OFF Jazz | Blanche Baillargeon reçoit dans son Nid

par Alain Brunet

Dans les années 2000, Blanche Baillargeon s’était fait connaître au sein des G Strings de DJ Champion. Depuis lors, elle s’est aussi distinguée dans le jazz manouche de Christine Tassan et le jazz Misses Satchmo, mais encore peu de mélomanes connaissent son travail perso. 

Enfin… elle était peu connue jusqu’au printemps dernier, alors que son nouveau projet Le Nid a déclenché des choses auprès de mélomanes insoupçonnés, dont notre cher collègue Sylvain Cormier qui fut très élogieux à son sujet. En fait, Blanche Baillargeon rend public son langage compositionnel depuis 2015 et son récent opus Le Nid était la matière principale de ce concert présenté au Ministère.

Bruissement de la forêt, envol des oiseaux,  lumière dans le paysage, liberté, bonheur, mal être, espoir, empathie,  voilà autant de sources d’inspiration de ces chansons jazz, éthérées et douces en majorité. La pianiste Chantale Morin, le batteur Sacha Daoud, le clarinettiste (basse) Guillaume Bourque, le flûtiste Alex Dodier (qui peut surtout jouer du saxo dans d’autres contextes), tous de fort bons musiciens rompus au jazz, accompagnent la contrebassiste dans ce contexte de l’Off Jazz.

Nous avons ici des musiques composites entre chansons exprimées en français (les textes sont du maître poète Patrice Desbiens) ou en portugais brésilien, dont la reprise Samba e amor de Chico Buarque et autres propositions originales d’inspiration jazz-samba/bossa nova. Les référents de Blanche Baillargeon sont clairement jazz, mais aussi teintés de musiques brésiliennes ou capverdiennes inscrites dans l’imaginaire collectif planétaire, ou encore de chanson française puisant aussi dans les musiques romantiques et modernes de la tradition classique occidentale.

Voilà donc un jazz de chambre voluptueux, enveloppant, riche harmoniquement et mélodiquement, très agréable à l’écoute. Aucune performance maximale n’y est requise pour chaque interprète et improvisateur, la compositrice cherche plutôt  à créer un tout cohérent et cohésif autour de ses œuvres. Personnellement, j’ai préféré les moments non brésiliens de ce répertoire au programme de la soirée dominicale, j’avais parfois l’impression d’une certaine disparité entre ces nobles inspirations tropicales des années 60-70-80 et le reste de ses compositions originales, plus fraîches et… plus originales.

crédit photo: Jean-Pierre Dubé

Off Jazz | Une autre vie d’Erika Angell

par Alain Brunet

Erika Angell a une vie artistique distincte de celle qu’elle mène avec l’excellent groupe Thus Owls, dont elle forme le noyau créatif avec guitariste de mari, Simon Angell. On l’observe de plus en plus régulièrement, notamment  au sein du trio Beatings Are in The Body  qu’on a pu entendre en juin dernier aux Suoni Per Il Popolo, et plus récemment dimanche soir en solo et duo au Ministère, dans le contexte de l’Off Festival de jazz de Montréal.

La poésie, le chant et le son sont au centre de cette démarche subtile, unique. La voix magnifique de cette douée artiste montréalaise est le levier absolu de son expression, le choix des mots (anglais et suédois, sa langue maternelle) parfois déclamés sans mélodie est aussi brillant mais ne sert pas des chansons construites sur des charpentes normalisées depuis des lustres. Musicalement, Erika Angell use de son synthétiques continus, sortes de drones autour desquels elle procède à de brillantes surimpressions. La musicienne dispose d’un petit clavier, percussions légères et autres outils électroniques qu’elle utilise en temps réel. Les structures compositionnelles ne sont pas complexes en soi, il s’agit d’un continuum mélodico-harmonique sur lequel se posent différents ornements à différents degrés d’intensité. Et ça le fait!

Sorte de musique ambient exploratoire avec textes chantés ou dits, l’art d’Erika Angell peut aussi impliquer l’intervention de la batteure Mili Hong, résidante du Canada et originaire de Corée du Sud. Cette très douée percussionniste peut intervenir de manière aléatoire avec le vocabulaire actualisé du free jazz, mais peut aussi exprimer sa compétence sur des rythmes soutenus. Très à l’écoute d’Erika Angell, elle étoffe la proposition de son employeure qui, redisons-le au risque de radoter, gagne à être connue et reconnue à sa juste valeur.

crédit photo: Jean-Pierre Dubé

Basilique Notre-Dame : Célébration des 50 ans de carrière de Pierre Grandmaison

par Rédaction PAN M 360

L’orgue est sans contredit à l’honneur durant la saison musicale montréalaise 2023-2024. À travers tous les fantastiques concerts mettant en vedette l’imposant instrument à la Maison symphonique, il serait possible d’oublier que l’orgue Pierre-Béique a un grand frère qui réside lui aussi dans un lieu de recueillement, au sens plus commun du terme, tout de même.

