Deuxième étape d’un parcours à peu près parfait jusqu’à ce jour, Motewolonuwok, a d’abord été inspiré par un poème de l’écrivain cherokee Qwo-li Driskill. « De la lourde épave de la perte, nous émergeons ensemble ». Jeremy Dutcher y chante en wolastoqey, sa langue maternelle, sans passéisme aucun. 

Sur ce nouvel enregistrement, il chante aussi en anglais parce qu’il voit dans ce choix bilingue  » une puissante invitation à la guérison et à la compréhension collectives, une ligne de communication directe pour transmettre les histoires de guérison, de résilience et d’émergence de sa communauté à tous ceux qui l’écoutent. « 

Ténor classique de formation, Dutcher est parvenu à créer une musique et à une écriture multiréférentielles en explorant l’identité indigène contemporaine, plus précisément celle de la nation Wolastoqiyik Wahsipekuk dont il est issu – Nouveau-Brunswick, Québec et Maine, le long de la rivière Wolastoq – fleuve Saint-Jean selon le nom officiel des colonisateurs européens… et toujours officiel. Sa réinvention de son propre héritage culturel, en le mêlant à la musique classique occidentale, au jazz, à la musique électronique ou à la pop de chambre, est tout simplement brillante. 

Le premier album de Jeremy Dutcher en 2018, Wolastoqiyik Lintuwakonawa, a remporté le prix Polaris et un prix JUNO. Il s’agit sans aucun doute d’un album de référence pour la culture contemporaine canadienne..

Joint à Paris, où il était en tournée en octobre dernier, Jeremy Dutcher a accordé à PAN M 360 une longue interview que nous avons mise en ligne juste avant son nouveau concert.



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PAN M 360  : Comment allez-vous ?

Jeremy Dutcher :Je vais bien ! Salutations de Paris. Cool. Comment allez-vous ?

PAN M 360  : Très bien. A propos de Paris ?

Jeremy Dutcher  : Oh mon Dieu, c’est fantastique ! Je veux dire, la ville est incroyable. Je viens de faire une interview à la radio. Nous sommes en train de faire de la publicité pour le nouvel album dans toute la ville. Et j’ai un concert dans une salle très intime, L’Accord parfait, dans le 18ème arrondissement. 


PAN M 360 :  Vous savez, ma partenaire et moi avons fait récemment un voyage de trois semaines à travers votre pays d’origine, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. Et quand je roulais dans votre région, j’ai pensé à vous et à votre précédent album qui a tout déclenché.


Jeremy Dutcher :Bien ! Surtout le premier album. Cette musique est tellement liée à mes origines. Je suis heureux que vous ayez pu découvrir la beauté de cette région.

PAN M 360  : Plus loin en Nouvelle-Écosse, nous avons eu quelques conversations brèves mais nourrissantes avec Mi’gmaqle peuple du Cap-Breton. En visitant certains musées, nous avons reconnu certains aspects de votre patrimoine et, bien sûr, les préoccupations légitimes des Premières nations des Maritimes. 

Jeremy Dutcher :Ce sont des gens très gentils là-bas. Je suis content que vous puissiez passer du temps avec eux.

PAN M 360  : Oui, on a appris des choses !

Jeremy Dutcher : Ça ouvre les yeux. J’espère qu’à chaque fois que des non indigènes s’engagent avec des indigènes, ils découvrent une nouvelle perspective. Ils voient le lieu et l’espace d’une manière différente.

PAN M 360 : Nous sommes probablement en retard dans ce processus, mais au moins certains d’entre nous ont changé d’avis sur notre histoire. Parce que nous, Québécois français, avons été opprimés par les Anglais pendant quelques siècles, nous avons eu tendance à oublier ou à ignorer que nous avons d’abord été des colonisateurs lorsque nous sommes arrivés sur ce continent.

Jeremy Dutcher : Eh bien, ne vous inquiétez pas, des personnes comme moi sont là pour rappeler aux autres que ce n’est pas grave. C’est comme si on enlevait la culpabilité de cette conversation, parce qu’on est tous ensemble à vivre sur ce continent.

PAN M 360  : Oui. Il faut vivre ensemble maintenant.

Jeremy Dutcher :C’est tout. Personne ne retournera en France ou en Europe, peut-être juste pour visiter, mais personne n’ira nulle part. Au Canada, nous sommes ici ensemble, et nous devons trouver un moyen d’avancer.

PAN M 360  : Exactement. Et nous devons partager la culture de chacun et mélanger, nous devons embrasser votre culture et vice versa.

Jeremy Dutcher : Oui, mais c’est aussi ça le problème. Je pense que les peuples indigènes font ce vice versa depuis très longtemps. De l’autre côté, ce n’était pas exactement le cas. Lorsque les Européens sont arrivés en Amérique du Nord, ils pensaient que nous n’avions rien à leur apprendre. Ils pensaient qu’ils avaient tout à nous apprendre parce qu’ils étaient chrétiens.

PAN M 360 : Oui, ils pensaient que la religion chrétienne était la meilleure. Et leur supériorité avec les armes (à feu) leur donnait l’impression d’être plus civilisés. 

Jeremy Dutcher : Oui, mais je pense que c’était plus que cela, c’était aussi une idéologie. Par exemple, le féodalisme, les rois et les reines, la hiérarchie stricte, les frontières, ce n’est pas vraiment quelque chose que nous avions. Il s’agit d’une idéologie très différente de celle que nous avons dans nos structures sociales. Mais oui, ce sont certainement les armes et le christianisme.

PAN M 360 : Bien sûr, les structures sociales des Premières Nations étaient déjà un concept pré-démocratique.

Jeremy Dutcher : Yeah! We may have even invented the thing !

PAN M 360  : Lorsque j’étais adolescent dans les années 70, je me souviens avoir lu  » L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’État  ; », un essai de Friedrich Engels publié en 1884, basé sur les notes de Karl Marx sur les études anthropologiques de Lewis Henry Morgan sur les sociétés traditionnelles.La structure de la société iroquoise et ses qualités progressistes en matière de participation démocratique et de matriarcat y occupent une place importante.

Jeremy Dutcher  : Attendez, quoi ? Engels a écrit sur la société indigène ?

PAN M 360  : Bien sûr, oui.

Jeremy Dutcher  : Oh, mon Dieu. Vous m’épatez en ce moment. Merci!  ; Je vais aller voir ça tout de suite. 

PAN M 360  : De rien ! Parlons maintenant de notre sujet principal  : votre 2ème album.

Jeremy Dutcher : C’est en fait venu de mon expérience avec le premier album, le premier album tout en Wolastokey. J’ai créé ce premier album pour mon peuple et il n’y avait pas de traduction. Mais j’ai aussi compris qu’avec la notoriété et l’attention suscitées par le premier album, beaucoup de personnes non autochtones l’écoutaient aussi, et pour moi, il s’agissait de leur parler de manière directe et de raconter nos histoires d’une manière qui ait du sens pour eux. Et j’espère que cela changera leur cœur et influencera leur façon de penser sur les peuples autochtones ;

PAN M 360  : Oui, vos valeurs doivent être comprises par tout le monde, au-delà de votre personnel.

Jeremy Dutcher  : Nous en avons besoin. Ce qui nous manque en ce moment, c’est le contexte, c’est-à-dire comment nous en sommes arrivés là dans notre société. Au Canada, nous parlons toujours des deux solitudes, mais ce n’est pas vrai, il y a bien plus que cela. Car si nous comprenons que les différences au sein des communautés indigènes sont fondamentales en raison de nos modes de pensée et de connaissance et que la guérison de nos propres modes de vie va aussi, espérons-le, inviter d’autres personnes non indigènes à s’engager dans cette voie, il faut que nous comprenions que les différences entre les communautés indigènes sont fondamentales en raison de nos modes de pensée et de connaissance.

PAN M 360  : Vous avez tout à fait raison. Nous devons maintenant partager des valeurs et trouver ensemble un chemin différent.

Jeremy Dutcher  : C’est toujours un espoir, nos aînés disent que cela a toujours été une chanson de bienvenue. Et par là, elle veut dire que nous avons toujours accueilli les gens. Et cela n’a jamais changé. Peut-être parfois à l’excès, peut-être trop, mais nous avons toujours été accueillants et nous ne pouvons pas changer cela maintenant. Nous disons cela pour nous, mais aussi pour tout le monde, c’est-à-dire que nous ne construisons pas de murs .

Et nous avons créé cette société canadienne pluraliste, les Africains, les Européens, les Asiatiques, les indigènes, le monde entier est rassemblé à Montréal, à Toronto, dans ces villes où nous pouvons réellement accomplir beaucoup de travail ensemble parce que nous sommes là les uns pour les autres. Je pense donc que l’on sait que, même si le Canada me frustre parfois, le potentiel est très élevé parce que la façon dont le monde est rassemblé dans ces lieux est très unique. Ce n’est pas le cas partout dans le monde.

PAN M 360  : Évidemment, c’est le courant de votre propre chemin en tant que chanteur, auteur-compositeur et musicien.  ; Alors, qu’avez-vous fait différemment cette fois-ci ? J’observe davantage la musique chorale, par exemple. Il y a beaucoup d’overdubs de voix, je vois aussi différents types de musique, même des accords de jazz parfois.

Jeremy Dutcher :
Oui, nous allons dans beaucoup de directions différentes avec celui-ci.

PAN M 360  : Pouvez-vous le décrire brièvement ?

Jeremy Dutcher :Oui, bien sûr. Pour le premier album, c’était très restreint. Il n’y avait que moi, quelques cordes et quelques chanteurs. C’était une sorte de petit ensemble de chambre. Pour le deuxième album, je voulais le faire exploser et l’étendre, aller jusqu’au bout. Ce quatuor à cordes va donc devenir un orchestre complet et ces deux chanteurs deviendront le chœur.

PAN M 360  : Évidemment, c’est le courant de votre propre chemin en tant que chanteur, auteur-compositeur et musicien. Alors, qu’avez-vous fait différemment cette fois-ci ? J’observe davantage la musique chorale, par exemple. Il y a beaucoup d’overdubs de voix, je vois aussi différents types de musique, même des accords de jazz parfois.

Jeremy Dutcher : Oui, nous allons dans beaucoup de directions différentes avec celui-ci.

PAN M 360  : Pouvez-vous le décrire brièvement ?


Jeremy Dutcher : Oui, bien sûr. Pour le premier album, c’était très restreint. Il n’y avait que moi, quelques cordes et quelques chanteurs. C’était une sorte de petit ensemble de chambre. Pour le deuxième album, je voulais le faire exploser et l’étendre, aller jusqu’au bout. Ce quatuor à cordes va donc devenir un orchestre complet et ces deux chanteurs deviendront le chœur.

Pour moi, le deuxième album ressemble à une expansion sonore du premier, mais dans les deux sens, ce qui signifie qu’il est à la fois grand et petit. Et pour moi, il y a des moments sur cet album qui jouent avec la nuance, le petit espace et la délicatesse de nos histoires, et puis il y a d’autres chansons qui vont beaucoup plus loin et qui sont vraiment dramatiques. La vérité se trouve donc probablement quelque part au milieu. J’espère que les gens pourront écouter et se retrouver dans une partie de cette musique, si ce n’est dans la totalité.

PAN M 360 : Oui, et si on peut être plus précis, on peut peut-être mettre le doigt sur quelques titres et voir comment ils ont été créés.

Jeremy Dutcher : Dans le premier album, toutes les chansons sont basées sur le même matériel source. Elles s’inspirent toutes des chansons d’Ancestor. Maintenant, avec celui-ci, avec le nouvel album, c’est un peu comme si on tirait et tissait ensemble toutes ces différentes inspirations et sortes d’influences. Donc ça sonne différemment et ça s’est fait de différentes manières.  ;

Par exemple, la première chanson du disque s’intitule  » Skicinuwihkuk  « . Il s’agit en fait d’une phrase que j’ai trouvée en faisant des recherches dans les archives du premier disque. J’ai trouvé cette citation, et la citation de l’ancêtre est devenue les paroles de la chanson. En ce sens, je n’ai pas fait grand-chose. J’ai écrit la musique, bien sûr, mais je n’ai pas nécessairement proposé le contenu des paroles.

PAN M 360  : Pouvez-vous expliquer le contenu des paroles de cette chanson ?

Jeremy Dutcher  : Donc, cela signifie que tant qu’il y aura un enfant parmi mon peuple, nous protégerons la terre pour toujours et à jamais.  Lorsque je me présente dans ma langue, je pourrais dire que je suis une personne indigène. Oui. Sothis est l’endroit où se trouve la terre du peuple indigène. Pour moi, c’est comme une déclaration de souveraineté. Toutes ces années, c’est une citation de 1763, et ils disaient toujours la même chose : nous sommes ici et nous protégeons la terre .

Tout au long de l’histoire, notre peuple s’est levé et a dit : « Non, en fait, nous allons protéger cet endroit et nous n’allons pas vous laisser faire ça. Je pense à Oka, je pense à Wet’suwet’en et à tous ces sites où notre peuple s’est levé et a dit non, vous n’allez pas construire un putain de terrain de golf ici ou vous n’allez pas couper tous ces vieux arbres, il y a quelque chose de plus important que le développement et la consommation. Il y a quelque chose de plus important que le développement et la consommation. Je pense donc que oui, nous devons continuer à le répéter, parce que c’est clairement comme, je pense qu’en tant que pays, nous avons cette façon de mettre des œillères ou de nous détourner des choses que nous savons être mauvaises.  

