Dans le cadre de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, notre collaboratrice Léa Dieghi s’est entretenue avec le collectif Women of the Industry, événement où Regularfantasy, Karaba, Ekitwanda et Duchess se produiront ce samedi. Le spectacle comprendra un mélange de performances de DJ, de projets VJ et d’actes burlesques, offrant des performances sensuelles et pleines d’énergie tout au long de la nuit, le tout dirigé, bien sûr, par des femmes. En fournissant des informations clés sur leur organisation, ainsi que sur le rôle des femmes dans l’industrie de la musique, nous allons plonger ensemble dans leur vision du monde actuel en tant qu’artistes au féminin.
PAN M 360 : Pouvez-vous nous en dire plus sur votre organisation ? Quand a-t-elle été créée et quelles sont les figures clés de votre collectif ?
Women of the Industry:Women of the Industry a commencé il y a quatre ans, sous l’impulsion d’une de nos membres, Elisa. Elle souhaitait organiser un événement le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, pour célébrer et soutenir les femmes de l’industrie de la nuit. L’année suivante, Elisa, que ses amies surnommaient Zaza, a approché Catherine et Margaux, créatrices du PeachClub, pour les aider à organiser la première édition complète. Cette version met à l’honneur une programmation exclusivement féminine composée de DJs, de performeuses de burlesque et de commerçants locaux, faisant de l’événement une véritable célébration du rôle des femmes dans la scène parisienne. Elle est coproduite chaque année avec Moment Factory depuis deux ans.
PAN M 360 :Votre concept tourne autour du rôle des femmes dans l’industrie de la musique électronique, n’est-ce pas ? Quelle est la genèse de cette idée ?
Women of the Industry: La réalité de la place des femmes dans l’industrie de la vie nocturne est, pour le moins, problématique. Un rapide coup d’œil sur notre page Instagram (@womenoftheindustry) révèle des statistiques éloquentes sur l’écart persistant entre les hommes et les femmes. Par exemple, à l’échelle mondiale, seulement 30 % des réservations de festivals étaient faites par des femmes, contre 58,5 % par des hommes. En 2023, aux États-Unis, seuls 6,5 % des producteurs de musique étaient des femmes, et l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes reste de l’ordre de 20 %, même les femmes de haut rang gagnant moins que leurs homologues masculins pour le même travail. Lorsque l’on considère ces statistiques et le climat politique général, on comprend pourquoi nous estimons qu’il est essentiel de créer des événements qui amplifient la voix des femmes et leur donnent l’espace qu’elles méritent.
PAN M 360: Quels sont les spectacles prévus pour cette édition ? Quel type d’atmosphère souhaitez-vous créer ?
Women of the industry: Comme l’année dernière, nous collaborerons avec Arabesque Burlesque, une école de burlesque bilingue basée à Montréal qui adopte une approche féministe inclusive et intersectionnelle dans sa programmation. Ils offriront des performances sensuelles et pleines d’énergie tout au long de la soirée, y compris des gogo-danseurs et des numéros burlesques en solo et en duo. Ces performances seront rehaussées par un projet VJ révolutionnaire créé par l’équipe d’innovation de Moment Factory, dirigée – bien sûr – par une femme. Ce projet combine la technologie de l’intelligence artificielle avec la création et la projection d’images en temps réel, immergeant les fêtards dans une atmosphère visuellement stupéfiante où les artistes et le public se mélangent de manière transparente. Notre objectif est de créer une expérience inoubliable sur le dancefloor, qui soit à la fois immersive, inclusive et électrique.
PAN M 360: Quelle est votre vision à long terme pour les femmes de l’industrie ? Qu’espérez-vous réaliser ?
Women of the Industry : Au fond, l’objectif des Femmes de l’industrie est de donner aux femmes une plateforme, de les aider à nouer des liens, à créer de nouvelles opportunités et à atteindre leur plein potentiel dans cette industrie et au-delà. Pour rester au courant de ce qui se passe, nous vous encourageons à suivre PeachClub (@tastethepeach) et Elisa (@turnt) sur Instagram. N’oubliez pas non plus de suivre la merveilleuse Regularfantasy, sur Instagram, mais aussi sur Bandcamp, Spotify et Soundcloud.
Imaginée par la conteuse et librettiste abénakise Nicole O’Bomsawin et la compositrice Alejandra Odgers, Nanatasis pagaie sur les vastes réservoirs de trois légendes traditionnelles abénakises. S’y déroulent les récits de la Grand-mère Marmotte, les aventures épiques de Klosk8ba, garçon devenu homme, homme devenu héros. Création du monde à partir du premier son d’un hochet. Orignal géant et redoutable (Moz) que Klosk8ba réduit à sa taille d’objet usuel d’aujourd’hui. Hiver sans fin qui fait enfin place au printemps. Voilà les thèmes de trois légendes réunies dans cette œuvre commandée par Musique 3 Femmes, en coproduction avec l’ensemble de percussions Sixtrum et dirigée par le metteur en scène et scénographe métis Troy Hourie. Onze musiciens et quatre marionnettistes donnent vie au concept, le samedi 8 mars et le dimanche 9 au Théâtre Outremont. Dans le contexte de La Semaine du Neuf, la mezzo-soprano Kristin Hoff et la compositrice Alejandra Odgers accordent une interview à Alexandre Villemaire pour PAN M 360. L’œuvre fut présentée en collaboration avec Le Vivier en mai 2024, la revoilà dans le contexte de la Semaine du Neuf.
PAN M 360 :Nanatasis est un projet commandé par Musique 3 Femmes, la compagnie que vous dirigez avec la compositrice Luna Pearl Woolf et co-fondée en 2018 avec Suzanne Rigden et Jennifer Szeto. Pour qui ne connaît pas votre organisme, quelle est sa mission et qu’est-ce qui vous a incité à le fonder?
Kristin Hoff : Le projet M3F est né d’un désir de voir les femmes occuper davantage de postes de direction dans l’opéra. De voir les femmes prendre plus de place dans les rôles de créatrices d’opéra, de metteures en scène, de cheffes d’orchestre, de directrices de compagnie. Nous avons axé notre travail sur la création avec le prix bisannuel de commande et de développement, le Mécénat Musica Prix 3 Femmes. Cela signifie que c’est en soutenant les créateurs d’opéra – compositrices et librettistes – que nous avons eu le plus d’impact. Si nous voulions faire entendre des voix féminines dans l’opéra, c’est en partie parce que nous voulions entendre des histoires écrites par des femmes, où les femmes peuvent également être au centre de ces histoires, au lieu d’être victimes ou secondaires par rapport aux hommes, comme c’est souvent le cas dans l’opéra traditionnel.
Cela dit, d’une manière plus générale, il nous tient vraiment à cœur d’apporter de nouvelles histoires sur les scènes d’opéra, de soutenir des voix qui n’ont pas encore été entendues sous cette forme. C’est pourquoi nous avons ouvert notre prix MMP3F à des candidats non binaires, et nous avons également ouvert une catégorie BIPOC, afin de nous assurer que nous soutenons également des voix culturellement diverses.
PAN M 360 : Que raconte Nanatasis?
Kristin Hoff : Créé par la conteuse et librettiste abénakise Nicole O’Bomsawin et la compositrice Alejandra Odgers, Nanatasis nous entraîne dans un voyage à travers trois légendes traditionnelles abénakises, grâce aux récits de la sage Grand-mère Marmotte et aux aventures passionnantes de Klosk8ba, un garçon devenu homme et héros. Ces légendes nous racontent l’histoire de la création du monde, à partir du premier son d’un hochet, un moz [orignal] géant et terrifiant que Klosk8ba réduit à sa taille d’objet usuel d’aujourd’hui, et celle d’un hiver sans fin qui fait place au printemps.
PAN M 360 : Alejandra, comment cette collaboration avec Nicole O’Bomsawin a-t-elle commencé?
Alejandra Odgers : En 2007, pendant mes études de doctorat j’avais décidé de composer une pièce basée sur des chants des indigènes de mon pays d’origine, le Mexique. C’était le printemps, et j’étais dans une étape de recherche de textes quand j’ai décidé d’aller manger à une cabane à sucre. J’ai entendu qu’à la Maison des peuples autochtones au Mont St-Hilaire on y offrait un repas aux saveurs amérindiennes et qu’il y avait une femme abénakise qui présentait une animation avec des chants et des danses. Aimant les cultures de partout dans le monde, il n’en fallait pas plus pour me convaincre que c’était l’endroit où je voulais aller. Et cette femme abénakise était Nicole. Je suis tombée amoureuse de sa culture, de ses chants et j’ai fini par lui demander si elle acceptait que j’enregistre ses chants pour pouvoir composer une pièce pour orchestre symphonique avec eux. Généreuse comme elle est, elle a accepté et cela a été le début d’une amitié et d’une collaboration qui dure depuis 18 ans et qui a permis la naissance d’au moins quatre de mes œuvres.
PAN M 360 : Qu’est-ce qui a guidé votre inspiration et votre choix de l’instrumentation qui fait essentiellement appel à un ensemble de percussions et flûtes?
Alejandra Odgers : Lors de la longue entrevue que j’ai faite à Nicole en 2007, j’ai appris que les Abénakis utilisaient comme instruments le hochet, le tambour, des bâtons de bois et aussi parfois la flûte. Alors, quand le temps de penser à l’instrumentation de l’opéra est arrivé, le choix était déjà fait : Instruments de percussion et flûte. J’ai décidé d’avoir quatre percussionnistes afin d’avoir un musicien dans chaque coin de la scène, et avoir un effet quadriphonique qui en même temps représentait les quatre points cardinaux.
PAN M 360 :Avez conçu la musique comme une trame narrative unique ou bien chacune des trois légendes porte-t-elle une signature musicale particulière?
Alejandra Odgers : En fait, c’est un peu les deux. Il s’agit de trois légendes qui pourraient être indépendantes. Mais, pour l’écriture du livret et pour la composition on a créé des fils conducteurs qui créaient un lien entre les trois légendes. Du côté de l’instrumentation, bien qu’il s’agît toujours de quatre percussionnistes et la flûte, chaque légende à « sa couleur ». Pour la légende de la création, l’instrument principal est le hochet; pour celle de Moz, les tambours (en bois et des peaux) et pour Pebon et Niben les percussions de métal.
