Qu’est-ce qui unit les œuvres de Mozart, Dvořák, Kodály et Johann Strauss ? Stylistiquement variées du point de vue du langage et séparées par des époques différentes, c’est leur effectif instrumental qui attire l’attention. Dans un programme qui rassemble des œuvres pour cordes de ces différents compositeurs, les musiciens des Violons du Roy, Katya Poplyansky (violon), Pascale Gagnon (violon), Annie Morrier (alto) et Raphaël McNabney (contrebasse), mettent de l’avant des formations musicales inattendues pour leur instrument et qui seront entendues dans un concert-apéro les 12 et 13 mars au Palais Montcalm. Pour en parler, ils ont chacun accepté de répondre à quelques questions de PAN M 360.
PAN M 360 : Les formations de trio pour cordes sont habituellement composées d’un violon, d’un alto et d’un violoncelle. Ici, vous proposez des trios inattendus, donc des formations plus rares avecdeux violons et un alto, puis deux violons et une contrebasse. Pourquoi ces formations sont-elles considérées comme plus rares ? Comment cela se traduit-il au niveau de l’écriture musicale et est-ce que ces formations vous amènent à modifier votre jeu, dépendamment de la place que votre instrument occupe dans la partition ?
Katya Poplyansky : Souvent un violoncelle joue une ligne de basse, en plus des mélodies… Sans le violoncelle, nos responsabilités comme violonistes et altistes deviennent plus nombreuses, et même peut-être plus compliquées! Parfois, on joue la mélodie, parfois on accompagne, et parfois on joue la ligne de basse, le tout dans quelques courtes mesures. C’est un défi, mais aussi très valorisant.
PAN M 360 : Outre leur configuration instrumentale particulière, qu’est-ce qui caractérise chacune des pièces de ce concert ?
Pascale Gagnon : Je dirais que ce concert est un voyage à travers les époques, tout d’abord Mozart avec un trio très simple et agréable, une petite pièce en seulement deux mouvements, un adagio et un menuetto, ce qui est assez particulier. Nous sommes habitués à 3 ou 4 mouvements. Pour le Dvořák, c’est un trio en 4 mouvements. Le magnifique mouvement lent est un très beau moment romantique; mon préféré. Le scherzo aussi est très intéressant, avec une saveur folklorique et un jeu rythmique assez déstabilisant pour l’auditeur. Le Kodály est un mélange d’inspiration folklorique et d’harmonies modernes; un trio de forme classique en 3 mouvements.Pour lui aussi, j’aime particulièrement le deuxième mouvement, une conversation entre l’alto et le premier violon qui peut sembler être improvisée. Le deuxième violon, lui, tisse une ambiance tout le long du mouvement avec des trémolos très doux, parfois même inquiétant. Et pour finir le concert, une valse de Strauss avec la mélodie au premier violon, accompagnée de la basse et du deuxième violon.
PAN M 360 : Quels sont les défis ou les éléments auxquels il faut porter attention en tant que musicien quand on interprète du répertoire de musique de chambre ?
Annie Morrier : La musique de chambre est souvent très valorisante, mais nous demande beaucoup plus d’implication personnelle. Étant en petite formation, nous devons prendre en charge les idées musicales, l’équilibre des instruments et le style des pièces que nous interprétons. En orchestre, c’est principalement le rôle du chef d’orchestre. Nous devons aussi être très à l’affût des autres parties. Savoir exactement ce qui se passe dans toutes les parties jouées et être particulièrement flexibles aux idées des autres et à leur propre interprétation. Cela amène parfois des discussions et des prises de décisions. De plus, les partitions sont souvent techniquement plus difficiles, ce qui nous demande plus de préparation individuelle.
PAN M 360 :La pièceWiener Carnaval-Waltzer, op. 3, est traditionnellement interprétée par un orchestre. Vous allez l’interpréter sous forme de trio. Quels sont les défis de réduire la masse orchestrale pour votre formation et qu’est-ce qu’une formation de chambre peut apporter comme éléments d’écoute comparativement à un orchestre ?
Raphaël McNabney : Malheureusement, il sera toujours impossible, malgré tout nos efforts et notre créativité, de reproduire la palette de couleurs et de timbres d’un orchestre symphonique à 3. Cela dit, il est plus facile de bouger et de danser en petit groupe et les caractères des œuvres peuvent toujours être transmis, peu importe l’orchestration. Aussi, sur un plan pratique, de pouvoir exporter des œuvres symphoniques avec des moyens modestes, permet à un plus large public d’en profiter dans des contextes variés, comme une belle valse de Strauss pour conclure un petit apéro…
Pour la Semaine du Neuf, le Quatuor Bozzini célèbre ses 25 ans d’activités professionnelles au service des musiques de création, soit avec des créations de trois compositeurs-trices d’exception: Michael Oesterle, Linda Catlin Smith et Martin Arnold. Pour cette occasion très spéciale, PAN M 360 publie deux interviews avec les membres de cet excellent quatuor montréalais: Alissa Cheung, violon, Clemens Merkel, violon, Stéphanie Bozzini, alto, Isabelle Bozzini, violoncelle, auxquels se joindront la violoncelliste Audréanne Filion et l’altiste Élisa Trudel pour l’exécution de la pièce de Martin Arnold. Parlons d’abord du concert de ce vendredi 14 mars, 19h30, au Music Media Room... et lisez notre interview-bilan des 25 ans de Bozzini !
PAN M 360: Pourquoi ces trois compositeurs.trice dans une telle commémoration?
Isabelle Bozzini: L’Effusione d’amicizia est un des projets phare de notre quart de siècle, des commandes à des compositeurs qui nous accompagnent depuis nos débuts : Michael Oesterle, Martin Arnold et Linda Smith. Ces créateurs exceptionnels nous font l’honneur depuis longtemps de suivre et apprécier notre travail. Full disclosure : tous ces artistes se connaissent et s’apprécient, et ils ont déjà été mentors de notre Composer’s Kitchen ou du BozziniLab, d’où l’effusion!
PAN M 360: Parlez-nous de 3-Way Cotillion, un sextuor de Martin Arnold, où on retrouve la fascination du compositeur pour la musique ancienne, les traditions folk et l’influence des musiques psychédéliques. Peut-on en apprendre davantage sur l’œuvre?
Stéphanie Bozzini: L’œuvre 3-Way Cotillion est basée sur des matériaux et structures simples. Le sextuor s’ouvre sur une longue mélopée des deux altos, soutenue par des accords « coussins » et des ponctuations de pizzicato des autres instruments. Son titre fait référence à une danse, ce qui est assez caractéristique des œuvres de Martin : des mélodies ondoyantes, humbles, jamais dans l’extravagance, parfois lentes mais aussi des motifs pointés qui ponctuent les phrases en guise de cadences. Une réminiscence de motifs mélodiques revient au long de la pièce.
Clemens Merkel: Le compositeur laisse toujours beaucoup de décisions et de liberté aux interprètes en termes d’articulations, nuances et même caractères, ce qui donne à ses œuvres un super terrain de jeu pour nous.
Isabelle Bozzini : Martin est un pur mélomane et possède une collection de disques exceptionnelle et extrêmement éclectique. Il a une vénération pour la musique de la Renaissance, il a grandi avec la tradition folk en Alberta et vécu à fond sa période psychédélique. Pour comprendre pleinement toutes ses influences, je pense qu’il faut aller l’entendre dans un bar avec l’un de ses bands à Toronto
PAN M 360; Comment avez-vous intégré la violoncelliste Audréanne Filion et l’altiste Élisa Trudel?
Isabelle Bozzini: L’altiste Élisa Trudel et la violoncelliste Audréanne Filion sont deux musiciennes de la relève. Il y a des affinités sonores et esthétiques au départ, et aussi une réelle curiosité de leur côté pour la musique nouvelle. C’est pourquoi nous nous sommes tournés vers elles. Audréanne évolue au sein du milieu de musique actuelle entre autres, et a déjà joué avec nous en 2023 à Québec Musiques Parallèles pour le Jürg Frey.
Stéphanie Bozzini: Nous avons croisé régulièrement Élisa dans différents concerts à Montréal et Rimouski, c’est inspirant de voir la jeune génération d’interprètes s’intéresser aux nouvelles musiques. Et c’est super de les avoir avec nous pour ce concert!
PAN M 360 : Michael Oesterle, avec qui vous avez fait connaissance au Forum du Nouvel Ensemble Moderne en 1996, est à l’origine d’une longue collaboration avec l’ensemble, qui présentera son Quatuor no 4, cinquième œuvre écrite pour le Bozzini. Y a-t-il un lien avec les œuvres précédentes, jouées au fil du temps avec le quatuor? Comment l’œuvre est-elle construite et quels sont les enjeux de l’exécution?
Stéphanie Bozzini: C’est une longue pièce en un mouvement, divisé en quelques sections, donc en contraste avec le Quatuor No.3 « Alan Turing » qui est en 4 mouvements distincts, ou d’autres de ses quatuors qui sont de forme courte. Le Quatuor no.4 commence et termine avec un choral réminiscent de la grande tradition classique, et dont on entend l’écho en harmoniques au centre de la pièce. Michael construit ses œuvres en alternant des matériaux musicaux géométriques expressifs. Avec des moyens très simples, il crée toute une fresque de sons originaux, ludiques et aussi très expressifs.
Isabelle Bozzini: Malgré les difficultés techniques de la pièce, sa connaissance intime du langage pour cordes en rend l’exécution accessible : par exemple des traits rapides en harmoniques qui sont idiomatiques pour les cordes. On aime bien sûr les défis d’œuvres techniquement touffues, pour le défi, le plaisir d’apprendre, le désir de se pousser et de faire avancer la fluidité du jeu.
Stéphanie Bozzini: Mais en même temps ça reste un aspect satisfaisant pour nous de ne pas avoir à « s’enfarger dans les fleurs du tapis » comme on se dit parfois en répétition, pour pouvoir se consacrer à d’autres aspects de la musique plus importants à nos yeux : l’expression, les dynamiques, le flot et la balance.
PAN M 360: La Torontoise Linda Catlin Smith a créé la pièce Rêverie spécialement pour l’occasion. Quelles sont les caractéristiques de cette œuvre? Quels sont les enjeux de l’exécution?
Alissa Cheung: Nous avons joué presque tous les quatuors à cordes de Linda, et nous sommes ravis d’avoir enfin une commande spécialement écrite pour nous. On peut reconnaître des éléments de ses précédents quatuors, des phrases et une orchestration qui nous rappellent Gondola ou Folkestone, mais cette pièce s’inscrit de manière unique dans l’évolution de l’écriture des quatuors à cordes de Linda. L’œuvre est composée de nombreuses sections homogènes qui passent de l’une à l’autre, et l’on y retrouve les contrastes caractéristiques de Linda entre la lumière et l’obscurité, en termes de contenu harmonique, orchestral et émotionnel. Comme dans beaucoup de ses autres pièces, il faut que l’ensemble ait un sens aigu de la pulsation, sans pour autant perdre la nature organique de l’apesanteur et de la fluidité pour l’auditeur.
PAN M 360: Pourquoi ce programme est-il présenté au Music Multimedia Room (MMR), réputé pour ses vertus acousmatiques et multimédias?
Isabelle Bozzini: On associe beaucoup le MMR à l’électro avec les événements live@CIRMMT entre autres, mais il ne faut pas oublier qu’à l’origine c’est un studio d’enregistrement aux qualités acoustiques extraordinaires. C’est la première fois que nous y jouerons en concert et j’ai bien hâte! Bien sûr, le choix des salles de concerts dépend aussi des disponibilités au calendrier et de l’agenda des artistes.