PAN M 360  : Cet album est donc une véritable invitation à ouvrir nos esprits.

Jeremy Dutcher :Oui, mais comme je l’ai dit, ça a toujours été une chanson de bienvenue, donc il ne s’agit pas de faire honte à quelqu’un qui n’est pas avec nous. C’est une invitation à dire que nous faisons quelque chose d’autre ici, alors vous pouvez venir et traîner avec nous. Nous avons des histoires, des chansons et toutes ces belles choses que nous voulons vous faire connaître. Alors, venez et traînez avec nous.

Si vous comparez cela à une chanson de la seconde moitié de l’album intitulée,  The Land That Held Them, ce sont mes mots à moi, qui parlent de la dure réalité qui nous suit souvent en tant que peuple indigène à l’heure actuelle, mais c’est fait et capturé d’une manière magnifique. Pour ce morceau, nous avons un quintette de cuivres, le tout orchestré par Owen Pallett. Il a réalisé tous ces arrangements orchestraux luxuriants et malades. 

Je suis chanteur et pianiste, mais je ne travaille pas vraiment avec un orchestre. Je compte donc sur mes amis et les membres de la communauté qui m’entourent pour me dire : « Hé, qu’est-ce que tu sais faire ? Tu pourrais peut-être venir ici et le faire. Il s’agit donc de réunir toutes ces différentes influences.

PAN M 360 :  Et si nous continuons, prenons un ou deux échantillons d’autres chansons que vous avez créées, parce que c’est très diversifié, multi genre. Ce n’est pas seulement un genre de pop indie prévisible, c’est très diversifié.

Jeremy Dutcher  : Nous, les musiciens, pouvons parfois nous mettre dans une boîte pour créer quelque chose qui soit acceptable ou intéressant pour tout le monde. Et c’est comme si, eh bien, vous n’y arriverez jamais. Alors créez ce que vous voulez créer et j’espère que cela vous touchera. Pour moi, c’est comme tisser ensemble toutes ces différentes esthétiques musicales que l’on m’a enseignées. C’est vrai. C’est donc l’élément traditionnel, l’élément classique, l’élément chorale, qu’il faut intégrer. Pour une chanson comme  » Sakom  « , qui commence la seconde moitié de l’album, il n’y a que des voix a cappella, qui chantent. 

Il s’agit du pouvoir de la voix et du pouvoir de la collectivité, et de la façon dont cela contribue à notre guérison lorsque nous chantons ensemble. Je pense qu’il s’agit d’un thème unique parce que je savais que je voulais une chorale sur cet album. Mais s’agit-il d’un arrière-plan, d’un chœur grec qui commente l’œuvre ? Ou sont-ils une vraie voix dans la pièce sur le disque ? Pour moi, je voulais qu’ils soient presque la pièce centrale de cet album.

PAN M 360: Comment avez vous envisagé la production ?

Jeremy Dutcher : C’était une sorte de coproduction entre moi et quelques personnes. Owen Pallett a produit les sessions de cordes et les sessions du groupe, puis nous avons fait de la post-production ensemble. Mon producteur du premier album, un producteur de Montréal nommé Buffalo, a également participé à la post-production et à l’assemblage de l’ensemble. Je pense aussi à des gens comme Basia Bulat. C’est une personne très gentille. Elle m’a aidée à écrire une chanson particulière intitulée Take My Hand , qui est le fruit d’une expérience de coécriture entre mon ami, un aîné de mon pays et moi-même. Nous l’avons écrite ensemble. Il y a donc différents collaborateurs sur cet album qui l’ont fait fructifier.

PAN M 360  : Vous produisez-vous souvent dans votre pays d’origine ?


Jeremy Dutcher  : Je ne m’y retrouve pas trop ces jours-ci, tout simplement parce que je suis souvent sur la route. Je n’ai pas de maison là-bas. C’est ici que se trouvent mes parents et mes frères. Avant 2026. Je veux avoir une petite maison dans les bois au Nouveau-Brunswick. Mais en fait, en ce moment, je passe mon temps à Montréal.

PAN M 360  : Oh, vous vivez ici en permanence maintenant.

Jeremy Dutcher  :
Oui. Je pense que c’est un bon choix. Je dois travailler mon français.

PAN M 360  : Ça va venir naturellement si on fait l’effort de le faire. Mais nous, Québécois francos et autres, devrions aussi faire l’effort d’apprendre les langues indigènes.

Jeremy Dutcher  : Voilà. C’est ça ! Parce qu’il s’agit de s’étendre les uns aux autres. Vous commencez à apprendre une langue indigène, puis vous comprenez qu’elle est liée à toutes les autres. C’est génial de voir ces liens. Pour l’instant, je vais vous apprendre un seul mot dans notre langue, et c’est juste notre mot pour dire merci, et c’est wooliwon.

PAN M 360  : Cool ! Wooliwon à vous aussi!

JEREMY DUTCHER SE PRODUIT CE JEUDI 9 NOVEMBRE, 20H, THÉÂTRE BEANFIELD. INFOS ET BILLETS ICI

L’Orchestre symphonique de Laval vibrera aux sons de multiples passions romantiques dans son deuxième concert de saison mettant à l’honneur trois compositeurs emblématiques du XIXe siècle : Robert Schumann, Félix Mendelssohn et Frédéric Chopin avec respectivement  l’Ouverture Manfred, la Symphonie no 4 dite « Italienne » et Concerto pour piano no 1 qui sera interprété par Charles Richard-Hamelin. C’est le jeune chef d’orchestre américano-canadien Andrew Crust, directeur artistique et musical de l’Orchestre de Lima et récemment nommé à tête de l’Orchestre symphonique du Vermont, qui sera au podium. Nous avons pu discuter avec lui du programme de ce concert. Entretien.

PAN M 360 : Parlez-nous des œuvres qui sont au programme de ce concert avec l’OSL. Comment décririez-vous ces pièces? 

Andrew Crust : C’est un programme vraiment intéressant avec trois compositeurs de la période romantique, la plus proche de mon cœur. Dans les périodes précédentes, le classique et le baroque par exemple, l’accent n’était pas mis sur l’artiste individuel, sur l’émotion du compositeur, je pense, mais sur la société collective et les normes sociétales. La musique était créée pour une raison. Mais dans la période romantique, notamment après la Révolution française, les émotions et les idées personnelles du compositeur ont pu s’épanouir. Ce programme avec l’OSL est plein d’émotions et de force dans lequel l’orchestre peut montrer sa finesse et sa virtuosité.

PAN M 360: Des exemples ?

Andrew Crust : La pièce de Schumann, l’Ouverture Manfred est une œuvre rarement jouée comparativement à ses concertos ou ses symphonies. Elle est basée sur une histoire de Lord Byron où le protagoniste est hanté par une culpabilité inconnue, très mystérieuse qui éventuellement finira par le tuer. Le premier concerto pour piano de Chopin est pour moi un exemple parfait de romantisme. Chopin n’était pas juste un compositeur, il était aussi un magnifique interprète de cet instrument, alors cette musique est parfaitement composée pour celui-ci. Nous sommes très chanceux et heureux de collaborer avec Charles Richard-Hamelin qui est un expert de Chopin. C’est vraiment juste un plaisir de pouvoir jouer avec lui. 

Pour la quatrième symphonie de Mendelssohn, c’est un peu différent. Nous sommes encore dans le romantisme, mais un peu plus tôt dans l’époque. C’est une de mes symphonies préférées. Avant de composer sa symphonie Mendelssohn a fait un voyage en Italie, d’où son nom « italienne »  et a été inspiré par les paysages et les sons qu’il a vus et entendus. Cette symphonie, pour moi, est une illustration de quelques petits souvenirs du compositeur. Par exemple, le deuxième mouvement est inspiré par un cortège  funèbre qu’il a vu à Naples et le mouvement final est une tarentella, une danse traditionnelle très énergique, presque frénétique. C’est une musique pleine de jeunesse et d’optimisme.

PAN M 360 : Vous avez déjà dit que votre travail en tant que chef d’orchestre, c’est de pouvoir être en mesure de créer un environnement où les musiciens seront capables de performer, d’interpréter à leur meilleur et que pour ça, ça prend une connaissance approfondie du style, de l’histoire et de s’ immerger dans  la partition pour pouvoir la communiquer. Comment est-ce possible de restituer aux œuvres le style qui leur est propre tout en y donnant une touche de votre propre personnalité? 

Andrew Crust : C’est une bonne question. Pour moi, mes idées, mon interprétation, ce n’est pas ce qu’il y a d’important. Moi, je cherche les idées du compositeur et c’est la même chose pour tous les musiciens.  Évidemment,  tous ces compositeurs sont morts! Donc, ça peut être difficile de se faire une idée, parce que nous n’avons pas  d’enregistrements originaux de Chopin alors que pour les compositeurs contemporains nous en avons. Ce qui amène d’autres difficultés en même temps, car on risque d’être prisonnier de l’enregistrement. Je pense que c’est  une opportunité lorsqu’on travaille avec un nouvel orchestre de trouver la personnalité de l’orchestre et de trouver ses forces et aussi son idée de la musique, en particulier avec  les solistes des différentes sections instrumentales, le piano, les vents, les cuivres et comment est-ce qu’on peut former une interprétation d’ensemble.

PAN M 360 : La même chose doit être vraie pour trouver cette finesse et cette communication quand vous travaillez avec un soliste pour trouver ensemble la bonne cohésion pour l’œuvre?

Andrew Crust : Oui, exactement. Charles est un spécialiste de Chopin. Pour quelqu’un comme lui, qui est vraiment un expert, c’est vraiment un honneur pour nous parce qu’on se nourrit de ses idées. Il est très facile à suivre même si son interprétation est très flexible, avec beaucoup de rubato et des changements de couleurs, tout fait sens. Par la suite, c’est une question d’écoute attentive de tout le monde sur toutes les nuances qu’il crée. 

PAN M 360 : Éloignons-nous quelque peu du programme des passions romantiques pour parler d’une autre passion qui est la vôtre. Vous accordez une grande importance dans la programmation des œuvres, de compositeurs ou de compositrices BIPOC et également de rendre accessible la musique par des initiatives auprès des jeunes, notamment par des concerts pop, etc. Pourquoi est-ce important pour vous de  programmer ce type répertoire et ces pièces  qu’on redécouvre tranquillement depuis quelques années?

Andrew Crust : Pour moi, la musique est pour tout le monde. Ce n’est pas juste pour écouter la musique, c’est important pour le monde de créer la musique. Très souvent, dans notre passé, on a fermé les portes aux compositeurs femmes ou d’origines ethniques diverses. Ce que nous voulons, c’est célébrer l’accès de chaque être humain à la musique. Lorsque l’on regarde le cas de personnes comme William Grant Still, Samuel Coleridge-Taylor ou encore Hildegard Von Bingen et qu’ils ont été en mesure de faire de la musique malgré le racisme et la misogynie de leur époque respective, c’est d’autant plus incroyable. C’est la preuve, pour tous ceux qui en douteraient, que le monde est plein de grands musiciens de toutes sortes.

Si l’objectif est de faire de la musique est de démontrer qu’elle est une chose merveilleuse qui enrichit nos vies, alors nous devons programmer une musique qui inclut tout le monde. Ce n’est pas assez d’interpréter des œuvres par des compositeurs noirs et s’attendre à ce que toute personne noire ou afro descendante se présente en salle. Vous devez vous adresser à eux et, mieux encore, collaborer avec des membres de cette communauté, qu’il s’agisse d’un joueur de tabla indien ou autre. Vous devez le faire d’une manière très significative. Tous les genres de musique sont valables. On ne peut pas mettre la musique classique sur un piédestal et laisser les autres s’effondrer.

PAN M 360 : Si on compare  à il y a quelques années, trouvez-vous que les orchestres construisent de plus en des programmes adaptés et font des démarches pour rejoindre ces communautés et pour présenter ces musiciens qui ont été négligés par le passé?

Andrew Crust : Vous savez, les orchestres et les maisons d’opéras sont parmi les organisations les plus lentes à s’adapter. George Floyd a été un point tournant pour le monde entier et également pour les orchestres et les opéras et il y a des études qui le démontrent. Il y a un centre de recherche, l’Institute for Composer Diversity, qui étudie et recense cette évolution et qui montre qu’il a eu un changement radical au niveau de la diversité dans le répertoire d’orchestre.

L’élément qui me préoccupe, c’est que certaines organisations font ces démarches, non pas parce qu’elles y croient, mais parce qu’elles se sentent obligées de le faire et donc, programme les cinq mêmes compositeurs, ce qui ne résout absolument rien et ne contribue pas à la création d’une nouvelle génération de musiciens. 

Je suis absolument ravi de dire que nous sommes ailleurs aujourd’hui et que, oui, la diversité est plus présente, mais il y a encore du travail à faire. Je crois aussi que nous sommes en train d’atteindre un certain équilibre des genres en direction d’orchestre par exemple, nous avons dans les six dernières années vu plusieurs nouveaux compositeurs ou compositrices être reconnus à travers le monde et dont les œuvres sont jouées partout. Nous sommes sur une bonne lancée, mais nous devons nous assurer que nous le faisons de la bonne manière et d’une manière qui aide réellement les personnes que nous essayons d’aider.

PAN M 360 : Et le faire d’une manière qui va durer.

Andrew Crust : Exactement.

L’Orchestre symphonique de Laval présente son concert Passions romantiques avec  Andrew Crust et Charles Richard-Hamelin demain, mercredi le 8 novembre à 19h30 à la Salle André-Mathieu.

