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Dallas Good : mort d’un pilier du rock canadien

par Luc Marchessault

Dallas Good est décédé le jeudi 17 février 2022. Il avait 48 ans. La Faucheuse ne s’était pas montrée aussi cruelle avec le rock canadien depuis le décès de Gordon Downie à 53 ans, en 2017. Cause du décès : une maladie coronarienne tout juste diagnostiquée. Dallas Good et son frère Travis ont formé The Sadies en 1994 avec le bassiste Sean Dean et le batteur Mike Belitsky. Dallas est tombé, tout jeune, dans la potion de musique de racines concoctée par les légendaires Good Brothers, c’est-à-dire son père Bruce et ses frères Brian et Larry. Pour les musicophiles friands de rock pointu où l’americana se mue en canadiana, Dallas Good était une véritable icône. Sa voix, qui exhalait une chaleur et un charme pastoraux, était irrésistible et immédiatement reconnaissable. Ses doigts produisaient des vibrations pures et obsédantes. Les éloges fusent de partout, du vieux loup de mer classic rock Randy Bachmann au multi-instrumentiste et compositeur Richard Reed Parry (Bell Orchestre, Arcade Fire), qui a réalisé avec les Sadies un album devant voir le jour ce printemps et dont un extrait, Message to Belial (voir le clip ci-dessous), a été lancé récemment.


Dallas Good et les Sadies ont acquis, en une presque trentaine d’années, un statut fort rare chez les groupes rock, soit celui d’entité créatrice à la fois supérieure et féconde, ainsi que d’accompagnateurs que tout le milieu s’arrache. À preuve, les Sadies furent musiciens attitrés ou collaborateurs de la formidable Neko Case, de feu le graveleux ménestrel R’n’B Andre Williams (il faut réécouter leur album Red Dirt), de Jon Langford (The Mekons), de John Doe (si Country Club n’est pas un des meilleurs albums americana-rock des 20 dernières années…) et du susmentionné Gordon Downie (And the Conquering Sun). Les 3 et 4 février 2006, The Sadies s’était organisé une sorte de Will the Circle Be Unbroken ou de Last Waltz sans adieux au Lee’s Palace de Toronto. Garth Hudson, éminent survivant aux doigts toujours aussi magiquement lestes de la vraie Last Waltz, y participait tout comme Jon Spencer, André Ethier (The Deadly Snakes), les Good Brothers ainsi que Margaret Good – maman de Dallas et Travis –, Kelly Hogan, Gary Louris (The Jayhawks), Neko Case et une foule d’autres musiciens dont Blue Rodeo et Steve Albini. En 2010, Garth Hudson leur avait rendu la politesse en les conviant au concert devenu album Garth Hudson Presents: A Canadian Celebration of The Band. Dallas et ses collègues avaient eu l’honneur d’accompagner Neil Young sur This Wheel’s On Fire et d’exécuter une version bien sentie de The Shape I’m In. Les quatre compères des Sadies étaient aussi membres de facto du supergroupe canadien The Unintended, en compagnie de Rick White (Eric’s Trip, Elevator) et Greg Keelor (Blue Rodeo).


On s’en voudrait de ne pas souligner que Dallas Good incarnait la coolitude rock la plus noble : doté d’une silhouette mince et élancée ainsi que d’un faciès taillé à la hache et un rien patibulaire, Good était constamment accoutré d’un complet impeccablement ajusté, souvent de type « Grand Ole Opry » en plus discret. L’homme, qui ressemblait un peu à un personnage de croque-mort de western semi-ironique, était humble, calme, affable et, surtout, diablement talentueux et inventif. Avec son frangin Travis et leur section rythmique, ils ont créé leur propre genre musical en hybridant le country, le bluegrass, le psych-rock, le blues, le punk, le rock’n’roll, le surf-rock, le rockabilly et quelques autres sous-genres. Au fil de leur existence, Dallas et les Sadies ont gagné l’admiration de musicophiles et musiciens rock, au nord et au sud du 49e parallèle. C’est toutefois à l’échelle du rock canadien que leur contribution s’avère exceptionnelle : comme naguère Blue Rodeo et les Tragically Hip, ils ont servi de liant à d’innombrables projets musicaux, auprès d’une foule de musiciens de tendances diverses. L’apport majeur de Dallas Good au monde de la musique rock demeura, bien sûr. Or, la disparition d’un musicien-créateur comme lui, dans la force de l’âge, ne peut qu’être infiniment triste.