PAN M 360. : Une première présentation d’extraits de Nanatasis a eu lieu le 30 mai 2024 à la Salle Bourgie dans le cadre d’un concert honorant les autres lauréates de l’appel d’œuvres que vous aviez lancées en 2022 et leur création (Je suis fille de la fille, Analía Llugdar & Emné Nasereddine ; Raccoon Opera (Rebecca Gray & Rachel Gray). Y a-t-il des différences entre ce moment et la représentation du 8 mars et comment l’œuvre a-t-elle gagné en maturité ?
Kristin Hoff : Le spectacle de Bourgie nous a permis de présenter une seule légende dans une version essentiellement musicale. Quelques marionnettes étaient également présentes lors du spectacle, ainsi que des vidéos et des éclairages. Il s’agit ici de la version intégrale – la vraie. Les trois légendes sont présentées sur une scène magnifique avec un plancher peint, des écrans en peau d’animal, l’île des Abénaquis, avec toutes les marionnettes, les costumes, les danses traditionnelles abénaquises, les ombres chinoises, la conception vidéo et une mise en scène complète – le spectacle complet avec tout ce qu’il y a de plus beau et de plus beau !
Alejandra Odgers : Aussi, depuis la présentation de l’année passée, on a peaufiné le fil narratif qui parcourt les trois légendes. Et du côté musical, on sent que les chanteurs se sont approprié leurs personnages et les musiciens connaissent vraiment la musique, les légendes. Tout est plus cohérent.
PAN M 360 : À partir de quel moment l’idée s’est présentée d’impliquer dans le concert le Festival de Castelliers?
Kristin Hoff : J’ai rencontré Louise Lapointe, directrice artistique de Casteliers, il y a environ 18 mois, alors que nous collaborions à un projet de résidence pour d’autres créateurs. Je lui ai parlé du projet sur lequel nous travaillions, un opéra de marionnettes qui mettrait en scène trois légendes abénaquises et qui serait notre première incursion dans le domaine de l’opéra de marionnettes. Elle a été séduite par l’idée et m’a demandé de lui envoyer plus de détails. Le reste appartient à l’histoire !
PAN M 360 : Kristin, en tant qu’interprète dans l’opéra, mais aussi en tant que directrice de production de celui-ci, que retenez-vous comme expérience humaine dans le processus de création de cette œuvre avec les divers intervenants?
Kristin Hoff : Ce fut une belle occasion de partage à bien des égards. N’étant pas une organisation autochtone, M3F a abordé ce projet avec beaucoup d’humilité. Mais Nicole O’Bomsawin a ouvert sa culture et ses histoires pour que nous puissions tous y pénétrer et y prendre part. Elle pense que c’est la meilleure façon de les comprendre, de les connaître et de les aimer. Cette générosité est très particulière. Je lui suis profondément reconnaissante, ainsi qu’aux populations indigènes qui ont contribué à la réalisation de ce projet et qui l’ont partagé de cette manière.
PAN M 360 : Et vous Alejandra, que retenez-vous comme expérience humaine dans le processus de création de cette œuvre avec les divers intervenants?
Alejandra Odgers : Je crois que peu de choses me touchent plus que de voir comment des gens qui viennent d’origines diverses, et parlent différentes langues peuvent travailler ensemble et donner le mieux d’eux-mêmes pour créer ensemble quelque chose de beau. Dans ce cas-ci, les légendes abénakises. C’est incroyable le nombre de personnes impliquées dans un projet comme celui-ci qui se voulait « un petit opéra de chambre ». Collaboration, partage, entraide, ouverture, écoute, patience et respect (des points de vue et des rythmes d’autrui) étaient de mise. Arriver à le faire, dans un projet de longue haleine comme celui-ci, c’est du bonheur et me donne de l’espoir dans le monde compliqué où nous habitons aujourd’hui.
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Si vous ne le savez pas encore, ce qui est malheureusement fort possible vu la sous-diffusion chronique des musiques de création dans la sphère médiatique, le superbe quatuor de saxophones Quasar commémore 30 ans d’existence. Reconnu mondialement pour sa haute virtuosité et pour son inclination aux œuvres de notre temps dans le réseau des expressions contemporaines en musique, Quasar est un membre actif du Vivier. On comprendra pourquoi Quasar a l’insigne honneur de présenter le concert d’ouverture à la troisième Semaine du Neuf, ce samedi 8 mars. Pour ce, Alain Brunet a interviewé l’excellente saxophoniste Marie-Chantal Leclair, directrice artistique de Quasar.
PAN M 360 : Ce programme présente en première nord-américaine trois œuvres lituaniennes, contrastées et fortes en évocations: Calligrammes (Kristupas Bubnelis), Trauma (Mykolas Natalevičius) et Azaya (Egidija Medekšaitė). Pourquoi ces choix lituaniens? Un thème?
Marie-Chantal Leclair: En octobre 2024, Quasar a présenté trois concerts en Lituanie. L’un de ces concerts avait lieu à Vilnius, dans le cadre du Festival d’automne organisé par l’Association des compositeurs lituaniens. Le Festival a commandé à notre intention trois pièces aux compositeurs Kristupas Bubnelis et Mykolas Natalevičius et à la compositrice Egidija Medekšaitė. Nous avons eu la chance de travailler avec eux et elle sur place avant de les créer en concert. Nous avons découvert trois univers musicaux singuliers et inspirés que nous présentons maintenant à Montréal, convaincus de l’importance de faire entendre les voix de ces trois artistes.
Le thème du festival « Global issues, Theories of Survival » faisait référence aux grands enjeux planétaires, géopolitiques, climatiques et technologiques, qui bousculent et fragilisent notre monde. Comment ces enjeux résonnent-ils dans les œuvres des compositeurs, dans le monde de la musique et dans la façon dont le public la reçoit ? C’est sous ce thème que les deux compositeurs et la compositrice ont imaginé leur pièce, chacun se l’appropriant à sa façon. J’ai voulu partager ces œuvres avec notre public montréalais mais j’ai aussi voulu partager ce thème et la réflexion qui l’accompagne, persuadée qu’ici aussi (à plus de 6000 km de Vilnius), il résonne, et que ces préoccupations sont aussi les nôtres.
PAN M 360: « Le quatuor de saxophones Quasar poursuit ses collaborations internationales et aborde avec sensibilité les grands enjeux de notre monde », annonce le programme officiel du Vivier. Qu’entendez-vous par les grands enjeux de notre monde? On sait qu’il y en a pas mal ces jours-ci!
Marie-Chantal Leclair : Les enjeux sont climatiques, économiques, technologiques, socio-politiques, à la fois locaux et internationaux. Nous les abordons avec beaucoup d’humilité. En fait nous tendons une perche, proposons un moment de réflexion, nous essayons de créer une occasion. Le titre du concert réfère à nos peurs devant ces « défis planétaires », devant l’ampleur de la menace. Nous espérons qu’ensemble, nous pourrons mieux les affronter, ou à tout le moins se retrouver dans un espace de dialogue et de solidarité, porteur de sens et d’espoir.
PAN M 360: « Le titre Tout ce qui m’épouvante est tiré d’un poème de Guillaume Apollinaire, dont certains extraits sont récités dans la pièce de Kristupas Bubnelis. Cette citation évoque nos peurs, nos terreurs, dans ce monde de défis mondiaux, mais aussi le pouvoir salvateur et nécessaire de l’art. » Inutile d’ajouter que ce thème arrive à point nommé dans le contexte global mais… peut-on savoir ce qui vous a incité à qualifier ce programme prévu à la Semaine du Neuf?
Marie-Chantal Leclair : Je suis intéressée par l’aspect poétique du titre, son pouvoir d’évocation (c’est un extrait du poème d’Apollinaire) et en même avec son lien brutal avec une réalité non moins brutale. « Tout ce qui m’épouvante » nous renvoie à la fois à l’intime et à la situation extérieure. Les musiciens, les artistes ne sont pas déconnectés du monde, nous ne vivons pas dans des bulles. Même sans faire de nos œuvres des manifestes, nous sommes touchés, affectés comme tous les autres citoyens et citoyennes. La salle de concert n’est pas imperméable au monde extérieur, même si l’art peut être un refuge, un espace de liberté. On ne peut pas faire comme si de rien n’était, autant créer un espace ouvert aux échanges.
Quelques mois après le Festival de Vilnius, alors que nous sentons la pression continuer de monter, nous nous posons nous aussi aujourd’hui les questions suivante :
Quelle est l’influence des grands enjeux planétaires sur la musique des compositeurs d’aujourd’hui?
Peut-on, doit-on en faire abstraction?
Nous divisent-ils, ou nous unissent-ils?
Comment ces enjeux résonnent-ils dans les œuvres des compositeurs, dans le monde de la musique et dans la façon dont le public reçoit la musique.
Le 11 mars, d’ailleurs, une table ronde réunissant différents artistes de la Semaine du Neuf abordera ces questions.
PAN M 360: Au fil du temps, Quasar a tissé des liens avec plusieurs réseaux d’artistes à l’étranger. Comment évaluez-vous l’importance de ces réseaux dans l’édifice de vos réalisations?
Marie-Chantal Leclair: C’est un impact majeur pour nous et aussi je l’espère pour notre communauté. Ça remonte à loin, notre première tournée internationale a eu lieu en 2006, et ça a pris une importance grandissante avec le temps. Ce qui m’intéresse c’est le dialogue artistique et humain, l’échange. Nous avons la chance de côtoyer une grande communauté d’artistes, interprètes, compositeurs, commissaires, etc. un peu partout dans le monde. Ils ont beaucoup nourri notre démarche artistique mais toujours en résonance et en dialogue avec notre forte appartenance au milieu montréalais et québécois des musiques nouvelles qui est d’une très grande vitalité créative. Tous ces contacts influencent notre vision du monde dans sa globalité. L’étranger devient un ami pour toujours.
PAN M 360: Pourriez-vous développer brièvement sur chacune de ces 3 œuvres « fortes en évocation »? Un mot sur leurs compositeurs.trices? La nature et les enjeux de ces 3 œuvres? Mykolas / Trauma : Librement inspiré du phénomène du syndrome post-traumatique, cette pièce est une succession de moment de détente et de montées de tension, de consonances et dissonances, symbolisant une douleur croissante vers une possible guérison appuyé par un continuum de sonorité très soutenues, intenses, riches et complexes.
