Dans le cadre du Festival Classica, Pierre Flynn a revisité cinq décennies de chansons en version intime, accompagné d’un quatuor à cordes, pour un concert lumineux et habité dans l’église de Saint-Lambert.
Si le titre de notre dernier article sur Pierre Flynn, en novembre dernier au Gesù dans le cadre du Coup de cœur francophone, était Lumineux ténébreux, cette fois, c’est un résilient satisfait qui s’est présenté à nous, vêtu de ses habituels habits noirs.
Flynn, bien campé dans son univers, s’est installé au piano, déroulant des chansons souvent inscrites dans notre inconscient collectif, fruits d’une cavale artistique de plus de cinquante ans. Il a amorcé la soirée avec Le vent se lève (arrangement de Richard Grégoire) du groupe Octobre pour conclure avec Capitaine, ô capitaine en rappel, une pièce qui, dans cette enceinte catholique, résonnait d’une lumière particulière.
Dans cette église de Saint-Lambert, l’ex-figure de proue de la formation culte Octobre nous a donc offert un spectacle enrichi d’un quatuor composé de deux violons, d’un alto et d’un violoncelle, un projet initié par le Palais Montcalm de Québec, sous la direction musicale de Caroline Béchard. Le quatuor réunissait également Mélanie Charlebois (violon), Karina Laliberté (alto) et Ryan Molzan (violoncelle). Si l’on ne ressentait pas une grande complicité visuelle entre Flynn et les musiciens, peu d’échanges de regards, une admiration sincère, notamment d’une violoniste, transparaissait discrètement.
On notera un savant travail d’éclairage naturel : la lumière filtrant au travers des vitraux s’amenuisait à mesure que la nuit tombait, offrant une transition visuelle délicate et réussie.
Au cours de la soirée, Flynn n’a pas hésité à jouer avec une certaine autodérision, évoquant ses longues périodes de procrastination entre chaque album avec humour et lucidité, sans jamais tomber dans la confession appuyée. En filigrane, on comprenait qu’il revenait de loin, comme un marin dont la barque se serait égarée dans le triangle des Bermudes avant de se retrouver à bon port. Une image qui sied bien à cet amoureux du Québec, qui porte en lui une part de l’âme du pays, faite aussi du fleuve.
Musicalement, le quatuor à cordes a su ajouter une somptuosité sans lourdeur, loin des clichés pompeux : ni démesure ni envolées outrancières. Les arrangements, signés entre autres par Anthony Rozankovic (Croire), Boris Petrowki, Vincent Legault (Tadoussac), et Flynn lui-même, servaient les chansons avec sobriété. Quelques éléments électroniques, percussions enregistrées, beats, loops, venaient ponctuer la trame sans jamais écraser l’ensemble. Peu de solos instrumentaux, mais un habillage efficace et mesuré.
Le spectacle rappelait par instants la mise en scène sobre de Michel Faubert vue au Gesù, notamment dans Possession et ses lourdes chaînes symboliques qui battent la mesure. On retiendra aussi Sur la route, dont Flynn, avec un sourire en coin, disait ne jamais savoir comment conclure… avant de laisser les violons livrer une finale aussi inattendue que réussie, qui ressemblait à un clin d’œil souriant à Mozart.
Nous avons également redécouvert la beauté de certaines de ses chansons, notamment La maudite machine, reprise à la guitare, ou encore Ma petite guerrière, dédiée à sa fille aujourd’hui devenue photographe accomplie. Clin d’œil inattendu, Flynn a livré une version pleinement satisfaisante de Alone and Forsaken de Hank Williams. Le spectacle, dans son ensemble, a été chaleureusement salué par les nombreuses têtes blanches de la salle.
En quittant l’église pour reprendre le pont vers la ville, la vue s’ouvrait sur l’immense Biosphère, enrobée de sa lumière verte, magnifique, tandis que scintillaient les immeubles de Montréal et que la musique de Flynn coulait encore doucement dans nos veines.
crédit photo : Annie Bigras