Avec son nouvel EP sadder but better coréalisé avec Félix Petit, enregistrement paru le 5 avril sous étiquette Duprince, HAWA B  réaffirme son expression plurielle; la soul et le jazz y côtoient aisément le rock alternatif et l’électro. À l’instar d’un nombre croissant d’artistes afro-descendants, la chanteuse, compositrice et réalisatrice montréalaise transgresse ce qui est convenu pour les artistes de couleur.

Dans cette optique, HAWA B se propose «  d’explorer en profondeur des facettes de ma personne que je n’aime pas. J’ai voulu les transformer en chansons qui me représentent, et que j’aime, pour apprendre à accepter qui je suis. It made me sadder, but for the better .»

Hawa B or not Hawa B ? L’EP sadder but better répond à la question !

Pour celles et ceux qui n’ont pas encore découvert cette artiste formidable que PAN M 360 accueille ici en interview vidéo (ci-dessous), rappelons qu’elle a d’ores et déjà partagé la scène de Hubert Lenoir, Charlotte Cardin, Greg Beaudin, Marie Gold, Clay and Friends, Dominique Fils-Aimé, FouKi, FELP et plus encore.

Crédits de l’EP sadder but better

Paroles, composition: Nadia Hawa Baldé (HAWA B)

Arrangement: Nadia Hawa Baldé et Félix Petit

Piano: Émile Désilets et David Osei-Afrifa

Basse: Jonathan Arseneau

Guitare: Philippe L’allier

Batterie: Anthony Pageot et Félix Petit

Flute, Saxophone, Clavier: Félix Petit

Saxophone soliste: Julien Fillion

Réalisation: Félix Petit et Nadia Hawa Baldé

Mix: Jean-Bruno Pinard

Master: Gabriel Meunier

Prise de son: Félix Petit et Patrice Pruneau

L’Orchestre national de jazz de Montréal (ONJ) et le Festival ODD SOUND accueillent le saxophoniste et compositeur Donny McCaslin, sous la direction du chef d’orchestre, compositeur et saxophoniste montréalais Philippe Côté

Il s’agit en fait du concert d’ouverture du festival de l’organisation ODDSOUND dont la pièce phare est Shades of Bowie, une pièce de Philippe Côté inspirée par la musique de David Bowie, composée pour Donny McCaslin et l’Orchestre national de jazz de Montréal. On sait que le saxophoniste et compositeur américain, un habitué de Montréal depuis la fin des années 80, avait assuré la direction musicale pour l’enregistrement de l’extraordinaire album Blackstar, ultime offrande de David Bowie.

Philippe Côté connait Donny McCaslin depuis un long séjour à New York il y a une quinzaine d’années. McCaslin s’était alors lié d’amitié avec le saxophoniste et compositeur David Binney avec lequel il a réalisé l’album Lungta, lancé en concert en 2016 avec l’ONJ. L’esprit rock et l’ouverture électro que la musique de Donny McCaslin a conduit Bowie à le recruter à la direction musicale a prise depuis plusieurs années et du rôle primordial que McCaslin a joué dans le magistral opus final de Bowie Blackstar, Philippe Côté a voulu rendre hommage à Bowie ainsi qu’à son influence sur la carrière de McCaslin en entrelardant sa musique de subtiles évocations bowiennes.

Pour le soliste invité, Shades of Bowie est l’occasion d’improviser à souhait sur une fresque orchestrale sensiblement renforcée par la percussion.

En première partie l’Orchestre de Jazz 1 de l’Université McGill présentera un répertoire incluant Two fifteen, une pièce de Philippe Côté inspirée du poème du même titre de Lee Tsang à propos des pensionnats autochtones.

Voilà autant de raisons d’interviewer en visio le soliste et son compositeur, avant que le concert ait lieu le mercredi 10 avril, un programme de l’ONJ offert à la 5e salle de la Place des Arts.

PROGRAMME

ORCHESTRE NATIONAL DE JAZZ DE MONTRÉAL

Ariste invité | Donny McCaslin

Chef d’orchestre | Philippe Côté

Saxophones

Jean-Pierre Zanella, Samuel Blais, André Leroux, Frank Lozano, Alexandre Coté

Trombones

Dave Grott, Margaret Donovan, Taylor Donaldson, Jean-Sébastien Vachon

Trompettes

Jocelyn Couture, Aron Doyle, David Carbonneau, Bill Mahar

Piano | Marianne Trudel

Guitare | Steve Raegele

Contrebasse | Rémi-Jean LeBlanc

Batterie | Kevin Warren

Percussions | Fabrice Marandola, Joao Catalao

crédit photo: Dave Stapleton

INFOS ET BILLETS ICI

La violoniste Isabella D’Éloize Perron, ex Révélation Radio-Canada en musique classique 2020-2021, amorcera une grande tournée Nord-Américaine qui la mènera dans plein de grandes villes du continent (Montréal, bien sûr, mais aussi Toronto, Vancouver, New York, Chicago, Boston, et d’autres). Deux villes québécoises s’y ajoutent : Québec et Trois-Rivières. C’est l’Orchestre FILMharmonique dirigé par Francis Choinière qui l’accompagnera dans un programme dédié aux quatre saisons, celles de Vivaldi et celles, colorées par le tango, de Piazzolla. J’ai rencontré la jeune artiste tout juste avant l’amorce de ce beau et long parcours. 

Des supplémentaires ont été ajoutées à Montréal et à Québec. Pour tous les détails, visitez le site de l’Orchestre FILMharmonique ICI. 

L’autrice-compositrice-interprète Shaina Hayes a fait ses débuts en 2022 avec son album To Coax A Waltz, un magnifique album country folk. Depuis la tournée de cet album au Québec et ailleurs dans le monde, Shaina a signé avec Bonsound et vient de lancer son album suivant, Kindergarten Heart. Encore une fois écrit par Shaina et son équipe créative, David Marchand et Francis Ledoux du groupe noise rock zouz – avec lequel Shaina joue également sur scène -, Kindergarten Heart est, pour la plupart, un album plus enjoué qui se rapproche parfois d’une ambiance plus indie rock. Cependant, il a l’habitude de suivre le penchant de Shaina pour les paroles poétiques et les chansons qui commencent généralement avec elle et une guitare acoustique. Il s’agit d’une suite fantastique, qui met définitivement Shaina sur la voie d’une plus grande notoriété dans le monde de l’indie folk. Nous avons parlé avec Shaina avant le spectacle de lancement de l’album au Ministère, le 4 avril, de son séjour à SXSW, des coulisses de l’album, de l’espièglerie et de son amour pour les arts agricoles et l’agriculture.

Crédit photo: Laurence Fafard

BILLETS DU CONCERT LANCEMENT KINDERGARTEN HEART ICI

Avant leur programme dans le cadre des Mélodînes présentées par Pro Musica, Varun Swarup s’est entretenu avec la violoniste Julia Mirzoev, le pianiste Antoine Rivard-Landry et le violoncelliste Braden McConnell pour discuter de l’adaptation de Beethoven et du concert passionnant qu’ils nous réservent. 