Le flûtiste Cyrille Angers et le pianiste Bruce Gaulin font équipe pour le prochain concert des Mélodînes, série consacrée aux interprètes émergents. À la veille de leur concert présenté ce mercredi 12 mars à 12 h 10 à la salle Claude-Léveillée de la Place des Arts, les deux collègues se prêtent à cette interview en trois parties : solo, solo, duo !
Questions à Cyrille Angers
Natif de Québec et admis au Conservatoire de musique de Québec en 2018, devient médaillé d’or au Concours de musique de la Capitale et boursier de la Fondation du Conservatoire de musique en 2019. Il reçoit la bourse d’excellence Alain Marion, de l’Académie internationale de musique du Domaine Forget, en 2021. Il se distingue également en remportant plusieurs prix lors de concours musicaux nationaux, dont les premières places au Concours de musique du Canada (2022) et au Concours de musique OMNI (2021/ 2023). Ces honneurs lui permettent de jouer comme soliste avec l’Orchestre Métropolitain, lors du « Tutti 2023 ».
PAN M 360 : Quels sont les répertoires qui vous sont les plus chers en ce moment? Cyrille Angers: En ce moment, ce sont les répertoires de compositeurs qui incorporent des éléments nationaux ou folkloriques dans leur musique qui me sont les plus chers. Que ce soit par les thèmes abordés ou les images évoquées, cette approche me fait découvrir des sonorités nouvelles, souvent audacieuses et authentiques. Je pourrais citer dans cette catégorie des grands noms comme Respighi, Moussorgski, Vaughan Williams ou Sibelius, mais également des plus « petits » noms comme Vladigerov, de Freitas Branco, Paliachvili ou Stenhammar, pour ne citer que ceux-ci. Étant un grand amoureux du voyage, cette approche musicale me permet de voyager à distance et de continuer à me confronter à des approches musicales inusitées.
PAN M 360 : Quels répertoires vous intéressent-ils en priorité? Cyrille Angers: Je dirais que ce sont les répertoires qui s’éloignent des sentiers battus. J’apprécie particulièrement la nouveauté et la liberté créatrice, et qu’explorer des répertoires plus méconnus répond à ces deux aspirations. Ces œuvres ont rarement une tradition d’interprétation aussi ancrée que celles de compositeurs comme Chopin, Schubert ou Bach, ce qui me permet d’apporter ma propre vision et de laisser cours à ma créativité, ce qui m’interpelle davantage.
PAN M 360 : Vous considérez-vous d’abord comme flûte solo ou encore plus généraliste, côté musiques orchestrales? Cyrille Angers: Je me considère avant tout comme flûte solo. Bien que j’apprécie énormément le jeu en orchestre ou en musique de chambre, c’est dans le côté solo que je me sens le plus à l’aise.
Questions à Bruce Gaulin
Récipiendaire de Premiers Prix dans plusieurs concours tels aux Festivals du Royaume, de Clermont-Pépin et de Saint-Pierre de Saurel, au Concours de Musique de la Capitale ainsi qu’au Concours de musique du Canada, où il est finaliste au Tremplin. Soliste et chambriste, il s’est produit notamment à la Chapelle historique du Bon-Pasteur, à Orford Musique, au Festival de Musique de Chambre de Sainte-Pétronille, aux Préludes de l’Orchestre Symphonique de Québec, à l’Opéra de Québec, à l’Orchestre symphonique de la Côte-Nord. De plus, il est cofondateur et gestionnaire de l’Ensemble Renouveau.
PAN M 360 : En tant que chambriste, avez-vous des préférences pour une configuration ? Bruce Gaulin : J’aime beaucoup les petites formations, duos ou trios, qui donnent plus de latitude et de liberté aux interprètes entre certains moment “solistes” et certains moments “chambristes.”
PAN M 360: Quel est votre répertoire de prédilection ? Bruce Gaulin: Il n’y a pas vraiment de constante outre le fait qu’une œuvre doit être foncièrement authentique pour me parler. Quel que soit le style, l’époque ou le genre, la nationalité même, il doit y avoir ce sens de la vérité du propos transmis, sans artifices ou détours.
PAN M 360: Avez-vous des préférences sur le solo vs le travail d’ensemble ? Bruce Gaulin: J’aime les deux! Quand on joue en solo, on a que nous à gérer (ce qui n’est pas une mince tâche parfois!), mais à deux ou plus, on doit être sensible à l’autre et penser pour lui ou pour elle en plus de s’occuper de nous. Ça peut nous apprendre beaucoup sur certains autres aspects de la vie.
Questions à Bruce Gaulin et Cyrille Angers
PAN M 360 : Faites-nous la genèse de votre collaboration Bruce Gaulin: J’ai accompagné Cyrille pour la première fois lorsque je jouais pour la classe de flûte au Conservatoire de Québec à l’automne 2021. J’ai eu l’occasion de renouveler l’expérience maintes fois par la suite, pour des concours et des enregistrements.
PAN M 360: Quelle est l’importance de ce duo dans vos carrières respectives ? Bruce Gaulin: Jouer avec Cyrille est toujours un plaisir et une expérience des plus enrichissantes. C’est un concert qui me tient à cœur et qui sera des plus stimulants et surprenants.
PAN M 360 : Avez-vous circonscrit un répertoire à explorer ? Bruce Gaulin: Nous explorerons une foule de compositeurs qui furent des prodiges à part entière dans chacune de leurs vies. La majorité des œuvres présentées ici sont des transcriptions de pièces écrites pour d’autres instruments et dont Cyrille est l’arrangeur.
PAN M 360 : Parlez-nous SVP des œuvres choisies et leurs compositeurs.trices pour ce programme : Cyrille Angers: Les compositeurs que nous avons sélectionnés pour ce programme sont tous des prodiges de la musique. Fidèles à nos habitudes, Bruce et moi avons cherché à mettre en lumière des œuvres moins connues, écrite par des compositeurs dont la notoriété est moindre que celle de Mozart ou Beethoven par exemple.
Certains, comme Frank Martin avec sa Ballade ou Georges Enesco avec son Cantabile et Presto, ont signé des piliers du répertoire de la flûte. La Ballade a été écrite pour le Concours de Genève, tandis que le Cantabile et Presto servait de pièce d’évaluation pour le Concours du Conservatoire de musique de Paris. Cependant, les autres œuvres de ces compositeurs sont peu programmées dans les salles de concert.
D’autres compositeurs de notre programme sont davantage connus du public, mais pour d’autres de leurs œuvres. C’est le cas d’André Mathieu avec son Concerto de Québec ou de Samuel Barber avec son célébrissime Adagio pour cordes.
Lili Boulanger commence à faire sa place dans le répertoire de concert, autant auprès des orchestres professionnels que chez les flûtistes, avec des pièces comme le Nocturne ou D’un matin de printemps.
La Sinfonia Piccola de Heikki Suolahti était admirée pour Jean Sibelius, considéré comme le plus compositeur finlandais de l’histoire. Elle est très rarement représentée, mais témoigne du génie indéniable que possédait Suolahti, décédé à 16 ans d’une leucémie.
Quant à Camille Saint-Saëns, son succès le précède, et son Introduction & Rondo capriccioso, Op.28 fait partie des incontournables du répertoire pour violon. Ce sera de loin l’œuvre la plus célèbre que Bruce et moi interpréterons dans ce programme.
PAN M 360 : Parlez-nous des enjeux de leur exécution. Cyrille Angers: Je dirais que chaque œuvre présente ses propres enjeux. Pour celles de Heikki Suolahti d’André Mathieu, l’enjeu principal a été de les adapter pour flûte et piano. Une fois transcrite, l’œuvre de Suolahti se place facilement avec piano. Quant aux deux œuvres de Mathieu, elles sont beaucoup moins intuitives sur le plan musical. L’écoute mutuelle entre Bruce et moi est alors primordiale pour s’assurer d’une bonne cohésion. L’œuvre de Boulanger poursuit dans cette lignée. Quoi que beaucoup plus intuitive que la Sonate de Mathieu, par exemple, elle requiert de plus un haut niveau de raffinement. Du côté des œuvres d’Enesco et de Martin, j’affirmerais que l’enjeu principal est l’authenticité. Ces œuvres sont très fréquemment performées chez les flûtistes. Ainsi, les aborder avec une approche nouvelle et différente en fait le principal enjeu. Chez Barber, l’enjeu réside dans les couleurs musicales, le lyrisme et la respiration, des enjeux fréquents dans les pièces à caractères plus lent. Quant à l’œuvre de Saint-Saëns, c’est sans aucun doute la difficulté technique, puisqu’elle se veut une pièce de virtuosité.
PROGRAMME
André Mathieu, Ballade-Fantasie pour violon et piano (arr. pour flûte et piano) Sonate pour violon et piano (arr. pour flûte et piano) Lili Boulanger, D’un matin de printemps pour flûte et piano, ILB 5 Samuel Barber, Canzone pour flûte et piano, IGE 2 George Enescu, Cantabile et Presto pour flûte et piano, IGE 2 Frank Martin, 2e Ballade pour flûte et piano Heikki Theodor Suolahti, Sinfonia Piccola pour orchestre, IHS 1 (arr. pour flûte et piano) Camille Saint-Saëns, Introduction et Rondo Capriccioso op. 28, pour violon et orchestre (arr. pour flûte et piano)
Fort probablement, Manu Katché est le batteur le mieux connu de France. Ses accompagnements de stars nationales et internationales, de Michel Jonasz à Sting et Peter Gabriel, sans compter les dizaines et les dizaines de collaborations prestigieuses, en font un invité de marque à Montréal, cette fois en tant que leader d’ensemble et compositeur. Vu son escale imminente en toute intimité au Studio TD, soit ce mercredi 12 mars, prélude à une douzaine de concerts au Québec jusqu’à la fin du mois, PAN M 360 vous propose cet entretien d’Alain Brunet avec le batteur étoile.
PAN M 360 : Le dernier enregistrement de votre part, The Scope, remonte à 2019. C’est bien ça, n’est-ce pas ?
Manu Katché : Tout à fait
PAN M 360 : Si vous repartez en tournée, cela annonce-t-il un enregistrement à venir? Si oui, quel est le projet?
Manu Katché: Exactement, j’ai composé une dizaine de nouveaux morceaux , mais qui ne sont pas enregistrés pour l’instant. Cette tournée Québécoise, outre le fait de venir jouer dans ce pays pour lequel j’ai bcp de souvenirs et que j’apprécie beaucoup, cela va me permettre de tester et de faire évoluer ces nouveaux titres avec mon groupe en Live. Une fois en studio je pense que cela aura apporté un réel plus pour les enregistrer
PAN M 360 : Avec qui tournez-vous dans le cycle actuel?
Manu Katché: Le même bassiste qui est déjà présent sur mon dernier album ainsi que sur scène, Jérôme Regard, tout comme le guitariste Patrick Manouguian, j’ai une nouvelle personne qui vient de nous rejoindre et qui tient la place de claviers et de trompettiste. Sebastian Studnitzky
PAN M 360 : Pourriez-vous SVP décrire sommairement vos collègues de tournée, leur parcours, leurs qualités d’interprètes et d’improvisateurs ?
Manu Katché: Pour le bassiste Jérôme Regard, il est aussi contrebassiste et prof de contrebasse. Ce qui me permet par rapport aux morceaux à jouer de pouvoir choisir un son précis délivré soit par sa basse électrique ou bien sa contrebasse. Il est, comme je l’ai mentionné, prof de contrebasse, ce qui en clair veut dire qu’il lit parfaitement la musique et me permet une fois les morceaux écrits de gagner bcp de temps en répétitions, car il lit la musique à vue.Il est issu du milieu jazz, avec donc cette ouverture harmonique liée au jazz et la facilité d’improviser. Le guitariste, Patrick, est issu du monde de la musique ‘mainstream”, tout comme moi, nous avons des codes assez similaires concernant l’accompagnement et proposant une palette sonore assez diverse.