Dimanche soir, la Basilique Notre-Dame du Vieux-Port célébrait les 50 ans de carrière de son organiste Pierre Grandmaison. À la console depuis 1973, il s’agit d’un jalon impressionnant pour un organiste n’ayant visiblement pas perdu la main et le showmanship après toutes ces années. C’est avec virtuosité, clarté et humour qu’il a rempli la Basilique avec le son magique de l’orgue qu’il a appris à si bien connaitre.

Un petit mot sur l’orgue de la Basilique Notre-Dame. Il est effectivement le grand frère de l’orgue de la Maison symphonique, produit lui aussi par Casavant Frères, mais cela ne raconte pas toute l’histoire. Inauguré en 1891, il résonne depuis plus de cent ans. Également, il fait actuellement 7000 tuyaux, environs 500 de plus que l’Orgue Pierre-Béique. Certes, il a été mis à niveaux assez récemment à la Maison Casavant Frères (on remarque la présence de certaines technologies présente également sur l’Orgue Pierre-Béique), mais il reste une merveille d’organologie, surtout pour son âge.

Le programme apparaissait comme un best-of des œuvres jouées fréquemment à la Basilique. On a eu droit aux classiques, avec du Bach et du César Franck, dont l’exploration des timbres et des jeux était fantastique, ainsi que plusieurs œuvres en lien avec la Vierge Marie, notamment avec l’Ave Maria de Verdi (interprété avec la soprano Caroline Bleau), provenant de son dernier opéra Otello (datant par ailleurs assez près de la conception de l’orgue de la basilique, soit 1887). La présence de trois pièces de Louis Vierne renforce l’influence de la tradition française pour la tradition montréalaise de l’orgue. On remarque également l’importance de la forme dans les œuvres au programme, avec la présence de refrains et de rappels, mais surtout de la forme chorale, qui se prêtait fort bien au contexte.

L’atmosphère dans la Basilique était assez joviale. L’écho inévitable de la Basilique affectait quelque peu le son, mais restait à propos. Pierre Grandmaison a su s’adresser efficacement à un public très diversifié dans ses horizons. Chaleureusement applaudi après chaque pièce, il a récompensé le public avec un jeu très clair qui accentuait les thèmes, rendant les œuvres accessibles pour tous. Il se permet également quelques fantaisies, notamment avec la dernière pièce, le Carillon de Westminster, qui est en réalité une harmonisation du motif du Big Ben que nous connaissons tous, et aussi avec un rappel amusant, soit les variations de Mozart sur le thème de « Ah, vous dirai-je, maman ».

Le public, qui était assis comme pour les premiers concerts dans les églises, soit face à l’autel et dos à l’arrière où l’orgue était placé, s’est diverti et s’est recueilli avec Pierre Grandmaison. Un hommage justifié à une belle carrière qui continue, après déjà tant d’années.

Il est possible d’entendre l’orgue de la Basilique et Pierre Grandmaison dans le contexte de l’activité « Prenez place à l’orgue » offert à plusieurs moments durant l’Année. Pour plus de détails et billets, c’est ICI.

Crédit photo : Alexis Ruel

Off Jazz | Fraser Hollins s’élève et nous élève

par Varun Swarup

Au printemps 2021, alors que les salles commencent à rouvrir, le bassiste Fraser Hollins et son groupe, le bien nommé Phoeni s’élèvent aujourd’hui vers des sommets de plus en plus élevés.

En tant que l’un des premiers interprètes de notre bien-aimé OFF Festival de jazz, ce groupe composé de Hollins à la basse et de Phoenix à la contrebasse a été le premier à se produire, Hollins à la basse, Samuel Blais aux anches, Carlos Jiménez à la guitare, Richardson à la guitare, Rich Irwin à la batterie, voilà une excellente vitrine pour l’immense talent local que nous semblons avoir en abondance.

Le public a eu droit à un set gracieux et convaincant de la musique originale de Hollins dans la salle chaleureusement éclairée du Diese Onze. Maniant sa contrebasse comme un oracle musical, il a ouvert la voie avec une ligne exigeant un doigté arachnéen, ce qui nous a entraînés au cœur de la pièce et de la performance. La première était en fait un hommage à Stan Lee ! 