PAN M 360 : Bonjour à tous, merci de m’accorder cette interview. J’ai la chance de m’adresser à vous trois. Ce programme de trio de piano est assez unique et je me demandais combien de temps vous aviez eu pour préparer ce spectacle? 

Julia Mirzoev : Nous avons eu un bon aperçu pour celui-ci, n’est-ce pas ?

Antoine Rivard-Landry : Oui, je pense que le concept était clair dès Pro Musica. Il s’agissait vraiment de trouver quoi choisir en matière de répertoire. J’ai l’impression que pour une configuration de trio avec piano, les symphonies de Beethoven étaient le choix le plus intéressant, c’est sûr.  ;

PAN M 360 : Je vois, et quelles étaient exactement les lignes directrices thématiques que vous deviez suivre ?

Antoine Rivard-Landry : Le thème est un piano symphonique. Donc essentiellement des œuvres symphoniques qui ont été transcrites pour le piano ou dans ce cas, pour le trio avec piano.

PAN M 360 : Oh je vois. Des arrangements de compositions orchestrales qui n’étaient pas destinées à être jouées au piano.

Julia Mirzoev : Oui, exactement ! Et donc nous nous retrouvons à devoir remplir les rôles de beaucoup d’instruments différents. Antoine, bien sûr, joue beaucoup de notes à la fois et Braden et moi devons parfois jouer des doubles arrêts ou des rythmes ou des lignes supplémentaires que nous n’aurions pas pu atteindre autrement dans les parties orchestrales.

PAN M 360 : Vous connaissiez tous plus ou moins bien les œuvres avant de les entendre dans un nouvel arrangement ?

Antoine Rivard-Landry : Je pense que nous les connaissions tous plus ou moins. Je connaissais tous les mouvements des symphonies mais je ne les avais jamais entendus en trio avec piano. Il y a le premier mouvement de la fameuse Pastorale, par exemple, le mouvement lent de la septième symphonie, le menuet de la huitième, et le dernier mouvement de la deuxième. C’est presque un mélange de certaines de ses œuvres symphoniques les plus connues.

PAN M 360 : J’imagine que pour le piano, ces arrangements doivent être assez exigeants.

Antoine Rivard-Landry : Eh bien, ce n’est étonnamment pas si mal. Le pire est le dernier mouvement de la deuxième symphonie parce qu’il a été écrit par Beethoven. Et Beethoven avec les pianistes, c’est toujours un peu, vous savez, il n’y a pas de pitié. C’est donc très important, mais c’est aussi très amusant.

PAN M 360 : J’aimerais savoir comment chacune d’entre vous voit la musique de Beethoven.

Julia Mirzoev : Oui. Je pense qu’il a été l’un des premiers compositeurs à rendre les choses vraiment grandioses, vraiment énormes. Tout est à grande échelle, mais la musique elle-même est très pure, pas simple, mais très pure. Je pense donc que ce genre de parallèle est unique et qu’il en a fait bon usage.

PAN M 360 : Je vois, vous le considérez donc peut-être comme un pont entre l’ère classique et l’ère romantique.

Julia Mirzoev : Oh oui!

Braden McConnell : Il travaillait avec une telle gamme d’émotions et de personnages, et en particulier dans ce que nous faisons, parce que nous jouons de la deuxième à la huitième symphonie, et je pense que cela représente environ 15 ans de sa carrière. Et je pense qu’il avait aussi le sens de l’humour, parce qu’il y a ces moments où c’est comme fortissimo et puis tout d’un coup c’est tout mignon et minuscule et puis de nouveau fortissimo. Je suis stupéfaite de voir à quel point ces petites idées peuvent avoir une grande portée émotionnelle.

PAN M 360 : Et en tant que pianiste, avez-vous une relation particulière avec Beethoven, Antoine ?
Braden McConnell : Je pense que oui. Pour moi, il offre le meilleur des deux mondes parce qu’il est très symétrique et mathématique, mais d’une manière ou d’une autre, c’est toujours une musique très puissante et émotionnelle. C’est donc le défi de sa musique pour moi. C’est un défi de jouer quelque chose qui est si parfait dans son essence, mais aussi si humain.

PAN M 360 : Et je suppose qu’il faut rendre à M. Arensky ce qui lui revient. Je n’avais jamais entendu parler de ce programme, quel est son rôle dans ce programme ?

Julia Mirzoev : Eh bien, je pense que nous voulions quelque chose qui contraste avec les pièces de Beethoven, qui explorent de nombreux univers et couleurs thématiques, mais la pièce d’Arensky est une trentaine de minutes d’un romantisme luxuriant absolu. Elle va donc un peu plus loin que Beethoven, d’un point de vue stylistique, mais elle n’est peut-être pas aussi complexe d’un point de vue rythmique ou symphonique, mais c’est tout simplement de la très belle musique.

PAN M 360 : Et peut-être pouvez-vous me parler du processus d’adaptation d’une œuvre orchestrale pour un trio de piano ? Est-ce que le violon ou le violoncelle prend le rôle mélodique la plupart du temps ?

Antoine Rivard-Landry : Oh, c’est une question très intéressante. Je suppose que pour certaines personnes, c’est leur travail ou l’œuvre de leur vie. Je suppose que pour le faire, il faut être un grand compositeur. Les personnes qui ont écrit les arrangements étaient également de grands compositeurs. Je pense donc qu’il faut être un bon compositeur et comprendre ce dont un orchestre a besoin pour le construire.

Julia Mirzoev : Je pense qu’ils utilisent probablement beaucoup de combinaisons différentes de substitutions. Parfois, Braden et moi recevons un instrument à vent différent, et nous devons donc l’imiter, et le son d’un solo de cor est très différent de celui d’un solo de hautbois. Nous devons nous adapter en conséquence et nous ne pouvons pas nous contenter de tout jouer de la même manière et espérer que les gens l’achèteront. Nous devons faire de notre mieux pour faire ressortir les caractéristiques uniques de chaque voix, telles qu’elles étaient prévues à l’origine.

Braden McConnell : L’un des plus grands défis est qu’il y a des moments où Julia et moi jouons ce qui est à l’origine un duo de hautbois et de basson et qui devient tout à coup un duo de cordes et de violon, et nous devons donc nous répondre l’un à l’autre d’une nouvelle manière. Nous devons donc trouver un moyen de faire correspondre la couleur et le son, de sorte que la première fois que nous la jouons, le son du vent est plus nasillard et que la deuxième fois, le son des cordes est plus doux.

Antoine Rivard-Landry : Pour ma part, je dois parfois jouer les cordes et c’est une bonne chose que ces deux-là soient là parce que je dois aussi apprendre à jouer au chef d’orchestre. Ils peuvent donc parfois m’apprendre, vous savez, comment les joueurs de cordes exécutent certains passages dans l’orchestre.