Kristupas / Calligrammes : Un flux poétique et musical débridé, impétueux, virtuosité et contrastes extrêmes. Toute une « ride ».
Egidija / Asaya: Musique avec bande électronique fondée sur des drones évoquant le bourdonnement des abeilles. Peu à peu les sonorités harmonieuses se transforment en chaos. Un geste fort, direct, coup de poing. Avec une vidéo, créée par Lukas Miceika, dont les images évoquent le moteur du drone Predator.
Une quatrième pièce du compositeur lituanien Vykintas Baltakas est au programme, c’est une œuvre plus ancienne que nous avons créée suite à une rencontre inattendue avec le compositeur au Festival de Witten (Allemagne). Inspirée de l’oiseau mythique le phénix, qui renaît de ses cendres de façon cyclique, j’aime croire qu’elle symbolise notre capacité à renaître en tant qu’humanité.
PAN M 360: S’ajoute l’œuvre The Saxophone Quartet/While Flying Up, de la compositrice ukrainienne Alla Zagaykevych, coup de cœur du quatuor, qui rend hommage à la lutte du peuple ukrainien. Nous sommes toujours en Europe de l’Est et on sait ce qui vient de se produire à Washington avec cette humiliation/embuscade du président Zelinsky. Alors comment voyez-vous cette œuvre dans le contexte? Et quelles sont les caractéristiques principales et les enjeux d’interprétation de cette œuvre? Marie-Chantal Leclair: Nous avons rencontré Alla dans le cadre de sa résidence au Vivier en 2022, soit au début de la guerre. Ce fut une très belle rencontre artistique et humaine. C’est une grande artiste et une femme d’un courage extraordinaire. Après sa résidence à Montréal, elle est retourné à Kiev où elle continue sa vie d’artiste et de pédagogue. Porter la voix des artistes ukrainiens, c’est rendre hommage à la qualité de leur art et aussi une façon de les humaniser, de leur donner une place dans le monde, de porter leur voix.
C’est une pièce d’une très grande sensibilité avec une écriture très raffinée et affirmée. C’est une pièce faite de milliers de détails et chacun a son importance. La pièce demande une grande maîtrise des nuances douces, des attaques, l’exploitation des sons multiphoniques très délicats. Chaque son a sa place, son rôle et cela requiert une très grande concentration.
PAN M 360: Votre 30e anniversaire est émaillé de plusieurs concerts dont celui-ci
« Pour célébrer ses 30 ans, Quasar propose une version spéciale anniversaire de son concert De Bach à Zappa, célébrant trois décennies de créations au cours desquelles Quasar a marqué le paysage musical d’ici et d’ailleurs. Toujours éclectique, énergique, et festive, cette nouvelle mouture d’un concert ayant conquis les publics de tous genres (de Havre-Saint-Pierre à Moscou!) accorde une place de choix à de nouvelles œuvres québécoises créées par Quasar : Rouge, de Jean Derome et le théâtre musical de Michel Smith, Squat au Quat »…Pourriez-vous élaborer sur ce programme et son actualisation?
Marie-Chantal Leclair: Le programme De Bach à Zappa roule depuis 20 ans et la formule fonctionne toujours auprès du public et nous avons toujours un grand plaisir à le présenter ! On commence avec Bach, on finit avec Zappa et entre les deux, on voyage entre les époques et les styles musicaux. Entre Bach et Zappa, les œuvres peuvent changer mais l’objectif est toujours de faire découvrir au public les multiples facettes du saxophone en choisissant toujours des œuvres que nous estimons être de la plus grande qualité peu importe les styles ou époques. C’est un programme vivant, pas figé, qui évolue et se transforme avec nous tout en gardant son essence.
L’intégration de répertoire contemporain et plus particulièrement de contenu québécois original a toujours fait partie du projet De Bach à Zappa. Ce programme nous a permis d’aller à la rencontre de publics diversifiés ici mais aussi à l’étranger et pour nous c’est important de nous adresser aussi au grand public en dehors des concerts des diffuseurs spécialisés et festivals spécialisés en musique nouvelle. C’est complémentaire.
Cette année, c’est la première fois que nous intégrons le théâtre musical de Michel Smith. On se fait plaisir et je pense qu’on fait aussi et surtout plaisir au public. C’est une œuvre formidable, drôle, colorée et hors-norme, à l’instar de son créateur. Autour d’une musique profondément originale se trame une histoire pas claire en quatre protagonistes qui travaillent à se rendre quelque part en surmontant quelques embûches…!
PAN M 360: Quel est le liant entre Bach, Chick Corea, Frank Zappa, Will Gregory, Jean Derome et Glazounov?
Marie-Chantal Leclair: Ce sont tous d’excellents compositeurs dont nous adorons jouer les pièces!
PAN M 360: Plus que jamais, Quasar semble revisiter le jazz moderne ou contemporain. Quel est votre lien avec le jazz? Marie-Chantal Leclair: Notre lien avec le jazz est libre et sans prétention. Il faut dire que le jazz d’avant-garde, le free, partagent des choses avec les musiques contemporaines. Les genres musicaux ne sont pas cloisonnés. Il faut aussi dire aussi que l’improvisation fait partie de la pratique de Quasar depuis très longtemps, et c’est donc un terrain commun (même si avec des codes et une tradition différente) avec le jazz. Finalement, il faut mentionner qu’il y a tout un répertoire pour quatuor de saxophones qui flirte avec les esthétiques jazz, et nous ne boudons pas notre plaisir quand l’occasion se présente. Je prends pour exemple Facing Death de Louis Andriessen, véritable hommage à Charlie Parker que nous avons endisqué.
André Leroux en parallèle avec son travail avec Quasar est un grand interprète virtuose et improvisateur de jazz. Sa proximité avec la communauté du jazz a facilité des rencontres et des échanges c’est certain. Je pense ici en particulier à notre collaboration avec François Bourassa avec lequel nous venons de mettre sur pieds un nouveau programme de concert Autour de Chick Corea et pour lequel François a composé et arrangé de nouvelles pièces pour ce quintette, Quasar-Rass.
PAN M 360: Pourriez-vous commenter brièvement chaque œuvre au programme du 6 mars?
Bach : l’art de la fugue, chef-d’œuvre incontournable du grand maître baroque, que nous jouons depuis 30 ans et vers lequel nous retournons toujours.
Glazounov : Probablement l’unique grande œuvre romantique écrite pour quatuor de saxophones, une exception qui faut vraiment le détour, et fait résonner le quatuor de façon inédite.
Chick Corea : Œuvre originalement écrite pour piano solo, de facture assez classique, une série de courtes pièces inspirées du monde de l’enfance et que nous intercalons à différents moments du programme. Des petits bijoux.
Jean Derome: une pièce formidable composée à partir d’une seule gamme qui part de la note la plus grave du baryton, jusqu’à la plus haute du soprano sans jamais se répéter. Il faut être 4 pour la jouer dans son entier et cela a valeur de symbole de solidarité et de la nécessité d’être ensemble pour réaliser des choses. Un savant mélange de mélodies (chant d’amour, chant de guerre) avec des moments d’improvisation, le tout avec la touche unique de Jean.
Will Gregory : Inspirée de la musique sud-africaine, cette pièce est une ode à la joie, au soleil, irrésistible.
Michel Smith : Voir plus haut (De Bach à Zappa), pièce qui faisait partie du concert « J’men’sax » lauréat d’un prix Opus concert de l’année.
Le quatuor de saxophones Quasar est constitué de Marie-Chantal Leclair (soprano), Mathieu Leclair (alto), André Leroux (ténor), Jean-Marc Bouchard (baryton). L’automne dernier, Quasar a lancé Chaleurs, pièce de l’illustre Walter Boudreau.
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Le dimanche 9 mars à la Maison symphonique, l’Orchestre philharmonique et Choeur des mélomanes convie le public à un voyage astronomique et méditatif qui le transportera jusqu’aux confins du cosmos et dans la vitalité du monde terrestre et de l’âme humaine. Dans un programme mettant en relief tant l’orchestre que les choristes du chœur, le jeune et dynamique chef Francis Choinière dirigera Les Planètes de Gustav Holst et le Gloria de Karl Jenkins, deux œuvres stylistiquement à l’opposé, mais marqué par une grande énergie, une vitalité et des contrastes. Alexandre Villemaire de PAN M 360 a pu en discuter avec le maestro.
PAN M 360 : Vous proposez pour ce concert deux œuvres qui mettent en évidence à la fois l’orchestre et le chœur avec des langages musicaux variés, mais extrêmement imagés. Qu’est-ce qui vous a mené à choisir ces deux œuvres et pourquoi?
Françis Choinière : La connexion entre Les Planètes de Gustav Holst et le Gloria de John Jenkins est dans l’utilisation de l’orchestration, de l’énergie rythmique et des textures musicales pour transmettre des thèmes cosmiques / spirituels, bien que dans des contextes différents.
Holst et Jenkins utilisent tous deux le rythme comme un moyen de faire avancer la musique. Dans Les Planètes, l’intensité rythmique est une caractéristique majeure, en particulier dans des mouvements comme « Mars » où des rythmes syncopés et implacables animent toute la pièce. Dans le Gloria de Jenkins, la structure rythmique est également puissante, en particulier dans les sections énergiques qui reflètent la nature du texte (Gloria).
PAN M 360 : La suite Les Planètes de Holst est une œuvre marquante du répertoire qui a inspiré énormément de compositeurs de musique de film, comme John Williams dans Star Wars notamment. Quels sont les éléments de langage que le public pourrait reconnaître?
Françis Choinière : L’orchestration et l’harmonie de Holst a une grande influence sur John Williams, ainsi que le développement de motifs. Dans Les Planètes, les cuivres sont souvent utilisés pour créer des effets majestueux et puissants, notamment dans le mouvement « Mars, le Porteur de guerre ». Cette utilisation du cuivre pour souligner la grandeur ou la menace est quelque chose que l’on retrouve dans la musique de film de John Williams, notamment dans Star Wars, où les cuivres jouent un rôle majeur pour souligner l’héroïsme ou la confrontation.