Pour infos, c’est ici.

Durant le Coup de cœur francophone, ce mardi 7 novembre, Moran se frottera à l’œuvre immense de Léo Ferré sous le regard complice, de l’autre côté de l’Atlantique, de Mathieu Ferré.

 « Tu vas être étonné de me voir (rires). C’est aussi une relecture de moi. Je me laisse porter par ce qui a été écrit. Hier, on l’a fait pour la première fois ici, à Lac-Brome, et je me suis fâché à quelques reprises, j’ai pleuré ici et il m’est aussi arrivé d’avoir le goût de baiser deux ou trois fois », lance Moran lorsqu’on lui demande comment sa personnalité plutôt calme se conjugue avec à celle de Léo Ferré, qui pouvait être très sanguin, à l’occasion de l’hommage rendu à ce gigantesque lion disparu il y 30 ans cette année. 

Ce n’est pas la première fois que l’auteur-compositeur-interprète se frotte à l’œuvre du vieil anar qui aura choisi de passer l’arme à gauche un… 14 juillet!

En effet, l’animatrice Monique Giroux avait eu la bonne idée de lui proposer cette rencontre artistique, il y a dix ans pour les événements Carte blanche. Mais c’est au hasard d’un de ses spectacles en Europe, où un ami de la famille se trouvait dans la salle, que Mathieu Ferré, le fils de l’autre, lui a demandé de traduire en anglais l’œuvre de Léo.

Mais n’était-ce pas profaner l’œuvre de celui qui à sa façon n’avait ni dieu ni maître? « J’ai un attachement très profond pour ce que Léo a écrit en français. Il a inventé une langue, c’est presque un péché que de faire cela. Un peu comme lorsque Bashung, que j’adore, a repris Suzanne de Cohen en français… »

Bref, les hasards de la vie étant ce qu’ils sont, c’est au cours d’un spectacle avec Mara Tremblay et Mathieu Bérubé que Moran, accompagné d’un quatuor à cordes, avait glissé une pièce de Léo et que le projet, qu’il présentera ce mardi, a germé dans la tête de quelques producteurs de spectacles.

Avant d’accepter, Moran s’est tout de même assuré de recevoir l’imprimatur de Mathieu. « Qui suis-je au fond pour porter une telle œuvre sur mes épaules? Mathieu m’a convaincu de faire ce qui me semblait, au départ, inconcevable. Et c’est aussi parce que mes étudiants, à l’École nationale de la chanson, ne le connaissent pas, que je me suis dit que je devais le faire. Léo est un passage obligé pour élargir ses horizons. »

Relecture ou interprétation?

« Un peu des deux », lance l’artiste coiffé de son éternel bonnet. Les arrangements, très respectueux de pièces originales, sont du pianiste Martin Lizotte, qui, comme Mathieu et Moran lui-même, a participé à la sélection des pièces. Que des textes signés Léo. Ce qui nous vaudra, notamment, l’inclusion de la magistrale La vie d’artiste. « En plus du piano de Lizotte, on retrouvera violon, violoncelle, contrebasse et des pulsations électros pour remplacer la batterie qui aurait été trop lourde pour l’ensemble », avance Moran.

Outre le volet musical composé de 13 chansons, ce spectacle offre aussi une dimension multimédia, puisqu’un film tourné par la réalisatrice Tiphaine Roustang sera projeté. Mandat de la cinéaste, qui aura vécu quelques jours dans le vignoble toscan de la famille Ferré pour ce projet : capter Mathieu déclamant des textes de son père (Demain et Les idoles n’existent pas) sur lesquels des musiques ont été juxtaposées et se faire le fantôme de Léo, en nous imprégnant des lieux et de l’ambiance de la vie dans son domaine viticole.

Dis Moran, crois-tu que Léo pourrait avoir encore voix au chapitre en ces temps de rectitude politique?

« Non, je ne crois pas. C’est une question délicate. Il faudrait qu’on arrête d’avoir peur de dire des choses. Je trouve que les gens sont fragiles et faibles. J’ai l’impression que cela fait juste laisser plus de place à l’horreur en général en créant des déséquilibres. Les faibles s’affaiblissent et les plus forts prennent toute la place. Je ne crois pas que cette œuvre passerait encore, mais il le faudrait. Et puis, ça me ressemble, je suis quelqu’un d’assez direct. Au fond, le discours de Léo utilise le même principe que celui qu’employait Yvon Deschamps, en allant trop loin dans ses monologues engagés afin que le plus de gens possible se rejoignent au milieu », conclut cette graine d’anar, tandis que quelque part, dans l’univers, l’auteur d’Avec le temps acquiesce de son éternel sourire troué.

crédit photo: Louane Williams

MORAN SE PRODUIT CE MARDI 7 NOVEMBRE, CLUB SODA, 20H

Deux prodiges du flamenco actuel, le chanteur Israël Fernández et le guitariste Diego del Morao font escale à Montréal. Ils viennent jouer la matière d’Amor, un premier album sorti en 2020, salué par la critique et nommé aux Latin Grammy Awards (États-Unis) et aux Premios Odeón (Espagne). 

Ces grands virtuoses de la forme s’inscrivent parfaitement dans la tradition et s’appliquent à la transcender en en  renouvelant le style classique et ses réformes contemporaines.

De Jerez, Diego del Morao est le fils du légendaire guitariste Moraíto Chico, il est aujourd’hui considéré comme un grand maître, clairement au sommet. On l’a vu  accompagner les grands noms de la musique espagnole, Diego El Cigala, Niña Pastori ou même Paco de Lucía. Il a également partagé la scène avec des monuments tels Chick Corea ou Fito Páez.

De Tolède, Israël Fernández est une étoile montante de la scène flamenca.  Fernández a assurément marqué la discipline de concert avec Diego Del Morao. On le considère aujourd’hui dans l’élite du chant flamenco.

Joints en Espagne , ils répondent aux questions de PAN M 360:

Questions à Diego del Morao :


PAN M 360:  Qu’avez-vous appris de votre famille, de votre défunt père Moraíto Chico ?

Diego del Morao : Indépendamment de l’aspect musical, j’ai appris que nous sommes une lignée. La philosophie artistique de mon père. La philosophie artistique de mon père est ce qui l’a rendu très spécial et très aimé. Pour moi, cela ne m’a pas mis de pression supplémentaire, comme c’est généralement le cas pour les fils d’autres guitaristes. Avoir mon père comme prédécesseur m’a encouragé à donner une nouvelle tournure à la musique, ou au moins à essayer de donner une nouvelle tournure à la musique.


PAN M 360: Avez-vous eu beaucoup de modèles de guitares flamenco ?


Diego del Morao : Mon premier modèle de guitariste se trouvait dans ma famille, mais quand j’étais jeune, je m’identifiais beaucoup à Vicente Amigo. Je m’identifiais à Vicente Amigo, car je pense qu’il a donné beaucoup de personnalité au flamenco à cette époque. . Bien sûr, il y a le maestro Paco de Lucía, qui est notre héros, un dieu pour nous.  Mais je me suis surtout senti influencé, quand j’étais jeune, par Vicente Amigo et de nombreux autres guitaristes que j’admire. Dans la guitare flamenca c’est ce qui se passe, nous sommes tous en communion constante, nous apprenons les uns des autres.

PAN M 360: Comment vous êtes-vous libéré musicalement de votre tradition ?

Diego del Morao:  Je me considère comme un guitariste orthodoxe. À Jerez de la Frontera, où je suis né, nous sommes très cohérents avec notre héritage et nous aimons beaucoup le flamenco traditionnel et orthodoxe. Mais, comme je l’ai déjà dit, en tant que successeurs des grands maîtres, nous devons apporter quelque chose de nouveau et de plus avec le flamenco traditionnel et orthodoxe.  Et plus encore avec l’époque dans laquelle nous vivons, avec les styles de musique et la culture en général.

 

PAN M 360: Comment avez-vous trouvé votre propre voie ?

Diego del Morao: Je pense que trouver sa propre voie est une chose à laquelle on ne pense pas ou que l’on n’essaie pas de faire. Je pense qu’à partir du moment où l’on y pense ou que l’on fait semblant, on perd son authenticité. C’était bien pour moi d’être un guitariste un peu marginal parce que j’ai appris de mon père, mais pendant ma période d’apprentissage, je n’ai pas côtoyé beaucoup de guitaristes  à Jerez.

Aujourd’hui, avec Internet, tout est différent et plus facile, mais à l’époque, c’était la même chose pour tous les guitaristes; c’étaient  les disques et mon enthousiasme qui m’ont permis d’apprendre de tous ces guitaristes  que j’admirais et de ressentir simplement ce que je ressentais. L’erreur est de prétendre ou d’essayer de rechercher cette originalité. Mais, comme je l’ai déjà dit, en tant que successeurs des grands maîtres, nous devons apporter quelque chose de nouveau et de plus avec le flamenco traditionnel et orthodoxe.

PAN M 360: Comment identifiez-vous les principales caractéristiques de votre propre style ? Sur le plan mélodique ? Harmoniquement ? Rythmiquement ?

Diego del Morao: Je crois que les guitaristes doivent travailler précisément sur ce qu’ils ne savent pas faire, c’est ce que m’a dit Isidro Muñoz, et c’est la vérité d’un temple. Pour grandir, tu ne peux pas étudier ce que tu sais faire. . Donc, rythmiquement, je me sens très à l’aise. Ce qui m’intéresse le plus en ce moment, c’est de travailler l’harmonie et la technique, bien sûr, ce qui est le plus important. Je ne me considère pas comme un guitariste très technique. Mais il est clair que je suis meilleur dans les jeux rythmiques et surtout ceux de ma patrie, Jerez.

PAN M 360: Depuis les années 1980, on parle d’un nouveau flamenco. En ce qui concerne la guitare, où en sommes-nous en 2023 ?


Diego del Morao: On ne sait pas où va aller la guitare. Ce qui est sûr c’est qu’elle est en constante évolution. Il est vrai qu’il y a 20 ans, les maîtres disaient que nous allions trop loin comme ils l’ont dit au maestro Paco de Lucia. Mais le devoir et le secret du guitariste est d’être cohérent avec l’héritage très intériorisé qu’il a et de lui donner de l’importance et, à partir de là, de grandir. Mais je ne sais pas où ira la guitare, mais elle est en bonne santé. Il y a toujours des guitaristes qui vous surprennent et des jeunes qui vous dépassent. Les enfants que vous avez vu jouer à l’âge de 12 ou 13 ans, vous les voyez des années plus tard comme des guitaristes exceptionnels qui font des choses que vous ne pensiez pas qu’ils feraient. C’est leur devoir, mais je ne sais pas où nous allons.

PAN M 360: Selon vous, quelles seront les nouveautés de la guitare flamenca en 2023 ?

Diego del Morao: Je ne sais pas vraiment. Je suis en train de sortir une gamme de guitares qui ont une réverbération intégrée et un système pour la connecter au téléphone portable. C’est une guitare amusante  avec laquelle on peut faire des choses qu’on ne pouvait pas imaginer il y a 20 ans. Le programme standard
que nous, joueurs de flamenco, utilisons, à savoir Pro-Tools, permet également de réaliser des choses incroyables. En ce qui concerne la guitare en tant qu’instrument, je ne sais pas vraiment ce qui va se passer, mais elle évolue constamment. Elle évolue constamment et c’est pourquoi je pense qu’il est très difficile de répondre à cette question.

PAN M 360: Votre duo avec Israël Fernández est-il votre principal projet musical ? Quels sont les autres ?


Diego del Morao: Bien sûr, en ce moment nous sommes, comme nous l’avons dit l’autre jour dans une autre interview, comme Sancho Panza et Don Quichotte. Sancho Panza et Don Quichotte, et j’adore jouer ce rôle. Comme avec mon pèret guitariste, ma façon de m’amuser et de me sentir à l’aise est aussi d’accompagner d’autres artistes. Je donne également mes propres concerts et j’essaie de composer, car je n’ai pas enregistré depuis de nombreuses années. 


Il est très difficile d’exprimer et de dire quelque chose d un projet musical à notre époque, précisément dans un contexte où même les enfants d’aujourd’hui jouent très bien de la guitare. C’est techniquement très avancé, il faut donc y consacrer beaucoup d’heures. Mais je reste ouvert, je travaille avec beaucoup de gens,mais c’est avec Israël que je travaille le plus et que je partage le plus de temps artistique. 

PAN M 360: Comment décririez-vous votre collaboration avec Israel Fernández ?


Diego del Morao: Je ne sais pas ce que je peux apporter à Israël, peut-être un peu plus d’expérience, mais nous sommes très semblables en termes de musique. Nous sommes très semblables en termes de musique. Nous sommes des personnes ouvertes d’esprit, nous aimons tous les types de musique et nous sommes très décontractés lorsque nous jouons de la musique. Nous sommes tous les deux très décontractés lorsqu’il s’agit de comprendre la musique, de l’apprécier et de ne pas lui coller d’étiquettes.  Mais il est vrai que nous aimons tous les deux beaucoup le flamenco et que, dans ce sens, nous sommes peut-être très semblables. Comme je l’ai dit, j’ai un peu plus d’expérience et moins de cheveux.

Questions à Israel Fernandez :


PAN M 360: Comment votre héritage gitan vous a-t-il été transmis depuis l’enfance ?

