Tout vêtu de noir, arborant chapeau et barbe poivre et sel, Pierre Flynn s’est présenté hier sur la scène du superbe Gesù sous un faisceau blanc en nous parlant de cette voix angélique qu’il a entendu un jour avant de s’installer au piano pour Je suis tout seul dans le noir.
À voir la façon très chaleureuse dont le public l’accueille, on se dit qu’il y a quelque chose de légèrement mystique dans cette relation qui le lie certes à ses fidèles, mais aussi dans sa dégaine de ténébreux lumineux.
« Pierre Flynn, 50 years of progressive rock »… C’est cette phrase entendue à… CHOM FM, et soufflée par son voisin anglo un beau matin, qui aura servi de prétexte à cette rencontre avec « quelques copains », puisque ce grand procrastinateur n’a rien de neuf à proposer coté chanson.
Qu’à cela ne tienne, il en a ressorti quelques-unes qui dormaient dans sa garde-robe, dont le classique rock La Maudite machine de son ancienne formation Octobre. Une relecture vachement bien rendue, lorsque seul avec sa guitare et ses samples, il nous aura fait balancer la tête et taper du pied à l’unisson. Moment rare et précieux, car longtemps il refusa de la reprendre puisqu’elle lui torturait trop la nostalgie. Ce qui nous a valu une autre de ses anecdotes savoureuses dont le spectacle est truffé, celle du temps de sa jeunesse où il traînait dans le Vieux-Montréal, lorsqu’on pouvait compter sur la police de Montréal pour faire repartir le party à coup de matraque quand, vers minuit, il commençait à s’éteindre.
Des rencontres
Ou cette autre scène de vie faisant allusion à sa rencontre avec un autre beau torturé : Gilbert Langevin. Poète engagé trop méconnu qui lui offrit Si ciel il y a, après une nuit bien arrosée où il se fit tabasser par des Hells qu’il avait « un peu bavé ». Sans oublier ce face à face avec Renée Martel dans un resto de l’Estrie qu’il n’avait pas reconnue, mais qui, pas rancunière, lui demanda plus tard une chanson et ce fut Nous vivrons. Hier soir, le public eut même droit à une relecture du Petit Roi, associé à Ferland mais de Michel Robidoux. L’homme qui tirait aussi les ficelles quand Charlebois, après sa période très chansonnier, est devenu « une bibitte à patates post nucléaire sur l’acide » s’amuse Flynn.
Alter ego de Michel Faubert, qui signe d’ailleurs la mise en scène de ce spectacle intimiste, Flynn fait fort avec Possession lorsque muni d’une lourde chaîne, il marque la cadence en la tapant par terre, dans un amas de lumière rouge. C’est à ce moment-là qu’on se souvient que Flynn, moins tapageur que certains de ses collègues, a quand même tissé, au fil des ans, un collier de chansons qui demeurent parmi les plus belles du corpus québécois et dont plusieurs ont été des tubes : Sur la route, Jardins de Babylone et autres 24 secondes.
Sensibilité pudique, mélodies de haut vol, métaphores bien ficelées, Flynn nous a rappelé hier qu’il fait partie du gotha de la chanson francophone imbibée d’américanité. À consommer sans modération.
crédit photo: Jean-François Leblanc