Clairement, les compositions et arrangements pour ce groupe dynamique d’amis témoignent de son talent et c’est ce qui a rendu la soirée si spéciale. soirée. 

Chaque composition variait en genres, en humeurs et en textures, ce qui a permis à ce groupe de musiciens chevronnés de s’exprimer en toute liberté, soit de nous raconter de nombreuses histoires différentes au cours de la soirée.

Arion Orchestre Baroque et Elisabeth Pion : toucher le clavier comme Montgeroult

par Alexandre Villemaire

Arion Orchestre Baroque présente cette fin de semaine son concert d’ouverture avec la pianiste maskoutaine Élisabeth Pion comme soliste invitée dans un concert ayant pour principal attrait, la (re)création d’œuvres de la compositrice française Hélène de Montgeroult (1764-1836).

Grande visionnaire, rare aristocrate à avoir été épargnée par la Révolution et seule femme à être reçue au concours comme professeure des premières classes de piano du Conservatoire de musique de Paris, le langage musical de Montgeroult est empreint de la palette du classicisme mozartien, mais avec quelques expérimentations qui appellent au début du romantisme. 

Après une introduction par l’orchestre de la Symphonie no 26 de Mozart, nous permettant d’apprécier la direction énergique de Mathieu Lussier, la soliste a présenté le Concerto pour piano no 1 en mi bémol majeur de Montgeroult que la compositrice a construit comme une adaptation de concertos pour violon de Viotti.

L’instrument ici est digne de mention, car il donne tout le relief à l’esprit « historiquement informé » du concert. Jouant sur un forte-piano Broadwood 1826, un prêt du mécène Jacques Marchand, l’instrument offre une sonorité plus boisée et moins résonnante que les pianos modernes, mais qui permet une plus grande agilité qu’un clavecin.

L’agilité aérienne du doigté d’Élisabeth Pion est illustrée dans le premier mouvement, énergique, alors qu’on retrouve dans le deuxième, une ligne mélodique d’un très grand lyrisme évoquant Chopin, sans pour autant être dans les grandes envolées mélancoliques des Préludes ou des Nocturnes par exemple. Le troisième mouvement Rondo : Allegretto est résolument beethovénien dans son caractère avec ses cordes sautillantes et la place qu’il laisse au piano comme dans L’Empereur.

En deuxième partie du concert, Mathieu Lussier nous propose une reconstruction d’œuvres de Montgeroult. Ayant très peu composé pour orchestre, Lussier a décidé d’arranger sous forme d’ouverture, L’impératrice, plusieurs pièces de Montgeroult.

Le schéma typique vif-lent-vif et le choix d’orchestration nous permettent d’apprécier le langage de Montgeroult dans un territoire mozartien et beethovénien.

Le Concerto pour piano no 24 en do mineur de Mozart a été le théâtre d’un dialogue complice entre la soliste et le chef, mais où les vents nous ont semblé être un peu trop généreux dans l’amplitude sonore, faisant en sorte que le jeu d’Élisabeth Pion peinait à ressortir à certains moments.

Le concert Mozart et Montgeroult est présenté aujourd’hui, samedi ainsi que dimanche à la Salle Bourgie. Un concert qui vaut la peine de braver la pluie, ne serait-ce que pour découvrir la musique lumineuse d’Hélène de Montgeroult.

Off Jazz | François Bourassa en quartette et en duo, exemplaire !

par Alain Brunet

Jeudi au Ministère, le pianiste st compositeur François Bourassa donnait  le coup d’envoi du 24e Off Festival de jazz de Montréal, mis de l’avant à l’origine pour mettre de l’avant la communauté locale des artistes du jazz alors délaissés par le Festival international de jazz de Montréal –  contrairement aux années 80 et 90. Le positionnement du jazz local au FIJM se résume depuis lors à une série locale et quelques scènes extérieures, alors que l’OFF présente une trentaine de concerts chaque automne. Nous y voilà !

Programme double donc, côté François Bourassa.

Mis de l’avant par Philippe Côté, compositeur, arrangeur, improvisateur et saxophoniste, le projet Confluence consiste à aménager une œuvre composite impliquant les musiques contemporaines d’inspiration classique ou jazz. Endisqué à New York l’an dernier et très bientôt lancé sous étiquette Odd Sound, ce répertoire du duo met en commun leur intérêt pour l’exploration, notamment celui du piano préparé, une pratique rendue célèbre par l’Américain John Cage. La technique implique l’insertion d’objets dans les cordes du piano que gère la table d’harmonie. On obtient ainsi des sonorités inhabituelles, qui s’apparentent parfois au marimba. Les compositions au programme sont généralement simples et offrent une grande place à l’improvisation. Parfois deux pianos sont préparés, parfois un seul, les échanges peuvent impliquer deux pianos ou encore  saxophones (soprano ou ténor) et piano. Ces musiques laissent libre cours à l’improvisation libre mais l’harmonie (tonale ou modale) demeure présente tout au long de cette expérience.