Israël Fernandez: De manière très naturelle, littéralement. Personne ne m’a dit d’écouter tel artiste, de faire ceci ou cela. Cela a été très naturel en raison de ma race, de ma famille. Pour moi, cela a été comme quelque chose de totalement naturel, quelque chose de totalement quotidien. Comme quelqu’un qui mange du riz à trois heures de l’après-midi. 


PAN M 360: Comment avez-vous décidé de devenir chanteur ?


Israël Fernandez: Je n’ai jamais décidé, cela a commencé comme un jeu, comme un passe-temps quand j’étais petit. Je jouais à chanter et je le fais toujours, mais avec beaucoup plus d’intensité et  beaucoup plus de responsabilités.

PAN M 360: Qui vous a enseigné la musique ?


Israël Fernandez: Personne ne m’a vraiment appris, mais j’ai beaucoup appris et je continue d’apprendre auprès des grands maîtres, en particulier Camaron, La Niña de los Peines et Paco de Lucía. Les grands maîtres du chant flamenco, en particulier Camaron, La Niña de los Peines et Paco de Lucía. Ces trois maîtres sont en quelque sorte les miroirs dans lesquels je me regarde.


PAN M 360: Comment décririez-vous les principaux traits de votre personnalité musicale ?


Israël Fernandez: En vérité, il est difficile de me définir, c’est au public de le faire. Mais je me définis comme un amoureux de l’art et du chant.


PAN M 360: Comment choisissez-vous les mots dans ce que vous chantez ? Quelle est la part de tradition ? Quelle est la part d’improvisation ?


Israël Fernandez: D’un point de vue mélodique, j’improvise à 100 %. Je ne fais jamais un texte de la même manière qu’un autre, même si c’est la même chose, les lignes chantées sont toujours différentes. Mais cela dépend beaucoup de la situation, de la journée que vous avez passée, du moment, du public et de ce que vous ressentez, de votre humeur aussi.

PAN M 360: Comment votre relation musicale avec Diego a-t-elle évolué ?


Israël Fernandez: Beaucoup, car Diego est pour moi une grande source d’inspiration, tant sur le plan personnel que musical. Personnellement et musicalement. En tant que musicien, je ne cesse d’apprendre de lui et il me donne beaucoup de confiance sur scène et hors de la scène. Il est un pilier essentiel de ma musique.

PAN M 360: Sur quels autres projets travaillez-vous ?


Israël Fernandez: En ce moment et en 2024, je serai en tournée avec Pura Sangre, le dernier album que j’ai sorti, et je combinerai cette tournée avec un nouvel album. Je combine cette tournée avec d’autres choses que je fais, comme une tournée des peñas de flamenco, les clubs de flamenco. C’est quelque chose que je fais par amour du flamenco et de ses origines, parce qu’il faut se souvenir d’où l’on vient. Il est important de se souvenir d’où l’on vient, de ne pas se perdre.

LE CONCERT DE DIEGO DEL MORAO ET ISRAËL FERNANDEZ A LIEU AU CLUB SODA, MERCREDI, 20 H. INFOS ET BILLETS ICI

ARTISTES:


Israel Fernández, chant

Diego del Morao, guitare

Marco Alba Carpio, palmas

Angel Peña, palmas

Nous nous sommes assis avec le célèbre oudiste Nazih Borish pour discuter de sa prochaine performance au FMA cette année. Originaire de Syrie, Nazih a déménagé au Canada en 2016 et constitue depuis lors un tour de force de la musique contemporaine et du Moyen-Orient à l’échelle nationale.

Nazih Borish joue le 7 novembre à 19h à la Salle Claude-Léveillée de la Place Des Arts

PAN M 360 : Merci d’être avec nous Nazih. Nous sommes très excités par votre prestation au Festival du monde Arabe cette année.

Nazih : Bien sûr.

PAN M 360 : Peut-être pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vos performances. J’ai vu dans le programme le slogan « De Damas à Cordoue ». Jouerez-vous avec votre groupe ou seul ?

Nazih : En fait, ce sera une performance solo. J’aime jouer avec un groupe, mais avec un groupe, c’est toujours un peu plus organisé, vous savez, et parfois j’aime la liberté que procure le fait de jouer seul. Je peux improviser. Alors je ferme les yeux et quelle que soit ma situation, je jouerai et j’essaierai que le public me rejoigne, rejoigne mes idées, rejoigne la musique. Non pas que tout s’improvise. Je vais jouer quelques compositions et improviser à l’intérieur, je dirais presque 50/50.

Je vais jouer un morceau qui s’appelle Andalusyria. C’est le titre d’un nouveau projet pour nous, et comme cette performance, nous commençons par l’histoire du oud en Syrie, et nous racontons l’histoire des voyageurs qui ont emmené l’instrument de Damas jusqu’en Espagne.

PAN M 360 : Alors, quelle est l’histoire du Oud pour ceux d’entre nous qui ne connaissent pas ? Eh bien, l’histoire simple, je devrais la dire.

Nazih : Alors oui, c’est exactement comme tu dis. Je ne peux vous donner qu’une version simple, car il existe de nombreuses histoires sur comment et où le oud est né. Il porte différents noms en Chine, le pipa, le biwa au Japon et le sitar en Inde, et le oud est véritablement le grand-père des instruments à cordes. Mon dernier projet, The Roots of Strings, tournait exactement autour de cela.

PAN M 360 : Et quelle est votre histoire avec le Oud ?

Nazih : Oh, mon histoire avec le Oud. Eh bien, mon père, il était comme un chanteur pop. Ce n’est pas la pop à laquelle vous pensez peut-être, il n’était pas très, très célèbre, vous savez. Mais il était quand même bien connu et donc il jouait de cet instrument et chantait tout le temps. Mon oncle joue aussi du violon. J’ai donc grandi avec la musique en famille. A cette époque, il n’y avait ni YouTube, ni Internet en Syrie, dans mon pays, rien du tout. La seule chose était la cassette, vous vous en souvenez ?

Je vais vous parler des cassettes, parce que je respecte ces choses. Je garde encore une voiture de 2004 car elle est équipée d’un lecteur cassette. Je le garde par respect, c’est comme ça que j’ai tout appris. Avec mon père, nous écoutions Munir Bashir dans la voiture. Connaissez-vous Munir Bashir ? C’était un oud d’Irak. Pour moi, c’est la philosophie du oud. Parce qu’il jouait sans frontières, sans géographie. En même temps j’écoutais beaucoup Ravi Shankar, Paco de Lucia.

C’est pour cela que j’aime mélanger toutes ces cultures et tous ces styles musicaux sur cet instrument, cet « instrument traditionnel ». Certaines personnes disent, d’accord, vous ne pouvez pas jouer plus que de la musique traditionnelle sur le oud, mais je n’accepte pas cela. Depuis que je suis arrivé ici au Canada et que je suis maintenant fier d’être Canadien, j’ai joué avec de nombreux groupes et de nombreux types de musiques différentes, comme la musique baroque et le jazz. C’est ce dont je rêvais quand j’étais jeune !
PAN M 360 : C’est incroyable. J’admire tellement votre approche. Cette philosophie de la musique est la musique.

Nazih : Ouais, pas de frontières, pas de genres, c’est en fait mon message en tant que musicien. Je veux briser les règles d’utilisation de cet instrument, car c’est en fait un instrument très, très ouvert. Six cordes, pas de frettes. Vous pouvez faire beaucoup de choses. Après tout, la musique n’est que du son. Et je trouve que le public canadien est très intéressé et intéressant à jouer. Ils connaissent notre culture et connaissent de nombreuses cultures différentes. Ils se soucient de la musique et le public ici est très respectable. Vous ne pouvez donc pas jouer n’importe quoi pour eux. Il faut être prudent quand on monte sur scène ici.

PAN M 360 : Et bien, comment prépares-tu ton concert de demain ? A quoi penses-tu? Est-ce que vous pratiquez beaucoup ?

Nazih : Écoutez, la pratique que je fais avant un jour de concert est d’être calme. Ce n’est pas une pratique physique mais physiologique, vous savez. Rester calme, rester concentré. Je fais la pratique physique peut-être 15 minutes avant un concert. Juste pour s’échauffer, c’est très nécessaire.

Mais je m’entraîne pour être prêt à accueillir les gens, car comme je l’ai dit, le public est très, très respectable. Je ne parle pas trop sur scène, certains pensent que je suis timide mais j’essaie de donner toute mon énergie à la musique et c’est tout. Je préfère laisser le public imaginer les histoires. Comme une de mes compositions « Damasrose », c’est le nom de la fleur de jasmin, typique des rues de Damas. Cette image avec la musique est tout ce dont vous avez vraiment besoin pour faire le voyage avec moi.

PAN M 360 : J’ai vraiment hâte de voir votre show et je vous souhaite tout le meilleur.

Nazih : Merci.

Du vendredi 3 au dimanche 5 novembre, un véritable marathon pianistique se met en branle. 

Dans le cadre de la Série Hommage à Sandeep Bhagwati, la Société de musique contemporaine du Québec présente 8 récitals avec d’excellents pianistes rompus à la musique d’aujourd’hui, d’ici et d’ailleurs: Moritz Ernst (Allemagne), Erik Bertsch (Italie), Viktor Lazarov, Philippe Prud’homme,  Pamela Reimer, Daniel Áñez, Brigitte Poulin.

Au cœur de ce vaste déploiement d’ivoires,  se trouve Music of Crossings de Sandeep Bhagwati, un cycle de 36 courtes pièces présenté en trois récitals interprétés par le pianiste de réputation internationale Moritz Ernst.

Les 5 autres récitals proposent un ensemble d’œuvres contemporaines, pour la plupart récentes, de Francis Battah, Luciano Berio, Émilie Girard-Charest, Anna Korsun, Helmut Lachenmann, Cassandra Miller, Leon Miodrag Lazarov Pashu, Gordon Monahan, François Morel, Jocelyn Morlock, Sarah Nemtzov, Snežana Nešić, Fabio Nieder, Silvio Palmieri, Karlheinz Stockhausen, Marco Stroppa et Ann Southam.

Qui plus est, trois créations sont inscrites au programme, gracieuseté de Serge Arcuri, Michael Oesterle et Yuliya Zakharava.

Simon Bertrand, nouveau directeur artistique de la SMCQ, nous présente le concept :


PAN M 360 : Quel est le rapport entre l’hommage à Sandeep Bagwati et cette  série de concerts piano?  


Simon Bertrand : L’idée est venue de ma prédécesseure, Ana Sokolović  Tout simplement, c’est que Sandeep Bagwati, autour duquel la SMCQ présente une série hommage,  a écrit un grand cycle  de 36 pièces pour piano. Un cycle fascinant, je dois dire. Vraiment! C’est totalement poly-esthétique, donc il n’y a pas une seule pièce de ce cycle qui fonctionne avec un langage homogène. Il y a certains mouvements où on a des références au système modal ou tonal, pendant que d’autres œuvres sont rigoureusement atonales, etc. Il y a vraiment de tout


PAN M 360 :  Les gens qui aiment la musique de création ne peuvent plus dire « C’est tonal, c’est modal ou autre. Tu peux utiliser du modal, du tonal, de l’atonal du textural.


Simon Bertrand :  Exact, lui  mélange tout ça et c’est c’est un site très intéressant, c’est inspiré de l’ouvrage La Vie mode d’emploi de Georges Pérec. C’est donc un cycle de 36 pièces qui fait plus de deux heures, je pense. Évidemment, ce n’était pas possible de jouer tout ça d’un seul coup; puisque l’on vit dans une société TDAH, à peu près tout le monde a beaucoup de difficultés à se concentrer pour absorber des contenus lourds.


PAN M 360 : Alors comment vous y êtes-vous pris?


Simon Bertrand :  Pour présenter le cycle complet de Sandeep Bagwati, nous avons convenu qu’il fallait  trois concerts interprétés par Moritz Ernst, un superbe pianiste venu d’Allemagne. Et puis l’idée est venue à Ana de faire graviter autour du cycle de Sandeep   d’autres œuvres et d’autres pianistes invités dans une série qui s’avère au final un authentique marathon de piano. 


PAN M 360 : Alors plutôt que se limiter au cycle de Sandeep Bhagwati en trois récitals de piano, l’idée était de construire autour!


Simon Bertrand :  Oui carrément. Il y a donc huit récitals, huit concerts. Aussi, l’idée d’Ana, consistait à réunir des compositeurs de trois pays, Italie, Allemagne, Canada. On trouve en tout 22 compositeurs au programme !  Alors on a des compositeurs et des solistes de réputation internationale, et une portion importante de compositeurs locaux.  


PAN M 360 : Peut-on compter des créations dans ce marathon?


Simon Bertrand :  De notre communauté locale, il y a des commandes de la SMCQ données à Serge Arcuri et Michael Oesterle qui seront jouées pour la première fois, et il en sera de même aussi pour une création de Yuliya Zakharava, compositrice d’origine biélorusse.

PAN M 360: Il faut s’atteler !