PAN M 360 : Quel répertoire comptez-vous jouer à MTL? Vos compositions? Des reprises jazzifiées? Des standards?
Manu Katché: Uniquement mes propres compositions, des nouvelles comme je vous le disais au début de cette Itv, et peut être, mais cela n’est pas encore acté, deux reprises…
PAN M 360 : En tant que leader d’ensemble, que cherchez-vous à exprimer avec vos collègues ?
Manu Katché: Le fait de jouer ensemble depuis pas mal de temps maintenant nous permet de prendre ensemble du plaisir et de pouvoir avec ce plaisir commun le faire passer au public présent. Ce qui compte à mon sens est l’interactivité avec le public, certainement la raison pour laquelle les musiciens ont besoin de se produire ‘Live”, source de ressenti énorme et unique.
PAN M 360: Les pièces récentes de votre répertoire puisent dans le groove, le jazz, la pop, les musiques afro-descendantes de Caraïbe ou d’Afrique, la musique traditionnelle d’Afrique de l’Ouest,ou même l’électro. Quelle serait votre propre description?
Manu Katché: Difficile de répondre à cette question, Proposant un répertoire instrumental pour l’ensemble de mon set, je dirais pop/jazzy-electro…
PAN M 360 : Vous avez été longtemps un accompagnateur 5 étoiles chez les plus réputés de la pop de création. Comment s’était fait la transition vers votre carrière solo, votre propre expression?
Manu Katché: J’ai été et reste sideman. J’apprécie beaucoup de pouvoir jouer et collaborer avec des artistes de styles différents. Il est vrai que depuis plus d’une dizaine d’années j’ai décidé, en parallèle, de monter un groupe et de faire de la scène avec. Le plaisir tout simplement de pouvoir jouer et interpréter ma propre musique, je pense que toutes ces collaborations dont j’ai fait partie, m’ont certainement donné l’envie d’être leader également. Je crois que ce n’est pas une transition dans ma carrière mais simplement une continuité. Mon style de jeu de batterie , issu en partie de mes études classiques au conservatoire, fait partie de cette envie d’exprimer des choses musicales et mélodiques tout en étant batteur.
PAN M 360 : Quelles sont les musiques ayant modifié un tant soit peu votre trajectoire de musicien au cours de la dernière décennie?
Manu Katché: Je suis quelqu’un qui écoute beaucoup de choses différentes. A part peut être le Metal, le reste me procure bcp de plaisir dès l’instant où la musique me touche. Cela peut aller du hip-hop au jazz tout en passant par la musique mainstream. J’évolue comme tout être humain, la musique que j’écoute me nourrit et me permet d’avancer culturellement. Les tendances sont présentes régulièrement et je trouve que cette nouvelle génération de musiciens proposent de très belles choses musicales à travers leurs projets.
PAN M 360 : Depuis la sortie de The Scope il y a six ans ce mois-ci, que s’est-il passé musicalement de votre côté?
Manu Katché: Rappelons nous malheureusement que nous avons dû subir deux années difficiles , vides à cause du covid. Dès que nous avons eu le “droit » de pouvoir circuler librement à nouveau, je suis parti en tournée mondiale avec Peter Gabriel, après avoir participé à l’album i/o. Juste avant cela, j’ai collaboré à l’album de Sting: The Bridge.
Aussi, jj’ai enregistré plusieurs albums de Jazz avec des artistes divers, Américains, Français , Belges… J’ai coréalisé trois albums pour Michel Jonasz – La Méouge, le Rhône, La Durance– Chanter le Blues et le tout dernier Soul en participant à chacune des tournées de ces albums et, plus récemment, le tout début de cette nouvelle tournée pour l’album Soul. J’ai composé un tout nouvel album personnel que j’enregistrerai bientôt. J’ai écrit et sorti mon deuxième livre #Beat aux éditions Grasset.
PAN M 360 : Vous êtes aussi communicateur, vous avez fait beaucoup de télé, parfois sur des sujets culturels mais aussi des enjeux de société sur le racisme et l’immigration (La Face Katché). Comment pouvez-vous résumer cette trajectoire de communicateur?
Manu Katché:La face katché est un programme qui se trouve sur le Web “Yahoo.fr”, j’en suis très fier, car j’ai interviewé et continue à le faire, un bon nombre de personnalités issus de la diversité. Il me paraît important d’en parler et avant tout sans agressivité, ce qui, à mon sens, est une possibilité positive pour la compréhension sur la différence. comprendre d’où viennent certaines personnes, quelle a été leur enfance, comment ils ont dû se positionner simplement pour arriver à vivre normalement, sans aigreur ni animosité et jalousie…. Nous avons, je pense, tous eu des enfances complexes ou difficiles pour certains, parfois dues à des familles violentes, incultes ou absentes. Le fait en plus d’avoir de manière visible ou pas un profil différent ne permet pas à certaines personnes de comprendre ou bien alors de juger…. J’essaye avec ce programme de mettre en lumière ces difficultés et différences pour que la compréhension et l’acceptation soient plus présentes.
PAN M 360 :Comment voyez-vous votre rôle récent en tant qu’animateur?
Manu Katché: Je ne vois rien de précis, je ne calcule rien, je fais simplement les choses qui me tiennent à coeur avec coeur!
PAN M 360 : Voyez-vous un lien entre votre carrière médiatique et votre carrière de musicien?
Manu Katché: Il me semble que nous agissons avec notre personnalité. Il ne m’est pas possible de me dissocier pour un projet ou pour un autre, je serais en dysharmonie et de fait pas moi même. Je suis en phase avec mes intuitions, mon instinct et mes connaissances pour délivrer quelque chose de sincère et d’honnête. Il y a des musiciens qui ne prennent pas la parole, d’autres qui le feront, certains qui vont militer pour une cause, d’autres pas, peu importe. Savoir se situer, être à sa place avec respect pour l’autre sans jugement.
MANU KATCHÉ DONNE 12 CONCERTS AU QUÉBEC, SOIT DU 12 AU 30 MARS. IL SERA À MONTRÉAL, TROIS-RIVIÈRES, LAVAL, TERREBONNE, SHERBROOKE, JOLIETTE, SAINT-HYACINTHE, REPENTIGNY, GATINEAU, DRUMMONDVILLE, QUÉBEC, SAGUENAY, RIMOUSKI
Dans la foulée du concert présenté dimanche au Music Multimedia Room (MMR) de l’Université McGill, qui a plongé l’auditoire dans un écosystème sonore immersif de 3 heures avec des œuvres d’Annette Vande Gorne, Julien Guillamat, David Piazza, Ana Dall’Ara-Majek, Francis Dhomont et Robert Normandeau, PAN M 360 a posé ces quelques questions à Annette Vande Gorne, figure emblématique de la musique acousmatique. Un échange autour de son parcours, des liens artistiques qui unissent le Québec et la Belgique et de l’évolution de l’acousmatique.
PAN M 360 : Vous avez reçu l’enseignement de Guy Reibel et Pierre Schaeffer au Conservatoire national supérieur à Paris entre 1977 et 1980. Qu’est-ce qui vous avait attiré dans le médium de la musique concrète et acousmatique?
Annette Vande Gorne : La découverte par hasard de musique concrète et acousmatique (Le voyage de Pierre Henry et Les espaces inhabitables de François Bayle) a provoqué un bouleversement complet de ma perception musicale : sensation de flottement corporel, formes abstraites en mouvement spatial, des blanches sur fond noir, dans mon imaginaire mental. La communication immédiate au-delà de toute connaissance spécialisée et barrière culturelle (par le biais des archétypes, des images iconiques et de leurs traces) qui conduit librement nos imaginaires personnels, m’a immédiatement fait dévier un chemin lisse et prévisible de musicienne classique et compositrice de musique instrumentale vers des sentiers plus rocailleux, mais novateurs, de la musique acousmatique : rien à voir, tout à imaginer.
PAN M 360 : Les liens entre la Belgique et le Québec dans le développement de la musique acousmatique sont importants et marqués par des rencontres importantes. Comment ces liens sont-ils nés et quels ont été leurs impacts?
AVDG : Les mailles de ces liens ont été tissées grâce à Francis Dhomont, alors professeur à l’Université de Montréal et invité lors du premier festival « L’Espace du Son » en 1984 à Bruxelles. Il avait instauré un atelier électroacoustique d’été à Arles auquel certains de ses étudiants participaient, et m’avait suggéré que l’un d’entre eux fasse une résidence dans le studio analogique Musiques & Recherches. J’ai choisi Robert Normandeau en 1987. Depuis lors, les liens se sont resserrés, notamment entre le Conservatoire royal de Mons où j’ai créé une section électroacoustique – maîtrise en composition acousmatique – et l’Université de Montréal dont cinq étudiants sont actuellement en résidence à Mons. Mais aussi des liens éditoriaux entre le label Empreintes DIGITales de Jean-François Denis et 6 compositeurs résidant en Belgique. Enfin, et surtout, des liens d’échange et d’amitié se perpétuent grâce un constant va-et-vient de résidences, concerts, commandes et conférences entre Musiques & Recherches, quelques compositeurs belges et moi-même et des associations ou séries de concerts comme Réseaux, Akousma, Le Viver aujourd’hui, outre de nombreux compositeurs du Québec.
PAN M 360 : La voix, premier vecteur émotionnel et musical et support ancestral de toute communication, est à la base de votre cycle Vox Alia qui sera présenté en intégralité. Comment avez-vous décliné cet élément dans le traitement sonore de l’œuvre?
AVDG : Toutes les strates – du son au sens, du cri au langage, du parlé au musical – sont explorées dans l’usage de la voix. La voix comme entité purement sonore convient particulièrement aux traitements électroacoustiques en studio, tout comme à la polyphonie spatiale. Reformer des chœurs virtuels et spatialisés dans tout l’espace du lieu de concert à partir de voix autonomes en est un exemple. La salle du CIRMMT au sous-sol du Pavillon de musique Elizabeth Wirth de l’Université McGill est d’ailleurs une merveille de précision sonore grâce à ses 66 haut-parleurs de très haute qualité. D’autres concerts acousmatiques y seraient tout à fait adaptés.
PAN M 360 : Comment qualifieriez-vous votre démarche de création? Quels sont les éléments qui vous inspirent en tant que compositrice, mais aussi en tant que chercheuse? La recherche est-elle toujours présente quelque part dans vos compositions?
AVDG : La recherche est indispensable. Je ne peux imaginer la création novatrice sans un humus théorique qui la soutienne et la justifie. Merci en soi rendu à François Bayle, dont la recherche constante, elle-même basée sur ses lectures pertinentes, permet au genre particulier « acousmatique » d’exister sur des bases raisonnées. Je prolonge cela en intégrant ces réflexions dans un contexte musicalement plus large, sorte de pont vers la pratique appliquée au sensible. Et cela fonctionne! Actuellement, je rédige un traité de composition acousmatique.
PAN M 360 : La performance du 9 mars raconte un peu une histoire générationnelle également. La première partie présentera votre œuvre Vox Alia avec Vol d’arondes de votre ami, le défunt compositeur Francis Dhomont, alors que la deuxième partie présentera des œuvres de compositrices et compositeurs qui ont été marqués par vos enseignements respectifs. Qu’est-ce qui vous marque dans la manière dont les jeunes compositeurs et compositrices abordent la composition aujourd’hui? Quelle évolution notez-vous?
AVDG : La question est vaste et, me semble-t-il, ne peut être généralisée, car les environnements culturels sont différents par exemple entre Montréal, le Québec, et l’Europe, la France, la Belgique, etc. Évidemment, la technologie et ses évolutions (de l’analogique à l’intelligence artificielle) est générale et partagée par tous, mais son usage diffère, et dépend aussi de l’orientation des nouvelles générations d’enseignants. On quitte ici le monde de l’écoute pure vers celui des multimédias et des écrans, alors qu’en Belgique, grâce à la multiplicité des concerts spatialisés sur acousmoniums ou systèmes de haut-parleurs (il en existe 5 en Belgique) et des orchestres contemporains (6 en Flandre et Wallonie-Bruxelles), l’écoute seule est au centre de la pratique musicale.