En deuxième partie de programme, l’excellent quartette de François Bourassa reprenait du service à l’Off Festival de Jazz. Un quart de siècle de pratique a mené cet ensemble à une maturité exceptionnelle, voire une voie unique du jazz québécois sur l’entière planète jazz. La supravirtuosité du saxophoniste André Leroux et l’excellence compositionnelle de François Bourassa sont les clés de cette expression, qui repose néanmoins sur un impeccable soutien rythmique, gracieuseté de Guillaume Pilote et Guy Boisvert. Jeudi soir, nous avons (une fois de plus) pris la mesure de cette cohésion et de cette inspiration. Les connaissances profondes de François Bourassa en musique contemporaine de tradition classique et jazz l’ont mené à construire un langage virtuose libéré de tout carcan académique. Ce véhicule l’a mené à accomplir de petits miracles et l’album Swirl, sorti récemment sous étiquette Effendi, en démontre les avancées formelles car elles sortent très clairement du cadre habituel du jazz en petite formation.

Depuis les débuts du jazz moderne, les musiciens jouaient généralement un thème mélodique (head pour les intimes) avec l’accompagnement de la section rythmique, suivi d’une section dans laquelle tous les interprètes improvisaient des solos, puis revenaient à la mélodie d’intro au terme de l’exécution. Cette forme n’est plus exploitée (ou si peu) par François Bourassa, préférant inscrire les impros de ses collègues dans des structures différentes et variées. Encore une fois, on observe cette marche vers l’union des univers jazz et classique, un processus désormais inévitable. Chose certaine, François Bourassa en est une cheville ouvrière, au plus grand plaisir des mélomanes.

POP Montréal Jour 5 | Bonnie « Prince » Billy , seul et impérial sur scène

par Varun Swarup

En guise de dernier acte du festival Pop Montréal 2023, Bonnie « Prince » Billy a livré une performance qui a laissé au public du Rialto un fort sentiment d’émotion douce-amère.

Dès l’instant où il a gratté les premiers accords de New Partner, sa présence a attiré la foule comme des papillons de nuit vers une lumière incandescente. Sans groupe de soutien derrière lui, rien d’autre que son attitude attachante et sans prétention, associée à cet inimitable accent traînant du Kentucky, Bonnie « Prince » Billy a charmé tous les cœurs présents.

Pendant qu’il chantait, chaque mot et chaque syllabe avait un poids, laissant le public suspendus à ses lèvres, essayant de déchiffrer les profondeurs de son esprit poétique. Il a déballé un set tentaculaire, couvrant deux décennies de sa création musicale. Mais nous avons bien sûr eu droit à des chansons de son dernier album, Keeping Secrets Will Destroy You.

La magie de la soirée ne s’est cependant pas limitée uniquement à la performance de Bonnie « Prince » Billy. Commençant par le set d’ouverture de la chanteuse Beyries, toute la soirée ressemblait à un voyage dans une époque plus simple, rappelant néanmoins les riches traditions de la musique folk nord-américaine. La performance de Bonnie « Prince» Billy, avec sa narration intime et émotionnelle, était un clin d’œil aux troubadours folkloriques d’autrefois, transmettant leur héritage à l’ère moderne.

I AM X OSM ? Jubilatoire et… presque symphonique

par Alain Brunet

crédit photo: Antoine Saito

Depuis avril  2020, ce programme de I AM avec orchestre symphonique a été reporté trois fois, pour des raisons de pandémie, de résistance anti-vax au sein du groupe, d’agendas de tournée difficiles à gérer. Rappelons également que le concept I Am symphonique, référence absolue du rap français des années 1990-2000, est aussi québécois : arrangements de Blair Thomson et direction de Dina Gilbert. Rappelons que le même tandem a mené à bien un concept symphonique avec le rap keb, on ne peut mieux réussi.

Après tant d’attente, donc, 19 titres pour 1900 fans finis ! Alors on imagine d’emblée une ambiance d’enfer à la Maison symphonique de Montréal.  Quatre soirs  d’affilée cette semaine, I AM met de l’avant ses classiques, très majoritairement issus de L’école du micro d’argent qui demeure l’album de référence. 