Photo de Dallas Good : David Bastedo.

Tempête Spotify : quels seront les impacts?

par Alain Brunet

Mercredi, l’action de Spotify a été l’objet de turbulences, soit après la publication de prévisions jugées décevantes sur les marchés… et bien sûr, après la controverse au sujet de son balado vedette, The Joe Rogan Experience dont plusieurs réprouvent la propension à la désinformation sur certains sujets scientifiques, à commencer par la COVID-19.

Lien de cause à effet?

Voyons d’abord les résultats en bourse : la plateforme de musique en ligne a beau avoir fait mieux que prévu au quatrième trimestre 2021, sa marque ayant été clairement affectée par la défection de Neil Young et, de ses ex-collègues de l’ex-supergroupe folk CSNY, sans compter Joni Mitchell, Barry Manilow, India.Arie, et, au Québec, le vénérable Gilles Vigneault. Évidemment, on ne compte pas les artistes locaux ou confidentiels, dont le retrait des oeuvres ne fait pas de vagues sur Spotify, du moins pour l’instant.

Le Suédois Daniel Ek, cofondateur de Spotify, nous assure que son entreprise sera plus vigilante à l’avenir, Joe Rogan a aussi fait ses promesses concernant sa rigueur douteuse en matière d’information scientifique, un de ses sujets préférés dont se délectent 11 millions d’usagers Spotify en moyenne, pour chacun de ses balados.

À la clôture de Wall Street mercredi, le titre de la société suédoise, cotée à New York, perdait 10,22 % et valait 172,30 $US. Cette tempête médiatique est-elle annonciatrice d’un déclin plus prononcé de la plus puissante plateforme d’écoute en continu sur Terre? Voyons voir :

Aux dernières nouvelles, soit à la fin de 2021, Spotify pouvait compter sur plus de 406 millions d’utilisateurs actifs, dont 180 millions optent pour un abonnement payant. Or, on constate que la croissance du nombre d’abonnés aurait ralenti malgré une croissance. Les prévisions de l’entreprise au premier trimestre 2022 sont de 418 millions d’utilisateurs, dont 183 millions de forfaits premiums, ce qui ne renverserait pas la tendance à la décélération de cette croissance néanmoins phénoménale. Au quatrième trimestre 2021, le chiffre d’affaires de Spotify était de 3 892 784 630 $ canadiens, ce qui représente une progression de 24 % au cours de l’année dernière.

Cela étant, Spotify continue de surfer sur une progression à peine affaiblie en ce début d’année, et surtout sur le potentiel de sa rentabilité éventuelle… sans faire de profits nets. Aussi étonnant que cela puisse paraître auprès des gens n’ayant pas suivi de près sa progression, la plateforme suédoise a bouclé l’année 2021 sur une perte nette de 56,5 millions $ canadiens. Il faut vraiment comprendre que, depuis sa fondation en 2008, Spotify n’est toujours pas rentable dans l’économie réelle! On comprendra donc que ses actionnaires souhaitent l’implantation de produits plus rentables, lui permettant d’atteindre l’équilibre budgétaire. D’où l’expansion spectaculaire de son secteur consacré aux balados… avec les dommages collatéraux que l’on connaît depuis quelques jours.

En ce qui a trait à ce léger repli sur les marchés, Spotify ne fait pas de corrélation avec l’impact des critiques essuyées sur la désinformation dont la plateforme fait l’objet, particulièrement le fameux balado de Joe Rogan, qui attire une moyenne de 11 millions d’utilisateurs. Le big boss trentenaire (et milliardaire!) Daniel Ek se dit à la recherche d’un « équilibre entre l’expression créative et la sûreté de nos utilisateurs ». Ben coudon… Mark Zuckerberg, qui a fait bien pire que Spotify en matière de désinformation avec Meta / Facebook, nous a déjà fait cette promesse loin d’être évidente à tenir. Ces plateformes géantes ne sont-elles pas des créatures multiformes aux millions de tentacules, dont les dérives sont extrêmement difficiles à gérer?