Liens vers les récitals

Vendredi 3 novembre 2023

Samedi 4 novembre 2023

Dimanche 5 novembre 2023

Jusqu’à 45% de rabais

Régulier / Aîné, Étudiant (taxes et frais inclus)
22$ / 18$ pour 1 récital
38$ / 31$ pour 2 récitals (-15%)
54$ / 44$ pour 3 récitals (-20%)
68$ / 56$ pour 4 récitals (-25%)
80$ / 66$ pour 5 récitals (-30%)
90$ / 74$ pour 6 récitals (-35%)
98$ / 80$ pour 7 récitals (-40%)
104$ / 86$ pour les 8 récitals (-45%)

Lieu

Salle de concert – Conservatoire de musique de Montréal
4750, avenue Henri-Julien
Métro Laurier ou métro Mont-Royal
514-873-4031 poste 313

Il y avait beaucoup d’activités festivalières à la fin de l’été lorsque True Colors, un mini-album de 5 titres signé Täbï Yösha sous étiquette Bonsound, a été mis en circulation. Rattrapons le temps perdu et sirotons ce Rosé, irrésistible simple afrobeats à l’européenne, assorti d’une participation top de KNLO. Täbï Yösha mérite toute notre attention. Cette femme a le groove dans le sang, elle chante en toute subtilité et sa superbe voix ensablée frappe dans le mille. Chanteuse de puissance, Täbï Yösha  tente actuellement de lancer sa carrière solo au terme d’un long parcours dans le divertissement corporatif.

PAN M 360: Comment avez-vous envisagé cette transition professionnelle ?

Täbï Yösha :  C’était l’hiver 2020, je faisais beaucoup de freestyle en vidéo sur Instagram et tout. Un jour, j’ai reçu un message privé sur Twitter : « Écoute, je te trouve excellente. Je pense vraiment qu’on devrait unir nos talents et créer une chanson. »

PAN M 360 : Qui donc vous avait transmis ce message  ?

Täbï Yösha : Suiker, un producteur franco-marocain. Il me dit « Je vais t’envoyer des prods, ensuite, tu m’envoies tes ajouts et on voit si la magie opère. » Je lui dis non, je n’aime pas travailler comme ça, je préfère réserver un studio et travailler face à face. Une fois sur place, on arrive au studio et  on crée la chanson Pause. Suiker part ensuite en France et la Covid arrive, il reste coincé en Europe. Et là, il me contacte:  « Écoute, il y a vraiment un truc musical entre nous, donc je pense vraiment qu’on pourrait explorer ça. »

PAN M 360 : Et alors?

Täbï Yösha : On a décidé alors de faire un EP à distance, entre le Québec, la France et le Maroc.

PAN M 360 : Votre relation est toujours à distance ?

Täbï Yösha : Non, ça fait un an qu’il habite Montréal.

PAN M 360 : Côté production, vous êtes pas exactement dans le R&B. Le beat, c’est du afrobeats nigérian et autres beats européens en vogue. Comment vous voyez ça?

Täbï Yösha : Au fond, c’est vraiment Suiker qui s’occupe de la partie production. Moi, c’est vraiment plus la mélodie et les paroles. Quand on a travaillé ensemble en studio ou quand il m’a envoyé les instrumentaux et j’ai tout de suite accroché. C’est plutôt électro, il y a des afrobeats et c’est aussi très européen.

PAN M 360 : Avant de procéder à cet enregistrement qui pourrait être déterminant pour votre carrière, vous avez eu un long parcours amateur et professionnel.

Täbï Yösha : Je faisais des chœurs  pour des artistes, je chantais des refrains pour des rappeurs. Des producteurs de house m’appelaient aussi pour mettre des voix dans leurs productions. Je chantais aussi dans le groupe The Soldiers, on faisait des mariages et des événements corporatifs.

PAN M 360 :  On devine que vous avez toujours chanté. Avez- vous commencé dans des chorales, comme c’est souvent le cas chez les meilleurs chanteurs afro-descendants  de Montréal?

Täbï Yösha :  Oui, j’ai commencé dans une chorale. J’avais sept ans quand mes parents m’ont impliquée dans une chorale associée à un centre communautaire, à Laval. Et là, je décrochais tous les solos, ma mère s’était dit alors « OK, il se passe vraiment quelque chose avec mon enfant ».  À l’école secondaire, je faisais déjà des refrains pour des rappeurs, mon nom commençait à circuler.

PAN M 360 : Sous un autre nom, votre nom d’artiste, vous êtes une de ces chanteuses de talent à émerger à Montréal. Décidément, on vit depuis quelques années une véritable émergence de cette scène R&B de chanteuses talentueuses?

Täbï Yösha : Oui, c’est vrai. Je trouve ça vraiment bien de voir que le R&B prend sa place au Québec.

PAN M 360 : Évidemment, il y a plus de compétition que quand vous étiez enfant ou adolescente,  la vedette des chorales auxquelles vous participiez.

Täbï Yösha : Oui, c’est sûr. C’est mais il est aussi vrai que  je me vois en compétition seulement avec moi- même.

PAN M 360 : Excellente attitude. Il ne faut pas se comparer aux autres, il faut se comparer à soi- même.

Täbï Yösha : Point final.

PAN M 360 : Avez- vous reçu une formation de chanteuse aussi ou bien êtes-vous complètement autodidacte?

Täbï Yösha : Je suis autodidacte mais j’ai pris des cours de chant. J’en ai donné aussi. Vers 2009, j’ai suivi des formations à Los Angeles et à Las Vegas, mais je n’ai pas étudié la musique dans les facultés de musique.

PAN M 360 : Vous étiez adolescente à cette époque- là?

Täbï Yösha : Non, j’étais adulte.

PAN M  360 : OK!! Vous faites ce métier depuis un bon moment !

Täbï Yösha : Oui, ça fait longtemps. 

PAN M 360 :  Täbï Yösha est votre nom d’artiste, ça vient d’où ?   

Täbï Yösha : J’ai commencé à écrire plein de lettres et je suis tombée sur tabi.   Quelques jours plus tard, mon fils m’a dit « Maman, je veux Yoshi dans ton nom”, comme le Yoshi du jeu vidéo. Je me dis alors que Tabi, c’est bien, mais ça peut être aussi un nom composé… Tabi Yoshi? C’est devenu Täbï Yösha.


PAN M 360 : Et donc là, c’est le début de votre carrière solo. C’est maintenant  que ça se passe.

Täbï Yösha : Exactement. Je travaille avec Bonsound depuis environ un an.


PAN M 360 : Au Coup de cœur francophone vous allez chanter en français aussi, puisque votre EP est interprété en anglais?

Täbï Yösha :  Oui, je vais chanter en français et en anglais, j’ai des chansons en français comme Le drapeau blanc, Vampire et Move On. Il y en aura des nouvelles. Je fais de la musique très intuitivement, donc si j’écoute un instrumental et je ressens  la chanson en français, je vais la faire en français. Je ne vais pas me limiter à être étiquetée anglophone ou francophone.

PAN M 360 : Vous avez déjà un noyau de musiciens déjà avec qui vous travaillez ?


Täbï Yösha : Pour l’instant, non. J’ai envie de vraiment recommencer tout à neuf et de rencontrer de nouveaux musiciens. Ouais. Ça va être bon!


Täbï Yösha se produit le samedi 4 novembre, 20h, au Ministère Infos et billets ici

Vincent Khouni sort son premier album solo en septembre, une nouvelle escapade qui nous emporte dans ses musiques légères et enivrantes. L’indie pop de 8 :12 pm traverse de douces mélodies et des textes poétiques en anglais comme en français en nous prenant par la main pour nous en aller ailleurs. 

On le retrouvera dans ses deux projets Double Date With Death et Vincent Khouni au festival  Coup de cœur francophone le 2 et 3 novembre à Montréal. 

Sous les premières neiges montréalaises, dans un bar calme de l’avenue Mont Royal, on rencontre Vincent Khouni. Un échange simple, amical, autour d’un verre pour parler de ses différents projets, concerts et le futur dans sa musique.

PAN M 360: Salut Vincent ton nouvel album, Portraits, est sorti en mars avec Double Date With Death et ton premier album solo 8 :12pm, est sorti en septembre. Comment vas-tu depuis ?

Vincent Khouni: Et bien super content, ce n’est pas la première fois que je sors deux projets la même année mais cette fois c’est sûrement différent, c’est quelque chose de plus personnel. C’est la première fois que je pars en solo sous mon nom à moi. Je suis super content et super fier aussi et puis les deux projets se combinent relativement bien, comme là avec les Coups de Cœurs Francophone, je joue avec un projet le soir puis le lendemain je joue avec mon groupe. J’essaie juste de ne pas mélanger les deux affaires, c’est plus ça.

PAN M 360: Après trois albums avec Double Date With Death, tu t’envole en solo, c’est un peu le grand saut, est ce que ça a changé beaucoup de chose pour toi ?

Vincent Khouni: J’avais envie de quelque chose, je ne sais pas si on peut dire posé. Mais tu sais, ça fait onze ans que j’habite à Montréal, des projets de groupes j’en ai eu qui tiennent la route, qui durent comme Double Date With Death par exemple. Il y en a d’autres où ce n’est pas comme ça, ça dure un été puis c’est fini. J’exagère mais en fait, après les expériences de groupes, j’avais juste envie de faire de quoi tout seul. Je décide moi-même, je n’ai plus de compromis à faire, là il n’y en a pas. Je choisis avec qui on va travailler, qui va jouer la basse, quel morceau on va faire, il n’y a pas de discussion de groupe.

PAN M 360: En parlant de ça, tu es entouré de plein de nouveaux compères sur cet album, venant d’un peu partout, comme Emmanuel Allias et Patrick Gosselin. Comment partager la composition avec de nouvelles personnes ? Ta composition a-t-elle changé  ?

Vincent Khouni: Je pense que ça s’affine un peu.  En général dans la vie, on apprend à se connaître, plus on vieillit, plus on apprend à se connaître. Dans la musique c’est pareil. Le plus t’en fais le plus t’apprends à savoir comment tu fonctionne. Par exemple, je sais que si ce soir j’ai envie d’écrire un texte sur cette peinture (désigne un tableau au mur du restaurant), peut-être que je le ferais… mais généralement ce sera plus spontané si je veux écrire une chanson qui  n’est pas sur commande. 

Ça avant je ne le savais pas, donc c’est des « essais-erreurs ». Et même avec des artistes qui ont plus d’expérience, tu vas les voir en backstage et finalement ils doutent encore. Quand je vois ça,  ça me rassure un peu, je me dis que le doute fait partie de la création et que tu ne crées pas de la même façon quand tu commences début vingtaine que quand tu es début trentaine. 

Je ne sais pas si c’est nécessairement la maturité mais c’est plus l’expérience, et ce projet, je suis content de le faire maintenant parce que justement j’ai pu avoir toute cette expérience de groupe avant et savoir ce que je voulais vraiment faire. Et je sais que je vais continuer aussi dans cette voie.

PAN M 360: Ça fait un bout de temps qu’on te suit maintenant et la légèreté et la sensation flottante de tes musiques nous donnent ce goût de revenez-y, cette pâte que tu ne perds pas entre les projets. Comment ton univers se crée-t-il autour de tes compositions ? La création a toujours été facile pour toi ? As-tu de grandes inspirations ?

Vincent Khouni: Je pense que oui, c’est sur des inspirations j’en ai beaucoup, puis pareil ça se diversifie de plus en plus. Quand on a créé Double Date With Death, nos inspirations c’était l’avènement des Ty Seagull, Thee Oh Sees, Black Lips… On voulait faire du garage puis après ça, ce que j’aime bien, comme dans mon projet solo, je n’ai pas envie de faire la même chose deux fois. 

Lorsqu’un projet est fait, l’album suivant ne sera pas le même, peut être que ce seront les mêmes personnes  mais il y aura quelque chose de différent.

PAN M 360: Et les chansons sur lesquelles tu travailles actuellement ?

Vincent Khouni: À la base, je viens plus de la guitare et pour le prochain projet que je travaille, je suis parti du piano et des synthétiseurs. Ça nous donne un panel de textures complètement différent que lorsque que l’on part de la guitare. Donc je pense que ça évolue, que les inspirations évoluent. Puis je suis toujours proche de l’univers du cinéma, des livres, je n’ai pas de choix nécessaire comme je te disais quand une chanson me vient c’est comme, je ne dirais pas une épiphanie mais presque peut être je ne sais pas.

Et il y a des thèmes qui n’arrivent pas nécessairement par hasard, ce sont des choses qu’on vit et le but c’est de les romancer un petit peu.

Sur un des précédents albums de Double Date With Death il y a cette chanson qui s’appelle Trou Noir et en fait c’est réellement en tournée en Ontario on marchait avec des amis et là, je suis tombé dans un trou ! Et ce n’était pas un petit trou, je me suis fait super mal puis je me suis qu’il fallait qu’on écrive un morceau là-dessus et c’est le Trou Noir et souvent c’est comme ça. Chaque fois, l’univers est romancé par ce que je consomme culturellement, mais en même temps c’est surtout ce que je vis dans 8 :12 pm.  C’est ça, pousser un petit sujet mais à l’extrême, et de voir comment ça peut se transmettre en chanson.

PAN M 360: On traverse le français et l’anglais dans tes chansons, entre des titres comme La Vallée et Here Now sur 8:12pm. Alors ourquoi ce choix des deux langues ? C’est important pour toi la langue dans tes textes ?

Vincent Khouni: C’est quelque chose qui fait partie de la découverte artistique, de l’exploration. Et au début, parce que c’est ça Double Date With Death, on chantait en anglais puis il y a eu un switch, c’était un peu nouveau, tout frais. Mais parce que je me suis posé la question, même sur mon projet solo, et maintenant l’identité est quand même super importante dans la musique et la langue plus particulièrement. Après je suis pas mal de ceux qui pensent qu’il n’y a pas de règle et je reste assez instinctif dans la vie. 