PAN M 360 : Quels conseils donneriez-vous à des néophytes qui voudraient découvrir ou s’initier à la musique acousmatique?
AVDG : Écouter, les yeux fermés! Intérioriser, concentrer son attention, se laisser conduire par des images mentales, cultiver sa mémoire. S’intéresser au répertoire (le site « électrodoc » de Musiques & Recherches recense plus de 7000 compositeurs et 17500 œuvres : et electrocd.com compte une vaste électrothèque.
Commencer à enregistrer, casque sur la tête, tous sons qui l’attirent et l’intriguent, écouter les enregistrements, choisir et ne pas hésiter à effacer ce qui ne semble pas assez musical.
Vivre heureux, passionnément. S’engager.
Dans le cadre de la Semaine du Neuf et en en collaboration avec le Conservatoire de musique de Montréal et le Vivier InterUniversitaire, deux classes de maître ouverte au public avec Annette Vande Gorne et la compositrice Linda Catlin Smith sont proposées.
Annette Vande Gorne L’espace au cœur de la recherche en musique acousmatique
Mercredi 12 mars – 13h à 16h Conservatoire de musique de Montréal (Salle Multimédia)
–
Classe de maître avec la compositrice Linda Catlin Smith
Jeudi 13 mars – 16h à 18h Conservatoire de musique de Montréal (Salle de récital)
Fruit d’une collaboration étroite entre le duo d’interprète Sawtooth et le compositeur Charles Quevillon, Le Baptême du Haut-Parleur est un techno-opéra qui mêle musique, théâtre, marionnettes et électronique afin d’interroger notre rôle de consommateur dans une société capitaliste et notre attachement aux objets technologiques, dont la fabrication exploite notre Terre.
Le public aura l’occasion de découvrir cet opéra audacieuxà l’Espace Orange | Édifice Wilder le 13 mars prochain. Dans ce contexte, Judith Hamel a échangé avec la soprano Sarah Albu, membre de Sawtooth, et le compositeur et performeur Charles Quevillon. Une conversation qui a donné lieu à des réflexions très actuelles sur la place de l’artiste dans un monde capitaliste, ainsi que sur leur démarche artistique ancrée dans la collaboration et le soutien mutuel.
PANM360 : Pour commencer, l’élément central de Le Baptême du Haut-Parleur est cet humain-objet, le haut-parleur. Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir cet objet comme personnage central de l’opéra ? Et pourquoi avoir opté pour le modèle Genelec 8020D en particulier ?
Sarah: J’ai approché Charles avec le projet de créer une œuvre pour mon duo Sawtooth avec l’accordéoniste Matti Pulkki. Matti et moi aimons beaucoup le cinéma. Nous avons donc commencé par le thème de la logique des rêves, telle que nous la voyons dans nos rêves et inspirée par son utilisation dans les films. On partage tous les 3 une fascination pour la relation entre l’humain et la technologie. C’est Charles qui nous est revenu avec cette idée de faire un rituel de Baptême pour un objet de notre quotidien, le haut-parleur. Nos discussions au début du projet tournaient beaucoup autour de nos attachements à nos objets technologiques et de comment ces objets sont partie intégrante de nos pratiques artistiques.
Charles: L’idée de départ est née de mon intérêt pour les liens entre les objets technologiques que j’utilise en musique et la spiritualité, le sacré et les rituels. Le haut-parleur est pour moi un objet profane, présent quotidiennement dans mes oreilles, mes écouteurs, mon ordinateur. L’idée était donc d’imaginer ce que pourrait être un haut-parleur sacré et d’explorer les thématiques qui en découlent. Par exemple, l’acte I fait écho aux vidéos d’unboxing sur YouTube, une sorte de baptême technologique dans notre société moderne. J’ai choisi de baptiser le Genelec 8020D, car Genelec est une marque de haut-parleurs finlandaise très reconnue en Finlande, où je vis. De plus, j’ai opté pour ce modèle en raison de son design en châssis d’aluminium arrondi, de son poids proche de celui d’un nouveau-né, mais surtout parce que ce sont les haut-parleurs que j’avais dans mon studio.
PANM360 : L’opéra a été créé en collaboration entre votre duo d’interprètes Sawtooth et le compositeur Charles Quevillon. Quelle place l’amitié et la collaboration ont-elles eue dans ce processus ? Quels ont été les principaux défis rencontrés au fil de son élaboration?
Charles: On forme une équipe d’enfer, je crois. Une véritable synergie s’est créée au cours des trois workshops où nous avons conçu la pièce ensemble. Ensuite, entre ces sessions, j’ai passé beaucoup de temps à écrire la partition et à travailler sur l’électronique, la vidéo et la mise en scène, tout en maintenant un échange régulier avec Sarah et Matti.
L’acte 3 a été pour moi le plus difficile ; c’était une pièce du puzzle qui a nécessité de nombreux questionnements avant de trouver sa place. Cet acte marque une rupture dans la relation entre la « mère » et son haut-parleur, et je voulais y trouver un équilibre entre une critique du cadre consumériste et l’expression de l’amour et de l’enchantement qu’une technologie comme le haut-parleur peut susciter.
Sarah: J’adore travailler avec Charles et avec Matti et j’étais très contente de nous réunir pour entreprendre ce projet! Le processus à été très collaboratif tout le long et ça continue de l’être; non seulement pendant les périodes de travail mais aussi entre. Je crois qu’on s’est parlés au moins une fois par mois depuis 2022, des fois beaucoup plus. Le défi principal était la distance: on vit dans 3 villes différentes. Donc la pièce a évolué à travers multiples périodes de travail intensives « en présentiel », avec entre-temps des discussions en cours, des petits messages et images envoyés, des messages vocaux et des partages de matière d’inspiration. La pièce est faite avec beaucoup d’amour et beaucoup d’humour aussi et je crois que le public peut le ressentir. Il y a plusieurs éléments clés qui ont commencé dans des moments de niaiserie en répétition qui ont fini par s’intégrer dans l’œuvre finale.
PANM360 : Le Baptême du Haut-Parleur a été créé à Helsinki à l’été 2024, et joué en décembre dernier à Montréal. Pour cette deuxième performance ici, y aura-t-il des éléments différents ? Charles: Nous avons retiré certains éléments qui alourdissaient la pièce, tant sur le plan dramatique que technique. Nous avons également modifié la fin, qui est maintenant un peu plus percutante que dans la version d’Helsinki. Il y a aussi des différences culturelles, notamment en ce qui concerne la marque de haut-parleurs Genelec. En Finlande, ils sont omniprésents, tandis qu’ici, ils sont moins connus du grand public. Nous avons donc pris le temps de mieux contextualiser la marque.
Sarah: Il y avait aussi une version de 20 minutes que nous avons présentée au festival ONSOUND du Sound Symposium à St. John’s, Terre-Neuve en juillet 2023. La pièce a beaucoup changée et beaucoup évoluée depuis, à chaque fois on change des petites choses. Pour le 13 mars nous travaillons dans un espace très large qui nous donne plus de place pour le mouvement et la mise en scène. Il y aura aussi Charles qui manipule la marionnette géante, qui était immobile en décembre.
PANM360 : Dans une entrevue avec Le Vivier, vous parlez d’une réconciliation avec le monde capitaliste dans lequel nous vivons et travaillons. Cette réconciliation est-elle une forme d’acceptation de la société de consommation ou une manière de la questionner ?
Sarah: En fait, j’ai eu beaucoup de mal à utiliser le mot « réconciliation » dans ce contexte, car j’ai l’impression qu’il s’agit d’une déclaration très audacieuse. Il y a une partie de moi qui regrette d’avoir dit ça, car je ne veux pas donner l’idée que notre projet est une célébration de la société de la consommation. Mais c’est quelque chose que Charles avait dit dans une entrevue précédente et qui m’a vraiment fait réfléchir à ce que nous exprimions. La trame narrative de l’opéra est complexe ; pour moi, il y a un fil conducteur qui critique la surconsommation dans la société contemporaine, mais il y a aussi une histoire d’amour et d’enchantement, une phase d’engouement, puis une prise de conscience progressive du bagage complexe que porte cet objet, après que mon personnage ait développé un attachement à l’objet et lui ait déclaré son amour. Il ne s’agit donc pas d’une condamnation stricte ni d’une reddition au capitalisme, mais d’une réflexion sur l’attachement.
Charles: Quand je pense à certains objets naturels, comme une roche, je pense à leur naissance, à leurs origines ; il y a quelque chose de noble, d’enchanteur, presque magique, qui les relie naturellement à la spiritualité. En revanche, quand je pense à un haut-parleur, il m’est difficile de ne pas voir tout le processus d’industrialisation et de consommation qui l’entoure. Cela rend sans doute plus compliqué d’éprouver un amour inconditionnel pour la technologie. Pour moi, cette pièce est une manière de surmonter cette dissonance cognitive, de réfléchir à ma relation avec le haut-parleur au-delà de son statut d’objet de consommation.
PANM360 : Selon vous, l’artiste peut-il réellement s’en extraire, ou est-il inévitablement pris dans ce système ?
Charles: Je trouve personnellement difficile de faire de la musique en dehors du cadre de la consommation. Je crois qu’il est possible de s’en extraire, mais pour moi, ce n’est pas une nécessité. Mon objectif est plutôt de réfléchir, de poser la question et d’en prendre conscience.
Autrefois, disons avant la Renaissance, l’art était principalement lié aux institutions religieuses. Aujourd’hui, en tant que pratique institutionnalisée dans les musées, les concerts et les festivals, il est profondément ancré dans le capitalisme. C’est une tension que je ressens chaque jour lorsque je me lance dans un projet. Étant donné que c’est mon métier, une de mes principales motivation pour faire de la musique, en toute honnêteté, est de gagner ma vie. Je réussis la plupart du temps à mettre ces considérations de côté, mais elles reviennent toujours et façonnent mon travail. Il existe bien de meilleurs moyens de satisfaire ce besoin, et je serais profondément malheureux si c’était la seule chose qui comptait ! Mes plus grandes satisfactions n’ont rien à voir avec l’argent : elles viennent des collaborations avec les musiciens, des émotions partagées avec le public et des défis artistiques et logistiques liés à la création d’œuvres d’envergure, comme cet opéra.
La relation entre la consommation et ma pratique musicale va bien au-delà du haut-parleur et des objets qui m’entourent ; c’est d’ailleurs l’un des axes que j’explore dans ma thèse de doctorat en cours d’écriture.
Sarah: En tant qu’artiste vivant dans une ville, je trouve ça difficile d’imaginer comment je pourrais m’extraire complètement et continuer de créer. Est-ce qu’une personne seule peut s’en extraire ? Il y a beaucoup d’art excellent qui existe en dehors des structures capitalistes et plein de belles initiatives et groupes qui travaillent de manière anticapitaliste. Comme Charles, pour moi le but c’est de réfléchir, de rester critique dans mon travail et de faire l’effort d’être gentil avec les autres humains et les proches non-humains dans ma vie quotidienne. Et aussi de pouvoir continuer de faire des projets qui m’inspirent avec des collaborateur.ice.s qui résonnent avec moi, de pouvoir partager des moments de suspension en dehors de la vie quotidienne avec un public. J’ai l’impression qu’il existe un mythe selon lequel les artistes doivent exister séparément du reste de la société et vivre en quelque sorte d’air, de raisins secs et de morale. Notre travail fait partie de la société, même si nous le critiquons, et nous pouvons choisir de travailler pour des choses auxquelles nous croyons, mais pour continuer à créer de l’art, nous avons besoin de certains soutiens. Nous avons aussi tous besoin de communauté, de soutien mutuel.
