken Cog » donnent immédiatement le ton pour l’heure et demie à venir : des guitares à neuf cordes grondantes et oppressantes et une batterie puissante et énigmatique. Le tout accompagné de spectaculaires lumières stroboscopiques préprogrammées avec précision. L’aspect visuel est donc d’une importance capitale pour le spectacle, car les musiciens n’ont guère besoin de bouger sur scène pour dégager une aura captivante.
Avec une sonorisation impeccable et très peu d’interaction avec le public, Meshuggah a joué des classiques et des morceaux du nouvel album Immutable. Certains moments forts du concert se sont démarqués, sortant le public d’une certaine torpeur psychédélique. C’est ce qui s’est passé lorsque toutes les lumières se sont éteintes et que le morceau « Mind’s Mirrors » de Catch 33 (2005) a été joué. Les ronflements de guitare atonale et la narration au vocodeur créent une apesanteur terrifiante. Vient ensuite l’interprétation des pièces complémentaires In Death – Is Life et In Death – Is Death, suivant la logique chronologique du même album. Ce segment de vingt minutes, tout comme le rare « Humiliative » de l’EP None (1994), est un véritable cadeau pour les fans du groupe. À noter que pour chaque titre, voire chaque section musicale, un éclairage spécifique dynamise l’expérience sensorielle.
Au terme de cette prestation magistrale, Meshuggah a choisi de terminer la soirée en beauté en jouant « Bleed », un classique instantané, et « Demiurge », dont l’énergie du breakdown final est aussi contagieuse que dévastatrice. On ne pouvait rêver meilleur rappel. Une fois de plus, le groupe suédois s’est distingué par l’originalité de son art et sa force d’exécution. Il est maintenant temps d’attendre le prochain cycle d’albums et de tournées, où Meshuggah sortira de la longue dormance créative à laquelle l’entité nous a habitués.
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