PAN M 360 : Et je suppose que même si les arrangements ont déjà été faits, vous devez aussi interpréter leur partition et la faire correspondre à votre vision ?

Antoine Rivard-Landry : Oui bien sûr, c’est quelque chose sur lequel on bute souvent. Parfois, je dois dire que les choix faits par les arrangeurs me semblent un peu bizarres. C’est donc une discussion que nous avons eue à maintes reprises pour savoir si certaines sections pourraient être améliorées. Si c’est quelque chose que nous devons ajuster dans la partition ou avec les instruments, parfois ce n’est pas clair, mais c’est un processus amusant de le découvrir et c’est un peu comme être le juge d’un arrangeur.

PAN M 360 : Vous sentez-vous libre de changer quelque chose dans la partition si cela ne vous convient pas ?

Julia Mirzoev : Oh, oui, parce que nous jouons quelque chose qui n’est pas dans sa forme originale de toute façon. Cela crée une sorte d’épine dorsale entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas dans la modification de la partition.

PAN M 360 : Oh, c’est amusant.

Julia Mirzoev : Vraiment. Et je pense que certains de ces arrangements ont été faits il y a longtemps et vous savez, même les éditions de pièces standard sont constamment révisées au fur et à mesure des recherches. Il y a toujours des révisions dans le monde de l’édition professionnelle et je pense donc que nous sommes libres d’apporter de petites modifications basées sur la musique actuelle de Beethoven, mais bien sûr nous n’essayons pas de tout changer.

Braden McConnell : Oui, et il y a aussi une certaine différence d’objectif, parce que certains de ces arrangements ont été faits dans le but que si vous vouliez écouter une symphonie de Beethoven et que vous ne pouviez pas réunir un orchestre, vous deviez réunir trois amis et la jouer dans votre salon. Alors que maintenant, avec un public rempli de gens qui peuvent aller sur Spotify et écouter 16 versions différentes de la sixième de Beethoven, assis patiemment et nous regardant dans une salle de concert, il y a une certaine attente qui ne se contente pas de refléter la musique, mais nous devons les convaincre qu’il y a une raison de la jouer pour un trio de piano plutôt que dans une symphonie.

PAN M 360 : C’est une excellente note pour terminer, je pense. Nous sommes très enthousiastes à l’idée de ce concert, et c’est pour bientôt ! J’imagine qu’il vous reste encore une ou deux répétitions à faire ?

Julia Mirzoev : Oh non, plutôt trois ou quatre.

PAN M 360 : Eh bien, bonne chance, merci encore !

Julia Mirzoev : Merci, on se voit le 3 !

Le trio se produit à la Salle Claude-Léveillée , midi, le 3 avril.

L’auteur-compositeur-interprète Jean Jean Roosevelt a produit plusieurs albums à Haiti, au Sénégal, il présente un premier opus entièrement produit, conçu et réalisé à Montréal. « Acclimatisation » est le premier simple de cette production, il y aborde son adaptation à sa ville d’adoption.“Libres ensemble” est un album qui propose des textes engagés, sur des rythmes et des mélodies dansantes. Notre collaborateur Michel Labrecque le rencontre à quelques jours de la sortie de son nouvel album, le lancement se tiendra le 28 mars au Club Balattou et sera disponible dès le 29 mars.

LISEZ LA CRITIQUE DE L’ALBUM ACCLIMATISATION ICI

DJs de l’acid house, officiers de police, adeptes des raves : nous sommes dans la culture des raves des années 80 au Royaume-Uni. Les jeunes attrapaient un prospectus et composaient un numéro dans une cabine téléphonique publique pour obtenir l’emplacement secret. C’est alors qu’a commencé le jeu du chat et de la souris entre les organisateurs et la police. In Pursuit of Repetitive Beats est une expérience de réalité virtuelle (RV) qui célèbre le multiculturalisme et la communauté, à travers le prisme de la politique et de la société de la fin des années 80.

Darren Emerson, le réalisateur, a réussi à concocter une création unique : une série documentaire, des témoignages, des images d’archives, des morceaux de musique d’époque qui nous font revivre des scènes de vie transcendant toute une jeunesse. Emerson est également artiste, écrivain, producteur et cofondateur de la société de production londonienne East City Films.

Son travail fusionne généralement le cinéma, le théâtre, la musique, l’interaction, l’immersion et l’incarnation. Son travail est régulièrement récompensé : Grand Prix Innovation au Festival du Nouveau Cinéma, Best VR Experience aux Broadcast Awards, Best VR Narrative aux World Press Photo Awards award for Immersive Non-Fiction à IDFA Doclab, Best Location-Based Entertainment aux prestigieux VR Awards 2023 et à la Biennale de Venise ! PAN M 360 a eu l’occasion de faire l’expérience de ce chef-d’œuvre et d’en parler avec son créateur.


Les coulisses :
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PAN M 360 : Darren, en tant que réalisateur, ce n’est pas votre premier film VR. La liste s’allonge de plus en plus : Witness 360 : 7/7 (2015), No Small Talk (BBC, 2016), Letters from Drancy (Illinois Holocaust Museum & Education Center, 2023) ou en 2024 pour SXSW (et bien d’autres). Concernant In Pursuit of Repetitive Beats, pouvez-vous nous en dire plus sur ce qui vous a mené à travailler sur le thème de la culture rave au Royaume-Uni dans les années 80 ?

Darren Emerson : Depuis que j’ai commencé à explorer la RV en tant que créateur, j’ai toujours eu cette expérience en tête. Dans un sens, j’attendais le bon moment et les bonnes conditions pour pouvoir le faire. Une partie de cette attente était liée à la maturation de la technologie, qui permettait de raconter des histoires, et une autre partie était liée à mon propre travail en tant qu’artiste, qui me permettait de rendre justice au sujet traité. Je dirais que In Pursuit of Repetitive Beats représente l’aboutissement d’environ 9 ans de travail et d’expérimentation dans le domaine de la RV, depuis ma première pièce en 2015 jusqu’à aujourd’hui.

Pour ce qui est de ce qui m’a conduit à ce sujet, eh bien, c’est basé sur une expérience vécue de la musique rave au Royaume-Uni. Même si je ne faisais pas de raves en 1989, en 1995, j’étais assez âgé pour me rendre dans la voiture de mon ami à des raves illégales dans le sud de l’Angleterre … et une grande partie de l’esprit d’aventure que vous ressentez dans Beats est ma tentative de recréer cela. L’année 1989 est une période culturelle et politique plus importante pour situer l’expérience, et elle traite des pionniers de cette scène. Avec In Pursuit of Repetitive Beats, je veux faire revivre au public le frisson d’une nuit de 1989, profiter de cette expérience immersive pour réexaminer la signification de ce moment à travers l’intersection de la narration et de l’interaction.