Quoi qu’il en soit, promet-on chez Spotify, tous les balados traitant de près ou de loin la pandémie seraient désormais liés à des informations scientifiquement crédibles. Or, on sait que Joe Rogan a énormément de succès à interviewer les moutons noirs de la science, soit des chercheurs ou théoriciens réprouvés par la communauté scientifique ou les organismes officiels, comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Des vedettes de cette zone dissidente, tels le virologue Robert Malone ou le psychologue et chercheur Jordan Peterson, conspués par leurs pairs pour leur opposition à différents consensus scientifiques, représentent pour plusieurs ceux qui disent « les vraies affaires » que camoufle le pouvoir institutionnel.

Quoi qu’on pense de ces errances éthiques ou encore de l’opposition au consensus scientifique, doit-on prévoir un vaste exode des usagers de Spotify ou des artistes de la musique dont on sait la rémunération famélique côté streaming, sauf une infime minorité de multimillionnaires parvenus?

Le scandale de la désinformation chez Spotify, plus complexe qu’il n’y paraît, serait-il un véritable déclencheur, révélateur du traitement inéquitable de la création au profit de la diffusion en ligne?

À suivre… Des données subséquentes nous permettront peut-être de nous faire une tête à ce titre. Pour l’instant, en tout cas, il est trop tôt pour affirmer quoi que ce soit… pendant que d’aucuns voient dans ces gestes posés par les « vieux artistes » un combat d’arrière-garde. Les plus méprisants vont jusqu’à s’en moquer, annonçant à la blague la défection imminente d’Alys Robi, Frank Sinatra ou Jean-Sébastien Bach. C’est dire…

Ce texte s’inspire de données publiées par AFP, Les Affaires et CBC.

Au sujet de Joe Rogan, nouvel enjeu de Spotify

par Alain Brunet

Samedi, la grande Joni Mitchell a retiré son répertoire de Spotify, en soutien à son ami de longue date, atteint de la polio. Cette défection faisait suite à celle de Neil Young, survenue plus tôt la semaine dernière comme chacun sait. D’autres « gros noms » américains ont emboîté le pas, on pense ici aux Foo Fighters et au vétéran Barry Manilow. Au Québec, notre Gilles Vigneault national a aussi posé le geste.

L’élément déclencheur de cette sortie côté jardin virtuel est un animateur de balados extrêmement populaire.

Joe Rogan en mène large aux États-Unis. Encore faut-il s’enquérir de sa pratique avant de condamner Spotify de manquer de rigueur et d’éthique.

Après une étude plus approfondie de son profil biographique, qualifier de conspirationniste et de fasciste ce célébrissime descripteur de l’UFC et communicateur tous azimuts serait manifestement réducteur, voire erroné. Pour vous en enquérir, écoutez The Joe Rogan Experience sur Spotify, un balado qui n’est pas sans qualités.

Ses invités sont parfois controversés ou carrément répréhensibles, mais d’autres sont des experts de grande qualité, toutes professions et champs de recherches confondus : archéologues, biologistes, théoriciens de l’évolution, psychologues, champions de sport, cinéastes, acteurs, auteurs, théologiens, mycologues, astrophysiciens, dont le mathématicien-physicien britannique et prix Nobel sir Roger Penrose.

Joe Rogan se définit socialement libéral.

Il promeut les droits des homosexuels, les droits des femmes, les soins de santé universels et le revenu minimum garanti. Il promeut aussi le droit de consommer des drogues récréatives et croit aux vertus du LSD, des champignons psilocybines et du DMT pour l’éveil et l’exploration de la conscience. Il pratique également la privation sensorielle dans une cabine d’isolement, une autre voie d’élévation pour la conscience.

Joe Rogan soutient les droits des armes à feu et, of course, le deuxième amendement de la Constitution américaine. Chasseur fervent, il fait partie du mouvement « Eat what you kill » et réprouve l’élevage industriel des animaux à des fins de consommation, il croit que nous devons chasser les animaux dont nous voulons nous nourrir, comme ce fut le cas avant l’arrivée de l’agriculture.

Partisan de la liberté d’expression à tout prix, il ne se gêne pas pour critiquer la culture de l’annulation du point de vue de droite dans l’industrie de la télévision et du cinéma.

Libertarien économique, Rogan avait soutenu le candidat libertarien Ron Paul lors de la campagne présidentielle américaine de 2012. Il a voté pour le candidat libertarien Gary Johnson lors de l’élection présidentielle américaine de 2016.

