L’équipe de PAN M 360 vous offre une couverture exhaustive de MUTEK Montréal 2023. Voilà une sélection des meilleurs sets présentés samedi soir à la SAT, dans le cadre de la série Nocturne.
Crédits photos : Vivien Gaumand
SUFYVN
Dès son entrée sur scène, SUFYVN a installé une ambiance de club dans la salle, avec une musique électronique puissante et accrocheuse. Ce style s’est toutefois nuancé dès le second morceau, plongeant plutôt l’auditoire dans un langage IDM équilibrant bien les sonorités familières avec un traitement varié du rythme et du timbre. Il est dit que l’artiste s’inspire de sonorités et de rythmes soudanais, ce qui n’est pas immédiatement accessible comme référence pour la majorité des auditeurs. Quoi qu’il en soit, SUFYVN produisait sans équivoque une musique pour faire danser. La performance parcourait une variété de tempi, alourdissant ou précipitant l’énergie du parterre aux moments opportuns. Les projections de Kaminska faisaient défiler des formes ondulées dans des teintes multicolores. Si ces formes étaient apparemment puisées dans les graphiques économiques, leur résultat produisait une esthétique psychédélique bien connue dans le milieu de la musique électronique. Une performance variée, quoiqu’un peu générique, qui fonctionnait bien comme avant-goût, à une heure où le public entrait toujours au compte-goutte.
Deadbeats present Ark Welders Guild
Ark Welders Guild, c’est le nom d’une collaboration entre le producteur canadien Scott Monteith (Deadbeats) et la chanteuse italienne Leitizia Trussi. Avec ce duo, c’est une ambiance plus sombre qui se développait. Les pièces lourdes et planantes avaient notamment des échos de trip-hop par leur tempi plus lents. La voix noyée dans la réverbération y était également pour beaucoup, tout à fait dans le style. Le registre grave était très chargé, faisant onduler des basses qui supplantaient souvent les autres éléments du mix. Le reste du spectre harmonique était flottant, suffisamment libre pour y ajouter toute sorte d’interventions sonores. Des moments plus agressifs contrastaient l’occasion avec cette direction musicale. Par ailleurs, un mélange de sépia et de noir prédominait sur le plan visuel. Des images granuleuses de paysages désertiques ont graduellement laissé place à des formes sphériques évoquant une cartographie céleste imaginaire, puis à des alvéoles de matière spongieuse. Ces éléments s’arrimaient plutôt bien avec la nostalgie générale se dégageant de la musique.
Honeydrip
Artiste très attendue de la soirée, la Montréalaise Honeydrip s’est emparée de la scène avec son Bass/Dub énergique. Dans cette musique, la mélodie et l’harmonie ne font plus partie des paramètres. Plutôt, on a affaire à des boucles rythmiques aux subdivisions de « hi-hat » bien marquées et aux basses fréquences grondantes. L’élément le plus distinctif de cette performance était la participation du chanteur reggae King Shadrock. Cette collaboration ajoutait un élément performatif supplémentaire, en plus de créer une esthétique originale. La performance présentait le matériel d’un album au titre très approprié de Psychotropical. Dépourvu de ses accords de guitares et de son accentuation des contretemps, le reggae était ici recontextualisé dans une musique électronique inharmonique et aux downbeats bien lourds. Le tout était accompagné d’un visuel constitué d’archives vidéos filtrées de diverses façons, voulu comme une représentation de l’expérience vécue sous les drogues psychotropes. Signée par Emma Forgues, cette conception visuelle complémentait bien la présence scénique et les costumes des artistes.
µ-Ziq & ID :Mora
Vétéran de la scène britannique µ-Ziq s’est imposé à une SAT bondée de monde avec une musique complètement déjantée. Davantage breakcore qu’IDM, la musique se développait à toute allure, laissant place à peu de répétition. Structures déconstruites et entrées fréquentes de rythmes typiquement drum’n’bass, la performance débutait avec un matériel somme toute assez harmonique, créant même un sentiment de légèreté chez l’auditoire. La partie centrale était, quant à elle, tout à fait atonale et chaotique. Sans jamais décroître en énergie, Muziq a fait évoluer sa trame en la tapissant de progressions majeures à l’effet planant vers la fin. On avait ainsi droit à un mélange intéressant de breakcore sur le plan rythmique et de trance sur le plan mélodique. Visuellement, le spectacle était tout aussi prenant. Les animations 3D de l’artiste tchèque ID:Mora étaient totalement loufoques, passant d’une pluie d’autobus scolaires à des pantins faisant de l’escrime. Les couleurs étaient vives, les personnages étaient enfantins et le traitement graphique rappelait des ébauches d’écrans de veille Windows 1995. Ces éléments visuels enjolivaient nettement l’expérience.
dBridge
Au petit matin, c’était finalement au tour de dBridge de s’emparer de la scène. Cependant, c’est toute la SAT qui vibrait au rythme des basses extrêmes de cet autre vétéran britannique. On pouvait sentir une catharsis générale dans la foule, qui prenait collectivement ces attaques fréquentielles de plein fouet. La musique de dBridge était physique, et mettait surtout en valeur le registre grave. Des percées de courts motifs mélodiques au clavier venaient parfois décorer la trame, à l’instar d’échantillons de voix variés qui intervenaient à d’autres moments. L’artiste livrait une performance entièrement analogue, synthétiseurs modulaires et pédales en guise de matériel. Il y avait dans sa musique une urgence menaçante. Les projections de Line Katcho, très minimalistes, complémentaient bien cette énergie. Un moment Mutek vécu par le corps tout entier.