classique occidental / opéra

Fête de la musique de Tremblant 2024 | Sophie Faucher et la Callas, en symbiose

par Frédéric Cardin

La Fête de la musique a été lancée hier soir par la présentation hors site (dans l’église du village de Mont-Tremblant) de la pièce Callas : une voix pour être aimée, avec Sophie Faucher dans le rôle de la divina en fin de vie, Marc Hervieux dans celui de Giuseppe di Stefano, ténor et compagnon des dernières années, et Dominic Boulianne qui incarne le pianiste répétiteur Robert Sutherland. 

Je ne reviendrai pas sur les détails de cette pièce qui raconte les derniers moments (plausibles, mais fictifs) de la chanteuse avant d’être retrouvée morte dans son appartement parisien. Pour cela, je vous invite à écouter l’entrevue que j’ai réalisée avec Sophie Faucher et Marc Hervieux.

Je dois faire l’aveu que je n’avais pas encore eu la chance de voir cette pièce, écrite par Sophie Faucher et Anne Bryan, et créée à l’automne 2023. Ce que j’ai vu et ressenti hier c’est surtout une Sophie Faucher habitée, bluffante de justesse. On y est, là, avec une digne dame qui n’est plus que l’ombre d’elle-même. Et pourtant elle a encore beaucoup de grandeur. On aimerait lui dire. On aimerait monter sur scène et répliquer quand elle dit que sa voix était tout, que sa voix l’avait faite. Lui dire que non, c’est elle qui a fait cette voix, lui a donné son caractère si unique. C’est sa passion et son intégrité artistique extrême qui ont construit un instrument devenu iconique. C’est dire si on y croit. Marc Hervieux est aptement solaire, véritable pôle contraire de la star déprimée. Mais il a sa part d’ombre. Il aime la Callas de tout son cœur, mais il s’accroche, lui aussi, au passé. Celui où elle possédait encore ses moyens, et avec qui il pouvait régner sur les planches. Cette prochaine tournée au Japon, qu’il vient répéter chez son amie, est une bouée à laquelle il s’accroche, après un drame familial (il a perdu sa fille). Il est donc partiellement attentif au désespoir de Maria. Et le pianiste, lui, ne sait trop quoi dire, sinon des platitudes génériques, la plupart du temps.

On regrette donc que les derniers moments de Maria Callas (s’ils ont bien eu lieu) aient été alourdis par l’incapacité de deux hommes à comprendre la douleur d’une femme déchirée. L’incapacité de communier avec sa tragédie, et de percer sa carapace ténébreuse, faite de regrets, d’absence (amour maternel) et de résignation (elle ne chantera plus). En fait, les derniers moments de la Callas dans cette pièce, c’est l’histoire d’un échec. Un échec de communication. Peut-être était-il possible de percer les défenses derrière lesquelles la diva épuisée s’était refoulée, cette certitude de ne plus servir à rien sans le chant? Elle dit : ‘’la meilleure façon de servir la musique désormais, c’est de me taire’’. Mais servir la musique aurait pu devenir l’affaire d’une transmission du savoir acquis, de l’inspiration donnée à une autre génération, etc. Qui sait  peut-être qu’avec les bons mots, les bons arguments, Maria aurait pu survivre à ‘’la Callas’’ encore quelque temps. Elle aurait pu éviter le piège de devoir s’éteindre comme l’un de ses personnages tant aimés, Traviata, Mimi, Tosca, Aida. 

C’est tout cela qui nous passe par la tête pendant l’heure et demie du spectacle. Et c’est la preuve que le jeu de Sophie Faucher est tellement fort, car on rêve d’intervenir, trouver les bons arguments, là où ces deux messieurs échouent.

En fait, les derniers moments de la Callas dans cette pièce, c’est l’histoire d’un échec. Un échec de communication

Hervieux est bon et juste, lui aussi, dans le rôle de Di Stefano. On lui pardonne quelques bafouillages en lui reconnaissant une belle authenticité dans ses élans de tendresse et d’amour pour son amie. Ces mêmes sentiments qui le poussent à devenir dur et même cruel quand celle-ci ne se montre pas (ou plus) à la hauteur de l’idole qu’il en fait encore dans son esprit. L’avantage qu’il possède est qu’il peut chanter, aussi. Ce qu’il fait très bien d’ailleurs, et avec générosité.

Dominic Boulianne incarne le pianiste Robert Sutherland, pris au dépourvu par cette répétition qui tourne à vide. 

La mise en scène, de Marc Hervieux, est très classique, sous forme de huis clos à trois dans le décor réaliste d’un appartement de Paris aux relents de luxe défraîchi. Déplacements et mise en place sont au service de la compréhension des émotions des protagonistes. 

DÉTAILS ET BILLETS SUR LA NOUVELLE TOURNÉE DE CALLAS : UNE VOIX POUR ÊTRE AIMÉE

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