Il n’est pas surprenant que l’Orchestre national de jazz de Montréal ait livré une excellente prestation hier soir, mais on peut se demander s’il s’agissait d’un hommage tout à fait approprié à une sommité comme Wayne Shorter. À l’instar de nos impressions sur la prestation de Ron Carter avec l’Orchestre jazz des diplômés-es de l’Université de Montréal, sous la direction de Ron Di Lauro encore une fois, l’ensemble n’a peut-être pas réussi à rendre hommage à la contribution unique de M. Shorter au lexique du jazz.
La soirée à la Cinquième Salle de la Place des Arts a commencé sans cérémonie, avec deux arrangements de qualité mais pour la plupart oubliables, sans rapport avec le reste du programme. Hammerhead, la première composition de Shorter à laquelle nous avons eu droit, était un premier choix décevant. Il s’agit d’un morceau hard-bop précoce et quelque peu orthodoxe écrit par le compositeur-interprète pendant ses années avec Art Blakey et les Jazz Messengers, sans doute avant qu’il ne commence vraiment à prendre son envol.
Ce morceau me semble tout simplement superflu compte tenu de l’immensité du répertoire de Shorter. Endangered Species, le morceau suivant, était une sélection tout aussi curieuse et j’imagine que beaucoup ne la connaissaient même pas – ou très peu. L’excitation était palpable lorsque le morceau suivant fut Armageddon, un classique des années dorées de Shorter sur Blue Note.
Bien sûr, il ne s’agit pas de critiquer les musiciens. Il est certain que chaque membre de ce très bel ensemble a fait preuve de diligence, la section des saxophonistes composée de Jean-Pierre Zanella, Samuel Blais, André Leroux, Frank Lozano, Alexandre Côté, se surpassant pour rendre hommage au maître. Si seulement ils étaient présents sur des arrangements plus mémorables. « Yes or No » se démarque comme l’une des pièces qui se rapproche le plus de l’esprit vital et audacieux de la musique de Shorter.
Malheureusement, le rappel de Speak no Evil, interprété dans une sorte de style latin, n’a pas suffi. La soirée est restée très agréable, mais lorsqu’un ensemble cherche à rendre hommage à des icônes comme Wayne Shorter, il est essentiel de choisir un répertoire qui rende vraiment hommage à l’héritage de l’artiste. L’absence de certaines compositions emblématiques et l’approche conservatrice des arrangements m’ont laissé, comme peut-être beaucoup de spectateurs, dans l’attente d’un reflet plus authentique de l’imagination musicale de Shorter.