Holst a créé des motifs mémorables pour chaque mouvement de Les Planètes, chaque planète étant représentée par un thème distinct. Les couleurs mystiques de « Neptune » ont une grande influence sur la musique plus mystérieuse de l’espace!
PAN M 360 : Entre la trame sonore de Star Wars et Les Planètes, quelle est l’œuvre que vous avez entendue en premier?
Françis Choinière : J’ai entendu la musique de Star Wars en premier! Holst est venue un peu plus tard dans mon écoute !
PAN M 360 : La période pendant laquelle Les Planètes a été composée est intéressante, car, elle été écrite entre 1914 et 1917, en pleine Première Guerre mondiale. Est-ce que le contexte social et géopolitique de l’époque a eu une influence sur le processus de l’écriture de Holst ou dans la musique même?
Françis Choinière : Le plus évident dans Les Planètes est l’influence directe de la guerre dans le mouvement « Mars, le Porteur de guerre ». Il y a aussi potentiellement un souhait pour la paix à travers des moments de contemplation avec « Venus » et « Saturne ».
PAN M 360 : Parlez- nous un peu de Karl Jenkins pour celles et ceux qui ne seront pas familiers avec son œuvre. Qui est-il et où se positionne-t-il dans la musique des XXe et XXIe siècles?
Françis Choinière : J’ai moi-même découvert son œuvre The Armed Man: A Mass for Peace, qui me fascinait à un très jeune âge. Karl Jenkins est un compositeur dont la carrière est marquée par une fusion de genres musicaux variés, allant du jazz au classique en passant par la musique du monde. Il est particulièrement reconnu pour sa musique chorale et orchestrale.
PAN M 360 : Son Gloria que l’OPCM va interpréter est dans un registre esthétique complètement différent si on compare avec la première partie du concert. Il y a des influences musicales multiples, on pourrait même dire multiculturelles à cause, entre autres, de l’effectif aux percussions et une portée universelle en lien avec son propos. Que vouliez-vous exprimer avec ce contraste stylistique?
Françis Choinière : Karl Jenkins a souvent été influencé par diverses traditions musicales, y compris celles du Moyen-Orient, de l’Asie et de l’Afrique, ce qui donne à son œuvre une dimension mondiale. Il a également exploré l’utilisation de textes sacrés et mystiques issus de diverses traditions religieuses, ce qui renforce la dimension universelle de sa musique.
PAN M 360 : L’œuvre comporte-t-elle des défis particuliers tant pour l’orchestre que pour le chœur?
Françis Choinière : Le Gloria contient des changements de tempo et de rythme fréquents. Ces changements sont parfois subtils, parfois plus abrupts, et il est essentiel que le chœur et l’orchestre réagissent de manière fluide et cohérente. Il y aussi plusieurs styles différents à exécuter dans cette pièce, que ce soit les passages lyriques du 2e et 4e mouvement, ou les grandes parties très cuivrées du 1er et 5e mouvement qui demande une intonation parfaite avec les cuivres, et une bonne balance avec le chœur.
PAN M 360 : Un mot rapidement pour mentionner des éléments de vos actualités personnelles. Vous avez lancé il y a deux semaines votre premier album de compositions originales intitulé Réflexions. Qu’avez-vous voulu exprimer avec ces pièces?
Françis Choinière : Chaque pièce dans l’album exprime une partie de ma vie, que ce soit « Renaissance », qui reprend un thème de mon enfance, ou « Coup de foudre », qui peint un moment spécial dans ma vie. C’est la première fois que je partage cette partie plus personnelle à travers la musique, non seulement avec mes compositions, mais aussi en tant que pianiste interprète.
PAN M 360 :Quels sont les prochains projets qui vous attendent vous et vos ensembles?
Françis Choinière : Pour l’Orchestre FILMharmonique nous serons en tournée avec le concert Bond Symphonique de mai à juin 2025 dans plusieurs villes du Québec et du Canada. En août 2025 nous présenterons un concert autour de l’univers cinématique de Marvel (MCU) et en septembre, dans le cadre de notre série L’univers symphonique du cinéma, nous rendrons hommage à l’œuvre de John Williams. Nous confluerons notre saison à l’OPCM le 24 mai à 19h30 à la Maison symphonique avec la Symphonie no 2 « Résurrection » de Gustav Mahler avant de nous plonger dans le répertoire de la prochaine saison qui sera annoncée très bientôt!
La transhumance de Sirine Hassani n’est peut-être pas épique… mais pas loin! Née en France de parents amazighs algériens, débarquée à Rimouski à l’âge de 18 ans, aujourd’hui établie à Québec, elle pratique un très solide rap francophone. Le propos est aux antipodes du small talk, s’incarne sous le pseudo Sensei H. La sensibilité extrême et la lucidité frappante de Sirine sont ses meilleures alliées et, elle vous le dira dans ce qui suit, elles peuvent aussi devenir ses pires ennemies. Les alliées de Sirinie servent ici son talent évident d’autrice et de rappeuse, incarné sous le pseudo Sensei H, adoptée par la scène rap de Québec, sans compter ses apparitions pour le moins concluantes aux Francouvertes de 2024.Capable d’explorer les tréfonds de son être bon gré mal gré, elle en fait du rap. Son premier album lancé fin 2024: La mort du troisième couplet. Ce qu’elle explique en long et en large dans cet entretien vidéo avec Alain Brunet pour PAN M 360, dans le contexte de son escale montréalaise imminente, le 21 mars prochain au Centre PHI.
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Du 8 au 16 mars, soit pour une troisième année consécutive, Groupe le Vivier présente La Semaine du Neuf. Le plus important diffuseur québécois des musiques de création lance son événement, ce samedi 8 mars: 13 programmes (dont une installation) présenteront 25 créations, sans compter les autres œuvres inscrites. Axée principalement sur la production locale cette année, cette Semaine du Neuf a pour objet de catalyser notre ouverture et notre curiosité de mélomanes à l’endroit de la composition et de l’interprétation des musiques de création, instrumentales, électroniques, audiovisuelles, immersives ou destinées au bon vieux concert.
Avant le grand démarrage prévu ce 8 mars, le directeur artistique du Vivier a été interviewé par Alain Brunet pour PAN M 360. Jeffrey Stonehouse nous cause ici des publics courtisés par Le Vivier et commente sa programmation, concert par concert.
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PAN M 360 : Depuis quelques années, on observe que le public du Vivier est très varié, multigénérationnel, éclectique. Le résultat d’un travail conscient?
Jeffrey Stonehouse : Nous travaillons très fort sur la diversification de notre auditoire, nous tenons à créer des contextes propices à une résonance avec de nouveaux publics. Nous souhaitons évidemment continuer à le faire avec la Semaine du Neuf.
PAN M 360 : Comment faire pour satisfaire tous les publics qui peuvent s’intéresser à la communauté du Vivier?
Jeffrey Stonehouse : Il n’y a pas un seul public au Vivier. C’est aussi varié que les gens qu’on croise dans le métro. On souhaite que la programmation, il s’agit bien sûr d’un souhait, représente la diversité de notre ville. C’est un développement, c’est un croisement entre public spécialisé, grand public et jeune public/famille.
PAN M 360 : De quelle manière le grand public peut-il être attiré par une telle programmation?
Jeffrey Stonehouse : Je crois personnellement qu’il existe des gens ouverts partout dans la société, ce sont pour moi des fans cachés – profs de cégep, fans de théâtre expérimental, spectateurs en quête d’expériences plus intenses, etc. Pour embarquer dans la Semaine du Neuf, ça prend une ouverture ! Les expériences y sont complètement différentes d’un soir à l’autre, de l’immersion audiovisuelle, à l’acousmatique en passant par le théâtre de marionnettes, le tout ancré dans de nouvelles compositions.
PAN M 360 : Quel est le liant de cette programmation de la troisième Semaine du Neuf ?
Jeffrey Stonehouse : C’est une programmation entièrement fondée sur la création. Nous présentons 25 créations cette année. Ce qui nous mène dans plusieurs salles emblématiques de la ville, en tout une douzaine de programmes et une installation de Jean-François Laporte qui nous permet de découvrir le nouveau lieu du Vivier. Le liant de ce festival se trouve dans toutes les facettes de la musique de création. Le ciment, c’est le neuf, le nouveau.
Jeffrey Stonehouse : L’Espace Sainte-Hilda (6341 Av. De Lorimier près de Beaubien) est une église anglicane que Le Vivier partage avec la communauté. Spirituel, l’installation de Jean-François Laporte qui y est actuellement présentée, met ce lieu en valeur. Jean-François a créé cette installation en utilisant des bols, sa lutherie permet une expérience hyper méditative. Le public n’y sent pas le temps passer, c’est une expérience tout en subtilité de Jean-François Laporte.
Jeffrey Stonehouse : Ce programme réunit trois femmes, l’opéra porte un texte de l’artiste abénakise Nicole O’Bomsawin et les musiques d’Alejandra Odgers. Cette programmation est faite en collaboration avec le festival international de Casteliers, consacré aux marionnettes. Cet opéra s’inspire de trois légendes abénakises, c’est une proposition jeune public ou famille, qui intègre des musiques de création. C’est bien sûr une jonction entre musiques de création et traditions autochtones. Nous trouvons en ce sens que les créations sont toujours intéressantes, notamment pour le jeune public.
Jeffrey Stonehouse : Quasar a assemblé tout un concept de création autour de compositeurs lituaniens. Il y a aussi une oeuvre qui me touche particulièrement, de la compositrice ukrainienne Alla Zagaykevych ( The Saxophone Quartet/While Flying Up ) qui a passé plusieurs mois en résidence au Vivier. Je suis heureux de voir qu’il y a encore une résonance de son passage à Montréal, surtout dans l’actuel contexte géopolitique. Je crois que ce statement est important.
Jeffrey Stonehouse : Ce programme d’Annette Vande Gorne et de Julien Guillamat se veut un concert marathon de musiques (surtout) belges. Ce concert entièrement acousmatique résulte d’une collaboration entre Robert Normandeau et Annette Vande Gorne, ce programme est ainsi présenté au MMR et ses 64 enceintes acoustiques. La pièce centrale au programme est celle d’Annette, Vox Alia, un cycle réparti en cinq parties construites autour de la voix comme vecteur émotionnel. De Julien Guillamat, il y aura aussi la pièce Altitudes et le 2e mouvement de sa Symphonie de l’étang. Je souligne aussi qu’une œuvre de la compositrice montréalaise Ana Dall’Ara-Majek, soit Xylocopa Ransjecka.