Or, Rogan a aussi soutenu Bernie Sanders, 80 ans, figure emblématique de la gauche démocrate, lors des primaires présidentielles du Parti démocrate de 2020. Il a aussi appuyé la candidature de la démocrate hawaïenne Tulsi Gabbard à la présidence. Or, il a finalement voté pour la candidate libertarienne Jo Jorgensen. Rappelons en outre Bernie Sanders avait alors subi les pressions de la Human Rights Campaign afin qu’il rejette le soutien de Joe Rogan, un cadeau empoisonné d’une certaine façon. Son flirt avec la gauche (populiste?) du parti démocrate a donc été bref… le temps de croire à un système de santé gratuit et universel? Pas très libertarien!

Un peu confus sur la notion de patriotisme, Joe Rogan a déploré que les progressistes américains aient souhaité que l’ex-président Donald Trump échoue à sa tâche parce qu’ils n’appréciaient pas sa personnalité. Il s’est, plus tard, inquiété de l’âge et des capacités cognitives de Joe Biden, 79 ans, plus jeune que Bernie Sanders qu’il a pourtant appuyé… Ce dénigrement n’est pas sans rappeler celui de Donald Trump à l’endroit de l’actuel président américain qu’il nommait ad nauseam Sleepy Joe. Rogan a même déclaré qu’il préférerait voter pour Trump, vu la démence présumée du leader démocrate.

Concernant la COVID-19, les incongruités médiatiques de Joe Rogan ont été mises en lumière lorsque, par exemple, il a suggéré que les personnes jeunes et en bonne santé ne devaient pas s’inquiéter de contracter le COVID-19. Il fut alors accusé par Anthony Fauci de véhiculer des commentaires trompeurs concernant les vaccins, ce qui lui valut une autocritique apparemment bien sentie, croyant néanmoins que les mesures contraignantes comme le passeport vaccinal constituaient « un pas de plus vers la dictature » . Ouf.

Le 1er septembre 2021, Rogan a été testé positif à la COVID 19, déclarant par la suite qu’il suivait un régime nouvel-âgeux incluant des anticorps monoclonaux, de la prednisone, de l’azithromycine, une perfusion de NAD, une perfusion de vitamines, ainsi que de l’ivermectine, un médicament habituellement pris pour traiter les infestations parasitaires et non approuvé par les experts médicaux comme un traitement efficace contre le COVID-19. L’énorme pouvoir d’influence de Joe Rogan aurait été directement lié au phénomène croissant de l’automédication à une forme d’ivermectine vendue sans prescription… ce qui aurait mené à l’hôpital plusieurs apprentis sorciers.

En janvier 2022, 270 scientifiques, médecins, professeurs et professionnels de la santé ont écrit une lettre ouverte à Spotify pour exprimer leur inquiétude quant aux « affirmations fausses et socialement nuisibles » du balado The Joe Rogan Experience et ont demandé à Spotify « d’établir une politique claire et publique pour modérer la désinformation sur sa plateforme ».

Les 270 signataires soutenaient que Joe Rogan « diffuse de fausses informations, en particulier concernant la pandémie de COVID-19 » et plus particulièrement un épisode très controversé dans lequel intervient le Dr Robert Malone (#1757, diffusé le 31 décembre dernier), qui aurait comparé à l’Holocauste les politiques contraignantes pour faire face à la pandémie. Il fut aussi affirmé dans ce balado de Joe Rogan que le public était hypnotisé par les leaders de la société.

Alors? Non, Joe Rogan n’est ni Donald Trump ni Maxime Bernier ni Alexis Cossette-Trudel, on en convient. Il n’est pas un fasciste, il est plutôt un libertarien économique et progressiste social. Intelligent et curieux, il peut s’adresser à l’intelligence de son immense audience. Mais… il est aussi un provocateur qui aime transgresser les règles d’éthique , en invitant trop souvent des penseurs controversés, enclins à des théories farfelues et des hypothèses non corroborées par la science.

On peut dire que Joe Rogan peut être aussi un puissant vecteur de fausses informations. Écoutez seulement le début de son récent podcast sur la ruée d’un convoi de « 50 000 camions à Ottawa » venus protester contre les mesures vaccinales. 50 000 camions!!! Fait alternatif, il va sans dire.

