Trois ans après qu’Arcade Fire ait lancé son précédent album, et se soit retrouvé dans l’eau chaude à la suite d’allégations d’inconduites et d’agressions sexuelles concernant le chanteur Win Butler, la formation rock montréalaise nous revenait il y a trois mois, bon gré mal gré, avec un nouvel album de 10 chansons éclectiques où la recherche de la formation semble avoir changée, autant au niveau sonore qu’autrement.
Dans un silence radio effarant côté médias, la sortie de ce nouvel opus ne s’est accompagnée ni de vidéoclip ni de méga-tournée. Sans tambours ni trompettes, donc, e qu’on observe également dans la direction de l’album.
Open Your Heart or Die Trying amorce l’album de manière atmosphérique et progressive, passant de la méditation angélique au grésillement menaçant. Beyond Salvation comme intermède et She Cries Diamond Rain en guise de conclusion, y font écho.C
Chanson « à texte », Pink Elephant est la première au programme, avec sa ritournelle de guitare, ses voix crues et une bonne dose de distorsion qui exacerbe les teintes alternatives de la formation. L’idée est de nous chanter avec vulnérabilité un adieu (qui se veut une libération) à la recherche d’un idéal qui n’existe pas.
Vient ensuite la trippy Year of the Snake, avec la voix onirique de Régine qui verse un peu plus dans l’électro et qui aurait pu être l’enfant illégitime de Gold Panda et d’ISLANDS, rappelant par la bande le MGMT des premières heures.
Circle of Trust se situe au confluent des deux, avec un bon beat électro-rock et une mélodie anguleuse, sussurée en duo dans les refrains accrocheurs. Tout y est réuni pour que ça marche bien mais où un étrange découpage des sections et le retour des voix non-compressés vers la fin rendent la chanson difficile d’approche. Mention tout de même à la progression en conclusion, qui rappelle les meilleurs moments de Bloc Party : Alien Nation est l’une des plus intéressantes pour sa réalisation: un beat électro-cool à la Beck avec une texture vocale tout droit sorti de Brothers, j’aurais embarqué si ce n’était du jam expérimental strident évoluant vers un beat dance-agressif. À une première écoute j’étais pas prête (à une deuxième c’est mieux)!
Sur Ride or Die, le violons, la flûte et les percussions enrobent avec simplicité la mélodie qui puise toute sa force dans les inclinaisons vocales de Will et se soulève à l’approche de refrains avec l’ajout de la voix féminine pour culminer dans un canon qu’on attendait.
Ma préférée de l’album, celle qui m’a transportée dans un univers proche de celui de Barragàn de Blonde Redhead : I Love Her Shadow se veut dansante, positive et ensoleillée avec sa basse rebondissante et ses synthés flûtés qui se terminent comme un rêve où les fans de longue date s’y retrouveront facilement. Enfin, Stuck in My Head commence doucement comme Heroin, avec une basse ensoleillée qui s’ajoute et rappelle irrémédiablement All We Ever Wanted Was Everything de Bauhaus mais qui prend un tournant plus survolté, nous emmenant dans une marche évolutive de 7 minutes, marche déclinées en toutes sortes de variations pour progresser vers un jam survolté qui termine l’album en beauté, en nous laissant sur la répétition de Clean Up Your Heart qui résonne: un message pertinent, peut-être encore plus particulièrement pour son chanteur.
On sent que la formation est dans une autre recherche : pour l’anticonformisme des arrangements, pour la crudité et l’absence de compression des voix, pour la quasi-absence de promotion, pour les angles de la réalisation, je n’ai pas trouvé cela inintéressant du tout. J’ai apprécié ce côté sans filtre, authentique, brut, vulnérable et probablement nécessaire autant pour l’évolution artistique et personnelle de ses membres que pour l’industrie en général où la musique artificielle et sa perfection envahit peu à peu nos vies. Un album comme une dentelle artisanale, finement tissée et remplie de motifs magnifiques mais… manquant parfois un petit fil au pouce.