Jeffrey Stonehouse : Nous faisons un premier essai à Longueuil pour ce projet en résidence à la Maison de la culture Michel-Robidas. Ce programme est porté principalement par Martin Bédard. Voilà une autre proposition acousmatique illustrant la richesse et la diversité purement électroacoustiques. Ce projet est développé par Martin depuis un moment, ce projet a incubé dans ce lieu à Longueuil. Pourquoi ce programme? J’adore la musique de Martin, c’est une occasion de mettre son travail en évidence dans le cadre de la Semaine du Neuf.
Jeffrey Stonehouse : Les points de rencontre entre la communauté montréalaise et l’internationale sont parmi les facteurs intéressants du festival. L’édition 2025 est plus locale, cependant, l’emphase sur une programmation internationale se veut plutôt cyclique.Néanmoins, le concert du 11 mars en est un bel exemple de collaboration locale-internationale. Paramirabo y reçoit l’ensemble allemand Musikfabrik, soit un trio sous le leadership du hautboïste Peter Veale. Essentiellement, il s’agit d’un plateau double où chaque ensemble présente ses parties et où tout le monde se rejoint par la suite. Des pièces en création de Paul Frehner et Chris Paul Harman seront assurées par Paramirabo, celles de Dylan Lardelli et Gordon Williamson le seront par Musikfabrik. Il y aura quelques moments de rencontre entre les deux ensembles, dont un s’inspirant d’une improvisation de Pauline Oliveros impliquant tous les musiciens, sous le thème des approches et des départs. Il y aura aussi une pièce du Canadien Rodney Sharman, pour cor anglais et piano jouet joué par Peter Veale et la pianiste Pamela Reimer.
Jeffrey Stonehouse : La compagnie Chants libres a mis sur pied le Laboratoire lyric, un espace d’exploration et de création pour le chant lyrique. Cette fois, il s’agit d’un travail autour du compositeur Frédéric Lebel avec la participation du scénographe Cédric Delorme Bouchard, de la performer Jennyfer Desbiens et de la violoncelliste Audréanne Filion. Il s’agit d’un triptyque alliant la voix, le violoncelle et l’électronique avec une dramaturgie assurée par la conception d’éclairages. Quel en sera le ciment? Je le saurai comme le public, au moment de la représentation.
Jeffrey Stonehouse : La soprano Sarah Albu et l’accordéoniste Matti Pulkki ont formé le duo Sawtooth. Cette proposition est pour moi un coup de cœur, il s’agit d’un techno opéra interrogeant notre lien avec la technologie, particulièrement à travers la personnification du haut-parleur incarnant la technologie dans nos sociétés. Aujourd’hui basé en Finlande, le compositeur et performeur montréalais Charles Quevillon a réalisé un travail assez approfondi avec la danse au cours de sa carrière, sa proposition de ce programme est hautement performante. J’ai vraiment hâte que le public la découvre!
Jeffrey Stonehouse : Mon intérêt principal dans ce programme sera une une composition de la Torontoise Linda Catlin Smith, qui fut une étudiante de Morton Feldman. Cette œuvre se déroule dans un espace tout en douceur, en détente. On peut parler d’une expression minimaliste en ce sens. Deux autres créations de Michael Oesterle et Martin Arnold. La démarche de ce dernier repose sur les musiques anciennes et traditionnelles qui viennent s’entremêler dans musique de création bien d’aujourd’hui, plutôt psychédélique. Quant à Oesterle, c’est la suite d’une longue collaboration avec le Bozzini.
Jeffrey Stonehouse : Deux générations de guitaristes électriques se rencontrent. Tim Brady invite Matthew Warren Ruth à partager le programme. Dans les deux cas, on parle du double chapeau entre interprètes et compositeurs.
Jeffrey Stonehouse : On doit d’abord souligner le prix Opus de son directeur artistique Thibault Bertin-Maghit. Ce projet-ci s’insère dans l’esthétique de Collectif9, qui s’intéresse beaucoup à ce qui se trouve aux frontières des disciplines. Toute l’expérience de Quelque part, mon jardin s’inspire du texte de Kaie Kellough avec une vidéo de Myriam Boucher et Nicole Lizée, des illustrations de Julien Bakvis et Melissa Di Menna. C’est une expérience hautement visuelle, on y passe du lyrisme à une forme de groove à travers les mots de Kaie Kellough.
Jeffrey Stonehouse : Pour Love Songs, on a trois femmes dont la mezzo-soprano Kritstin Hoff, qui interprète une œuvre énorme de la Montréalaise Ana Sokolovic. Dans le même programme, le TAK Ensemble de New York jouera une œuvre inspirée du roman Star Maker d’Olaf Stapledon, on est invité à suivre l’évolution de la nature humaine à partir du cosmos. Il s’agit d’un langage musical en suspension, qui flotte à travers une approche microtonale. C’est quelque chose qui vibre. On est très content de présenter cette pièce.
PAN M 360: Comment trouver l’équilibre entre la trame dramatique de cette programmation et les dispos des artistes ?
Jeffrey Stonehouse : On doit trouver le moyen d’atteindre l’équilibre. La logistique rend parfois les choses impossibles mais conclure avec TAK était un choix conscient et volontaire. Notre proposition se conclut dans l’immersion, tout ça constitue un très beau parcours pour le public.
En 2014, James Bay se hissait au sommet des palmarès et brillait à l’international avec ses succès Let it Go et Hold Back the River, deux titres issus de son premier projet en carrière Chaos and the Calm. 10 ans plus tard, la vedette britannique continue à charmer avec son folk rock et ses mélodies accrocheuses à la guitare; l’excellent Changes All The Time, son quatrième opus paru en octobre dernier, en est la énième preuve.
Dans sa plus récente offrande, Bay se montre positif, touchant et plus vrai que jamais. « Avec Changes All the Time, j’ai essayé de montrer un côté plus vulnérable de ma personne. J’ai de la difficulté avec le changement et cela a toujours été difficile pour moi d’en parler. Cet album m’a permis de le faire », nous a-t-il expliqué.
Alors que James Bay était de passage à Montréal pour l’enregistrement de Star Académie, Pan M 360 s’est entretenu avec lui pour jaser de la création de son plus récent projet, les dix ans de son tout premier long jeu, son amour pour le public montréalais et bien plus!
Fort probablement, Manu Katché est le batteur le mieux connu de France. Ses accompagnements de stars nationales et internationales, de Michel Jonasz à Sting et Peter Gabriel, sans compter les dizaines et les dizaines de collaborations prestigieuses, en font un invité de marque à Montréal. Vu son escale imminente au Studio TD, soit ce mercredi 12 mars, PAN M 360 vous propose cet entretien d’Alain Brunet avec le batteur étoile.
PAN M 360 : Le dernier enregistrement de votre part, The Scope, remonte à 2019. C’est bien ça, n’est-ce pas ?
Manu Katché : Tout à fait
PAN M 360 : Si vous repartez en tournée, cela annonce-t-il un enregistrement à venir? Si oui, quel est le projet?
Manu Katché: Exactement, j’ai composé une dizaine de nouveaux morceaux , mais qui ne sont pas enregistrés pour l’instant. Cette tournée Québécoise, outre le fait de venir jouer dans ce pays pour lequel j’ai bcp de souvenirs et que j’apprécie beaucoup, cela va me permettre de tester et de faire évoluer ces nouveaux titres avec mon groupe en Live. Une fois en studio je pense que cela aura apporté un réel plus pour les enregistrer
PAN M 360 : Avec qui tournez-vous dans le cycle actuel?
Manu Katché: Le même bassiste qui est déjà présent sur mon dernier album ainsi que sur scène, Jérôme Regard, tout comme le guitariste Patrick Manouguian, j’ai une nouvelle personne qui vient de nous rejoindre et qui tient la place de claviers et de trompettiste. Sebastian Studnitzky
PAN M 360 : Pourriez-vous SVP décrire sommairement vos collègues de tournée, leur parcours, leurs qualités d’interprètes et d’improvisateurs ?
Manu Katché: Pour le bassiste Jérôme Regard, il est aussi contrebassiste et prof de contrebasse. Ce qui me permet par rapport aux morceaux à jouer de pouvoir choisir un son précis délivré soit par sa basse électrique ou bien sa contrebasse. Il est, comme je l’ai mentionné, prof de contrebasse, ce qui en clair veut dire qu’il lit parfaitement la musique et me permet une fois les morceaux écrits de gagner bcp de temps en répétitions, car il lit la musique à vue.Il est issu du milieu jazz, avec donc cette ouverture harmonique liée au jazz et la facilité d’improviser. Le guitariste, Patrick, est issu du monde de la musique ‘mainstream”, tout comme moi, nous avons des codes assez similaires concernant l’accompagnement et proposant une palette sonore assez diverse.
PAN M 360 : Quel répertoire comptez-vous jouer à MTL? Vos compositions? Des reprises jazzifiées? Des standards?
Manu Katché: Uniquement mes propres compositions, des nouvelles comme je vous le disais au début de cette Itv, et peut être, mais cela n’est pas encore acté, deux reprises…
PAN M 360 : En tant que leader d’ensemble, que cherchez-vous à exprimer avec vos collègues ?
Manu Katché: Le fait de jouer ensemble depuis pas mal de temps maintenant nous permet de prendre ensemble du plaisir et de pouvoir avec ce plaisir commun le faire passer au public présent. Ce qui compte à mon sens est l’interactivité avec le public, certainement la raison pour laquelle les musiciens ont besoin de se produire ‘Live”, source de ressenti énorme et unique.
PAN M 360: Les pièces récentes de votre répertoire puisent dans le groove, le jazz, la pop, les musiques afro-descendantes de Caraïbe ou d’Afrique, la musique traditionnelle d’Afrique de l’Ouest,ou même l’électro. Quelle serait votre propre description?
