Le dernier programme montréalais de la saison Pro Musica réunissait le tandem frère-sœur Sergey et Lusine Khachatryan, respectivement violiniste et pianiste de même famille arménienne, ont misé sur des contrastes entre les périodes classique et moderne, c’est-à-dire deux sonates pour piano et violon de Ludwig Van Beethoven, chacune suivie de pièces plus récentes, moderne du côté de Claude Debussy et moderne/contemporaine du côté du compositeur arménien Arno Babadjanian.
La Sonate no 1 pour violon en ré majeur op.12, de Ludwig van Beethoven avait été composée à la fin du 18e siècle par le jeune Beethoven dans un esprit classique qui ne laissait pas encore sa grande singularité s’exprimer avec l’autorité révolutionnaire qu’on lui connaît. L’exécution de dimanche fut impeccable, tant côté cordes que côté clavier. La maîtrise de ces excellents interprètes impliquent une suavité dans le jeu, sans sparages inutiles, sans transgressions aucune. On a observé encore plus de douceur dans le jeu de la pianiste alors que le violoniste témoignait d’une fermeté élégante et d’une grande précision par rapport à la partition. On a aussi observé que le public, dont une vaste part était d’origine arménienne, ne connaissait pas les codes du concert classique, applaudissant entre les mouvements… jusqu’à ce que le violoniste lui fasse comprendre d’un coup de tête, lors de la deuxième exécution au programme, soit la Sonate pour violon et piano en sol mineur de Claude Debussy. Un bond d’un peu plus d’un siècle (1916-17) et nous voilà sur le seuil de la modernité avec des harmonies nouvelles, des rythmes nouveaux et de nouvelles exigences techniques par voie de conséquence. Le finale du troisième mouvement est particulièrement éloquent à ce titre. Jouer Debussy n’est pas une mince tâche!
Nous étions aux oiseaux et prêts pour la seconde partie et la seconde Sonate de Beethoven, c’est-à-dire la no 4 en la mineur op 23. Toutefois, on a noté un petit problème de synchronisme entre le violon et le piano sur quelques mesures du dernier mouvement, ce qui a visiblement irrité les interprètes. Mais bon la vie est ainsi faite et les meilleurs peuvent parfois trébucher… sans que les mélomanes s’en rendent compte pour la plupart.
Le reste du programme, ceci incluant le rappel, fut exclusivement arménien. Arno Bagbadjanian a vécu au 20e siècle et son approche, du moins ce qu’on en a observé dimanche, chevauche les périodes moderne et contemporaine du répertoire, le tout aromatisé de référents traditionnels arméniens. L’atonalité peut parfois s’inviter mais le langage tonal moderne reste proéminent dans cette Sonate pour piano et violon en si bémol mineur. Il va sans dire, l’exotisme caucasien est le bienvenu dans un tel contexte, et consommé avec modération puisqu’il constituait le quart de ce programme somme toute réussi.