Mardi soir, la foule était vendue d’avance, il aurait fallu une performance catastrophique pour que la déception l’emporte sur l’allégresse, la nostalgie jubilatoire, cet univers de samouraïs, pharaons, commandos de la diversité marseillaise, apôtres de la zone ayant trouvé leur voie dans le hip-hop.

À chacune des pièces au programme, la salle entière se levait systématiquement  et transformait la Maison symphonique en un immense club de nuit, ce qu’on observe rarement en ces lieux chics et de bon goût. Très majoritairement, les fans ont scandé les 12 morceaux de L’École du micro d’argent, tout comme le reste du répertoire puisé dans les opus Yasuké, Ombre est lumière, Rêvolution, Où je vis (Shurik’n), Sol Invictus (Akhénaton), Métèque et mat (Akhénaton). Sauf une paire de titres relativement récents, on se plongeait dans les années 1990, début 2000. 

Sobrement vêtus de noir, les rappeurs et chanteurs Akhenaton, Shurik’n, Kephren, Imhotep ainsi que leur DJ / producteur Kheops étaient accompagnés de 2 choristes (dont l’excellente Malika Tirolien) et, bien sûr, de l’OSM. Akhénaton et Shurik’n demeurent les principaux canons de cette artillerie lourde, tous les rappeurs et chanteurs de I AM manifestent  une maîtrise parfaite de leurs textes, de leur déclamation et de leur gestuelle. Les stars de I AM ont su nous rafraîchir la mémoire jusqu’en 1993, année de la sortie de leur mégatube  servi comme il se doit sur un fond funky-disco: le sommet de la courbe d’intensité fut atteint au 12e morceau, on a dansé à fond le Mia!

Toutefois… L’équilibre entre les voix, le beat, les sons du DJ et l’orchestre symphonique, est délicat, difficile à atteindre… et n’a pas été atteint mardi.

On nous a indiqué que le sonorisateur est lié au fameux groupe. Convenons que le mec peut être très compétent  dans les conditions normales d’un spectacle de rap mais… dans un contexte symphonique, il a raté la coche sauf dans les moments plus calmes du programme.

Dommage car les arrangements de Blair Thomson sont construits tels des motifs destinés à propulser l’orchestre en phase parfaite avec les rappeurs. L’arrangeur montréalais a même prévu donner à ses partitions ses consignes rythmiques en BPM au lieu du langage classique convenu (largo, lento, adagio, moderato, allegro, presto). Par ces procédés innovants, Blair Thomson évite qu’on se roule bêtement dans une moquette tonale et gnangnan; les choix harmoniques sont plus modernes, audacieux et contribuent à mener l’expérience du  rap symphonique à un niveau supérieur. Or ce travail rigoureux et inspiré doit être pris en compte dans l’exécution devant public et … le soundman de I AM ne semble pas avoir pigé l’affaire, du moins dans le contexte d’une première exécution montréalaise.

Enfin… visiblement, ces irritants ne semblent pas avoir  été ressentis par ce public ravi par la venue de I AM. La simple présence de l’OSM derrière cette escouade d’enfer suffisait à galvaniser la foule qui, sauf une minorité d’oreilles pointilleuses, n’y a vu que du feu.

LISTE DES PIÈCES ET VITESSE D’EXÉCUTION EN BPM (beat per minute)