Manu Katché: Difficile de répondre à cette question, Proposant un répertoire instrumental pour l’ensemble de mon set, je dirais pop/jazzy-electro…
PAN M 360 : Vous avez été longtemps un accompagnateur 5 étoiles chez les plus réputés de la pop de création. Comment s’était fait la transition vers votre carrière solo, votre propre expression?
Manu Katché: J’ai été et reste sideman. J’apprécie beaucoup de pouvoir jouer et collaborer avec des artistes de styles différents. Il est vrai que depuis plus d’une dizaine d’années j’ai décidé, en parallèle, de monter un groupe et de faire de la scène avec. Le plaisir tout simplement de pouvoir jouer et interpréter ma propre musique, je pense que toutes ces collaborations dont j’ai fait partie, m’ont certainement donné l’envie d’être leader également. Je crois que ce n’est pas une transition dans ma carrière mais simplement une continuité. Mon style de jeu de batterie , issu en partie de mes études classiques au conservatoire, fait partie de cette envie d’exprimer des choses musicales et mélodiques tout en étant batteur.
PAN M 360 : Quelles sont les musiques ayant modifié un tant soit peu votre trajectoire de musicien au cours de la dernière décennie?
Manu Katché: Je suis quelqu’un qui écoute beaucoup de choses différentes. A part peut être le Metal, le reste me procure bcp de plaisir dès l’instant où la musique me touche. Cela peut aller du hip-hop au jazz tout en passant par la musique mainstream. J’évolue comme tout être humain, la musique que j’écoute me nourrit et me permet d’avancer culturellement. Les tendances sont présentes régulièrement et je trouve que cette nouvelle génération de musiciens proposent de très belles choses musicales à travers leurs projets.
PAN M 360 : Depuis la sortie de The Scope il y a six ans ce mois-ci, que s’est-il passé musicalement de votre côté?
Manu Katché: Rappelons nous malheureusement que nous avons dû subir deux années difficiles , vides à cause du covid. Dès que nous avons eu le “droit » de pouvoir circuler librement à nouveau, je suis parti en tournée mondiale avec Peter Gabriel, après avoir participé à l’album i/o. Juste avant cela, j’ai collaboré à l’album de Sting: The Bridge.
Aussi, jj’ai enregistré plusieurs albums de Jazz avec des artistes divers, Américains, Français , Belges… J’ai coréalisé trois albums pour Michel Jonasz – La Méouge, le Rhône, La Durance– Chanter le Blues et le tout dernier Soul en participant à chacune des tournées de ces albums et, plus récemment, le tout début de cette nouvelle tournée pour l’album Soul. J’ai composé un tout nouvel album personnel que j’enregistrerai bientôt. J’ai écrit et sorti mon deuxième livre #Beat aux éditions Grasset.
PAN M 360 : Vous êtes aussi communicateur, vous avez fait beaucoup de télé, parfois sur des sujets culturels mais aussi des enjeux de société sur le racisme et l’immigration (La Face Katché). Comment pouvez-vous résumer cette trajectoire de communicateur?
Manu Katché:La face katché est un programme qui se trouve sur le Web “Yahoo.fr”, j’en suis très fier, car j’ai interviewé et continue à le faire, un bon nombre de personnalités issus de la diversité. Il me paraît important d’en parler et avant tout sans agressivité, ce qui, à mon sens, est une possibilité positive pour la compréhension sur la différence. comprendre d’où viennent certaines personnes, quelle a été leur enfance, comment ils ont dû se positionner simplement pour arriver à vivre normalement, sans aigreur ni animosité et jalousie…. Nous avons, je pense, tous eu des enfances complexes ou difficiles pour certains, parfois dues à des familles violentes, incultes ou absentes. Le fait en plus d’avoir de manière visible ou pas un profil différent ne permet pas à certaines personnes de comprendre ou bien alors de juger…. J’essaye avec ce programme de mettre en lumière ces difficultés et différences pour que la compréhension et l’acceptation soient plus présentes.
PAN M 360 :Comment voyez-vous votre rôle récent en tant qu’animateur?
Manu Katché: Je ne vois rien de précis, je ne calcule rien, je fais simplement les choses qui me tiennent à coeur avec coeur!
PAN M 360 : Voyez-vous un lien entre votre carrière médiatique et votre carrière de musicien?Manu Katché: Il me semble que nous agissons avec notre personnalité. Il ne m’est pas possible de me dissocier pour un projet ou pour un autre, je serais en dysharmonie et de fait pas moi même. Je suis en phase avec mes intuitions, mon instinct et mes connaissances pour délivrer quelque chose de sincère et d’honnête. Il y a des musiciens qui ne prennent pas la parole, d’autres qui le feront, certains qui vont militer pour une cause, d’autres pas, peu importe. Savoir se situer, être à sa place avec respect pour l’autre sans jugement.
Dirigé par la cheffe canadienne Janna Sailor, cette matinée met en lumière le talent, la diversité et la contribution des femmes à la musique classique à travers un programme constitué d’œuvres de la Torontoise afro-descendante Rachel McFarlane, l’Américaine d’origine indienne Reema Esmail, et de la pionnière américaine Amy Beach. Les voix des solistes invitées, Suzanne Taffot, soprano d’origine camerounaise, et Anuja Panditrao, chanteuse hindoustanie indienne, seront mises à contribution pour magnifier l’oeuvre de Reema Esmail. Aurez-vous deviné que ce programme s’inscrit dans le contexte du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, mais est présenté ce dimanche 2 mars à la salle Pierre-Mercure, 15h30. Pour en savoir davantage, Alain Brunet a interviewé Allison Migeon, directrice générale et cofondatrice d’OBIORA.
Depuis près de deux décennies, le pianiste et compositeur helvète Nik Bärtsch et Ronin, son quartette de jazz futuriste, perfectionnent un solide mélange fondé sur la composition de structures contemporaines en composition et l’assomption d’un groove fondé sur des déphasages rythmiques, avec moins d’emphase sur de longues improvisations. Ses nombreux albums témoignent de cette singularité, et le pianiste et compositeur peut être qualifié de visionnaire pour avoir réalisé cette fusion parfaite. C’est pourquoi la visite de ce groupe est un must absolu pour les amateurs de petites formations de jazz contemporain. Dimanche soir au Gesù ! Pour PAN M 360, Alain Brunet a posé quelques questions à Nik Bärtsch alors qu’il était en tournée sur ce continent avant de participer au festival Montréal en lumière.
PAN M 360 : Au début des années 2000, votre ensemble est apparu comme un magnifique hybride entre le nouveau jazz et le post-minimalisme, proche du concept de déphasage de Steve Reich, mais il serait réducteur de le qualifier ainsi. Construisez-vous toujours sur les mêmes fondements ?
Nik Bärtsch: Oui, car nous avions déjà réuni d’autres ingrédients : la culture du groove. le jeu percussif et organique du groupe. Nous avons pavé notre propre chemin en mélangeant ces ingrédients et nous avons constamment évolué – d’une part moi en tant que compositeur curieux et conséquent et d’autre part le groupe en tant qu’organisme évolutif qui joue chaque semaine depuis 2004. Tous les lundis, nous donnons un concert dans mon club EXIL à Zurich.
PAN M 360 : Pouvez-vous nous rappeler ces fondements ?
Nik Bärtsch : J’ai commencé par le boogie-woogie, le blues et le jazz, pour passer au latin et, via Gershwin, à la musique classique moderne comme Bartók, Stravinski, puis Reich, Ligeti, Feldman, et j’ai toujours été intéressé par les concepts rythmiques et l’instrumentation de groupe. J’ai donc développé une vision des stratégies rythmiques à travers tous les styles.
PAN M 360 : Pouvez-vous expliquer brièvement les principales étapes de l’évolution de votre langage musical à travers votre discographie depuis Ritual Groove Music ?
Nik Bärtsch : Nous avons commencé avec le groupe acoustique MOBILE. J’ai écrit une pièce de musique de chambre pour mon récital final à l’université de musique. Elle était influencée par Bartók, Reich et la musique rituelle japonaise. Auparavant, j’avais écrit des cycles de groove inspirés par Steve Coleman et Reich. C’est ainsi qu’est né le premier disque de MOBILE, RITUAL GROOVE MUSIC, que nous avons enregistré après un rituel musical en direct de 36 heures à Zurich, notre première performance dans cet esprit.
L’important était la combinaison d’un matériel composé et la liberté de travailler avec cette matière de manière modulaire pendant les parties minimales ouvertes de ce rituel musical, toujours en transformation. C’est ainsi que nous avons fait l’expérience fondamentale et fructueuse, en tant que groupe, des stratégies de groove, des rythmes imbriqués, des cycles polymétriques, des rythmes elliptiques, des champs d’échelle polaire et des harmonies structurelles – cela semble un peu intellectuel, mais c’était en fait une expérience très sensuelle qui a créé un nouveau son et une nouvelle façon de jouer pour le groupe. Cela a conduit à une évolution de 14 albums jusqu’à SPIN. Chaque album explore une certaine phase et chaque composition aborde une nouvelle idée musicale essentielle.
PAN M 360 : La notion d’improvisation est toujours présente dans votre musique, mais pas autant que nous pouvons l’observer. Où la voyez-vous dans votre métier ?
Nik Bärtsch : L’improvisation est très importante. J’ai toujours été présent dans cette musique en tant que partie d’un triangle avec la composition et l’interprétation. Mais improviser ne signifie pas nécessairement jouer en solo. Nous utilisons donc beaucoup de stratégies d’improvisation qui ne ressemblent pas à un solo. Par exemple, nous travaillons avec la liberté de mélange et de coloration instrumentale, les développements de notes fantômes – comme l’ajout de petites notes dans la dramaturgie d’un morceau – ou avec une voix libre dans le groupe en tant que « point de contexte ». Cela signifie que l’instrumentiste a pour rôle de se déplacer dans un contexte musical composé, comme un animal qui se cache dans son environnement : quand il bouge, on le voit, quand il ne bouge pas, on voit simplement l’image dans son ensemble. L’improvisation est aussi souvent utilisée dans notre musique de manière laconique, comme par exemple Duke Ellington qui a joué quelques notes ou lignes pour donner une certaine saveur à une partie.
PAN M 360 : Vous considérez-vous plus comme un compositeur que comme un interprète ou vice versa ? Cherchez-vous plutôt un équilibre parfait entre le jeu et l’imagination musicale ? Ou voyez-vous les choses différemment ?