Donc les deux langues font partie de mon identité, c’est propre à moi puis je les aime bien, j’avais envie d’essayer les deux. En anglais je pense que c’est plus pour l’esthétique que pour le fond, on n’est jamais meilleurs que dans sa langue maternelle. Maintenant mes inspirations vont plus vers le français, et pour plus s’amuser avec les mots et aller plus profondément dans la composition je suis plus proche de ma langue maternelle. Mais tout ça, ça passe par l’acceptation de sa voix car ma voix en français n’est pas la même qu’en anglais, ça ne sonne pas pareil. Mais réussir à apprécier sa voix en français, c’est un bon déclic. La chanson préférée de mère est en angais et c’est déjà pour ça que je les garde tout de même !

PAN M 360: La culture québécoise et francophone évolue avec le temps, les styles aussi qu’est ce que ça implique pour toi ? Comment te vois-tu évoluer dans cette scène florissante ?

Vincent Khouni : Avec l’expérience des différents projets, tu fais le tri entre eux et tu sens que quand tu chantes en anglais et que tu veux penser business au Québec, c’est plus compliqué. Je ne dis pas que je pense au business, je pense vraiment d’abord à la musique et puis après le reste suit. Mais pour ce projet-là, j’ai eu des subventions et ça m’a beaucoup aidé aussi bien dans le développement des vidéos, pour faire des vinyles ou payer les musiciens et pour moi c’est super important.

Je pense que oui il y a la place pour ces projets-là puis j’ai envie d’aller de l’avant sur ce projet de Vincent Khouni de continuer à la faire. Quand t’as quelque chose à dire ou que tu penses que c’est bien et qu’artistiquement t’aimes bien ce que tu fais, après ça appartient à ton monde. Je pense alors que c’est bien de le faire. C’est un peu niais de dire ça mais c’est un peu vrai, c’est la seule trace qu’on a dans ce monde qui va rester, c’est des écrits, de la musique, ton art, tes travaux dans des journaux. Juste pour moi, mon côté égocentrique, depuis que j’ai commencé ici, ce que je veux c’est me faire plaisir à moi, et le reste c’est que du bonus. 

PAN M 360: Tu nous présentes tout ça au Coup de cœur francophone cette année, qu’est-ce que ça représente pour toi ?

Pouvoir lancer un album dans ce contexte,  c’est super important, c’est super pertinent pour nous. On voulait attendre pour faire un lancement, avoir la salle qu’on voulait, le groupe qu’on voulait pour jouer. Et puis on est proche de la culture francophone ici, depuis que je suis au Québec justement je m’inspire du slang québécois pour le mettre dans les textes, je ne me considère pas comme un trompe-l’œil à utiliser des expressions qui appartiennent à d’autres, j’aime jouer avec les deux cultures. C’est une chance qu’on a d’être ici et ça fait partie d’un tout, la double culture c’est l’fun !

PAN M 360: C’est peut-être un peu difficile de parler de suite pour l’instant, mais arrives-tu à te projeter dans cette nouvelle aventure ?

Vincent Khouni: J’ai un tourneur ici qui travaille pour faire des première parties l’année prochaine. Après la question c’est:  est-ce que je veux jouer seul ? En duo ? Avec tout le groupe ? Ce n’est pas la même limonade mais c’est sûr que j’y travaille et j’aimerais beaucoup. Je pense déjà à la suite; là je travaille, j’ai déjà trois démos enregistrés, ça va me permettre de contacter les personnes avec qui je veux travailler. Le sujet est déjà pas mal choisi, ce serait plus comme un album concept, l’histoire de la rencontre entre une personne, moi ou quelqu’un d’autre, avec une entité un peu particulière.

L’album va s’appeler La Gomme Balloune parce que c’est comme quelqu’un qui rencontre un chewing-gum qui devient son ami, c’est un peu comme E.T…. Comme je suis très visuel aussi, je réfléchis à savoir si  la pochette sera une peinture, une photo… 

VINCENT KHOUNI SE PRODUIT AU COUP DE COEUR FRANCOPHONE, VENDREDI 3 NOVEMBRE, 22H, L’ESCO

Le rap DMV est à l’honneur cette année à Coup de cœur francophone, notamment avec la présence au sein de la programmation de Rowjay, Quadracup et Andrike$ Black. Quelques heures avant son spectacle aux Foufounes Électriques jeudi, PAN M 360 a discuté avec ce dernier de sa carrière, de son processus créatif et de son prochain projet. 

Mais qu’est-ce que le DMV? Dans cette musique originaire de Washington, de Virginie et du Maryland, les artistes ne rappent pas nécessairement dans le tempo, adoptent un débit élevé et un ton monotone. Au cours des dernières années, ce courant musical a grandement gagné en popularité sur la scène francophone. Le rappeur Rowjay est l’un des porte-étendards de ce flow au Québec. 

Natif de Montréal, Andrike$ Black propose un mélange de sonorités rap et house. À la fin septembre, il a fait paraître son titre Situation, un titre un brin plus dansant que ses sorties précédentes. Aucune date de sortie n’a été dévoilée pour son nouvel EP, mais il devrait paraître au courant du mois. 

PAN M 360 : D’où venez-vous et comment avez-vous commencé à faire de la musique?

ANDRIKE$ BLACK : Je suis né à Montréal et au courant de ma vie, j’ai déménagé à Laval. C’est vraiment dans cette ville que mon parcours musical a commencé. J’ai commencé à faire de la musique à l’âge de 15-16 ans grâce à un ami qui créait des beats. Avant ça, je faisais déjà des petits freestyles de temps à autre, mais ce n’était rien de sérieux. 

PAN M 360 : Quel a été le déclic pour que vous commenciez à faire de la musique de manière plus sérieuse?

ANDRIKE$ BLACK : C’est vraiment cet ami qui m’a poussé à faire de la musique pour de vrai. Je ne croyais pas que c’était possible pour moi d’en faire, mais il m’a montré que c’était possible. Je ne pensais jamais que j’en arriverais où j’en suis aujourd’hui.

 

PAN M 360 : Où en êtes-vous dans votre carrière en ce moment? Quelles sont vos ambitions futures?

ANDRIKE$ BLACK : Je ne suis pas encore arrivé où je souhaite être, mais je suis définitivement sur la bonne voie. Ce n’est qu’une question de temps. Je sais que ça n’arrivera pas du jour au lendemain, mais j’aimerais faire une tournée, réaliser davantage d’entrevues et participer à plusieurs showcases ici et outre-mer. 

PAN M 360 : Comment décririez-vous votre style de rap?

ANDRIKE$ BLACK : C’est du « sale » et de la bonne vibe. J’utilise souvent un flow DMV. Ma musique est parfaite pour les ballades en voiture. Aussi, j’aborde des thèmes comme l’amour et la persévérance. 

PAN M 360 : À quoi ressemble le processus créatif d’un rappeur DMV?

ANDRIKE$ BLACK : C’est un processus très spontané. Je fais avec l’inspiration du moment. C’est un style de rap assez ego trip. Comme je disais plus tôt, j’écris souvent sur la persévérance parce que je trouve ça vraiment important. Les gens ne doivent pas lâcher les projets qu’ils ont en tête. Dans mon cas, je suis tellement heureux de ne pas avoir laissé tomber la musique. Sans persévérance, je ne serais pas l’artiste que je suis aujourd’hui. Je me dis que c’est la même chose pour mes auditeurs et je veux leur transmettre ce message. 

PAN M 360 : Vous avez fait paraître votre simple Situation en septembre dernier. Que raconte ce morceau?

ANDRIKE$ BLACK : Sur Situation, je parle de plusieurs choses qui se sont déroulées dans ma vie au moment de l’écriture. J’avais perdu mon travail et ça a causé plusieurs problèmes dans ma vie. J’ai vraiment parlé de ma vie et de mon quotidien sur le morceau, c’est vraiment ça. 

PAN M 360 : Situation est le premier titre de votre prochain EP. Que pouvez-vous nous dire sur votre futur projet?

ANDRIKE$ BLACK :  Je ne veux pas trop m’avancer, mais ce que je peux dire, c’est que mon prochain projet va vraiment faire bouger les gens. Encore là, la vibe sera très bonne et c’est très important. Les productions sont vraiment bonnes et les gens vont pouvoir passer de bons moments entre amis.

PAN M 360 : Est-ce que cet EP va s’inscrire dans la même lignée que votre album Projet 1?

ANDRIKE$ BLACK : Non, ce ne sera pas vraiment la suite de Projet 1. Ça va être plus 2-step, garage et hip-hop. Je vais explorer des avenues qui ne suivent pas vraiment le code du rap. Je l’avais déjà fait un peu sur mon EP House Saga. Mon prochain opus va être une version allongée et améliorée de ça.

PAN M 360 : Avez-vous une date de prévu pour la sortie? 

ANDRIKE$ BLACK : Le projet arrive très bientôt. Je ne peux pas dévoiler la date pour l’instant, mais ce sera ce mois-ci. 

PAN M 360 : Dans le cadre de Coup de cœur francophone, vous serez aux Foufounes Électriques le 2 novembre prochain aux côtés des rappeurs Rowjay et Izuku. Qu’est-ce que cela représente pour vous? À quoi doit-on s’attendre?

ANDRIKE$ BLACK : Je suis vraiment heureux de pouvoir participer à CCF pour la première fois, et j’espère que ce ne sera pas la dernière fois. C’est certain que je vais arriver sur scène avec une énergie positive et je vais tout faire pour que les gens présents passent un beau moment. Les gens doivent s’attendre à ce que ça bouge. J’ai très hâte de rencontrer le public.


Aux côtés de Rowjay et Izuku, Andrike$ Black montera sur la scène des Foufounes Électriques dès 21h.

Celui qui se dit avant tout un musicien s’est aussi révélé comme un des paroliers les plus poétiques de la musique québécoise.

Pierre Flynn commémore ses cinquante ans de carrière en effectuant une tournée québécoise en solo jusqu’en 2024. Le 3 novembre, il sera de passage au Gésu, à Montréal, dans le cadre des Coups de Coeurs Francophones. 

Pierre Flynn est le chanteur et compositeur du groupe Octobre, de 1972 à 1982. Il a réalisé quatre albums sous son nom, a écrit des chanson pour aussi bien Louise Forestier, Pauline Julien ou Renée Martel, il a écrit des musiques de films. 

Pour ma part, j’ai suivi attentivement l’évolution de Pierre Flynn.

Cégépien, boutonneux et chevelu, j’ai assisté au concert d’Octobre, en première partie du groupe britannique King Crimson, au capitole de Québec, en 1973. Par la suite, j’ai revu Octobre à plusieurs reprises et j’ai assisté à tous les concerts de monsieur Flynn à la sortie de chaque album. 

Il a créé une œuvre vraiment distincte et originale. Avec des arrangements musicaux extrêmement soignés et léchés. En toute transparence, C’est un travail que j’admire, avec de minuscules bémols. 

Ce concert solo nous fait revivre tous ces épisodes de la carrière de Pierre Flynn, avec parfois des accompagnements surprenants. Le spectacle est aussi rempli d’anecdotes qui contextualisent les chansons, non sans humour. Nous n’en dirons pas davantage pour vous préserver des surprises. 

J’ai passé une heure avec Pierre Flynn pour faire le tour de cinquante ans de carrière. Voici notre échange.

PAN M 360 : Pierre Flynn, cinquante ans de carrière , ça donne une sorte de vertige?

Pierre Flynn : Ça m’a donné envie de me demander: « Qu’est-ce que j’ai fait? ». J’ai eu un parcours un peu chaotique . Je n’ai pas toujours été le meilleur navigateur dans les eaux tumultueuses du show business. Je suis un auteur compositeur qui travaille extrêmement lentement, mais au bout de tout cela, j’ai le sentiment d’être toujours là et d’avoir des choses à dire. Au cours de la dernière année, un ami dans le monde de la culture m’a dit: « Pourquoi ne pas faire un spectacle pour commémorer ces cinquante ans? » Et j’ai décidé de le faire.

PAN M 360: Partons du début de votre carrière avec le groupe Octobre, dont on entendra deux pièces dans le concert, qu’est-ce qui reste de l’empreinte de ce groupe qui a été très important dans les années 70?

Pierre Flynn: Certaines chansons d’Octobre mériteraient peut-être d’être effacées aujourd’hui, mais il y avait une prise de parole audacieuse, si on pense entre autres à La Maudite Machine. Je voulais toucher des enjeux sensibles. 

Je dirais aussi qu’il y avait un énorme appétit pour l’intensité, nous voulions exprimer une tension, un côté exacerbé. Il fallait que le son soit fort! Des gens qui trouvaient qu’on se prenait trop au sérieux. A cette époque, on voulait vraiment expérimenter. Nous écoutions Gentle Giant , King Crimson et Yes, mais moi je préférais Charles Mingus, James Brown et Léo Ferré. Le Sacre du Printemps  de Stravinsky, c’était du rock pour moi. Alors nous mélangions toutes ces influences disparates . 

PAN M 360: Sans vouloir trop divulguerla matière de  votre concert solo, il s’ouvre sur une chanson d’Octobre , qui est Le Vent se Lève, une pièce que je trouve particulièrement forte. 

Pierre Flynn : Il y a quelque chose de très mystérieux dans cette chanson . Je ne me considère pas forcément comme un poète, mais certaines chansons, comme celle-ci, ont une dimension plus poétique. Les paroles vont puiser dans l’inconscient. Il y a des images qui ne sont pas rationnelles. 

Par exemple: « Regarde les enfants aux yeux sertis d’étoiles et les hommes vieillis d’amertume . (…) Entends ce blues qui réchauffe l’hiver des passagers du vendredi soir . Ecoute l’Espagne en guitares amères ». Je ne comprends même pas comment j’ai réussi à écrire ça. 