1.  L’ÉCOLE DU MICRO D’ARGENT 90 BPM  – L’ÉCOLE DU MICRO D’ARGENT

2.  NÉS SOUS LA MÊME ÉTOILE 93 BPM –  L’ÉCOLE DU MICRO D’ARGENT

3.  BOUGER LA TÊTE 89.1 BPM L’ÉCOLE DU MICRO D’ARGENT

4. YASUKÉ 83 BPMYASUKÉ

5.  LA SAGA 87.7 BPML’ÉCOLE DU MICRO D’ARGENT

6.  SAMURAÏ 88 BPM OÙ JE VIS (SHURIK’N)

7.  CHEZ LE MAC 89 BPML’ÉCOLE DU MICRO D’ARGENT

8.  UN BON SON BRUT POUR LES TRUANDS 93 BPM  – L’ÉCOLE DU MICRO D’ARGENT

9.  MON TEXTE, LE SAVON 82 BPMSOL INVICTUS (AKHÉNATON)

10. INDEPENDENZA 89 BPML’ÉCOLE DU MICRO D’ARGENT

11. ELLE DONNE SON CORPS AVANT SON NOM 86.2 BPM –  L’ÉCOLE DU MICRO D’ARGENT

12. LE MIA 101.3 BPMOMBRE EST LUMIÈRE

13. LES MIENS 88 BPM  –  OÙ JE VIS (SHURIK’N)

14. PETIT FRÈRE 88 BPML’ÉCOLE DU MICRO D’ARGENT 

15. L’EMPIRE DU CÔTÉ OBSCUR 93 BPM L’ÉCOLE DU MICRO D’ARGENT

16. BAD BOYS DE MARSEILLE 84.5 BPMMÉTÈQUE ET MAT (AKHÉNATON)

17. QUAND TU ALLAIS, ON REVENAIT  87.8 BPM L’ÉCOLE DU MICRO D’ARGENT

18. GRANDS RÊVES, GRANDES BOÎTES 84 BPMRÊVOLUTION

19. DEMAIN C’EST LOIN 90 BPM –  L’ÉCOLE DU MICRO D’ARGENT

 IAM x OSM à la Maison symphonique de Montréal, les 4, 5 et 6 octobre

Dumas à la Place des Arts : Un vaisseau funky

par Claude André

C’est un Dumas à la fois super showman et humble gentilhomme que nous avons retrouvé samedi dernier à la Cinquième salle de la Place des arts dans le cadre de Cosmologie, son nouveau spectacle.

Après une tournées en solo et une autre que célébrait les vingt du mythique album Le cours des jours pendant la période pandémique, le sympathique Dumas renouait avec le public montréalais le week-end dernier histoire de dégoupiller ses nombreux tubes glanés parmi ses douze albums en compagnie des chevronnés musiciens.

Le claviériste Gabriel Godbout-Castonguay de la formation Les Louanges dont la tournée vient de s’achever ; Philippe Beaudin, l’homme-pieuvre aux percus qui a triomphé à Nice cet été avec The Brooks ;  Marc-André Larocque, le vieux complice perdu puis retrouvé aux baguettes ; et le solide François Plante à la 4 cordes. 

Comme pour nous remercier d’avoir accepté trois nouvelles chansons d’entrée de jeu, car c’est bien connu, on veut des hits, Dumas a introduit son classique J’erre après une longue intro musicale question de nous faire languir. Puis, rappel du temps qui passe, le chanteur de Victo a semblé étonné lorsque, tandis qu’il tendait l’oreille, une spectatrice a balancé à la fin de la ligne rappelle moi le jour de tes… un senti « 45 ans », plutôt que le « 25 » attendu de la version originale!

Un titre hyper accrocheur qui devait faire décoller le vaisseau dumassien vers des galaxie funky ainsi que des nébuleuses technos parsemées d’éclipses chansonnières revisitant ainsi deux décennies de succès hertziens. Y allant même d’intrusion dans sa période où, dit-il, « il s’était perdu en studio». 

Résultat? Bien que la Cinquième salle n’ait rien d’un cabaret où valsent les bouteilles de blonde pétillante, le public, composé aussi de plusieurs têtes grises, a passé plus de temps à danser qu’assis sur son fauteuil. 

Vers la fin du spectacle, Dumas, bon enfant, comme pour nous survolter davantage, a enfilé sa guitare qui flashe et ses lunettes multicolores scintillantes histoire de se la jouer extra-terrestre en se baladant dans la salle. Pour notre plus grand bonheur, certes, mais surement celui d’une gamine qui a pu gratter la guit’ interstellaire pendant Vertigo. Elle en parlera sans doute à ses enfants dans… vingt-cinq ans. 

Un gimmick classique, mais toujours efficace, tandis que l’auteur de ce texte, sourire en coin, se disait « M sort de ce corps ».

Le tout s’est conclu par un généreux rappel composé, notamment, de la magnifique Linoléum dont nous la foule a repris en chœur, dont votre serviteur, une fois l’éclair de cynisme passé, la ligne phare « oublie moi y’a plus personne, j’ai coupé le téléphone » comme s’il s’agissait d’un mantra. 

Soulignons au passage les très beaux éclairages, issus de la scène elle-même, signés François Lévesque qui reproduisaient, parfois, le moment où la lune vient cacher le soleil histoire de magnifier le ciel de nos banalités. 

Bref, il nous l’a confirmé samedi, au sein du corpus québécois, Dumas n’aura pas été qu’une nébuleuse, mais bien un météore.

Orchestre Philharmonique du Québec, sacrilège à l’horizon ?

par

Sous la gouverne du violoniste virtuose Alexandre Da Costa, l’Orchestre Philharmonique du Québec tente de donner une nouvelle identité à ce qui fut l’Orchestre symphonique de Longueuil, avec la controverse que l’on sait – démissions en bloc, conflit de travail, désaffection financière de la municipalité, mauvaise presse du côté de la critique patentée, enfin bref la controverse.

