Depuis déjà trois décennies, Arthur H revient régulièrement à Montréal. On aurait pu se lasser de sa voix cendrée et graveleuse, de ses envolées de fausset, de son humour absurde parfaitement maîtrisé, de son verbe tendre ou coriace, de son propos saignant ou bien cuit, de ses capacités à improviser devant public et modifier le cours des choses devant nous.
Eh non, on ne s’est pas lassé. Encore en 2023, chaque rencontre avec Arthur H a son lot d’étonnement, de surprise, de magie, de rires et de grâce.
Au Studio TD (XYZ), il se présente en quartette un lundi soir des Francos, lui au clavier et mélodica, son collègue de toujours Nicolas Repac aux guitares, Pierre Lebourgeois au violoncelle pizzicato et arco, Raphaël Séguinier aux percussions.
Le répertoire est entamé en toute souplesse par de parfaits complices, nous avons ici affaire à un maître dans l’art de nous faire voyager dans les humeurs humaines, dans les enjeux existentiels « âprement exquis », dans La vie comme l’indique le titre de son tout récent album et dont il présentera plusieurs titres en persillant le tout de classiques, dont L’Autre côté de la lune (Dark Side of the Moon, clin d’oeil à Pink Floyd) , Adieu tristesse, La boxeuse amoureuse, la Caissière du Super, L’étoile et autres La plus triste des chansons.
Le prisme d’Arthur H est poétique, adapté à la forme chanson, excellent communicateur. Il annonce à ses fans hilares qu’il vient à MTL pour la première fois, il se plaindra plus tard d’un « grand problème » à Montréal d’une pénurie locale de ukulélés, enfouis jadis au fond de l’océan avec le naufrage du Titanic (qui a coulélé, on s’en doute bien), il évoquera ce roi de France (Emmanuel Macron) que les Français haïssent « pour le plaisir » et cette reine de France qu’on adore, soit Brigitte Fontaine (« mystérieuse guerrière », « funambule préférée » qui fut d’ailleurs une grande amie de son défunt père Jacques), et ainsi de suite.
Près de deux heures de croisière aux teintes africaines, jazz, latines, classiques impressionnistes, pop psychédélique ou funky disco, le tout enchaîné sans efforts apparents, en toute volupté. Toujours brillant, toujours inspiré, toujours coulant, « smooth operator » devant l’Éternel, Arthur H a encore à dire, à chanter et à jouer.