PANM360 : En plus d’être chanteuse expérimentale, vous travaillez également sur des projets de musique folklorique et de tricot ! Comment vos différentes pratiques artistiques s’allient-elles ? Est-ce que ces projets sont séparés, ou y trouvez-vous des intersections, que ce soit dans l’esprit, la musicalité, ou l’approche de la technologie et de la tradition ? Sarah: Parfois, les projets sont séparés sur le plan matériel, mais il y a toujours une sorte d’inspiration qui passe d’une forme à l’autre. Parfois, j’aborde le tricot ou le filage comme une performance ou une méditation plutôt qu’une action nécessaire à la fabrication d’un vêtement. Les arts textiles me relient au passé et à mes ancêtres et m’aident à honorer le travail des femmes d’autrefois et de toutes les personnes qui n’étaient pas ou ne sont toujours pas considérées comme des artistes parce que leur travail manuel n’est pas valorisé de la même manière que le « grand art ». J’aime l’intersection de l’artisanat et du « DIY » et le mélange des formes. Mon intérêt pour la musique traditionnelle est né d’un besoin similaire : de me relier au passé et à une expérience communautaire de faire de la musique. J’ai commencé à me familiariser avec les différents styles de chant folklorique de la région d’où est originaire la famille de mon père (ex-Yougoslavie) et j’ai été tellement émue et inspirée que je n’ai pas pu empêcher ces textures vocales de s’infiltrer dans certains de mes autres projets. Ces textures me semblaient si familières, même si je n’ai pas grandi dans ces traditions. De plus, il existe des liens historiques très forts entre le travail textile et le chant communautaire et traditionnel. Dans mon parcours, j’ai réalisé des projets où le son, la performance et les arts textiles étaient mélangés et d’autres où ils étaient séparés. Parfois, j’aime simplement m’asseoir et tricoter une chaussette ou chanter une chanson que je connais sans avoir besoin d’innover de manière évidente. Dans l’ensemble, je trouve qu’il est très enrichissant de se connecter à des pratiques anciennes lorsque je fais un travail nouveau ou d’avant-garde. Cela m’aide à me rappeler que rien n’est vraiment nouveau et que ce n’est pas grave, c’est l’énergie, l’esprit, l’intention, la connexion qui comptent avant tout.
PANM360 : Après cette performance, qu’est-ce qui s’en vient pour vous? Où peut-on suivre votre travail?
Charles: Je termine mon doctorat sur la Représentation Sacrée des Technologies Musicales dans le Théâtre Musical Instrumental. Mon site web : charlesquevillon.com et mon Instagram : @charles_quevillon.
Sarah: Je travaille petit à petit un projet d’album solo et je vais pouvoir y donner plus de focus maintenant ! J’ai hâte ! Côté performance c’est un peu plus relaxe pour un bout, je me prépare pour des concerts avec le quatuor Balkanique Sava (dir. Dina Cindrić) en mai et un nouveau projet avec Sam Shalabi et un ensemble de feu pour le festival Suoni per il Popolo en juin. En juillet et août j’ai le grand privilège de chanter des reprises de la pièce Il Teatro Rosso de Steven Takasugi, créée en février avec No Hay Banda, dans des festivals en Allemagne et à New York. Entretemps, des enregistrements avec les ensembles No Hay Banda, AC/CC et Phth. http://www.sarahalbu.com instagram: @sopranoise
crédit photo: Maija Tammy
Publicité panam
Le 13 mars, le Big Band de l’Université de Montréal présentera un concert dédié à la voix féminine en collaboration avec le programme de chant jazz.Au programme : onze arrangements de pièces très diversifiées, allant de Billie Holiday à Tom Jobim, en passant par…John Coltrane !
Notre collaborateur Michel Labrecque a discuté de ce concert, qui sera présenté à la Salle Claude Champagne, en compagnie d’une des six interprètes vocales, Juliette Oudni, étudiante de première année en chant jazz et du Brésilien João Lenhari, directeur musical du Big Band de l’Université de Montréal depuis 2023.
PANM360 : Comment est arrivée cette idée de créer un concert de Big Band qui met en valeur la voix féminine ? Juliette: C’est le résultat d’une collaboration entre le programme de chant interprétation jazz et le Big Band. Les six interprètes choisies, Marie-Ève Lambert, Marie-Ève Caron, Margaux Devez, Maude Brodeur, Gabrielle Nessel et moi-même, avons eu carte blanche pour le choix des morceaux. Et c’est João Lenhari qui a fait tous les arrangements originaux. Pour ma part, la pièce que j’ai choisie pour interpréter en solo est la chanson brésilienne Madalena. J’interprèterai une autre en duo et il y a aura une pièce a cappella à six voix.
João : D’abord, j’adore le Big Band et ses énormes possibilités. Cette année, nous avons décidé de privilégier la voix féminine et, pourquoi pas, faire ce concert en mars, le mois dédié aux droits des femmes ? Par la suite, j’ai écouté de multiples versions des chansons choisies par les filles en passant ça par le filtre du Big Band. Chacune des six interprètes a un timbre de voix différent, donc il faut en tenir compte, il faut des arrangements sur mesure. Ce sera aussi un concert féminin dans la mesure où cinq des vingt musiciens sont des filles. Imaginez, la moitié de notre section trompette est féminine, c’est vraiment cool.
PANM360 : Le choix des pièces est vraiment très large, on passe de Cole Porter à Tom Jobim, on se retrouve dans des époques différentes. Comment s’est effectué votre choix de morceaux à interpréter ?
Juliette: Il faut dire qu’on est de très bonnes amies, nous chantons souvent ensemble et donc on a pu en discuter aisément. On nous a proposé différents formats de concerts et on a privilégié celui qui permettait des duos davantage qu’uniquement des solos, en plus d’une interprétation à six voix. C’est davantage un défi pour la collaboration, le mélange des voix. Et vous verrez le résultat le jeudi 13 mars.
PANM360 : Ce qui m’intrigue le plus dans votre choix de musique, c’est la décision d’opter pour faire une pièce a capella avec un morceau de John Coltrane qui est purement instrumental.
Juliette : Notre choix s’est arrêté sur la balade Central Park West de John Coltrane, qui est effectivement une chanson sans paroles. C’est donc ma collègue Gabrielle Nesset qui a composé les paroles et nous avons envoyé ça à João.
João : J’ai cherché longtemps et j’ai fini par trouver une version chantée par une voix masculine en solo. Donc, faire un arrangement pour six voix était un vrai défi. Trouver des couleurs, des harmonies, sans instrumentation. Mais au total, je suis vraiment content et les filles ont travaillé fort.
PANM360 :Au total, on entendra dix morceaux chantés en plus d’une pièce instrumentale pour le Big Band. En plus de ce qu’on a déjà évoqué, à quoi s’attendre ?
João: Pour moi, la grande nouveauté, ce sont les arrangements inédits de toutes ces pièces pour un format Big Band. Du jamais entendu.
Juliette : Aussi, la diversité du répertoire : du gospel, du jazz, de la samba et j’en passe. Avec des timbres de voix tellement différents, du plutôt grave au très aigu. J’ai très hâte d’être sur scène et vraiment un grand merci à João pour ces formidables arrangements.
PANM360 : Je rappelle que le concert se déroulera le 13 mars à la Salle Claude Champagne de la faculté de Musique de l’Université de Montréal. En terminant, racontez-nous ce que vous faites, musicalement, en dehors de l’Université de Montréal.
Juliette: En plus des études, je suis membre d’un sextette qui s’appelle Junon et qui mélange chanson francophone, soul et jazz.
João: Je suis trompettiste, j’ai un quartette, mon propre big band et je joue au sein de nombreux groupes montréalais, notamment le Julian Gutierrez project, le groupe de mon compatriote Manoel Viera ainsi qu’une multitude d’autres. PANM360 : Merci à vous deux, obrigado !
Programme attendu à la Semaine du Neuf, la formation montréalaise Paramirabo est aussi une rencontre internationale avec Musikfabrik, parmi les ensembles phares des musiques de création en Allemagne. Le programme commun met de l’avant le travail des compositeur-ices Gordon Williamson, Chris Paul Harman, Paul Frehner, Juliet Palmer, Dylan Lardelli, sans compter des œuvres de feue Pauline Oliveros et Rodney Sharman. Dans ce contexte, les membres de Musikfabrik ont cette fois été constitués en trio: hautbois/cor anglais, cor, contrebasse. Cette rencontre promet “ une palette sonore sombre et riche…une expérience avant-gardiste, fidèle à la mission des deux ensembles d’explorer les nouveaux langages de la musique contemporaine.” Sous la direction du flûtiste Jeffrey Stonehouse, Paramirabo est ici représenté par la pianiste Pamela Reimer, interviewée par Frédéric Cardin pour PAN M 360.
PAN M 360 : Musikfabrik est un ensemble légendaire en musique d’aujourd’hui. Comment anticipez-vous cette rencontre avec trois de ses membres?
Pamela Reimer: Nous anticipons une collaboration joyeuse ! Partage, apprentissage, expérimentation, ré-création.
PAN M 360: Comment avez-vous construit le programme? Pourquoi avoir choisi les compositeurs et compositrices présents ?
Pamela Reimer: C’est le compositeur Canadien Gordon Williamson, maintenant basé à Hanovre, qui a proposé cette collaboration entre Musikfabrik et Paramirabo. Essentiellement, c’est deux concerts pour le prix d’un ! Trois membres de l’ensemble Musikfabrik sont en tournée au Canada avec les œuvres de Dylan Lardelli, un compositeur néo-zélandais/maori, de la compositrice canadienne Juliet Palmer et de Gordon Williamson. Paramirabo va rejoindre aussi le trio pour l’œuvre de Pauline Oliveros, conçue pour une instrumentation ouverte, et le duo pour cor anglais et piano du Vancouvérois Rodney Sharman. Paramirabo va bientôt partir en Europe, et nous avons choisi quelques pièces de notre répertoire de tournée.
Peter Veale, cor anglais, Musikfabrik
PAN M 360 : Les styles représentés sont assez différents. Y a-t-il un fil conducteur qui traverse la programmation?
Pamela Reimer: Pas vraiment ! C’est un festin de musique de partout, pour tous les goûts.
PAN M 360: Il y aura 5 créations sur les 8 pièces interprétées le 11 mars. Quelques détails intéressants à propos de chacune d’elles avant de plonger dans leur écoute lors du concert?
Pamela Reimer:
JULIET PALMER: L’œuvre blur of lichens est dédiée à son grand-père, qui était amateur de lichen et presque aveugle. L’œuvre interroge les limites floues.
DYLAN LARDELLI : The Giving Sea est une évocation spirituelle de l’océan, toujours en évolution, toujours en transformation avec ses éléments de profondeur, densité, mouvement et séparation
GORDON WILLIAMSON :Odd Throuple – une référence au :
1. dicton anglais Odd Couple, mais au lieu de deux il y en a trois !
2. Le trio d’instruments rarement entendus ensembles : hautbois, contrebasse et cor
PAUL FREHNER: Un pont sanguin – une méditation sur le ‘pont’ entre nous – les êtres-humains sur la terre – et le monde ‘après l’horizon’. La pianiste joue du synthétiseur, et la percussionniste, les cencerros (les sonnailles) – à la recherche des sons qui évoquent les pluies de météores
CHRIS PAUL HARMAN: Francisez-moi – un hommage aux compositeurs anciens français, et aux grands écrivains et poètes français, avec quelques surprises !
Paramirabo reconnaît la générosité de Paul Frehner et de Chris Paul Harman pour leurs cadeaux musicaux !