PAN M 360 : J’ai eu la chance de découvrir cette œuvre multisensorielle remarquable et j’ai tout simplement adoré ! Il s’agit d’un documentaire hybride à la croisée des archives. Il y a des témoignages, des images ou vidéos d’archives et même des flyers ! Expliquez-nous le processus artistique de scénarisation de cet ensemble complexe.

Darren Emerson : Je commence toujours un projet en explorant l’histoire. La technologie et les techniques viennent ensuite. Je pense que la clé du succès de ce projet réside dans le fait qu’il se déroule sur une seule nuit : en ce sens, le parcours de l’utilisateur et le récit à la première personne sont clairs, ce qui permet d’explorer un récit documentaire plus large et plus textuel. Lors de mes recherches sur la scène rave, j’ai regardé de nombreux documentaires standard sur le sujet, où la formule consiste à présenter des images d’archives combinées à des interviews de personnes qui décrivent ce qu’elles ont fait et ce qu’elles ont ressenti. C’est un classique des documentaires musicaux. Pour moi, c’est toujours un peu frustrant, parce que je veux être là, je ne veux pas seulement entendre ce qui s’est passé, je veux être au cœur de l’action… être DANS le documentaire, et ressentir les émotions. In Pursuit of Repetitive Beats est une réaction artistique à cela. Donc, une fois que vous avez le concept central de l’idée (créer un documentaire musical auquel vous participez), et que vous l’encadrez dans une certaine structure narrative (il se déroule sur une nuit), vous pouvez commencer à explorer les éléments de cette nuit et les environnements.

L’environnement est un élément clé de la narration spatiale, et une partie du processus consiste donc à explorer ces environnements et la manière dont l’environnement et l’interaction peuvent contribuer au déroulement de l’histoire. Il est très amusant de concevoir des environnements et des interactions qui sont intuitifs et qui donnent au public le sentiment d’agir sur le déroulement de l’histoire. Certaines idées fonctionnent, d’autres sont testées et échouent… Il s’agit d’explorer et d’essayer de penser différemment à la manière dont un récit peut se dérouler. Tous les éléments mentionnés dans la question : archives, animation, interaction, haptique, son spatial, ont un rôle à jouer. La clé est de faire en sorte que tous ces éléments fusionnent de manière à permettre au public de s’y perdre et d’oublier qu’il porte un casque.

PAN M 360 : Le visuel est un élément crucial, bien sûr. Plusieurs types de logiciels sont utilisés : Unity, Maya, Blender, Substance Painter ou encore Abode After Effects. En ce qui concerne la musique, nous touchons au cœur du sujet. J’ai pu, entre autres, reconnaître des musiques de Max Cooper ou de Joe Goddard. Comment cette alchimie s’est-elle opérée ?


Darren Emerson : A l’origine, j’avais l’idée que tous les morceaux devaient être de 1989/90. Et la plupart le sont… mais je ne voulais pas non plus être servilement rigide à ce concept si je n’avais pas l’impression de servir le public. En fin de compte, il y avait quelques morceaux modernes qui me semblaient fonctionner dans un sens plus cinématographique. Le morceau Children de Joe Goddard pour la fin, qui est euphorique et quelque peu sentimentale tout en restant un morceau qui déchire, et ensuite le morceau Aleph 2 de Max Cooper pour ce que je considère comme l’une des scènes les plus cruciales de l’expérience. Je suis un grand fan de Max et de ses vidéos, et je me souviens être tombé sur ce morceau et avoir instantanément visualisé ce qui est devenu la scène des gens dans des convois de voitures essayant de se rendre à la rave tout en étant poursuivis par la police, qui se déroule dans un monde éthéré d’illustrations de flyers classiques !

Pour être honnête, à l’époque, j’avais du mal à comprendre le concept de cette scène, et ce morceau a vraiment inspiré mon approche. Il y a aussi quelques titres d’un grand label britannique d’acid house, Network Records, qui était basé près de Coventry, dans les Midlands du Royaume-Uni. C’était donc une bonne chose de travailler avec eux pour découvrir des morceaux moins connus de cette période. Et bien sûr, ouvrir l’expérience avec Chime d’Orbital était une évidence. Il s’agit d’un titre phare de cette période… et d’un véritable classique ! Tout comme Energy Flash de Joey Beltram lorsque vous arrivez à la rave.


Venice Immersive 2023 – Letters From Drancy


PAN M 360 : L’année dernière, vous avez réalisé un film VR totalement différent, créé par le musée de l’Holocauste de l’Illinois, intitulé Letters from Drancy. Il s’agit d’une expérience de réalité virtuelle poignante qui met en lumière le pouvoir d’un lien indéfectible entre une mère et sa fille pendant l’Holocauste. Comment abordez-vous des sujets aussi divers et variés tout en définissant les techniques de production VR appropriées pour obtenir une expérience unique à chaque fois ?

Darren Emerson : J’ai commencé Letters From Drancy un mois après avoir terminé In Pursuit of Repetitive Beats, et il est juste de dire que c’était un peu un changement mental. Cependant, je considère que l’élément le plus important de tout projet de RV est la narration, et je me suis donc vraiment penché sur cet art, que je décrirais probablement comme une forme de narration créative non romanesque. Pour moi, l’objectif était donc de relever le défi de représenter l’histoire de la protagoniste Marion Deichmann et de rendre justice à l’héritage de sa mère et à l’histoire de l’Holocauste. C’est un sujet tellement important et vital, et émotionnellement très difficile, mais je voulais essayer de trouver les éléments universels de l’histoire qui me parlaient vraiment, et qui, je pense, parleraient au public.


En fin de compte, la décision a été de ne pas faire de cette pièce un récit des horreurs de l’Holocauste, mais de la faire porter sur l’amour que nous avons pour ceux qui comptent le plus pour nous, et sur la manière dont cet amour reste présent en nous, même lorsque ces personnes nous quittent. Je pense que lorsque les gens sortent de Letters From Drancy, ils ne pleurent pas à cause de la tragédie de l’Holocauste (bien qu’il soit évidemment important de la reconnaître et de vivre avec), mais ils pleurent en reconnaissant que le cœur humain a une capacité débridée d’aimer et de pardonner. C’est tout à l’honneur de la remarquable Marion Deichmann, que j’admire et que j’ai le privilège d’avoir rencontrée.


PAN M 360 : Pour les projets futurs, y a-t-il des thèmes que vous aimeriez aborder ou des innovations à mettre en œuvre ?

Darren Emerson : La plupart de mes travaux sont axés sur des idées et des thèmes liés à la communauté. Je m’intéresse à la manière dont les expériences elles-mêmes peuvent non seulement observer et commenter les notions de communauté, mais aussi créer des moments où le public lui-même a l’impression de faire partie d’une communauté et d’agir dans ce contexte. Je dirais que je suis définitivement un metteur en scène humaniste ; j’aime examiner et recontextualiser notre expérience vécue, et je suppose que j’essaie de lui donner un sens. Le bon et le mauvais !