Le plus hallucinant de tout ça, c’est que cette posture ambiguë, voire tordue, lui confère un statut d’impartialité et de libre penseur. Vraiment?!! Wow. Ça en dit long sur la connaissance populaire de cette notion.

Les données factuelles de ce texte s’abreuvent aux sources suivantes : Spotify, Wikipedia, The New York Times, The New York Times, Los Angeles Times.

Neil Young largue Spotify… qui sera le prochain?

par Alain Brunet

Ainsi donc, nous rapportent AFP et tous les médias le moindrement sérieux en Occident, Spotify se fait larguer par Neil Young. Et paf, tiens toi. La marque de la fameuse plateforme reçoit une baffe, et voilà un oeil au beurre noir pour l’image.

Ainsi donc, le monument canadien retire ses 47 albums solos et nombreux extras du répertoire Spotify, au grand dam de ses 2,4 millions d’abonnés et 6 millions d’auditeurs mensuels, sur la plateforme dont il retirait 60 % de ses revenus de l’écoute en continu. Sur son site Web, l’artiste se réjouissait en outre du soutien de sa « très grande et solidaire maison de disques » Warner Brothers – Reprise Records.

Force est d’observer que Neil Young se pose comme le dénonciateur du laxisme de Spotify en matière de désinformation populiste. Le fameux chanteur, musicien et songwriter s’inscrit en faux contre la diffusion sur la plateforme du balado de Joe Rogan, animateur libertarien et descripteur spécialisé des arts martiaux extrêmes (UFC) enclin au complotisme.

« Spotify est devenu un lieu de désinformation potentiellement mortelle sur la COVID-19. Des mensonges vendus contre de l’argent », martèle en outre Neil Young, outré par le succès d’un balado d’un tel populisme à saveur conspirationniste… Et numéro 1 sur Spotify en 2021. L’épisode du 31 décembre dernier aurait été d’autant plus dénoncé par une cohorte de 200 scientifiques, pour les informations mensongères et théories du complot véhiculées à The Joe Rogan Experience (JRE). Qui plus est, Joe Rogan se fait reprocher de tenir des propos erronés sur la pandémie de COVID19. Il aurait même désapprouvé la vaccination chez les jeunes et fait la promotion d’un traitement non autorisé, soit l’ivermectine, médicament destiné à soigner la faune intestinale, administrable chez l’humain mais surtout prescrit par les… vétérinaires!

Toujours selon AFP et autres médias de référence, l’entente de Joe Rogan avec Spotify est estimée à 100 millions de dollars… D’où le claquage de porte côté Neil Young, qui n’en revient pas d’un tel investissement par la plateforme.

Neil Young pose donc un geste courageux et nous propose de relancer le débat sur les débordements populistes tolérés par les plateformes. À peine endigué sur Facebook / Meta, le scandale permanent de ce choix controversé mais extrêmement lucratif pour Spotify et Joe Rogan, qui consiste à endosser la diffusion de tels contenus pourris. Est-il besoin d’ajouter que ces ordures médiatiques sont prisées par des millions de pauvres crédules ayant le fort sentiment d’y « faire leurs recherches ».

Neil Young s’oppose donc à cette hypocrisie en tant que citoyen progressiste… et aussi multimillionnaire dont la fortune est déjà considérable, et dont le répertoire se trouve néanmoins sur toutes les plateformes. Perdre 60 % de ses revenus du streaming est certes courageux, le geste est louable, mais Neil Young est très riche, il a 76 ans, et se trouve actuellement sur toutes les autres plateformes de streaming (Apple Music, Deezer, Amazon, etc.). Ses coffres étant bien garnis, il ne se met vraiment pas en danger en refusant les revenus de Spotify.

Néanmoins, la marque Spotify a reçu une baffe, cette prise de position fera peut-être boule de neige. Qui, au fait, sera le prochain à claquer la porte?

Crédit photo : Per Ole Hagen

folk-pop / hip-hop / indie pop / soul/R&B / synth-pop

Karim Ouellet (1984-2022), dans le trio des 37

par Alain Brunet

Constaté lundi dernier dans un local de répétition à Québec, le décès de Karim Ouellet complète un trio funeste, soit celui d’artistes excellents du Québec contemporain, morts prématurément à 37 ans : Dédé Fortin (1962-2000), Lhasa (1972- 2010)… Karim Ouellet (1984-2022). 