PAN M 360 : Que dire à propos de la pièce de Pauline Oliveros, l’une des grandes figures de l’avant-garde de la 2e moitié du 20e siècle?
Pamela Reimer: Les musiciens de Musikfabrik ont proposé cette pièce, une œuvre sans notation traditionnelle, et plutôt des instructions, typique de Oliveros et sa célèbre philosophie deep listening. Chaque interprète choisit une seule hauteur, et devrait l’aborder d’autant de façons possibles. Approche et départ, toujours différent. Court ou long, fort ou doux, dramatique ou méditatif, question ou réponse. Chaque itération est unique.
Pauline Oliveros: Approaches and Departures, Appearances and Disappearances for solo, duo or ensemble (1994) Juliet Palmer: blur of lichens* (2025) – 10′ Dylan Lardelli: The Giving Sea* (2025) – 10′ Gordon Williamson: Odd Throuple* (2025) – 10′
Dédiée à l’exploration du chant lyrique et de l’opéra dans le contexte actuel, la compagnie Chants libres pilote notamment un Laboratoire lyrik, les artistes y explorent ici les concepts de présence et d’absence. Présenté à La Chapelle Scènes Contemporaines ce mercredi 12 mars, dans le contexte de la Semaine du Neuf, ce projet de recherche-création réunit le scénographe Cédric Delorme-Bouchard, la comédienne Jennyfer Desbiens, la violoncelliste Audréanne Filion, la mezzo-soprano Marie-Annick Béliveau et le compositeur Frédéric Le Bel, dans un triptyque pour voix, violoncelle et électronique. La dramaturgie de cette œuvre puise ici dans la voix, le son, le mouvement des corps et la lumière. Des métamorphoses s’opèrent, l’immersion est imminente. Avant quoi la mezzo-soprano Marie-Annick Béliveau, de surcroît la directrice artistique de Chants Libres, nous en explique les tenants et aboutissants.
PAN M 360 : Parlez-nous svp du laboratoire lyrik, expliquez-nous ses fondements et son lien avec cette production présentée à la Semaine du Neuf.
Marie-Annick Béliveau: Lorsque j’ai pris la direction artistique de la compagnie à l’été 2022, il me semblait important d’assurer la mission de Chants Libres pour la recherche-création lyrique. Je la décline en trois volets : créer du nouveau répertoire, explorer de nouvelles formes, mais aussi chercher de nouveaux processus de création.
C’est justement dans le but de nous donner des occasions de chercher de nouveaux processus de création lyrique que j’ai décidé d’organiser des laboratoires lyriks: des événements de création qui mobilisent des moyens plus modestes, circonscrits dans le temps, qui s’échelonnent sur quelques jours seulement et qui nous permettent de tester des idées, des propositions, sans avoir pour objectif d’aboutir à la production d’un nouveau spectacle.
Produire un spectacle lyrique est une grande opération, qui s’échelonne souvent sur deux ou trois ans, qui mobilise d’importants moyens techniques, financiers, humains. Et donc, lorsque nous travaillons à ces nouvelles créations, nous sommes toujours plus ou moins en « mode solution », nous cherchons ce qui va marcher. Les laboratoires lyriks sont l’occasion d’essayer des formules, dans le contenu et dans la forme, sans chercher de solution. Le processus y est plus intéressant que le résultat final.
C’est ce que nous présentons le mercredi 12 mars, c’est le fruit du travail d’une petite équipe de 5 personnes, de plusieurs conversations, partages d’idées, brainstorming et une trentaine d’heures de travail en studio.
PAN M 360: : « Dans ce nouveau laboratoire lyrik de Chants Libres, les artistes explorent les concepts de présence et d’absence ». Mais encore ?
Marie-Annick Béliveau : Le laboratoire lyrik 03, celui qui sera présenté à la chapelle mercredi prochain, est en fait l’aboutissement d’une conversation. Frédéric LeBel m’a proposé un jour une idée de laboratoire, pour lequel il composerait de la musique pour voix, violoncelle et électro. Son idée était de faire entendre tour à tour la voix et le violoncelle live et/ou enregistré, et de jouer avec traitement et spatialisation pour créer l’ambiguïté, d’où viennent les sons qu’on entend?
J’ai alors pensé faire appel à Cédric Delorme-Bouchard, j’avais vu deux de ses créations justement dans lesquelles il réussissait à créer une dramaturgie en jouant avec les corps qu’on voit, ceux qu’on devine, ceux qui disparaissent. Nous sommes trois interprètes sur scène, qui est sonore? qui ne l’est pas? Pourquoi chante-elle? Pourquoi ne chante-elle pas alors qu’on l’entend?
PAN M 360: Quels sont les autres projets de Chants libres avec ce Laboratoire lyric ?
Marie-Annick Béliveau: Quelles seront les suites du Laboratoire lyrik 03? Je suis persuadée que nous allons tous sortir un peu transformés par l’expérience. Ce qui m’intéresse, c’est de proposer aux artistes et aux spectateurs d’imaginer créer un nouveau spectacle lyrique à partir de nouveaux paradigmes, par exemple sans histoire, ou sans partition, ou dans l’intergénéricité, dans le décloisonnement. Mettre dans la marmite des ingrédients inusités, inhabituels. Comment ces efforts de recherche-création influenceront-ils nos prochaines productions? Difficile à dire, il s’agit surtout de développer une posture.
PAN M 360 : Pouvez-vous élaborer davantage sur cette question de présence et d’absence?
Marie-Annick Béliveau: Frédéric a composé un duo pour voix et violoncelle que nous faisons trois fois, dans trois combinaisons différentes. Cédric a créé une dramaturgie à partir de nos trois corps, des éclairages qui les révèlent ou les dissimulent, et des regards que nous posons aussi les unes sur les autres. Selon qui on voit ou entend, mais aussi qui on ne voit pas qui regarde les autres et qui est regardé, il se crée des relations, des complicités, des rivalités, des jeux de domination et de soumission.
J’ai toujours trouvé fascinant comment, pour une chanteuse, son corps sur la scène, soit-il immobile devant le piano ou en train de jouer une scène des Noces de Figaro, le corps de la chanteuse, du chanteur est très présent, le spectateur regarde l’artiste autant qu’il l’écoute, son visage, son regard, comment elle se déplace. Il l’écoute même quand elle ne chante pas. Au départ j’aimais beaucoup cette idée qu’on me voit et qu’on entende ma voix mais que je ne chante pas, et qu’on m’entende mais qu’on voit Jennyfer, et qu’on puisse se demander si c’est elle ou moi qui chante, ou qu’on attende qu’elle chante à son tour.
Je vais vous faire sourire, mais j’adore le moment dans le Sempre Libera de la Traviata de Verdi, quand Violetta chante seule chez elle, et que tout-à-coup on entend Alfredo chanter dehors… absent mais tellement présent! Cette idée de Verdi est d’une efficacité redoutable. On attend qu’il revienne, et non! Rideau!
PAN M 360 : De quelle manière le public est-il impliqué dans ce processus?
Marie-Annick Béliveau: Le public fait partie de l’équation quand on fait du travail de création, du travail exploratoire. Je suis peut-être plus sensible à cela du fait que je suis une interprète. Souvent on travaille en studio, on essaie des trucs, on teste, on fait des choix, mais je sais que toutes les idées, si bonnes soient-elles dans le studio, demeurent des hypothèses tant qu’elles ne sont pas présentées devant un public. Et c’est d’ailleurs souvent seulement après avoir chanté devant un public qu’on peut dire ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, ce qui fonctionnera et ce qui devra être abandonné.
Je suis d’ailleurs certaine que c’est jeudi que je pourrai vraiment vous dire quel était l’intérêt de ce laboratoire lyrik, nous allons le saisir quand le public sera dans la salle.
Et je suis heureuse de pouvoir convier les spectateurs à venir partager ces moments d’exploration avec nous, d’avoir un public audacieux, qui vient voir et entendre l’art lyrique de création dans une phase de développement.
PAN M 360 : De quelle façon s’est développé ce projet avec le scénographe Cédric Delorme-Bouchard, la comédienne Jennyfer Desbiens, la violoncelliste Audréanne Filion, le compositeur Frédéric LeBel et vous-même ?
Marie-Annick Béliveau: Nous avons d’abord eu une rencontre, une conversation, pour faire connaissance, pour parler de ces idées d’absence, de présence, de ce qui construit la dramaturgie. Aussi de l’idée de faire un spectacle lyrique sans texte, sans trame narrative au départ. Ensuite nous avons lu les premières versions de la partition de Frédéric, Cédric et Jennyfer ont imaginé comment on pouvait la transposer en mouvement, en déplacement.
Ce qui est fascinant, c’est que dans le studio sous les néons sans électronique ni micro, on saisissait très bien que Frédéric « entendait » tout le traitement sonore dans sa tête, et Cédric « voyait » la scénographie et les éclairages aussi dans sa tête. Ils nous les décrivaient, mais ça demeurait très abstrait.
PAN M 360: Voix, violoncelle, électronique. Comment cette œuvre a-t-elle été construite?
Marie-Annick Béliveau: Je ne peux pas me prononcer sur la démarche compositionnelle de Frédéric, mais ce qui est certain, c’est qu’il y a au départ un dialogue entre la voix et le violoncelle. Mais le moment où Audréanne et moi relevons un vrai défi, c’est quand, pour répéter une deuxième fois la pièce, nous échangeons nos parties. Audréanne joue la partie vocale, je chante la partie de violoncelle, c’est assez périlleux. Nous devons « interpréter » la partition pour jouer ce qui est écrit mais surtout trouver comment nous imiter, et à tout le moins faire entendre l’échange. La partie électronique est un amalgame d’enregistrement et de traitement direct, et le tout est spatialisé.
PAN M 360 : Que justifie le choix d’un triptyque?
Marie-Annick Béliveau: Plusieurs éléments nous ont incité à faire trois versions de la même pièce, d’abord cette question d’échange des parties, puis assez simplement parce que nous sommes trois interprètes, donc chacune reçoit sa part d’attention.
PAN M 360 : Où situez-vous cette production dans votre saison de Chants libres?
Marie-Annick Béliveau: Par un concours de circonstances, nous avons 3 créations en moins de 11 mois c’est vraiment une année très intense pour nous. Ces projets de création sont ou ont été en chantier depuis 12, 24 mois et plus. Mais ce projet de laboratoire lyrik, ce projet de rencontre entre Frédéric et Cédric me tenait à cœur et la proposition du Vivier d’être à la chapelle dans la programmation de la Semaine du Neuf était une belle occasion.
PAN M 360: Ce concert s’inscrit dans un vent de renouveau de la compagnie Chants libres. Quelques mots sur votre mandat encore récent de votre direction artistique?
Marie-Annick Béliveau : Un vent de renouveau, certes, mais il est très important pour moi et pour Pauline Vaillancourt (que je remplace) de demeurer fidèles et loyales au mandat de la compagnie. Quand Pauline a fondé Chants Libres en 1990, il était presque impossible pour un compositeur de trouver le moyen de créer un opéra au Québec. La situation a changé, ici et ailleurs, les grandes maisons d’opéra se font un devoir de commander du nouveau répertoire, de présenter du répertoire contemporain, et j’en suis vraiment très heureuse.
Le mandat de Chants Libres est bien sûr de produire de nouvelles œuvres, mais surtout il est primordial pour moi d’axer nos activités sur la recherche-création.
La danse et le théâtre ont connu, au cours des dernières décennies, d’importantes avancées dans leur façon de se définir. Les arts de la scène voient les propositions inter-artistiques se multiplier, les frontières entre les disciplines deviennent poreuses. Cette scène multi génère un public nouveau, qui n’est pas un public de théâtre ou de danse, mais avant tout un public de création, qui carbure aux propositions singulières, dynamiques, inédites. Je pense que le théâtre lyrique de création a sa place dans cette mouvance. C’est dans cette direction que je veux faire évoluer Chants Libres.