En ce qui concerne la RV et les projets futurs, je pense que mon objectif est de continuer à faire avancer le médium, de continuer à raconter des histoires complexes et riches, et de créer des œuvres qui explorent mes passions et qui contiennent quelque chose d’important que je veux transmettre au public. Il peut s’agir de la connexion humaine, de l’importance de la communauté, de la joie de danser, mais je veux vraiment toucher le public sur le plan émotionnel. Faire décoller une expérience de RV n’est pas une mince affaire. Être financé pour créer quelque chose en quoi l’on croit est un énorme privilège. Chaque fois que je crée quelque chose, je me dis que c’est peut-être la dernière fois que j’ai cette chance, alors je ferais mieux de tout donner ! Je veux époustoufler les gens !

In Pursuit of Repetitive Beats est présenté au Centre PHI jusqu’au 28 avril. Billets ICI

On ne présente plus Martha Wainwright. Autrice-compositrice-interprète, oui, mais depuis 2019 elle est également propriétaire du Ursa, un superbe espace pour musiciens et public en quête d’intimité, situé dans l’ancienne Petite maison de Danny Saint-Pierre, avenue du Parc. L’espace est devenu un incontournable de la scène montréalaise. Ce qui a débuté par un rendez-vous mensuel de jazz-ish se transformera, du 26 au 29 mars prochain, en véritable festival. Du jazz tout ce qu’il y a de plus réglementaire bien sûr, vieux et flambant neuf, mais aussi des détours plus expérimentaux, de l’électro, et du non genré stylistique où l’indie viendra perler les habits tout neufs de ce nouvel événement. Réalisé en partenariat avec Pop Montréal (dont les bureaux se trouvent juste à l’étage, ça tombe bien!), le Montreal Anti-Jazz Police Festival nous promet de belles soirées, bien remplies avec trois concerts chaque soir, et à petit prix! J’ai parlé avec la dame elle-même à propos du festival bien sûr, mais aussi un peu à propos de son bébé, le Ursa. 

Quelques noms qui seront sur scène : Dave Binney, Erika Angell, Sarah Pagé, Tommy Crane, Sarah Rossy, Andrew Barr, Bellbird…

DÉTAILS, PROGRAMMATION, BILLETS : VISITEZ LE SITE DU URSA ET DE SON FESTIVAL

Cohérent dans son approche qui consiste à jouer l’intégrales de quatuors d’un seul comp,ositeur, le Quatuor Molinari interprète cette fois  l’intégrale des 6 quatuors à cordes du compositeur autrichien Anton Webern.  Considéré parmi les 3 compositeurs phares de la Seconde École de Vienne au début du 20e siècle, soit aux côtés d’Arnold Schönberg et Alban Berg.  Pendant son existence écourtée par son exécution accidentelle par un soldat américain,  Anton Webern passa d’une écriture post-romantique à l’adoption d’un système compositionnel exploitant les 12 intervalles de la  gamme (d’où l’expression dodécaphonique), à l’instar de ses collègues Schönberg et  Berg. En 1924, il composait une première œuvre  dodécaphonique (un Kinderstück pour piano), qui dès lors deviendrait son unique technique d’écriture. Par ses oeuvres pour quatuor à cordes, le Molinari compte illustrer le cheminement d’Anton Webern, de la grande tradition à la grande innovation.

PAN M360:Quel est l’historique du Quatuor Molinari avec le répertoire d’Anton Webern?

Olga Ranzenhofer: Webern est un compositeur essentiel de la musique pour quatuor du 20e siècle. Le Molinari avait déjà joué les trois derniers quatuors il y a de nombreuses années mais pas dans un même concert. Quand on reprend des œuvres de notre répertoire, ça nous permet d’aller encore plus loin dans les détails et l’interprétation. De les jouer tous dans un même concert est toujours une expérience très enrichissante, car nous suivons l’évolution du style d’un compositeur à grande vitesse alors que l’écriture s’étale souvent sur plus de trente ans. Dans le cas de Webern, les trois premiers quatuors vont surprendre le public, car leur esthétique se rapproche de celles de Brahms, de Strauss et de Schoenberg. Avec les trois derniers, Webern trouve sa propre voix à travers l’atonalité, le dodécaphonisme et la série. Tout un parcours!

PAN M 360 : Vos initiatives de médiation culturelle incluent ici une conférence de Jean Portugais Anton Webern, les mélomanes présents auront droit à une mise en lumière experte de cet important parcours créatif du compositeur. Plus brièvement pour les usagers de PAN M 360, quelles sont selon vous les particularités les plus évidentes de cette œuvre colossale dans le contexte historique de la Seconde École de Vienne? Évolution du dodécaphonisme? Ouverture au sérialisme? Votre point de vue d’interprète est précieux à ce titre.

Olga Ranzenhofer: L’œuvre complète de Webern dure environ trois heures et comporte 31 numéros d’opus. Les œuvres écrites avant la Passacaille opus 1 (1908), incluent les trois premiers quatuors et sont des œuvres d’un compositeur influencé par ses maîtres et la musique qu’il a entendue. Webern est aussi chef d’orchestre,  sa connaissance du répertoire est donc très vaste. L’évolution rapide du style webernien s’effectue à partir de la Passacaille, passant d’une tonalité élargie au chromatisme, à l’atonalité, puis au dodécaphonisme et au sérialisme. 

PAN M 360 : D’un point de vue musicologique, comment doit-on selon vous distinguer les travaux des principaux compositeurs viennois  de la révolution dodécaphonique au tournant du XXe siècle, on parle ici de Schönberg, Berg et Webern?

Olga Ranzenhofer: Schoenberg a été l’inventeur du dodécaphonisme, celui qui a mis au point ce nouveau système qui dicte au compositeur l’utilisation de tous les douze sons de la gamme avant de pouvoir en réutiliser un seul; son élève Alban Berg prend ce système, mais contourne parfois la règle pour des raisons musicales. Ainsi il  sera le plus « romantique » des trois. Enfin, Anton Webern sera le plus dogmatique et créera le sérialisme dodécaphonique, un système utilisant les douze sons, mais devant toujours être employés dans un ordre établi.

PAN M 360 : Quelle est la place des quatuors à cordes dans le répertoire d’Anton Webern ?

Olga Ranzenhofer: Le quatuor à cordes a toujours été très important pour Webern. Outre les six œuvres que nous jouerons, il existe de nombreuses ébauches et mouvements inachevés pour cette formation qu’il a mis sur papier dans sa jeunesse.  

PAN M 360: Nous vous invitons à expliquer brièvement, en tant qu’interprète et directrice artistique du Molinari, les principaux enjeux d’exécution de chaque œuvre au programme :

Olga Ranzenhofer:

Langsamer Satz pour quatuor à cordes (1905)

    Œuvre résolution brahmsienne, ce mouvement lent pour quatuor a été écrit au cours de l’été de 1905, une période heureuse pour Webern qui est épris de sa cousine Wilhelmine Mortl. Ils se marieront quelques années plus tard. Ce quatuor est d’une grande beauté et est très lyrique.