Plutôt que de poursuivre la voie « normale » d’un soliste classique de talent, à qui on a confié un Stradivarius pour des raisons évidentes, Alexandre Da Costa a légitimement choisi cette voie hybride qui peut mener au meilleur comme au pire. Dans le cas qui nous occupe, tout est question de direction artistique et de qualité d’exécution. Les transgressions sont toutes bienvenues lorsqu’elles sont concluantes, aucun sacrilège à l’horizon.

Contre vents et marées, donc, la direction artistique de l’OPQ persiste et signe. On a pu le constater au Théâtre Maisonneuve dimanche dernier, l’approche s’inspire des orchestres symphoniques dédiés au grand public via un répertoire d’évidences classiques et pop. Après tous les reproches adressés à sa direction, après la démission de près de la moitié de l’orchestre, Da Costa et sa quarantaine de musiciens (dont plusieurs nouvellement embauchés) se produisaient devant un parterre bien garni et diversifié au Théâtre Maisonneuve. Et ce parterre a chaudement applaudi au terme de ce premier concert de l’orchestre transmuté.

Pour les férus de musique classique, l’approche demeure  suspecte : il serait inacceptable d’entrelarder les mouvements d’une symphonie, soit l’incontournable  9e de Beethoven avec des airs populaires archi-connus de quiconque: Amazing Grace, Ne touchons pas à la beauté du monde, etc. D’origines juive, antillaise autochtone, québécoise de souche et plus encore, les solistes et choristes témoignent de notre diversité culturelle, en soi un geste progressiste de l’OPQ.

Ainsi, le Finale de la fameuse 9e et son célébrissime Hymne à la joie porte le texte d’un auteur québécois, Louis-Philippe Hébert. De plus, l’exécution de ce quatrième mouvement n’était pas assortie d’un choeur classique mais plutôt d’un combo de chanteuses et chanteurs de différentes allégeances et formations musicales, de la soprano Sharon Azrieli à la chanteuse soul/R&B/gospel Yama Laurent en passant par la chanteuse pop Éléonore Lagacé (visiblement éduquée au chant lyrique) ou l’auteur-compositeur-interprète folk-pop Shauit, de la Nation innue. Fait à noter,les solistes recrutés étaient de formation classique  mais tendaient  à se fondre dans l’expression de leurs collègues pop.

Au-delà de cette particularité intéressante, l’exécution de la charpente de ce programme (la 9e) n’était pas exemplaire, plutôt mince mais correcte, on imagine que  l’OPQ devra jouer plusieurs fois avant d’acquérir le son souhaité par son chef et soliste, à condition bien sûr que le climat de travail redevienne optimal au cours des mois à venir.

On peut aussi présumer que la portion congrue du public présent au coup d’envoi de l’OPQ n’a rien à cirer de ces considérations, et que l’orchestre peut vraiment espérer conquérir un auditoire beaucoup plus vaste que celui de l’ancien Orchestre symphonique de Longueuil. Pour le meilleur ou pour le pire ? Cela reste à voir et nous y verrons.

Pop Montréal Jour 5 | Tangerine Dream, un brin ennuyeux…

par Varun Swarup

POP Montréal est sans aucun doute l’un des événements majeurs de l’automne pour les vrais amateurs de musique. Du mercredi 27 septembre au dimanche 1er octobre, des dizaines et des dizaines de découvertes et d’acclamations d’artistes nichés dans la pop se déroulent à Montréal. Suivez l’équipe de PAN M 360 jusqu’à dimanche !

Tout musicien qui a songé, ne serait-ce que de loin, à expérimenter les synthétiseurs pour obtenir des sons spatiaux doit beaucoup à Tangerine Dream, un groupe qui a 56 ans et qui, d’une manière ou d’une autre, est toujours en pleine forme. En tout cas, sous une forme différente.

Formé en 1967 par Edgar Froese à Berlin-Ouest, Tangerine Dream a été un projet important pour le développement du Krautrock, de la Kosmische Musik et d’autres genres qui s’appuyaient sur des instruments de synthétiseurs. Avec des groupes comme Kraftwerk et Pink Floyd, Tangerine Dream a contribué à populariser le synthétiseur, en particulier la série Moog, en créant de longs paysages sonores électroniques. Les films, les livres et les séries télévisées, comme la populaire épopée de Netflix, Stranger Things, citent tous Tangerine Dream comme une influence. En fait, c’est l’un des groupes les plus importants de l’histoire de la musique des 20e et 21e siècles.