Nik Bärtsch : La performance, c’est la vérité. La meilleure composition ne sonne pas si le groupe ou le contexte n’est pas bien choisi. Mon travail et le nôtre sont donc une combinaison des deux : J’ai l’ambition d’apporter une composition de haute qualité au groupe en répondant à la qualité du groupe ou de l’interprète. C’est pourquoi nous jouons si longtemps et chaque semaine ensemble. La performance est la composition et vice versa.
PAN M 360 : Diriez-vous que le rôle de vos collègues est plus proche de celui d’interprètes classiques ou de jazzmen ? Ou quelque part entre les deux ?
Nik Bärtsch : J’aspire à une troisième voie, combinant la liberté du monde du jazz et la précision de l’interprétation et de l’instrumentation du monde classique. C’est ainsi qu’a évolué ma façon modulaire de faire de la musique : une composition précise en relation avec la qualité des interprètes et des groupes.
PAN M 360 : Parlez-nous de votre équipe de musiciens, de leur rôle, de leur force, de ce qu’ils doivent faire pour votre construction artistique.
Nik Bärtsch : Tout d’abord, il est important de savoir que je joue avec le batteur Kaspar Rast depuis que nous sommes enfants. Nous avons commencé à faire de la musique (et à jouer au football dans la même équipe) quand j’avais dix ans et lui neuf. Son jeu de batterie a donc influencé ma façon d’écrire, notamment parce que je jouais aussi de la batterie quand j’étais enfant. Le joueur d’anches Sha, qui a dix ans de moins, est arrivé dans le groupe à l’âge de 19 ans. Il avait l’esprit frais et a développé sur la clarinette basse une forme de beat boxing percussif. Il était également un joueur de football passionné et ses connaissances en matière de jeu et d’esprit d’équipe étaient donc très développées par rapport à tous les artistes de jazz qui se concentraient principalement sur leur capacité à jouer en solo. C’est ainsi qu’est née une véritable équipe de travail. Cela signifie également que mes collègues me donnent un retour d’information précieux sur les compositions. Lorsque le bassiste a changé il y a six ans, nous avons trouvé en Jeremias Keller un musicien partageant les mêmes idées et possédant d’énormes qualités, y compris en tant que producteur. Il s’agit d’un véritable groupe de travail, sur le plan social, énergétique et esthétique. C’est très difficile à mettre en place à notre époque !
PAN M 360 : Nous ne devrions pas nous préoccuper de votre position stylistique, seul le résultat compte. Mais est-ce que vous vous adressez surtout aux aficionados du jazz à cause de l’instrumentation et de sa proposition rythmique ?
Nik Bärtsch : Nous voulons écouter la résonance du public. Il y a de l’intérêt de la part de scènes très diverses – c’est magnifique ! Nous avons aussi beaucoup d’adeptes du rock, de l’électronique ou de la musique spirituelle. Je ne me suis jamais intéressé aux styles lorsqu’ils étaient considérés comme des idéologies musicales. Je trouve intéressant d’inviter et de partager. J’essaie de créer une musique simple qui est complexe en profondeur lorsque l’on s’y plonge. Mais elle doit surtout vous offrir de l’énergie et de la concentration.
PAN M 360 : Spin, votre dernier enregistrement, est sorti l’année dernière. Pour vous, quelles sont les principales réalisations de ce projet spécifique ?
Nik Bärtsch : L’album montre le stade où se trouve le groupe : deux morceaux complètement nouveaux, une combinaison de nouveaux morceaux avec des morceaux plus anciens, deux morceaux très anciens dans des arrangements complètement nouveaux. Le disque montre donc d’abord le son et l’énergie du nouveau quartet avec le nouveau bassiste Jeremias Keller. Ensuite, il montre notre parcours. En avant vers les racines, en arrière vers l’avenir.
PAN M 360 : Votre groupe va-t-il jouer votre matériel récent à Montréal ?
Nik Bärtsch : Oui, nous avons joué presque tout l’album et la superbe pièce « A » du joueur d’anches Sha, qui se trouvait sur notre dernier album AWASE. L’ensemble du matériel a déjà évolué en live… Et bien sûr, nous avons des surprises pour vous !
PAN M 360 : De nombreux compositeurs ont besoin d’un groupe spécifique pour exprimer leur musique. Quand c’est fait par d’autres, ça ne marche pas très bien parce qu’ils ne perçoivent pas l’ambiance réelle, parce qu’ils n’ont qu’une compréhension intellectuelle de votre travail. Qu’en pensez-vous ?
Nik Bärtsch : C’est une question importante. En fait, toute nouvelle musique a besoin d’une telle compréhension. De même, à l’époque de Mozart et de Haydn, les ensembles travaillaient souvent plus longtemps ensemble pour un certain duc ou roi. Des ensembles capables de comprendre une certaine culture musicale sont essentiels pour faire sonner la musique. Penser qu’un chef-d’œuvre musical est une composition qui n’existe que sur le papier ou dans la tête est une négligence. C’est comme si vous vouliez vivre dans un plan d’architecte plutôt que dans une vraie maison. Bien sûr, un compositeur ou un architecte compétent doit être clair et aussi précis que possible pour le contexte, mais vous l’avez dit : sans l’ambiance, la culture, la compréhension, rien ne semble « juste ».
PAN M 360 : A propos de votre travail pour d’autres ensembles ou orchestres ?
Nik Bärtsch : J’ai écrit plusieurs pièces pour des groupes extérieurs, par exemple des œuvres de musique de chambre, souvent pour des ensembles de percussion, mais aussi quelques pièces pour orchestre complet. Bien qu’il s’agisse de la « même » musique, je dois m’adapter aux circonstances pour les raisons que nous avons évoquées plus haut. Les ensembles les plus connus pour lesquels j’ai écrit sont par exemple Third Coast Percussion de Chicago, Bang On A Can de New York, Britten Sinfonia de Londres ou Basel Sinfonietta en Suisse.
PAN M 360 : A propos de votre travail pour d’autres ensembles ou orchestres ?
Nik Bärtsch : J’ai écrit plusieurs pièces pour des groupes extérieurs, par exemple des œuvres de musique de chambre, souvent pour des ensembles de percussion, mais aussi quelques pièces pour orchestre complet. Bien qu’il s’agisse de la « même » musique, je dois m’adapter aux circonstances pour les raisons que nous avons évoquées plus haut. Les ensembles les plus connus pour lesquels j’ai écrit sont par exemple Third Coast Percussion de Chicago, Bang On A Can de New York, Britten Sinfonia de Londres ou Basel Sinfonietta en Suisse.
PAN M 360 : Quels sont vos prochains projets ?
Nik Bärtsch : Me concentrer sur ceux en marche ! Trop de travail… J’ai également deux beaux projets de duo : un duo de piano avec la pianiste Tania Giannouli et un duo avec ma fille Ilva Eigus, qui est une violoniste extraordinaire, déjà une interprète plus accomplie que moi à seulement 17 ans !
Après une interprétation très captivante de sa pièce La grande accélération : Symphonie no. 12 à l’Oratoire Saint-Joseph, PAN M a eu la chance de s’entretenir avec Tim Brady et de l’interroger sur l’évolution de sa carrière, son processus d’écriture, ses préférences esthétiques, etc.
PAN M 360 : Lors de l’explication artistique que vous avez donnée au concert de M/NM, vous avez mentionné que l’inspiration/signification, du moins en partie, de « La Grande Accélération » provenait d’événements historiques et de leur tendance à se dérouler très rapidement. Avez-vous écrit cette pièce en pensant à notre époque actuelle, ou plutôt à l’histoire en général ?
Tim Brady : Lorsque j’ai commencé à écrire ce texte en 2018, je commençais tout juste à remarquer que la nature de notre société commençait à changer. D’une part, nous étions de plus en plus interconnectés grâce à Internet, les identités nationales semblaient moins importantes, la question du climat concernait tout le monde. D’autre part, les forces de droite commençaient à gagner en puissance – le Brexit a eu lieu, la première présidence Trump. Mon idée était donc que les choses changent – rapidement. Le titre original était « Parce que tout va changer », mais je suis ensuite tombé sur le terme La grande accélération (souvent définie comme 1950 – 1980 – quand il y a eu l’énorme croissance de la classe moyenne en Occident). Il m’a semblé que nous vivions une nouvelle grande accélération – l’histoire va vite. Et, pour l’instant, pas dans la bonne direction.
PAN M 360 : Je ne pense pas qu’il soit trop controversé de dire que beaucoup de vos œuvres contiennent des clins d’œil aux shredders et aux rockers d’autrefois. Y a-t-il des artistes rock que vous appréciez ces derniers temps ? Y en a-t-il que vous avez revisités ?
Tim Brady : Il y a tellement d’excellents musiciens sur YouTube – c’est là que le monde de la guitare a migré, loin de la radio ou de la diffusion en continu. Des gens comme Gutherie Govan, Matteo Mancuso, Julian Lage – ce sont de grands musiciens, et il y en a des centaines d’autres. Et les femmes commencent enfin à avoir un impact – il était temps ! Je ne suis pas du tout systématique en ce qui concerne l’écoute des musiciens – je regarde simplement ce qu’il y a sur YouTube quand j’ai envie d’un peu de guitare déchirée. Je laisse les algorithmes me surprendre.
PAN M 360 : Je crois savoir que vous avez passé une partie de votre carrière à Montréal, Toronto, Boston et Londres. À quoi ressemblait la poursuite d’une carrière artistique dans ces villes au cours des années 70 et 80 ? Y avait-il des aspects plus difficiles, ou plus faciles, que dans la musique d’aujourd’hui ?
Tim Brady : Les choses étaient très différentes, comme vous pouvez l’imaginer. L’esthétique musicale était beaucoup plus rigide. Il y avait une bonne et une mauvaise façon de composer. Les frontières musicales étaient très clairement définies – c’était du jazz, du classique, du blues, etc. Les compositeurs étaient beaucoup plus dogmatiques. Lorsque j’ai commencé à faire de la nouvelle musique de chambre pour guitare électrique (pas de jazz, de rock ou de blues) au début des années 80, beaucoup de gens ont été offensés, beaucoup n’ont pas compris. « Cela ne se fait tout simplement pas !