Bien au-delà des fans de Karim Ouellet et de sa génération trentenaire encline à l’indie pop, tous les amoureux de la chanson de qualité vivant en Amérique française ont été touchés d’une façon ou d’une autre par ce nourrisson d’Afrique de l’Ouest, adopté par une  famille de Québec, pleinement épanoui chez les francophones du Québec jusqu’à ce que les ondes mortelles ne l’emportent contre toute attente.

Issu de la scène musicale de Québec une décennie plus tôt, il en est assurément devenu une des figures emblématiques comme le sont les mecs d’Alaclair Ensemble, les rappeurs Souldia et Koriass, le groupe Men I Trust, sans compter sa sœur Sarahmée qu’on imagine dévastée. 

On se souviendra de lui comme un as de la pop indé, parolier doué, multi-instrumentiste, réalisateur, leader, artiste sensible… éminemment fragile en fin de parcours.

Karim Ouellet a parfaitement intégré les codes de la culture keb et de la pop occidentale de qualité, tout en y greffant plusieurs extras afro-descendants, soul et reggae entre autres, pour ainsi s’aménager un très beau terrain de jeu, très prisé par l’audience indie keb franco. 

Ses chansons s’inscrivaient dans une mouvance indie pop, diversifiée, raffinée, de belle facture. Qui plus est, Karim Ouellet fut un des rares à faire une quasi pop FM sans renoncer à tout ce qui l’en distinguait.

Mais… que s’est-il passé ces dernières années ? On le saura peut-être… ce qui, à l’évidence, ne nous le ramènera pas.

Quelle tristesse.

Une vie de musique : Karim Ouellet (1984-2022)

  • Karim Ouellet émerge à Québec vers 2007. Il est alors actif au sein du collectif Movèzerbe.
  • Il fréquente alors Claude Bégin (Alaclair Ensemble) dont il partage les inclinations musicales : rap keb, soul/R&B mais aussi pop totalement assumée.
  • Au Festival international de la chanson de Granby, Karim Ouellet se distingue jusqu’en ronde finale en 2009.
  • Avec Thomas Gagnon Coupal et Claude Bégin, il enregistre en 2011 l’album synth-pop-folk Plume, dont le titre se veut un clin d’œil aux breakup songs de l’Américain Bon Iver, remarquables  dans l’album Flume
  • Plume est sacré « Album pop de l’année » au GAMIQ en 2011.
  • Finaliste aux Francouvertes en 2011.
  • L’album Fox, désormais un classique de la pop québécoise, est lancé en novembre 2012. Le single L’amour se trouve au faîte du  palmarès francophone, Fox consacre Karim Ouellet parmi les vedettes montantes de la francophonie d’Amérique.
  • Karim Ouellet  est choisi Révélation Radio-Canada 2012-2013 (chanson).
  • On lui décerne le Prix Félix-Leclerc de la chanson en 2013.
  • Il rafle un prix Juno de l’Album francophone de l’année en 2014.
  •   Après sa sortie, Fox récolte cinq nominations aux galas de  l’ADISQ.
  • En 2014, il fait des premières parties des supervedettes  francophones d’Europe M et Stromae.
  • Sorti en mars 2016, Trente, son dernier album studio sous étiquette Coyote Records, fut enregistré de nouveau avec Claude Bégin. Les ambiances cyberfolk et synthpop servent des diffractions autobiographiques.
  • L’EP Aikido sort en octobre 2016, une année des plus prolifiques pour Karim Ouellet
  • En 2017, Karim Ouellet lance deux singles, La mer à boire et Parachute.
  •  Depuis 2019, un album était en chantier, endossé par Barclay Canada.

Que signifie cette vente spectaculaire de la propriété intellectuelle de Bob Dylan?

par Alain Brunet

Ainsi donc, la propriété intellectuelle du répertoire de Bob Dylan, soit plus de 600 chansons, a été vendue à Universal Music Group.

Le New York Times nous offre en ce lundi 7 décembre le texte le mieux documenté à ce titre; on estimerait à 300 millions $ US la somme de la transaction entre His Bobness et Universal Music Group – et, fait à noter, pas Sony-BMG qui possède Columbia, là où loge Dylan depuis les débuts de sa carrière.  

Que justifie ce choix? La somme de 300 M est-elle exacte ?  Cette entente est privée, qu’importe… On imagine que ça s’est certainement négocié dans les neuf chiffres. Colossal ?

