Les finales de concours se suivent et se ressemblent: l’enthousiasme et la bonne humeur contagieuse du public face à un groupe survolté, néanmoins compétent, pèsent plus lourd dans la balance, et c’est ce qu’on a constaté lundi 12 mai au Club Soda, où se déroulait la finale des 29e Francouvertes. Fils d’immigrants Camerounais et Rwandais, extirpé d’un HLM du nord de la ville pour être ainsi propulsé à l’avant-scène de la relève keb, voilà certes un heureux exemple de mobilité sociale: Muhosa et sa troupe ont remporté le grand prix des Francouvertes, ceci incluant une bourse SiriusXM de 15 000 $.
Excellente entrée en matière, au croisement du free-jazz et de la soul, puis la première vraie chanson se met en branle sur une progression d’accords non sans rappeler le hit cinquantenaire Saturday in the Park (Chicago) et qui nous annonce que “tout va bien aller ce soir”. Au programme, jazz rap, boom bap des années 90, groove, saxophone alto, guitare, basse, claviers, batterie, le tout chapeauté par un rap keb de bonne tenue. Muhoza est secondé par un chanteur de puissance qui lui donne la réplique mélodique, ce septuor compte 4 Afro-descendants et 3 visages pâles. Beau à voir!
On devine que ces mecs ont pour la plupart bénéficié d’une vraie formation académique, car ils savent jouer. Le groove est bon, les impros sont survoltées, bien que les structures compositionnelles demeurent très simples. La facture générale me semble même échevelée par moments mais sert bien le flow de ce très sympathique MC. Ça se conclut en franglais et sur des “I am on Fire” et des “One love” bien sentis. Clairement le choix du public.
Si j’avais voté, cependant, je ne me serais pas fié à l’applaudissomètre et choisi Kat Pereira en première position. Musicalement supérieure à ses concurrents, meilleure instrumentiste, meilleure compositrice, meilleur groupe. On devine que la soliste et ses collègues sont capables de créer des univers plus complexes et assez fédérateurs pour ainsi s’imposer dans un avenir proche.
Nusoul, jazz, groove, une bonne touche de pop et juste assez de rugosité m’ont personnellement convaincu basse percussions, basse, guitare drum claviers, meilleurs musiciens. On leur devine une formation collégiale et/ou universitaire.
Kat Pereira a une voix juste et adolescente, un peu mince on en convient, mais ce petit bout de femme compense par son énergie extraordinaire. D’autant plus que ses chansons sont très solidement ficelées, dans l’esprit soul keb des Louanges et Rau-Ze…. On lui devine aussi l’influence directe jazzy-punk de Nai Palm (Hiatus Kaiyote) avec un petit côté Diane Tell décennie 80 because le français. Elle a vraiment du talent, cette Kat qui ne croit plus au karma, comme elle le chante dans un texte engagé en guise de conclusion. Elle finira dernière, ce qui n’a rien de particulièrement étonnant dans un tel contexte.
En première partie, c’était mon troisième choix et qui finit deuxième: Leone Volta. Venu de Beauce en 2018, le frontman montréalais nous est apparu sur scène comme un gentil nounours, à la tête d’un gentil quartette. Fan de prog rock, d’ambient/new age et de folk rock, Anthony Cayouette aime visiblement les guitares texturées et saturées avec goût, les claviers space pop, les tempos lents ou moyens, les envolées lyriques. Sa voix de contre-ténor (ou de ténor lorsque les mélodies le commandent) rappelle d’ailleurs Bon Iver, sa tronche fait un tantinet penser à celle d’un Mac DeMarco porté différemment sur le vintage, mais l’auteur-compositeur-interprète se montre plus années 70 que son collègue canadien de réputation internationale. Les eaux calmes de Leone Volta peuvent s’agiter, on peut y passer au rock sur de paisibles et langoureuses fréquences et atteindre des pointes plus musclées que soupçonnées d’entrée de jeu. On attrape des bribes de textes romantiques et aériens, il est question de réflexions simples et intimes sur l’existence.
Inutile d’ajouter que les 30e Francouvertes se tiendront en 2026.