Les choses sont beaucoup, beaucoup plus ouvertes sur le plan esthétique. C’est une bonne chose, mais c’est aussi un défi. Avec autant d’options, comment l’artiste fait-il son choix ? Faire de l’art n’est jamais simple, quelle que soit l’époque. Mais peut-être n’est-ce pas une fatalité ?
Les changements techniques sont également importants. Presque tous les compositeurs/interprètes ont désormais accès à un studio multipiste dans leur ordinateur portable. Les échantillons sonnent bien. Il est possible de diffuser des choses via l’Internet. Cet après-midi, j’ai une répétition Zoom avec un groupe de Baltimore qui donne la première américaine de ma pièce « This one is broken in pieces : Symphonie n°11 ». Les défis spécifiques ont changé et continueront à changer. Mais faire de la musique et se concentrer sur la créativité ne sera jamais le travail le plus facile au monde, je pense.
PAN M 360 : Cent guitares électriques, c’est certainement un choix d’orchestration que l’on voit rarement. Quelles sont les autres combinaisons de sons ou d’instruments que vous aimez utiliser dans vos compositions ? Avez-vous des préférences personnelles ?
Tim Brady : J’aime beaucoup composer pour n’importe quel instrument. Chaque instrument a sa beauté et sa nature expressive. Mais si je regarde mon catalogue, les choses qui reviennent sans cesse sont : la guitare électrique (évidemment), la clarinette basse, le violon/alto, l’orchestre et la musique vocale. Curieusement, je n’ai presque plus écrit de musique pour piano solo depuis le début des années 1980 – ce n’est apparemment pas mon truc.
PAN M 360 : Est-il vrai que vous étiez en grande partie autodidacte jusqu’à la fin de votre adolescence ? Si oui, quels facteurs vous ont aidé à décider des informations ou des connaissances que vous recherchiez pendant cette période d’auto-apprentissage ? Où cherchiez-vous de nouvelles idées en ce qui concerne la guitare et l’écriture de chansons ?
Tim Brady : Oui, j’ai seulement appris à lire la musique à 19 ans, lorsque j’ai suivi mon premier cours d’« Introduction à la théorie musicale » au Collège Vanier (maintenant le cégep). Mais de 16 à 19 ans, j’apprenais à l’oreille autant que possible l’harmonie et les gammes. J’écoutais beaucoup de fusion, de jazz moderne, Debussy et Stravinsky, pour essayer de comprendre. Donc, au moment où j’ai commencé l’éducation musicale formelle, j’avais en fait une assez bonne oreille. Alors, quand le professeur a dit : « Voilà à quoi ressemble le son de la tonique à la sous-médiane plate », je me suis dit : « Oh, c’est juste de mi majeur à do majeur – je sais ça ». Une grande partie de ma formation en théorie musicale consistait simplement à apprendre les termes acceptés pour des choses que j’avais déjà dans mon oreille. J’avais tendance à obtenir des notes comme 98 % ou 100 % à mes examens théoriques, je ne vais pas mentir.
PAN M 360 : J’imagine qu’avec un catalogue de compositions aussi important que le vôtre, vous devez aussi avoir des techniques pour faire face au syndrome de la page blanche, ou des astuces pour être plus productif. Mettez-vous en œuvre quelque chose de particulier lorsque vous savez que vous devez écrire ?
Tim Brady : Je n’ai presque jamais le syndrome de la page blanche. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Je pense que c’est en partie dû à ma nature : composer de la musique, c’est juste ce que je fais. Mais la plupart du temps, je passe aussi au moins 15 à 20 minutes à improviser à la guitare (parfois plus). Cela permet de garder les voies ouvertes : faire de la musique une activité quotidienne, ce qui évite d’avoir peur de se demander « Oh non ! Quelle sera la note suivante ? ». J’ai aussi récemment trouvé une citation de l’auteur français André Gide qui me semble très puissante : « Oui, tout a déjà été dit, mais personne n’écoutait. Il faut donc le redire ». Combien de notes Ab ou Fa# ont été composées au cours des mille dernières années ? Des millions, littéralement. Alors pourquoi recommencer ? Parce qu’il faut continuer à écouter.
PAN M 360 : Et enfin : quels sont vos lieux ou espaces préférés ? (Cela peut être passé ou présent !)
Tim Brady : Pour mes pièces spatiales déjantées, l’Oratoire Saint-Joseph fonctionne très bien ! Et le Complexe Desjardins est cool pour les événements plus « populaires » de 100 guitares. La meilleure salle de concert dans laquelle j’ai joué est probablement celle de Thunder Bay, en Ontario. Elle dispose d’une salle de 1 200 places incroyablement bien équipée ! Avec une guitare électrique et des effets, on peut en quelque sorte apporter sa propre « acoustique » avec soi, donc on est un peu moins dépendant du son de la pièce qu’avec un alto, par exemple. Pour la musique acoustique, la Salle Bourgie est géniale. J’y donne un concert le 4 juin avec le Warhol Dervish String Quartet, qui joue mes quatuors à cordes numéros 3, 4 et 5. Remarque : c’est une publicité éhontée pour ce concert !
La meilleure salle de concert est celle où les gens écoutent vraiment, où il y a ce sentiment de connexion entre le musicien et l’auditeur. Une bonne acoustique aide, mais la qualité de l’écoute est vraiment le but.
On affirme qu’il s’agit du premier marathon musical en ce bas monde consacré à la culture du vinyle et du DJing. Depuis 2011, Lexis mène les destinées de 24H VINYLE, l’événement est de retour à la SAT dans le contexte de la Nuit blanche à MTL. En marche depuis 2011, indéfectible défenseur de ce médium ayant survécu à l’épreuve du temps. L’événement est mis de l’avant par Music Is My Sanctuary sous la direction de Lexis, cet authentique marathon de 24 heures sans interruption rassemble des Djs rompus à la culture vinyle, si ce n’est que pour cette occasion très spéciale. Pas moins de 17 Djs ont été invités à répandre leur science au plus grand plaisir des nuitards, du jazz au hip-hop en passant par la disco et les tendances lourdes de la musique électronique. Pour en savoir davantage sur cet événement gratuit, PAN M 360 a contacté Lexis, qui s’est prêté au jeu de nos questions.
PAN M 360 : 24 heures vinyles serait donc « le premier marathon musical au monde consacré à la culture du vinyle et du DJing ». Wow bravo ! Y a-t-il d’autres événements comparables?
Lexis : Depuis plusieurs années, il y a des soirées partout dans le monde qui se consacrent au vinyle en mode “vinyl only” mais généralement, ce sont des soirées qui durent 5 à 7 heures. C’est certain que l’idée de faire ça pendant une journée complète était un concept fort quand j’ai lancé ça en 2011, mais ce qui donne de la richesse à l’évènement, c’est l’aspect “marathon”, soit des DJ’s et styles musicaux qui se relaient et collaborent.
PAN M 360 : De quelle manière, selon toi, la culture du vinyle a-t-elle évolué ces dernières années?
Lexis : Elle a vraiment beaucoup évolué, tant pour les gens qui achètent et écoutent des disques à la maison que les DJ’s qui en jouent dans leurs sets. Ce qui est hyper inspirant, c’est que la période de renaissance du vinyle a prouvé que c’est là pour rester, autant dans les magasins, labels et DJ’s que pour les amateurs de musique point.
PAN M 360 : Comment a évolué cette formule que tu as mise au point au fil du temps?
Lexis : Quand j’ai lancé cet événement dans mon studio personnel, l’emphase était plus sur la diffusion en ligne. Ensuite, tranquillement, j’ai voulu le faire vivre dans des lieux publics, de le faire voyager dans différentes villes pour explorer leur culture vinyle. Depuis quelques années, le focus est sur l’expérience devant public et la combinaison avec la foire de disques, alors que la portion streaming est devenue secondaire.
PAN M 360 : Ta grande culture musicale te permet de varier les propositions. Pouvons-nous avoir un aperçu de cette édition de samedi à dimanche? Quels sont les styles et types de production que tu prévois mettre de l’avant?
Lexis : J’adapte toujours la programmation en fonction des particularités de la salle et des heures de passage de chaque DJ. Cette édition est divisée en deux parties: le samedi soir dans la salle principale est évidemment plus axée club / dancefloor , pouvant aller du disco au techno et house. La portion du dimanche est toujours plus éclectique, pouvant se promener du jazz, hip-hop, soul, reggae tout en concluant l’évènement sur un crescendo naturel pour les dernières heures du marathon.
PAN M 360 : Le vinyle est une sous-culture qui dure et qui durera, quoi qu’en pensent ses détracteurs. Pourquoi selon toi poursuit-on en ce sens?
Lexis : Je pense que le vinyle a sa raison d’être et mérite sa place tout comme les plateformes numériques. Ça ne devrait pas nécessairement être l’un ou l’autre. Il y a des côtés qu’on adore du vinyle et des côtés qui font chier aussi! 🙂 C’est lourd, ça prends de la place, c’est cher, etc.
PAN M 360: Les avancées technologiques permettent une plus grande intelligibilité de l’enregistrement numérique. Le vinyle a-t-il connu aussi des avancées en ce sens? Meilleures cartouches? Meilleurs pressages? Éclaire-nous!
Lexis : Les standards de production, d’écoute et de performance avec vinyle sont relativement les mêmes depuis les années 80, ce qui est assez fascinant! La table tournante de prédilection du DJing (Technics SL-1200) est la même depuis maintenant 40 ans. C’est certain qu’il y a eu de petites améliorations des systèmes de son, mixer, cartouches, mais en général les standards ont survécu.
PAN M 360 : Quels sont aujourd’hui les avantages pour un producteur de miser sur le vinyle comme médium de diffusion?
Lexis : Évidemment pour la qualité du son mais aussi pour les possibilités artistiques de l’objet et aussi pour créer un lien plus tangible.
Dimanche 2 mars – Pavillon & Satosphère – de 8h à 20h
Dès 8h, la partie dominicale de 24H VINYLE se hisse au dernier étage de la SAT, plus précisément au restaurant Pavillon. De 10h à 17h, une foire aux disques vinyles sera aménagée dans la Satosphère en collaboration avec Vinyl Caravan.
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