    Quatuor à cordes (1905)

      Écrit seulement quelques mois plus tard, ce quatuor montre déjà une évolution dans l’écriture de Webern. Œuvre beaucoup plus chromatique, on sent qu’il commence à s’éloigner de la tonalité pour aller vers le chromatisme. Certains élans nous rappellent le 1er quatuor de Schoenberg, son professeur de 1904  à 1908, ainsi que son Verlklärte Nacht (La nuit transfigurée), œuvre qu’il avait entendue l’année précédente et qui l’avait beaucoup impressionné. La polyphonie y est aussi très présente avec de nombreuses imitations entre les instruments ainsi que de grandes envolées lyriques.

      Rondo pour quatuor à cordes (1906)

        Écrit en 1906, le Rondo n’a été découvert qu’en 1966 et créé en 1968 aux États Unis par le Philadelphia String Quartet. Le thème de ce Rondo a le caractère d’une valse viennoise et on y retrouve une certaine retenue ainsi qu’une élégance toute viennoise.Dans le quatuor précédent, Webern a commencé à explorer les différentes sonorités des cordes. Avec ce Rondo, il introduit de plus en plus de nouvelles couleurs avec l’utilisation de la sourdine, des pizzicato, du ponticello et des  harmoniques.

        Cinq mouvements pour quatuor à cordes, op. 5

          Avec les Cinq mouvements pour quatuor, on entre de plein fouet dans le Webern de la seconde manière, avec des mouvements courts, une densité d’écriture et surtout l’avènement de l’atonalité et du dodécaphonisme. Autant dans les œuvres précédentes le son devait être homogène, autant ici Webern cherche à différencier chacun des instruments, leur donnant des couleurs particulières pour se distinguer. Cette œuvre fait entendre de grands contrastes de caractères, de couleurs, de nuances et de rythmes, tout cela à l’intérieur même d’un mouvement qui lui, sera très court.

          Six Bagatelles pour quatuor à cordes, op. 9 

            Probablement une des œuvres les plus connues de Webern, les Six Bagatelles font environ 4:30 minutes. Avec les Bagatelles, on est dans la continuité des Cinq mouvements pour quatuor avec les jeux de timbres, la brièveté et l’absence de structure formelle; tous ces paramètres y sont maintenant amplifiés et condensés.  Chaque bagatelle étant très courte, l’attention doit donc être portée non plus sur la grande forme, la structure ou la thématique, mais sur la note. Chaque note revêt une grande importance. Les bagatelles sont comme des haïku japonais, des miniatures.

            Quatuor à cordes, op. 28 

              Composé de 1936 à 1938, ce dernier quatuor de Webern est un chef-d’œuvre. Dans ce quatuor, il fait la synthèse de l’horizontal et du vertical, du contrepoint et de l’harmonie. Webern renoue avec la forme classique qu’il avait délaissée dans les précédents quatuors en grande partie à cause de la miniaturisation. On a maintenant un quatuor en trois longs mouvements, respectivement de 4 minutes (total des Six Bagatelles), un peu moins de 1:45 minutes et 2:15 !

              La rigueur et la perfection de l’écriture sont extraordinaires dans ce quatuor. La série dodécaphonique qui est à la base de l’œuvre est fondée sur le nom de Bach : si bémol, la, do, si. Toute l’œuvre repose sur les intervalles entre ces notes. Un tour de force!

              LE QUATUOR MOLINARI PRÉSENTE LE QUATUOR SELON WEBERN LE VENDREDI 22 MARS, 19H30, AU CONSERVATOIRE DE MUSIQUE DE MONTRÉAL. INFOS ET BILLETS ICI

              La Semaine du Neuf, organisée par Le Vivier, se termine bientôt, mais il reste encore quelques belles découvertes à faire cette fin de semaine. L’une d’elles est le concert de sortie de résidence du compositeur allemand Matthias Krüger, lauréat de la résidence en musiques nouvelles 2023-2024 décernée par le CALQ, le Vivier et le Goethe-Institut. Ce concert, qui aura lieu dimanche à l’église Ascension of Our Lord, nous transportera dans une exploration des potentiels sonores de l’orgue, avec l’apport d’un dispositif électronique qui contrôle l’instrument en temps réel. Ce concert sera l’occasion d’entendre l’oeuvre issue de sa résidence, L’être contre le vent.

              PAN M 360 a pu s’entretenir avec Matthias Krüger pour parler de sa résidence artistique, de son processus de création et de sa fascination pour le son.

              PAN M 360 : Quels étaient les objectifs de la résidence que vous allez clore avec le concert de dimanche?

              MATTHIAS KRÜGER : Il s’agit d’une résidence qui dure quatre mois, répartie en deux parties. J’étais déjà venu ici en automne dernier pour deux mois et demi, et là je suis revenu pour six semaines. C’est une résidence pour laquelle on postule avec un projet de son choix. L’idée est vraiment de découvrir l’endroit, de rencontrer des gens et de se laisser inspirer par un autre environnement.

              PAN M 360 : Comment êtes-vous venu à monter ce projet?

              MATTHIAS KRÜGER : Quand je suis arrivé, je savais que je voulais faire une œuvre pour orgue contrôlé par ordinateur. Puis, j’ai rencontré Adrian Foster [l’organiste pour le concert de dimanche] qui était très intéressé et qui m’a donné accès à l’orgue à l’église Ascension of Our Lord. Vers la fin de la première partie de la résidence, on est allés tester l’orgue, et c’était vraiment super, très inspirant et enthousiasmant! Et de là est née l’idée de faire un concert à la fin de ma résidence, et d’en faire une improvisation basée sur des idées.

              PAN M 360 : Parlez-nous de la composante électronique de votre projet.

              MATTHIAS KRÜGER : Ce projet est aussi en quelques sortes un travail de lutherie, de lutherie électronique. Il faut commencer par se demander quels paramètres on veut contrôler dans l’orgue, en particulier sur cet orgue-là, parce que ce ne sont pas tous les orgues contrôlés par ordinateur qui fonctionnent de la même manière. Une fois qu’on a compris ça, il faut configurer et programmer. Après, la question se pose toujours : comment est-ce qu’on contrôle les paramètres et le son? Parce qu’en fait, c’est un peu ça la musique. C’est la manipulation du son dans le temps.

              PAN M 360 : Qu’est-ce qui caractérise ce projet, qui combine à la fois acoustique et électronique?

              MATTHIAS KRÜGER : Quand on fait de la musique électronique, on se rend compte à quel point un son instrumental est complexe, dans son geste, dans son évolution et dans son amplitude. Il faut prendre en compte tous les mouvements qui sont nécessaires pour produire un son. Donc, comment peut-on créer cette richesse d’une autre façon? La problématique de la composition électronique est de contrôler plusieurs choses à la fois pour que ça devienne organique.