PAN M 360: : Quelle est la réaction du public depuis votre arrivée en poste? De quelle manière la relation avec le public évolue-t-elle sous votre direction encore récente?
Marie-Annick Béliveau: La saison 24-25 est la première que je peux dire mienne, dans laquelle Chants Libres présente des projets que j’ai pilotés. Il est un peu tôt pour mesurer comment le public apprécie la direction que je donne à la compagnie. Toutefois, je pense que tant les spectateurs que le milieu en général ont remarqué que tous les projets présentés cette saison ou annoncés pour la prochaine sont des co-productions. L’opéra et le théâtre lyrique sont des formes multi ou interdisciplinaires, qui se prêtent facilement au jeu de la création collective, et c’est naturel pour moi, et même nécessaire, de développer des projets en collaboration avec des artistes du théâtre, de la danse, de la musique populaire, de la musique du monde, des arts numériques. Nous mettons nos compétences, nos ressources, nos publics et nos références en commun. Ça me rend très heureuse, et ça rend lumineux l’avenir de Chants Libres.
Que ferez-vous le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes ? Léa Dieghi, notre rédactrice de PAN M 360, va certainement danser à WOMEN OF THE INDUSTRY, aux côtés de Regularfantasy. Pas vous ? Peut-être que vous devriez, vous ne le regretteriez pas… Et si vous ne connaissez ni l’une ni l’autre, c’est le moment de vous renseigner sur elles ! « Qui n’aime pas la musique ? » a répondu l’artiste Regularfantasy, alias Olivia Meek, lorsque Léa lui a demandé quand sa passion pour la musique avait commencé.
Née sur l’île de Vancouver et maintenant installée à Montréal – qu’elle appelle affectueusement le » paradis francophone de Peter Pan » – la DJ et productrice électronique a connu une véritable ascension au cours des dernières années. Entre ses collaborations avec des producteurs et artistes incroyablement talentueux comme Francis Latreille (aka Priori), Cecile Believe et Kristian North, la fondation de son propre label Plush Records aux côtés de D. Tiffany, et de multiples sorties de singles sur des labels canadiens et internationaux (Mood Hut, Heart to Heart, Pear, pour n’en nommer que quelques-uns), elle a continué à tracer son chemin musical.
En apportant à la scène électronique une atmosphère housy, techy, mais aussi groovy et sexy, elle est devenue une force zestée dans l’industrie. Artiste aux influences multiples (pop, R&B, rock et disco), Olivia Meek s’est finalement orientée vers le DJing et la production de musique électronique. Mais ce n’est pas seulement sa musique qui est source de plaisir, c’est aussi sa personnalité pétillante.
Créant de nouveaux mondes sonores à chaque fois que la magie musicale opère – tant avec les artistes qu’avec le public – nous avons eu la chance de la rencontrer, entre deux voyages, avant sa performance avec le collectif Women of the Industry ce week-end. Dans cette interview, nous allons nous plonger dans son parcours musical et aussi aborder les enjeux féministes de sa pratique.
PAN M 360 : Commençons par l’essentiel – le point de départ – pour en savoir un peu plus sur vous. Quand cette passion pour la musique a-t-elle commencé ?
Regularfantasy: I’ve always had a passion for music. Apparently my first concert was when I was four years old. It was The Barenaked Ladies (a 90s Canadian rock band) and I danced in my chair before taking a nap. Music was always around me in terms of pop culture, and later it became a way to connect with people. My mum loved music and concerts, and we had tons of homemade tapes and CDs – back in the day. As a kid/teenager I took singing lessons, played piano, violin, marimbas & bongos, xylophone, flute, musical saw, sang in a choir, joined an R&B band, played triangle in a concert band and took guitar lessons. I was always drawn to music, but it never really clicked. Then I started jamming with people – playing guitar, drums, bass or keyboard – and recording covers. Sometimes I would play live at DIY events. I think what really got me was the community – the people, the friendships, the connections, the memories. It was more fun than video games, homework, sports or whatever else teenagers were doing.
PAN M 360 : Pourquoi avez-vous choisi de produire et d’interpréter de la musique électronique ? Qu’aimez-vous dans cette musique ?
Regularfantasy: J’avais un ami dont le frère aîné était DJ. Il a mis sur mon iPod des éditions disco que son frère avait faites, et j’ai été époustouflé. C’était à l’époque où MGMT et Chromeo sont devenus célèbres, et j’aimais déjà beaucoup les Bee Gees. En même temps, j’allais toujours à la salle de sport et je cherchais de la bonne musique d’entraînement parce qu’on y passait de terribles remixes d’Avril Lavigne datant des années 2000 (ce qui semble bien, je sais, mais croyez-moi, ce n’était pas le cas). L’idée d’une musique qui fait danser et s’amuser les gens me fascinait. Puis mon ami a acheté des platines et j’ai commencé à écouter de la musique de danse, et je me suis dit… c’est ça. Je ne peux pas l’expliquer entièrement, mais quelque chose dans la musique électronique me parlait.
PAN M 360 : Comment décririez-vous votre musique ? Et quel type d’énergie cherchez-vous à créer dans vos représentations ?
Regularfantasy: Je ne pense pas pouvoir décrire ma musique, mais si je devais le faire, je dirais qu’elle est house, techy, vocale et trippante. Dans mes sets de DJ, je cherche à créer une ambiance entraînante, groovy, sexy et légèrement psychédélique. J’aime mélanger les genres d’une manière déroutante, mais aussi complètement erronée. Et bien sûr, j’adore les bons vieux bangers. J’aime que mes sets soient amusants mais aussi un peu introspectifs.
PAN M 360 : Il semble que les collaborations aient toujours été importantes pour vous, même à Vancouver. Pouvez-vous nous parler de vos expériences de collaboration avec d’autres artistes, collectifs, labels et albums ?
Regularfantasy: J’adore collaborer – avec d’autres artistes, producteurs, artistes visuels, photographes et labels. J’aime créer de nouveaux mondes avec les gens ; cela me passionne vraiment. Mais pour construire ces mondes musicaux, il faut de l’amitié, une communauté, une synergie et de bonnes idées. Il faut être enthousiaste à l’idée de faire quelque chose ensemble. C’est ce qui donne tout son sens à la collaboration.
PAN M 360: Puisque vous vous produisez à la conférence Women of the Industry le 8 mars, avez-vous des idées sur l’aspect politique de la musique électronique, en particulier sur le rôle des femmes dans ce milieu ?
Regularfantasy: Je veux juste créer un espace amusant et fruité, où les gens puissent danser. J’adore voir les filles et les garçons devant, en train de danser à tout rompre. Mon objectif est que chacun passe un bon moment, se sente à l’aise, soit vu et, qui sait, soit même challengé. Voilà ma mission.
PAN M 360 : Pouvez-vous nous parler de vos prochaines sorties et de vos prochains concerts ? On dirait que vous avez beaucoup bougé ces derniers temps !
Regularfantasy: Mon prochain spectacle a lieu ce samedi pour les Femmes de l’industrie ! Pour ce qui est des sorties, j’en ai beaucoup en chantier. Je termine un EP avec Spray et je travaille sur quelques projets avec le Montréalais Priori-nous avons un EP d’édition qui sortira en mars et nous nous préparons à des sorties plus longues et plus officielles. Je collabore également avec Cecile Believe sur quelques titres qui seront bientôt dévoilés. Et bien sûr, je travaille avec Kristian North sur notre deuxième EP pour Rendezvous. Il y a beaucoup de choses à préparer, et la plupart d’entre elles sont presque terminées. Restez à l’écoute !
PAN M 360 : Avez-vous une histoire amusante, absurde ou folle à raconter à propos d’un spectacle ou d’une représentation, qu’il s’agisse d’un spectacle auquel vous avez participé ou d’un spectacle auquel vous avez joué ?
Regularfantasy : Une nuit, je suis allée à un after-party au milieu des montagnes à Ibiza, s’y trouvait une chèvre qui disait : « Ils ont dit que c’était tout près. Ils ont dit qu’il n’y avait que cinc minues de route. » !!!
Dans le cadre de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, notre collaboratrice Léa Dieghi s’est entretenue avec le collectif Women of the Industry, événement où Regularfantasy, Karaba, Ekitwanda et Duchess se produiront ce samedi. Le spectacle comprendra un mélange de performances de DJ, de projets VJ et d’actes burlesques, offrant des performances sensuelles et pleines d’énergie tout au long de la nuit, le tout dirigé, bien sûr, par des femmes. En fournissant des informations clés sur leur organisation, ainsi que sur le rôle des femmes dans l’industrie de la musique, nous allons plonger ensemble dans leur vision du monde actuel en tant qu’artistes au féminin.
PAN M 360 : Pouvez-vous nous en dire plus sur votre organisation ? Quand a-t-elle été créée et quelles sont les figures clés de votre collectif ?
Women of the Industry:Women of the Industry a commencé il y a quatre ans, sous l’impulsion d’une de nos membres, Elisa. Elle souhaitait organiser un événement le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, pour célébrer et soutenir les femmes de l’industrie de la nuit. L’année suivante, Elisa, que ses amies surnommaient Zaza, a approché Catherine et Margaux, créatrices du PeachClub, pour les aider à organiser la première édition complète. Cette version met à l’honneur une programmation exclusivement féminine composée de DJs, de performeuses de burlesque et de commerçants locaux, faisant de l’événement une véritable célébration du rôle des femmes dans la scène parisienne. Elle est coproduite chaque année avec Moment Factory depuis deux ans.
PAN M 360 :Votre concept tourne autour du rôle des femmes dans l’industrie de la musique électronique, n’est-ce pas ? Quelle est la genèse de cette idée ?
Women of the Industry: La réalité de la place des femmes dans l’industrie de la vie nocturne est, pour le moins, problématique. Un rapide coup d’œil sur notre page Instagram (@womenoftheindustry) révèle des statistiques éloquentes sur l’écart persistant entre les hommes et les femmes. Par exemple, à l’échelle mondiale, seulement 30 % des réservations de festivals étaient faites par des femmes, contre 58,5 % par des hommes. En 2023, aux États-Unis, seuls 6,5 % des producteurs de musique étaient des femmes, et l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes reste de l’ordre de 20 %, même les femmes de haut rang gagnant moins que leurs homologues masculins pour le même travail. Lorsque l’on considère ces statistiques et le climat politique général, on comprend pourquoi nous estimons qu’il est essentiel de créer des événements qui amplifient la voix des femmes et leur donnent l’espace qu’elles méritent.
PAN M 360: Quels sont les spectacles prévus pour cette édition ? Quel type d’atmosphère souhaitez-vous créer ?
Women of the industry: Comme l’année dernière, nous collaborerons avec Arabesque Burlesque, une école de burlesque bilingue basée à Montréal qui adopte une approche féministe inclusive et intersectionnelle dans sa programmation. Ils offriront des performances sensuelles et pleines d’énergie tout au long de la soirée, y compris des gogo-danseurs et des numéros burlesques en solo et en duo. Ces performances seront rehaussées par un projet VJ révolutionnaire créé par l’équipe d’innovation de Moment Factory, dirigée – bien sûr – par une femme. Ce projet combine la technologie de l’intelligence artificielle avec la création et la projection d’images en temps réel, immergeant les fêtards dans une atmosphère visuellement stupéfiante où les artistes et le public se mélangent de manière transparente. Notre objectif est de créer une expérience inoubliable sur le dancefloor, qui soit à la fois immersive, inclusive et électrique.
PAN M 360: Quelle est votre vision à long terme pour les femmes de l’industrie ? Qu’espérez-vous réaliser ?