PAN M 360:  Pour moi, vous êtes un des paroliers québécois le plus influencé par la poésie et par la France. Je me trompe?

 

Pierre Flynn: Je le dis toujours: au départ je suis musicien. Mais il fallait bien mettre des paroles sur la musique autre que des « lalala ». Étudiant au cégep en littérature, j’ai entendu Léo Ferré chanter Les Poètes de Sept Ans d’Arthur Rimbaud. J’ai été époustouflé par la puissance de ce texte avec la musique. Ça m’a probablement aiguillé vers ce genre de dimension. J’ai eu ma période Antonin Artaud, Rimbaldienne. Mais également Félix Leclerc. Au-delà des chansons les plus connues , il y a un Félix très poétique, presque mystique, qu’on peut écouter. 

Neuf fois sur dix, mes chansons commencent par la musique. Puis après, je creuse un peu comme un mineur pour arriver au texte. Et parfois, ça nécessite du temps. Pour la chanson Ma Prière sur l’album Mirador, ça m’a pris plus d’un an. 

Il est vrai également qu’une performance en solo fait ressortir davantage les textes. Ceux qui assisteront au spectacle s’en rendront compte en écoutant Possession, de l’album Le Parfum du Hasard.

Avec ce spectacle, je veux aussi transmettre la passion de l’écriture. Pour moi, c’est très important. 

PAN M 360 : Le Parfum du Hasard est le premier disque solo que vous avez fait paraitre en 1987. Un disque qui résonne encore ?

Pierre Flynn: Je n’ai jamais été vraiment un artiste populaire. Mais ce disque s’était assez bien vendu. Il y a eu plusieurs succès à la radio , comme Possession, Sur la Route, Catalina. C’était aussi les débuts de la musique numérique avec les multiples synthétiseurs. 

Avec le recul, la chanson L’Ennemi me semble la plus achevée. Au niveau musical, au-delà des synthèses, il y a un fond de blues organique . Au niveau du texte, elle a pris une « twist » dans sa pertinence.

« Il (l’ennemi) est là, le doigt sur la gâchette, il guette la planète (…) veut voler ton regard farouche, les yeux de ta bouche , tes souliers de liberté. Il veut voler ton envie de rire ». 

Dans le contexte actuel, les tensions géopolitiques, j’ai l’impression qu’elle vibre différemment. 

J’ai toujours fait attention d’aller au-delà de l’actualité politique immédiate, pour que les chansons ne se démodent pas. 

PAN M 360 : Quatre ans plus tard, paraît Les Jardins de Babylone, le deuxième album. Il y a beaucoup de chansons qui parlent de voyages. La route, les voyages, il me semble, c’est une des constantes de votre travail. 

Pierre Flynn: Il est aussi beaucoup question d’amour avec Savoir Aimer , qui traite de l’engagement dans une relation, ou En Cavale, une tentative de chanson plus simple, car parfois , pour moi, la complexité est plus facile que la simplicité. 

Mais oui, sur ce disque, il y a Les Splendeurs et Lettre de Venise, qui racontent mes expéditions en Irlande, en Grèce et en Italie. Je deviens comme un reporter, je suis fasciné, j’observe et je partage mes émotions. 

PAN M 360: Dix ans plus tard arrive Mirador, en 2001. Nous sommes dans un contexte social et politique totalement différent.

Pierre Flynn: La première chanson de Mirador, La Romance du XXe Siècle , raconte ce tournant. C’est le XXe siècle qui bascule et où s’en va-t-on après ? J’ai aussi essayé le « spoken word » . Je demande à ma fille : « Auras-tu la paix et la douceur de vivre? » Je poursuis la réflexion avec Ma Petite Guerrière, dédié à ma fille unique. C’est un album sur la force de la vie et ses étapes jusqu’à la mort. Il y a bien sûr la chanson Croire, qui est un hommage aux poètes Gilbert Langevin et Gaston Miron, que j’ai eu la chance de connaître un peu. Avec cet hommage, je voulais en même temps me détacher d’eux, muter dans le nouveau siècle. Je suis très fier de cette chanson, une de celles que je préfère dans mon modeste corpus.

PAN M 360: Et on arrive à 2015 avec Sur La Terre. 

Pierre Flynn: C’est l’album dont je suis le plus satisfait. C’est une espèce de chronique de ma vie, de mon ressenti, dans ces années-là. Vous savez, je n’ai aucun plan de match quand j’amorce la création d’un album. Les chansons arrivent un peu par hasard. L’unité ou le manque d’unité se ressent à la fin. Le dernier homme est une chanson sur la solitude. Si loin si proche est une continuation de Ma petite Guerrière, qui est maintenant une jeune adulte au moment d’écrire la chanson. 

PAN M 360: L’album- et votre concert solo aussi- se termine par Capitaine ô Capitaine, une chanson à multiples sens.

Pierre Flynn: C’est une chanson folk à trois quatre accords. C’est la métaphore du bateau qui navigue à la recherche de quelque chose. Mais c’est aussi une métaphore sur l’avenir de la planète . « Capitaine ô capitaine, nous avons perdu le nord . Capitaine ramène le navire à bon port ». Il y a quand même une ouverture vers l’espérance.


PAN M 360 : La question qui tue: y aura-t-il un autre album de Pierre Flynn?

Pierre Flynn: Oui. Mais je ne sais pas quand(grand éclat de rire). Les gens connaissent ma lenteur, ma réputation est faite. Je me bats tous les jours avec la tentation de la passivité. Mais j’offre une nouvelle chanson dans mon spectacle. Il y en aura d’autres. Je suis toujours vivant, j’ai encore une bonne voix, alors je vais essayer de ne pas trop niaiser avec la puck.

Lucienne Renaudin Vary est l’éloquente incarnation de la musicienne virtuose de notre temps.

Décoincée sur scène malgré l’extrême concentration exigée par son répertoire, ouverte à différents styles musicaux, la trompettiste française s’avère une interprète modèle du répertoire classique mais aussi improvisatrice lumineuse. Le volet classique de sa carrière semble l’emporter dans nos perceptions… jusqu’à nouvel ordre, car cette vingtenaire excelle également dans le jazz moderne. 

Ce jeudi 2 novembre, elle se produit à la Maison symphonique aux côtés de l’organiste Raúl Prieto Ramírez, titulaire des grandes orgues de la ville de San Diego. Ils interpréteront ensemble des œuvres de Giovanni Buonaventura Viviani, Maurice Ravel, Frederic Mompou, Franz Liszt, Sergueï Rachmaninov, Alessandro Marcello, Astor Piazzolla, Modeste Moussorgski et George Gershwin. Voilà un programme qui en dit long sur l’ouverture et l’éclectisme de notre interviewée.

PAN M 360 : On sait que vous êtes une jeune trompettiste bien en vue sur la scène européenne. On sait aussi que vous êtes déjà venue à quelques reprises à Montréal, soit depuis vos débuts professionnels en 2018

Lucienne Renaudin Vary : C’est ça, exactement. Et je suis de retour une troisième fois avec ce concert en duo avec orgue.

PAN M 360 : En musique classique, la trompette est surtout liée au répertoire baroque mais, à l’évidence, vous puisez bien au-delà de cette période!

Lucienne Renaudin Vary : Oui. J’ai fait du baroque, j’ai même fait un album baroque quand j’avais 13 ans, j’en ai fait beaucoup depuis. Je continue d’en faire aussi et c’est vrai qu’on n’a pas un énorme répertoire pour la trompette. On a deux grands concertos classiques, Hummel et Haydn – que j’avais joué d’ailleurs à Montréal. Aussi, j’aime bien piquer du répertoire à d’autres instruments pour les transcrire parce que j’étais un peu frustrée de ne pas avoir beaucoup de répertoire pour le mien. Du coup, je fais beaucoup de transcriptions, mais tout ne va pas forcément avec la trompette. Il faut quand même une sélection. 

PAN M 360 : Qui fait les transcriptions ? Comment procédez- vous ?

Lucienne Renaudin Vary : Ça dépend pour quel projet c’est. Pour ce qui est plus jazz, quand j’avais fait mon album sur les États-Unis et la France, j’avais fait appel à Bill Elliott, un arrangeur américain qui travaille aussi avec Barbara Hannigan – qui est vraiment remarquable. Jérôme Ducros m’a fait des super arrangements aussi et je travaillerai avec d’autres pour mes projets à venir. J’aime bien changer car j’adore travailler avec des personnes différentes parce que chacun a sa patte.

PAN M 360 : Comme vous dites, ce ne sont pas toutes les transcriptions qui sont faisables, ce n’est pas une garantie de  succès que de transposer la trompette à des pièces composées pour d’autres instruments ou la voix humaine.

Lucienne Renaudin Vary : Oui! En général, le répertoire pour la voix marche assez bien parce que la trompette est quand même similaire à la voix. Après, je voulais vraiment retranscrire des pièces pour violon mais finalement, je trouve que ça ne marche pas du tout à la trompette. On n’a pas les coups d’archet, on n’a pas les archets qui mordent les cordes, on n’a pas ça avec la trompette. Ce qui marche à la trompette, c’est la mélodie, les pièces un peu lyriques.


PAN M 360 : Quand vous faites du Gershwin, par exemple, ça fonctionne bien.

Lucienne Renaudin Vary :Oui, parce que chez Gershwin, il y a ce côté jazz qui marche super bien avec la trompette.

PAN M 360 : Parlons alors de trompette classique et trompette jazz.  Depuis les débuts de Wynton Marsalis, c’est- à- dire il y a à peu près 40 ans, la trompette classique et la trompette jazz sont de plus en plus complices. On imagine que vous êtes très sensible à cette tendance qui devient de plus en plus importante de nos jours : de plus en plus de trompettistes classiques pratiquent la musique écrite et la musique improvisée.

Lucienne Renaudin Vary : C’est vrai, et c’est pas terrible de vouloir absolument mettre les artistes dans des cases, souhaiter qu’ils appartiennent à un style précis. Par exemple, j’ai fait un album constitué de pièces d’Astor Piazzolla, dont le style est inqualifiable. Évidemment, c’est du tango mais c’est à la fois classique, il y a de l’improvisation et ça peut s’apparenter au jazz. Prenez aussi Leonard Bernstein, on ne peut pas non plus l’enfermer dans une case stylistique.  


PAN M 360 : Inutile d’ajouter que vous-même improvisez en public ou pour vous- même!

Lucienne Renaudin Vary : Bien sûr, je fais du classique et du jazz, j’ai commencé les deux en même temps. Hier, par exemple, j’étais en concert de jazz, c’était de l’improvisation de A à Z. J’ai un quartette constitué du guitariste Hugo Lippi , du pianiste Vincent Bourgeyx, du contrebassiste Thomas Bramerie et du batteur Franck Agulhon.



PAN M 360 : Ainsi, vous avez  développé les deux techniques en même temps vous avez des modèles de trompettes classiques et jazz.

Lucienne Renaudin Vary : Oui, bien sûr, ça a toujours fait partie de ma vie, j’ai toujours eu besoin de faire les deux parce que ça m’apporte beaucoup. C’est complètement différent, les exigences ne sont pas du tout les mêmes. Et en même temps, ça reste de la musique et je vois ça comme un truc global .  Tant que la musique est bonne, moi, je la prends, peu importe le style.

PAN M 360 : Toutefois, la première perception qu’on a de vous de ce côté de l’Atlantique, c’est la trompettiste classique. À l’évidence, vous êtes aussi une jazzwoman, on gagne à en savoir davantage sur ce côté de votre carrière.

Lucienne Renaudin Vary : Oui, je fais plus de concerts classiques. J’ai fait quelques tremplins comme le festival Jazz à Marciac. J’essaie de développer ça de plus en plus, mais c’est vrai que je fais plus de concerts avec des orchestres classiques. Mais même quand je joue avec des orchestres classiques, j’aime bien faire en bis une impro sur un thème.

PAN M 360 : Ce qui est un juste retour des choses car, de toute façon, l’improvisation existait jusqu’au XIXᵉ siècle et maintenant, on la ramène.

Lucienne Renaudin Vary : Oui, c’est ça. Et puis de toute façon, même, je veux dire Bach improvisait, Mozart improvisait, Beethoven improvisait. Et puis les compositeurs se sont séparés des interprètes.

PAN M 360 : Donc, vous vous voyez vraiment dans les deux. Votre perception personnelle de vous- même, c’est que vous n’avez pas de case stylistique fondamentale.

Lucienne Renaudin Vary : Non, je n’ai pas du tout envie.

PAN M 360 : Pour plusieurs compositeurs et interprètes, s’en tenir à strictement un type de répertoire peut donc ne plus correspondre plus à l’idée qu’on se fait de la musique avancée.

Lucienne Renaudin Vary : Bien sûr. Pour attirer les gens aussi vers la musique classique et vers le jazz, d’ailleurs, je pense qu’il faut s’ouvrir à plein de styles. Je ne sais pas ce qu’il en est chez vous, mais en France, plusieurs festivals classiques commencent à s’y mettre. 

PAN M 360 : C’est la même chose ici, ça s’ouvre de plus en plus. Les deux approches s’unifient progressivement. Un jour, ça deviendra normal de faire les deux et vous êtes un excellent exemple de cette tendance de plus en plus importante.

Lucienne Renaudin Vary : C’est plus riche, en plus, pourquoi s’en priver ?