              Tout ça a des répercussions sur la musique qu’on compose ou qu’on imagine. Évidemment, il faut déjà connaître l’instrument pour pouvoir composer pour, par la suite. Après, la musique découle de toutes les possibilités qu’offre l’instrument. Ce qui est intéressant pour moi, surtout, c’est d’arriver à une maîtrise de l’instrument, mais aussi arriver à la détourner un peu, à faire autre chose avec.

              PAN M 360 : Donc le concert sera un peu un concert d’orgue à quatre mains, mais à distance?

              MATTHIAS KRÜGER : Oui, c’est un peu ça. Il y a plein de coordination qui se fait entre nous. Par exemple, Adrian peut jouer sur un clavier sans que ça fasse de son, ou moi je peux prendre les notes qu’il joue et les envoyer sur un autre clavier. Je peux aussi contrôler le rythme et les registres, par exemple. Il y a une sorte d’interactivité du dispositif qui va dans les deux sens.

              PAN M 360 : Qu’est-ce qui a fait que cet orgue en particulier, à l’église Ascension of Our Lord, se prêtait bien à votre projet?

              MATTHIAS KRÜGER : Ce ne sont pas tous les orgues qui sont compatibles pour ça. Non seulement il faut un orgue électrifié, il faut un orgue midifié. Déjà, ça restreint les choix possibles. Également, la disponibilité de l’orgue était importante, puisque la résidence s’est faite en deux temps. Quand j’étais parti, sans accès à l’instrument, je pouvais faire peut-être la moitié du travail. Mais après, il faut tester le dispositif, entendre comment ça se passe. Cette question d’accès était très, très importante.

              PAN M 360 : Quels thèmes appréciez-vous particulièrement explorer dans vos œuvres?

              MATTHIAS KRÜGER : Ce qui m’intéresse, c’est la fascination du son, c’est-à-dire m’imaginer que je suis dans un espace silencieux et réverbérant. Et mon activité détermine l’existence d’un son. Et c’est ce qui est intéressant avec l’orgue, c’est qu’il est toujours intégré dans un espace, ce n’est pas un instrument mobile. C’est ce qui lui donne son acoustique particulière et cette acoustique fait que le son est beaucoup moins localisé, il vient d’un peu partout. Ce qui est intéressant dans ça, c’est qu’on peut créer un contexte dans lequel l’identité du son est floue.

              PAN M 360 : Et comment cela se manifestera-t-il dans L’être contre le vent?

              MATTHIAS KRÜGER : Avec le dispositif électronique dans la pièce, cela va venir brouiller un peu la source du son. Puisque le son donne l’impression de venir de partout, le son nous englobe. Et avec des haut-parleurs, on peut aussi rajouter encore une couche qui donne un côté un peu mystérieux, et aussi un effet monumental à l’orgue. Parce que l’orgue est un instrument gigantesque, qui peut faire beaucoup de bruit, mais qui peut aussi être très fin.

              Après, le fait de contrôler l’orgue par ordinateur donne un peu un sentiment d’éternité. Il n’y a que sur l’orgue que c’est possible. Il y a cette impression d’être hors du temps, qui est déjà un peu inscrite dans le fonctionnement de l’instrument. Le potentiel de créer quelque chose de jamais entendu à l’orgue est énorme.

              PAN M 360 : L’œuvre que vous présenterez s’intitule L’être contre le vent. Que signifie ce titre pour vous?

              MATTHIAS KRÜGER : C’est tiré d’un poème de Paul Valéry, La jeune parque. Le rapport n’est pas très étroit, c’est plutôt une évocation de l’orgue qui est nourri par le vent. Le vent, et par extension l’air sont inhérents à la musique. Sans air, il n’y a pas de musique, comme dans l’espace, par exemple. Pour moi, le vent est aussi une métaphore hyper forte du son qui nous touche, nous entoure et auquel on se confronte. Dans le poème, à la fin, il y a cette image d’une femme au bord de la mer et le vent l’englobe. Elle met son être contre le vent. Il y a toute l’existence, finalement, qu’elle contemple en regardant et en se confrontant à ces forces de la nature.

              Donc je voulais essayer d’imaginer dans cet espace de l’église d’être confronté à une masse de son qui paraît éternelle, mais qui bien sûr ne l’est pas, parce que l’art est toujours artificiel. Il ne s’agit pas de la vérité, mais plutôt d’évoquer la vérité. Ou de rappeler la vérité. En fait, la musique, c’est quelque chose de très physique, qui rentre quand même dans notre corps. C’est cet aspect holistique qui me fascine, cet aspect corporel, que je cherche en général dans ma musique. Je trouvais que, pour ce projet, c’était une très belle image.

              L’être contre le vent de Matthias Krüger sera présenté le dimanche 17 mars à 20h30 à l’église Ascension of Our Lord, dans le cadre de la Semaine du Neuf, présentée par Le Vivier. INFOS ET BILLETS ICI!

              FIFA, MUTEK et la Société des arts technologiques, avec le soutien du Consulat général de France à Québec, présentent un plateau exceptionnel, ce vendredi 15 mars dans le Dôme de la SAT, d’artistes électroniques originaires d’Afrique du Nord et du Proche Orient (Tunisie, Liban). Soulignons au demeurant que cet événement s’inscrit dans le cadre du programme Regards de femmes en partenariat avec l’Institut du monde arabe, basé à Paris. 

              Deena Abdelwahed est l’artiste phare de cette soirée, soit l’une des productrices et DJs les plus prometteuses de la scène électronique alternative depuis quelques années. Cette Tunisienne, installée à Toulouse depuis 2015, a produit de nombreux albums, encensés par les critiques, sur le sublime label parisien InFiné.

              Entremêlant un corps musical électro, des basses profondes, des rythmes percutants ainsi qu’une enveloppe arabisante, Deena a su développer une identité sonore unique et novatrice. PAN M 360 a eu le plaisir de s’entretenir avec elle pour mettre en lumière son parcours, son code de création et sa perception de la scène en constante évolution

              PAN M 360: Deena, ton parcours et ton ascension sur la scène électronique alternative sont remarquables car ton identité musicale et artistique sont totalement uniques. Que ce soit tes sélections musicales pour tes DJ sets que tes productions (EP, album), on ressent à travers tout cela un immense travail de recherche et de réflexion mais aussi ton individualité qui transparaît. Il est indéniable de constater que tu fais partie des personnalités féminines ayant un charisme hors-pair. Comment résumerais-tu ta carrière jusqu’ici?

              Deena Abdelwahed:  Woah! Merci pour cette présentation très flatteuse! J’ai l’impression que je suis toujours à mes débuts encore! Même après 8 ans de tournée… et j’ai l’impression que c’est loin d’être fini. Dans tous les cas, je suis très reconnaissante des années passées et je remercie énormément les gens qui ont eu confiance en moi et qui m’ont aidé à aller de l’avant 🙂 Jbal Rrsas a décoincé des choses en moi. Depuis cet album, j’ai envie d’aller encore plus loin et de développer davantage les prestations en direct comme les tournées ou d’approfondir mes opinions politiques et philosophiques en lien avec la musique ainsi que d’acquérir de nouvelles compétences novatrices en création.