Voilà une tendance typique de notre époque : le contrôle de la propriété intellectuelle par les plus puissants acteurs de la musique enregistrée. Non seulement les trois majors (Universal Music Group, Sony-BMG et Warner Music) adoptent-ils de telles pratiques, de nouvelles sociétés d’édition jouissent de très gros investissements pour ainsi mettre la main sur les répertoires.

Ainsi, la société Hipgnosis Songs Fund vient de consentir 670 millions $ US pour un bouquet de répertoires – Blondie, Rick James, Chrissie Hynde & The Pretenders, etc. Ainsi, Primary Wave a investi 80 millions $ US sur les chansons de Stevie Nicks. Si la chanteuse de Fleetwood Mac vaut 80 M, on peut déduire aisément que le répertoire de Dylan en vaut minimalement 300 !

Crédit photo : Bettmann Archive

Rappelons au demeurant que cette transaction se limite à l’édition musicale du répertoire dylanesque. L’édition musicale gère les droits d’auteur pour la création de chansons – les paroles et les mélodies des chansons – ce qui distingue cette pratique de la gestion des enregistrements. Moyennant un pourcentage préalablement négocié avec leurs clients, les éditeurs perçoivent pour eux et avec eux des droits d’auteur et des droits de licence lorsqu’une œuvre est vendue, diffusée en continu sur les plateformes, à la radio et dans des lieux publics, ou encore lorsqu’une chanson est utilisée dans un film ou une publicité audio ou audiovisuelle. 

Depuis l’arrivée des Spotify, Apple Music, Deezer et autres YouTube Music, la diffusion en continu a contribué à dynamiser l’ensemble du marché de la musique. Toujours selon le NY Times, les éditeurs états-uniens ont récolté 3,7 milliards de dollars en 2019, statistiques officielles de la National Music Publishers Association aux USA. On comprendra que les revenus réguliers et croissants générés par les droits musicaux attirent désormais de nouveaux investisseurs importants, car il y aura beaucoup de revenus à engranger avec les répertoires « classiques » du songwriting, à moyen comme à long terme. D’où ces transactions spectaculaires comme celle de Bob Dylan.

Cela étant posé, il faut souligner que ces répertoires archi-connus ne peuvent être commercialisés que par de très puissants acteurs qui en feront fructifier les utilisations subséquentes dans tous les recoins du web. Outre le rachat de la propriété intellectuelle, ces opérations de commercialisation des répertoires nécessitent de très gros investissements, et c’est probablement le calcul fait par l’entourage de Dylan.

Ces opérations de commercialisation des répertoires acquis s’inscrivent donc dans un processus monopolistique de l’argent de la culture, argent de plus en plus concentré aux mains des super méga riches de ce monde. Dans cette optique, force est d’observer que les plus puissants le sont encore plus que jamais et… la presque totalité des répertoires de la musique est au contraire vouée à la précarité économique et à l’appauvrissement progressif des créateurs et de leurs interprètes. 

Cette dynamique était déjà injuste avant que l’environnement numérique ne prenne le dessus sur une économie fondée sur la vente et la diffusion de produits physiques des œuvres de l’esprit. Avec le web, l’écroulement des écosystèmes antérieurs a fait place à une monopolisation encore plus marquée, encore plus éhontée. Est-il besoin de souligner que cette restructuration des industries culturelles autour d’une tribu de milliardaires ne favorise qu’une infime minorité d’artistes dont fait partie Bob Dylan, monstre sacré issu d’une autre époque.

Car nous parlons bien d’un artiste issu d’une autre époque. 

Impossible en 2020 d’imaginer l’émergence d’un artiste de la profondeur d’un Bob Dylan devenir un artiste aussi influent, de surcroît nobélisé en fin de carrière. Nommez un seul songwriter hyper talentueux d’aujourd’hui ayant le pouvoir d’influence de Robert Zimmerman lorsqu’il fut lui-même artiste émergent, six décennies plus tôt. Bonne chance dans vos recherches.

La structure actuelle de l’industrie de la musique et l’adaptation des médias (sociaux et traditionnels) à l’environnement numérique excluent d’emblée le succès de masse pour TOUS les Bob Dylan émergents de ce monde. La grande chanson d’auteur n’est devenue très rentable que pour les meilleurs… septuagénaires et octogénaires. Misère des niches…

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