Women of the Industry : Au fond, l’objectif des Femmes de l’industrie est de donner aux femmes une plateforme, de les aider à nouer des liens, à créer de nouvelles opportunités et à atteindre leur plein potentiel dans cette industrie et au-delà. Pour rester au courant de ce qui se passe, nous vous encourageons à suivre PeachClub (@tastethepeach) et Elisa (@turnt) sur Instagram. N’oubliez pas non plus de suivre la merveilleuse Regularfantasy, sur Instagram, mais aussi sur Bandcamp, Spotify et Soundcloud.
Imaginée par la conteuse et librettiste abénakise Nicole O’Bomsawin et la compositrice Alejandra Odgers, Nanatasis pagaie sur les vastes réservoirs de trois légendes traditionnelles abénakises. S’y déroulent les récits de la Grand-mère Marmotte, les aventures épiques de Klosk8ba, garçon devenu homme, homme devenu héros. Création du monde à partir du premier son d’un hochet. Orignal géant et redoutable (Moz) que Klosk8ba réduit à sa taille d’objet usuel d’aujourd’hui. Hiver sans fin qui fait enfin place au printemps. Voilà les thèmes de trois légendes réunies dans cette œuvre commandée par Musique 3 Femmes, en coproduction avec l’ensemble de percussions Sixtrum et dirigée par le metteur en scène et scénographe métis Troy Hourie. Onze musiciens et quatre marionnettistes donnent vie au concept, le samedi 8 mars et le dimanche 9 au Théâtre Outremont. Dans le contexte de La Semaine du Neuf, la mezzo-soprano Kristin Hoff et la compositrice Alejandra Odgers accordent une interview à Alexandre Villemaire pour PAN M 360. L’œuvre fut présentée en collaboration avec Le Vivier en mai 2024, la revoilà dans le contexte de la Semaine du Neuf.
PAN M 360 :Nanatasis est un projet commandé par Musique 3 Femmes, la compagnie que vous dirigez avec la compositrice Luna Pearl Woolf et co-fondée en 2018 avec Suzanne Rigden et Jennifer Szeto. Pour qui ne connaît pas votre organisme, quelle est sa mission et qu’est-ce qui vous a incité à le fonder?
Kristin Hoff : Le projet M3F est né d’un désir de voir les femmes occuper davantage de postes de direction dans l’opéra. De voir les femmes prendre plus de place dans les rôles de créatrices d’opéra, de metteures en scène, de cheffes d’orchestre, de directrices de compagnie. Nous avons axé notre travail sur la création avec le prix bisannuel de commande et de développement, le Mécénat Musica Prix 3 Femmes. Cela signifie que c’est en soutenant les créateurs d’opéra – compositrices et librettistes – que nous avons eu le plus d’impact. Si nous voulions faire entendre des voix féminines dans l’opéra, c’est en partie parce que nous voulions entendre des histoires écrites par des femmes, où les femmes peuvent également être au centre de ces histoires, au lieu d’être victimes ou secondaires par rapport aux hommes, comme c’est souvent le cas dans l’opéra traditionnel.
Cela dit, d’une manière plus générale, il nous tient vraiment à cœur d’apporter de nouvelles histoires sur les scènes d’opéra, de soutenir des voix qui n’ont pas encore été entendues sous cette forme. C’est pourquoi nous avons ouvert notre prix MMP3F à des candidats non binaires, et nous avons également ouvert une catégorie BIPOC, afin de nous assurer que nous soutenons également des voix culturellement diverses.
PAN M 360 : Que raconte Nanatasis?
Kristin Hoff : Créé par la conteuse et librettiste abénakise Nicole O’Bomsawin et la compositrice Alejandra Odgers, Nanatasis nous entraîne dans un voyage à travers trois légendes traditionnelles abénakises, grâce aux récits de la sage Grand-mère Marmotte et aux aventures passionnantes de Klosk8ba, un garçon devenu homme et héros. Ces légendes nous racontent l’histoire de la création du monde, à partir du premier son d’un hochet, un moz [orignal] géant et terrifiant que Klosk8ba réduit à sa taille d’objet usuel d’aujourd’hui, et celle d’un hiver sans fin qui fait place au printemps.
PAN M 360 : Alejandra, comment cette collaboration avec Nicole O’Bomsawin a-t-elle commencé?
Alejandra Odgers : En 2007, pendant mes études de doctorat j’avais décidé de composer une pièce basée sur des chants des indigènes de mon pays d’origine, le Mexique. C’était le printemps, et j’étais dans une étape de recherche de textes quand j’ai décidé d’aller manger à une cabane à sucre. J’ai entendu qu’à la Maison des peuples autochtones au Mont St-Hilaire on y offrait un repas aux saveurs amérindiennes et qu’il y avait une femme abénakise qui présentait une animation avec des chants et des danses. Aimant les cultures de partout dans le monde, il n’en fallait pas plus pour me convaincre que c’était l’endroit où je voulais aller. Et cette femme abénakise était Nicole. Je suis tombée amoureuse de sa culture, de ses chants et j’ai fini par lui demander si elle acceptait que j’enregistre ses chants pour pouvoir composer une pièce pour orchestre symphonique avec eux. Généreuse comme elle est, elle a accepté et cela a été le début d’une amitié et d’une collaboration qui dure depuis 18 ans et qui a permis la naissance d’au moins quatre de mes œuvres.
PAN M 360 : Qu’est-ce qui a guidé votre inspiration et votre choix de l’instrumentation qui fait essentiellement appel à un ensemble de percussions et flûtes?
Alejandra Odgers : Lors de la longue entrevue que j’ai faite à Nicole en 2007, j’ai appris que les Abénakis utilisaient comme instruments le hochet, le tambour, des bâtons de bois et aussi parfois la flûte. Alors, quand le temps de penser à l’instrumentation de l’opéra est arrivé, le choix était déjà fait : Instruments de percussion et flûte. J’ai décidé d’avoir quatre percussionnistes afin d’avoir un musicien dans chaque coin de la scène, et avoir un effet quadriphonique qui en même temps représentait les quatre points cardinaux.
PAN M 360 :Avez conçu la musique comme une trame narrative unique ou bien chacune des trois légendes porte-t-elle une signature musicale particulière?
Alejandra Odgers : En fait, c’est un peu les deux. Il s’agit de trois légendes qui pourraient être indépendantes. Mais, pour l’écriture du livret et pour la composition on a créé des fils conducteurs qui créaient un lien entre les trois légendes. Du côté de l’instrumentation, bien qu’il s’agît toujours de quatre percussionnistes et la flûte, chaque légende à « sa couleur ». Pour la légende de la création, l’instrument principal est le hochet; pour celle de Moz, les tambours (en bois et des peaux) et pour Pebon et Niben les percussions de métal.
PAN M 360. : Une première présentation d’extraits de Nanatasis a eu lieu le 30 mai 2024 à la Salle Bourgie dans le cadre d’un concert honorant les autres lauréates de l’appel d’œuvres que vous aviez lancées en 2022 et leur création (Je suis fille de la fille, Analía Llugdar & Emné Nasereddine ; Raccoon Opera (Rebecca Gray & Rachel Gray). Y a-t-il des différences entre ce moment et la représentation du 8 mars et comment l’œuvre a-t-elle gagné en maturité ?
Kristin Hoff : Le spectacle de Bourgie nous a permis de présenter une seule légende dans une version essentiellement musicale. Quelques marionnettes étaient également présentes lors du spectacle, ainsi que des vidéos et des éclairages. Il s’agit ici de la version intégrale – la vraie. Les trois légendes sont présentées sur une scène magnifique avec un plancher peint, des écrans en peau d’animal, l’île des Abénaquis, avec toutes les marionnettes, les costumes, les danses traditionnelles abénaquises, les ombres chinoises, la conception vidéo et une mise en scène complète – le spectacle complet avec tout ce qu’il y a de plus beau et de plus beau !
Alejandra Odgers : Aussi, depuis la présentation de l’année passée, on a peaufiné le fil narratif qui parcourt les trois légendes. Et du côté musical, on sent que les chanteurs se sont approprié leurs personnages et les musiciens connaissent vraiment la musique, les légendes. Tout est plus cohérent.
PAN M 360 : À partir de quel moment l’idée s’est présentée d’impliquer dans le concert le Festival de Castelliers?
Kristin Hoff : J’ai rencontré Louise Lapointe, directrice artistique de Casteliers, il y a environ 18 mois, alors que nous collaborions à un projet de résidence pour d’autres créateurs. Je lui ai parlé du projet sur lequel nous travaillions, un opéra de marionnettes qui mettrait en scène trois légendes abénaquises et qui serait notre première incursion dans le domaine de l’opéra de marionnettes. Elle a été séduite par l’idée et m’a demandé de lui envoyer plus de détails. Le reste appartient à l’histoire !
PAN M 360 : Kristin, en tant qu’interprète dans l’opéra, mais aussi en tant que directrice de production de celui-ci, que retenez-vous comme expérience humaine dans le processus de création de cette œuvre avec les divers intervenants?
Kristin Hoff : Ce fut une belle occasion de partage à bien des égards. N’étant pas une organisation autochtone, M3F a abordé ce projet avec beaucoup d’humilité. Mais Nicole O’Bomsawin a ouvert sa culture et ses histoires pour que nous puissions tous y pénétrer et y prendre part. Elle pense que c’est la meilleure façon de les comprendre, de les connaître et de les aimer. Cette générosité est très particulière. Je lui suis profondément reconnaissante, ainsi qu’aux populations indigènes qui ont contribué à la réalisation de ce projet et qui l’ont partagé de cette manière.
PAN M 360 : Et vous Alejandra, que retenez-vous comme expérience humaine dans le processus de création de cette œuvre avec les divers intervenants?
Alejandra Odgers : Je crois que peu de choses me touchent plus que de voir comment des gens qui viennent d’origines diverses, et parlent différentes langues peuvent travailler ensemble et donner le mieux d’eux-mêmes pour créer ensemble quelque chose de beau. Dans ce cas-ci, les légendes abénakises. C’est incroyable le nombre de personnes impliquées dans un projet comme celui-ci qui se voulait « un petit opéra de chambre ». Collaboration, partage, entraide, ouverture, écoute, patience et respect (des points de vue et des rythmes d’autrui) étaient de mise. Arriver à le faire, dans un projet de longue haleine comme celui-ci, c’est du bonheur et me donne de l’espoir dans le monde compliqué où nous habitons aujourd’hui.
Publicité panam
Inscrivez-vous à l'infolettre
Gérez votre confidentialité
Nous utilisons des technologies telles que les cookies pour stocker et/ou accéder aux informations des appareils. Nous le faisons pour améliorer l’expérience de navigation et pour afficher des publicités (non-) personnalisées. Consentir à ces technologies nous permettra de traiter des données telles que le comportement de navigation ou les ID uniques sur ce site. Le fait de ne pas consentir ou de retirer son consentement peut avoir un effet négatif sur certaines fonctionnalités et fonctions.
Fonctionnel
Toujours activé
Le stockage ou l’accès technique est strictement nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de permettre l’utilisation d’un service spécifique explicitement demandé par l’abonné ou l’utilisateur, ou dans le seul but d’effectuer la transmission d’une communication sur un réseau de communications électroniques.
Préférences
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de stocker des préférences qui ne sont pas demandées par l’abonné ou l’utilisateur.
Statistiques
Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement à des fins statistiques.Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement dans des finalités statistiques anonymes. En l’absence d’une assignation à comparaître, d’une conformité volontaire de la part de votre fournisseur d’accès à internet ou d’enregistrements supplémentaires provenant d’une tierce partie, les informations stockées ou extraites à cette seule fin ne peuvent généralement pas être utilisées pour vous identifier.
Marketing
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire pour créer des profils d’utilisateurs afin d’envoyer des publicités, ou pour suivre l’utilisateur sur un site web ou sur plusieurs sites web ayant des finalités marketing similaires.