PAN M 360 : Parlons un peu du concert montréalais en duo avec Raúl Prieto Ramírez, présenté par l’Orchestre symphonique de Montréal. Vous jouerez des pièces Giovanni Buonaventura Viviani, Maurice Ravel, Frederic Mompou, Franz Liszt, Sergueï Rachmaninov, Alessandro Marcello, Astor Piazzolla, Modeste Moussorgski et George Gershwin.

Lucienne Renaudin Vary : Je vous ai parlé de mon éclectisme et de mon désir de mélanger plein de styles. Et là, c’est vraiment ce qu’on va faire. Je n’ai jamais joué avec l’organiste, mais je crois, après avoir échangé avec lui plein de propositions, que le programme reflète nos personnalités. Et on en a donc tiré ce programme. C’est chouette parce que ça permet au public aussi de ne jamais se lasser et d’avoir une espèce de vue globale de la musique.

On va passer par Viviani, Ravel, Rachmaninov dont on joue deux airs.Aussi une jolie pièce de Mompou, pas très connue et qui n’est pas du tout faite pour l’orgue… et qui sonne incroyablement bien avec l’orgue. On a également ce concerto baroque de Marcello   que j’aime vraiment beaucoup. On a du Liszt et du Moussorgski pour orgue seul et on a aussi du Piazzolla et du Gershwin.  Ce sont vraiment des pièces qui me tiennent à cœur et je pense qu’il en est de même pour l’organiste. 

PAN M 360 : Vous concluez par The Man I Love de Gerswhin, une ballade très connue. Choix éditorial ? 

Lucienne Renaudin Vary : Peut-être… et là je vais pouvoir improviser. En somme, je pense donc qu’il ne faille pas se mettre de barrières. Moi, c’est comme ça que je le ressens. Et c’est comme ça que je me sens libre. 

PAN M 360: Libre dans un acte de communication !

Lucienne Renaudin Vary :  La chose principale pour moi, c’est la relation avec le public, pour moi, un concert doit être un moment de partage.

PAN M 360 : Ce qu’il y aussi d’intéressant chez vous, c’est votre façon de vous présenter sur scène. Vous n’êtes vraiment pas dans l’austérité! Vous avez ce côté showbiz, ce qui est très bien et vous n’êtes pas la seule. Plusieurs virtuoses de votre génération, d’ailleurs,  sont moins coincés avec le décorum classique que les générations précédentes.

Lucienne Renaudin Vary : Oui mais ce n’est vraiment pas calculé dans mon cas, c’est un peu malgré moi, je ne me pose pas trop de questions là-dessus. C’est naturel, c’est vraiment qui je suis.  Et puis bon, il faut vivre avec son temps!

PROGRAMME:

Giovanni Buonaventura Viviani, Sonate pour trompette no 1 en do majeur (7 min)

RavelVocalise-étude en forme de Habanera (3 min)

Frederic MompouDamunt de tu només les flors [Au-dessus de toi, seules les fleurs] (4 min)

Franz LisztValse de Méphisto no 1, S. 514, pour orgue seul (transc. Ramírez)

Rachmaninov, 6 romances, op. 4 : IV. Chanson géorgienne (4 min)

Rachmaninov, Quatorze romances, op. 34 : V. Arion (3 min)

Entracte

Alessandro Marcello, Concerto pour hautbois en ré mineur (10 min)’
PiazzollaAve Maria (5 min)

MoussorgskiTableaux d’une exposition, extraits, pour orgue seul (orch. Rimski-Korsakov, transcr. Ramírez)

Baba Yaga
La grande porte de Kiev

GershwinThe Man I Love (4 min)

CE PROGRAMME EST PRÉSENTÉ LE JEUDI 2 NOVEMBRE, 19H30, À LA MAISON SYMPHONIQUE.

INFOS ET BILLETS ICI

Freinée un moment durant la pandémie, la pianiste Marianne Trudel a eu tôt fait de retrouver son mode de vie immergé d’une insatiable passion musicale, assortie d’un workaholisme qu’on lui connaît : elle sort cet automne 3 albums qu’elle visualise tel un triangle : solo À pas de loup, duo Dédé Java Espiritu avec l’excellent batteur et professeur émérite John Hollenbeck, Trio Time Poem : La joie de l’éphémère avec le même collègue percussionniste et le bassiste / contrebassiste Rémi-Jean Leblanc. La grande et pleine nature, la fragilité totale de l’existence, la perte, la célébration de la vie sont les pièces du moteur pianistique et compositionnel mis au point par la jazzwoman de 46 ans, compositrice, improvisatrice, arrangeure, leader d’orchestre, productrice, assurément l’une des plus dynamiques de la scène montréalaise.
 
PAN M 360 : Commémoration, donc. 

Marianne Trudel : C’est un peu un prétexte, car ces trois albums ont été conçus dans la même période, la fameuse pandémie. J’attendais alors que les concerts reprennent. Une série de concerts avec John (Hollenbeck) avait été reportée trois fois, une série de concerts en trio avait été reportée quelques fois aussi. Bref, j’enseignais en ligne, j’attendais la reprise des activités. En parallèle, j’ai entrepris de terminer un doctorat que j’avais commencé il y a dix ans, puis que j’avais laissé en plan parce que j’étais trop occupée avec les concerts et l’enseignement. J’avais reçu un dernier ultimatum (au bout de dix ans, il faut déposer), ça me chicotait.

PAN M 360 : Si on comprend bien, plusieurs facteurs ont retardé la sortie de ces albums.

Marianne Trudel : Ça aurait peut- être été judicieux de les sortir avec des écarts de quelques mois, mais à un moment, je les ai vus vraiment comme un triangle, comme trois points importants d’une même démarche. C’est trois facettes, c’est trois compléments, je ne sais trop. Mais ils vont ensemble dans ma tête même s’ils sont très différents. Ils sont tous très inspirés de la nature, avec John comme l’élément liant entre le duo et le trio. Je me suis dit « Tant qu’à m’endetter, je vais m’endetter pour vrai, let’s go! ». J’en sors normalement un seul à la fois, mais là, je me suis dit « Tiens, ça pourrait être le fun. »

PAN M 360 : Il y a donc un duo, un trio et… À pas de loup

Marianne Trudel : Un album solo, oui. J’avais envie d’oser quelque chose avec une musique au ralenti, enveloppante, un peu moins jazz. Ce n’est pas un album jazz à fond la caisse, ces compos se trouvent au carrefour de la musique classique, de la musique contemporaine, du jazz bien sûr et autres influences musicales. Il m’importait de faire les choses comme ça car je me sentais bardassée de tous bords tous côtés. J’avais besoin d’un refuge et j’avais envie de partager ce refuge.

PAN M 360 : Minimaliste, calme, cet album est effectivement un refuge aux frontières du silence.

Marianne Trudel : Je suis amoureuse du silence, c’est peut-être un paradoxe. Depuis mon enfance, j’ai besoin du silence, j’aime le silence. Des fois, c’est confrontant comme musicienne : tu veux créer, apporter quelque chose et en même temps, tu trouves déjà le monde pas mal bruyant. Alors on a besoin de cette remise à zéro. Le titre de mon album solo s’intitule À pas de loup et on a en sous-titre Quiet sound for a loud world. C’est vraiment dans un esprit de calme, de douceur, de délicatesse. J’avais envie d’un truc qui vibre sur une autre fréquence. On ralentit le moteur, on s’écoute penser.

PAN M 360 : Il y a surtout du piano dans À pas de loup, mais il y a aussi de l’harmonium.

Marianne Trudel : L’instrument était dans le studio de Pierre Marchand. D’habitude les harmoniums, c’est beaucoup plus petit, peut- être trois octaves.Celui-là, c’était vraiment 88 notes, jamais vu un tel harmonium. Je m’assois à cet instrument avec les pédales, le système de soufflets et tout ça. Là, le feeling que j’ai eu après trois secondes ! Je me suis mise à pédaler là- dessus et faire surgir le son. C’était tellement enveloppant, c’était tellement rassurant. Je dis à l’ingénieur du son let’s go, sors tes micros! »

PAN M 360 : Et puis le duo piano-percussions avec John Hollenbeck, Dédé Java Espiritu, dont la matière est jouée ces jours-ci.

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Marianne Trudel : Il y a une grande part d’improvisation dans notre musique. Ça part un peu dans tous les sens. Il y a des trucs super mélodiques, il y a des trucs super groovy, il y a des trucs plus bruitistes, plus free, plus expérimentaux. John et moi avons développé ensemble une grande complicité musicale.

PAN M 360 : Et puis il y le trio : Time Poem : la joie de l’éphémère.

Marianne Trudel : C’est avec John Hollenbeck, batterie, qui est un peu le liant de mes projets, et Rémi-Jean Leblanc, contrebasse et basse électrique. Avec moi, il n’avait toujours joué que de la contrebasse, mais là, j’avais envie des deux et c’est super le fun aussi, super lumineux.

PAN M 360 : Cet album est le premier à être sorti de ce triptyque. Né dans quelles circonstances?

Marianne Trudel : Pendant la pandémie, j’ai été musicalement paralysée pour la première fois de ma vie artistique. Moi qui écris normalement à tous les jours, je ne sortais plus une seule note. Sans les concerts, ça perdait tout son sens. Un jour, je suis tombée face à face avec un ingénieur du son que j’adore, Rob Heaney, alors que j’enregistrais une piste de piano pour un artiste de Vancouver. Rob avait enregistré plusieurs de mes albums précédents, c’est un gars passionné par la musique, super sollicité – Cirque du Soleil, Patrick Watson, etc. « Écoute Rob, je n’ai pas écrit une note depuis un moment. » Il me dit alors :« Voyons, ça ne te ressemble pas du tout! Appelle-moi, on va se booker une séance de studio. Tu n’auras pas le choix, tu vas te remettre à l’ouvrage. » C’était ce dont j’avais besoin!

PAN M 360: Et comment le travail a-t-il repris ?

Marianne Trudel: C’était l’été 2021, je suis partie le lendemain en Gaspésie pour mes vacances. Me voilà dans le mini chalet que j’avais loué pour aller faire de la rando pendant une semaine. Avant d’aller dormir, je vais sur Facebook et je vois des messages sur Facebook. « Rob, pourquoi nous as-tu quittés? » Le cœur me débat, je ne dors pas de la nuit. Très tôt le lendemain matin, j’appelle François Richard, un proche de Rob. « Il est mort au volant de sa voiture. Arrêt cardiaque. » Ça m’a donné tout un choc. Je me suis alors enfermée dans le petit chalet, je n’ai pas mis le nez dehors ou presque. Et j’ai écrit neuf pièces en neuf jours pour mon trio. J’ai peut-être dormi une dizaine d’heures en tout, je me suis effondrée à la fin. Je n’ai jamais fait un trip comme ça, c’était jour et nuit, c’était très grisant.

PAN M 360 : La disparition tragique de cet ingénieur du son fut donc un puissant déclencheur!

Marianne Trudel : L’album s’intitule La joie de l’éphémère parce que j’ai toujours été très sensible à la fragilité de la vie. Et là, je l’avais en plein visage. C’était une façon de célébrer ma chance d’être en vie. Et aussi il y a tout le côté éphémère que j’adore avec la musique improvisée: tu peux vivre un moment magique, ça part dans l’espace et c’est fini, on n’y touchera pas. Alors un événement tragique s’est transformé en lumière. Ce disque-là, il est hyper lumineux et je l’ai dédié à Rob. J’ai appelé John, Rémi et Jean : « Écoutez, j’écris de la musique, je veux faire ça rapidement. » C’est là que ça se passe. On est entrés en studio, on a fait ça en deux jours, après quoi on s’est mis à faire des concerts. Tout ça s’imbrique.

PAN M 360 : Tu as ainsi retrouvé pleinement ton dynamisme perdu pendant la pandémie. Et donc vite réparé cette petite fissure de cet édifice que tu construis depuis le début des années 2000!

Marianne Trudel : Il y a à peu près six mois, quelqu’un m’a demandé depuis quand je pratiquais ce métier. J’ai réalisé alors ça faisait 40 ans que je jouais du piano, et que mon premier album était sorti il y a à peu près 20 ans. Encore aujourd’hui, je fais des semaines de 60 heures avec l’école, mon booking, mes productions. Pourquoi ne pas le souligner? Solo, duo, trio: trois facettes de la pandémie, un témoignage de cette période avec leurs couleurs différentes et complémentaires.

crédit photo: Michel Pinault

MARIANNE TRUDEL ET JOHN HOLLENBECK SE PRODUISENT LES 2, 4, 8 ET 9 NOVEMBRE DANS LES MAISONS DE LA CULTURE SUIVANTES:

2 nov 202319h30Conseil des arts de Montréal en tournée: Marianne Trudel — John Hollenbeck: Dédé Java EspirituMontréal, Québec
Salle Oliver Jones — Maison culturelle et communautaire de Montréal-Nord
4 nov 202319h30Conseil des arts de Montréal en tournée: Marianne Trudel — John Hollenbeck: Dédé Java EspirituMontréal, Québec
Maison de la culture du Plateau-Mont-Royal
8 nov 202320h00Conseil des arts de Montréal en tournée: Marianne Trudel — John Hollenbeck: Dédé Java EspirituMontréal, Québec
St Jax Montréal
9 nov 202319h00Conseil des arts de Montréal en tournée: Marianne Trudel — John Hollenbeck: Dédé Java EspirituLaSalle, Québec
Théâtre du Grand Sault — Centre culturel et communautaire Henri-Lemieux

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