              PAN M 360: Depuis 2017, tes sorties -Klabb, Khonnar, Dhakar, Jbal Rrsas, ayant connu un franc succès- se sont faites sur le label InFiné. C’est une étiquette extrêmement éclectique et célèbre -Carl Craig, Clara Moto, Murcof pour ne citer qu’eux- offrant un large spectre musical allant de la musique classique à la pop en passant par l’électro. Comment cette rencontre s’est faite entre vous?

              Deena Abdelwahed: Rapidement! Je dirais même que c’était un coup de cœur ou peut-être un coup de chance aussi. Mon agente de tournée m’avait découverte et elle collaborait déjà avec InFiné. Ils ont demandé si j’avais des démos à leur faire écouter et l’EP Klabb est sorti.

              PAN M 360: Une partie de ta beauté artistique provient de l’authenticité et de la sincérité de ton message à travers tes créations. Par exemple, Khonnar est une œuvre qui agit comme un manifeste, déclarant la guerre à la violence et à l’oppression imposées par les frontières, les règles migratoires et les législations répressives. En outre, on pourrait aussi souligner tes sélections musicales qui sont de même un message porté à valoriser la capacité de la communauté swana à explorer la modernité et la créativité en musique afin de sortir des clichés folkloriques, qui sont, certes un atout, mais qui peuvent aussi cloisonner. Comment pourrais-tu nous détailler davantage cet aspect de ton engagement ?

              Deena Abdelwahed: Effectivement, je ne pourrais pas faire de la musique juste pour faire de la musique au vu de mon parcours de vie. Certes, je suis amoureuse de la musique club et de son innovation constante, néanmoins, au vue de mes expériences personnelles en terme de géopolitique en lien avec ma région, avec le fait que je suis fille d’immigrés tunisiens et évoluant dans le monde occidental, il est plus que naturel pour moi de puiser dans toutes ces influences pour composer, En outre, lorsque je recherche des morceaux pour mixer, c’est une grande source d’inspiration pour moi.  Sincèrement, ce n’est pas une voie facile que j’ai choisie car l’électronique a déjà son école et la musique orientale aussi. Cela nécessite du talent et de la patience pour détourner tout cela dans le but de développer mon univers musical et faire en sorte qu’il devienne, lui aussi à son tour, la nouvelle convention, la nouvelle norme.

              PAN M 360: Tes prestations sont nombreuses en Europe et en Afrique du Nord: le Sonar Festival, les Dunes Electroniques en Tunisie, le CTM Festival à Berlin, Dekmantel à Amsterdam, le Dour festival de Belgique, le Lunchmeat Festival de Prague, sans compter des clubs tels que Feu-Concrete à Paris, le Berghain à Berlin, Mutabor à Moscou et plus récemment le Trabendo (Émission Arte Concert). Mutek t’a programmé à Mexico et Montréal (2023). Aujourd’hui, ce qui t’amène ici, à Montréal, est une collaboration entre Mutek et le FIFA en partenariat avec l’Institut du Monde Arabe (Paris). De quelle manière vas-tu approcher ton DJ set pour cette soirée?

              Deena Abdelwahed: Je pense aborder ce DJ set d’une manière très personnelle, c’est-à-dire comme si j’étais chez moi! Lors de ma dernière prestation Mutek, je me suis très rapidement familiarisée avec le public. De plus, j’ai de nombreux amis ici. Cette fois-ci j’aimerais jouer un DJ set défiant, chargé, THICK.

              Live at ARTE Mix O Trabendo 2023

              PAN M 360: J’ai écrit, à l’automne 2023, un long reportage sur la scène électronique swana de Montréal qui est sous représentée en termes de programmation alors que la population représente le 2ème groupe des minorités visibles et le vivier d’artistes est foisonnant. Alors, cela tombe à pic que Mutek puisse offrir un plateau 100% artistes électroniques swana! Néanmoins, sur la scène internationale, nous avons pu constater une ascension et un dynamisme de nombreux.ses artistes sur la scène électronique. Comment perçois-tu tout cela en Europe ou à l’international?

              Deena Abdelwahed: Je partage ton avis. Au vue de la situation en Europe ou à l’international, je constate qu’il y a plus de « visibilité ». De plus, les artistes arabes commencent enfin à déconstruire et à rétablir leur relation avec la musique arabe. Parfois par revendication, parfois pour son esthétisme musical! C’est un bagage culturel assez complet et riche! Avant, j’avais l’impression que l’on était juste déphasé… dépassé. La démocratisation de la musique club et la facilitation de la composition musicale via ordinateur a permis d’encourager tout le monde à s’y mettre et à découvrir de multiples moyens de démontrer et rendre visible son authenticité.

              PAN M 360: Pour conclure cette entrevue,  PAN M 360  voudrait savoir quels sont tes projets futurs?

              Deena Abdelwahed: Répondre à mes e-mails à temps 😀 respecter les deadlines 😀

              J’ai pas mal de projets mais je ne peux pas encore en parler maintenant. Ce sont des commandes. Et, je continue ma tournée de Jbal Rrsas en Live Set aussi.

              Voilà! Merci pour cette interview! À très très vite j’espère!

              Présenté conjointement par MUTEK, la Société des arts technologiques et le festival de film sur l’art, ce programme incluant Deena Abdelwahed, Liliane Chlea et Nahash est prévu à la SAT ce vendredi 15 mars, 22h. Infos et billets ICI

              Cool Trad, est le troisième album de Nicolas Boulerice imaginé de concert avec Frédéric Samson, ami et collaborateur de longue date. Distinct des courants majeurs du trad québécois, CoolTrad porte les textes, la poésie, la tradition orale nord-américaine, la mélodie et la turlute des anciens, mais inscrit tout ça dans un contexte apparenté au jazz moderne, tendance cool de surcroît. En témoigne une douzaine de chansons exécutées sur des tempos moyens ou lents. Pour cette troisième collaboration en tandem, Nicolas et Frédéric s’expriment non seulement en formule voix-contrebasse mais impliquent aussi la guitare baryton et le mélodica.Voilà autant de raisons pour PAN M 360 de s’entretenir avec le chanteur, multi-instrumentiste et compositeur.

              SPECTACLES À VENIR

              Vendredi 1er mars      Studio Telus Grand Théâtre    Québec
              Samedi 2 mars           La petite Place des Arts          Saint-Mathieu-du-Parc
              Dimanche 03 mars     Maison de la musique            Sorel
              Samedi 13 avril           CRAPO                                  St-Félix-de-Valois

              Billets : https://nicolasboulerice.com/

              crédit photo: Tzara Maud

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