Le groupe a connu une rotation de près de 30 membres et, depuis 20 ans, il est piloté par le leader Thorsten Quaeschning – qui a été le successeur choisi de Froese après son décès en 2015.Un jeune synthétiseur, Paul Frick, a rejoint le groupe il y a trois ans, et Hoshiko Yamane est arrivée au violon il y a 12 ans. C’est donc ce trio qu’est Tangerine Dream aujourd’hui et c’est ce que nous avons vu le dernier jour de Pop Montréal à l’Olympia, et c’était… bien.

Je dois dire que certains mouvements du répertoire de Tangerine Dream, qui ne cesse de s’étendre, ont de l’allure, comme le  » Los Santos City Map  » de 2019, tiré du jeu vidéo populaire Grand Theft Auto V. Pourtant, la plus grande partie de ce concert, qui a duré presque deux heures sans ouverture, s’est déroulée sans but précis.Je crois que j’aime bien plus de variations dans ma synth-wave que des arpèges oscillants de huit minutes qui sont légèrement modifiés par un violon électro cool.

Alexandre Da Costa et l’Orchestre philharmonique du Québec: sacrilège à l’horizon ?

par Alain Brunet

Sous la gouverne du violoniste virtuose Alexandre Da Costa, l’Orchestre Philharmonique du Québec tente de donner une nouvelle identité à ce qui fut l’Orchestre symphonique de Longueuil, avec la controverse que l’on sait – démissions en bloc, conflit de travail, désaffection financière de la municipalité, mauvaise presse du côté de la critique patentée, enfin bref la controverse.

Plutôt que de poursuivre la voie « normale » d’un soliste classique de talent, à qui on a confié un Stradivarius pour des raisons évidentes, Alexandre Da Costa a légitimement choisi cette voie hybride qui peut mener au meilleur comme au pire. Dans le cas qui nous occupe, tout est question de direction artistique et de qualité d’exécution. Les transgressions sont toutes bienvenues lorsqu’elles sont concluantes, aucun sacrilège à l’horizon.

Contre vents et marées, donc, la direction artistique de l’OPQ persiste et signe. On a pu le constater au Théâtre Maisonneuve le dimanche1er octobre dernier, l’approche s’inspire des orchestres symphoniques dédiés au grand public via un répertoire d’évidences classiques et pop. Après tous les reproches adressés à sa direction, après la démission de près de la moitié de l’orchestre, Da Costa et sa quarantaine de musiciens (dont plusieurs nouvellement embauchés) se produisaient devant un parterre bien garni et diversifié au Théâtre Maisonneuve. Et ce parterre a chaudement applaudi au terme de ce premier concert de l’orchestre transmuté.

Pour les férus de musique classique, l’approche demeure  suspecte : il serait inacceptable d’entrelarder les mouvements d’une symphonie, soit l’incontournable  9e de Beethoven avec des airs populaires archi-connus de quiconque: Amazing Grace, Ne touchons pas à la beauté du monde, etc. D’origines juive, antillaise autochtone, québécoise de souche et plus encore, les solistes et choristes témoignent de notre diversité culturelle, en soi un geste progressiste de l’OPQ.

Ainsi, le Finale de la fameuse 9e et son célébrissime Hymne à la joie porte le texte d’un auteur québécois, Louis-Philippe Hébert. De plus, l’exécution de ce quatrième mouvement n’était pas assortie d’un chœur classique mais plutôt d’un combo de chanteuses et chanteurs de différentes allégeances et formations musicales, de la soprano Sharon Azrieli à la chanteuse soul/R&B/gospel Yama Laurent en passant par la chanteuse pop  Éléonore Lagacé (visiblement éduquée au chant lyrique). Fait à noter,les solistes recrutés étaient de formation classique  mais tendaient  à se fondre dans l’expression de leurs collègues pop.

Au-delà de cette particularité intéressante, l’exécution de la charpente de ce programme (la 9e) n’était pas exemplaire, plutôt mince, on imagine que  l’OPQ devra jouer plusieurs fois avant d’acquérir le son souhaité par son chef et soliste, à condition bien sûr que le climat de travail redevienne optimal au cours des mois à venir.

On peut aussi présumer que la portion congrue du public présent au coup d’envoi de l’OPQ n’a rien à cirer de ces considérations, et que l’orchestre peut espérer conquérir un auditoire beaucoup plus vaste que celui de l’ancien Orchestre symphonique de Longueuil. Pour le meilleur ou pour le pire ? Cela reste à voir et nous y verrons.

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