Portée par un répertoire varié, du romantisme au minimalisme américain, la soprano Marianne Lambert explore à travers ces musiques la maternité, les défis, les deuils, la vie. Ces aspects de l’existence sont incarnés par les mers intérieures au sens symbolique, et magnifiés par les œuvres Samuel Barber, Maurice Ravel, Claude Debussy, Benjamin Britten, Gustav Mahler. L’expérience est présentée comme « un concert multimédia tout en intimité ». Marc Boucher résume le concept à Alain Brunet, pour PAN M 360.

BILLETS ET INFOS

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Programme


Claude Debussy   (1862–1918)

Aquarelles

Green


Hugo Wolf
  (1860–1903)

Auf ein altes Bild

Jules Massenet  (1842–1912)

Élégie


Philip Glass
  (1937-    )

Songs from Liquid Days

Changing Opinion


Arvo Pärt
 (1935–    )

Spiegel im Spiegel


Hugo Wolf

Das verlassene Mägdlein 

An den Schlaf


Maggie Ayotte   

Reste

Texte : Isabeau Proulx-Lemire

Samuel Barber  (1910–19881)

Mélodies passagères 

Tombeau dans un parc


Benjamin Britten
  (1913–1976)

The Last Rose of Summer


Gustav Mahler
  (1860–1911)

Rückert-Lieder

Ich bin der Welt abhanden gekommen

Liebst du um Schönheit


Amélie Fortin 

Rivière du Nord

Maurice Ravel  (1875–1937)

Cinq mélodies populaires grecques

La chanson des cueilleuses de lentisques


Leonard Bernstein  (1918–1990) 

A Simple Song


Samuel Barber
  (1910–1981)

Sure on this Shining Night

ARTISTES

Marianne Lambert

Soprano

Chloé Dominguez

Violoncelle

Janie Caron

Piano

Artiste multidisciplinaire (musicienne, artiste de cirque et autrice) Erika Hagen nous était déjà familière via le projet Bleu kérosène, fondé avec son frère et avec lequel elle nous avait présenté deux EP en 2020 et 2021. 

Elle revient en 2025 avec un premier album solo, Pouvoirs magiques, un album indie-folk rock aux teintes garage et un peu yé-yé, opus réalisé et arrangé par l’incontournable Dany Placard. Enregistrées à La Shed, l’endroit parfait pour la musicalité brute, les dix chansons nous emmènent dans une folle ride où la naïveté, l’absence de filtre et le ton un peu moqueur nous tiennent compagnie et nous font mettre en perspective la notion de la tendresse, des failles et de la perfection avec une parfaite dose de dérision.

Inspiré par moment des Riot Girrls des années 90, avec une poésie rappelant  Avec pas d’casque et parfois un peu Sara Dufour dans l’aspect joliment abrasif de l’expression, Erika déploie son univers romancé, inspiré de sa propre vie et de celle de ses proches, dans une démarche d’autofiction où le corps, la musique et la parole sont liés. 

Entrevue avec une fille qui a de la suite dans les idées.

PAN M 360 : Comment c’était de travailler ton premier album avec Dany Placard, un incontournable au Québec? 

Erika Hagen : C’était une expérience très fluide! J’ai beaucoup de gratitude pour Dany, c’est un réalisateur généreux et sincère. On avait une vision similaire de la direction de l’album, mais Dany a tellement de naturel dans son interprétation et sa manière d’arranger que j’ai beaucoup appris en le regardant travailler. C’était aussi super validant pour moi de travailler avec quelqu’un qui était comme “heille stress pas, tout est là, on se cassera pas la tête, les tounes marchent, tu sais très bien les jouer et les défendre.”

PAN M 360 : Être sans ton frère pour ce projet musical t’a-t-il permis de prendre certaines libertés, contrairement au projet en duo?

Erika Hagen : Ahh j’aime tellement travailler avec Jer! J’ai beaucoup d’admiration pour l’univers harmonique de mon frère, sa grande rigueur de travail et sa sensibilité musicale. Je pense que partir en solo pour moi était surtout lié au fait que mes envies esthétiques et mes élans de composition actuels fittaient moins dans notre collaboration. C’est certain qu’il y a une liberté plus grande dans un projet solo, mais il y a aussi moins de dialogue entre les idées et de co-résolution de problème. J’aime beaucoup ce que les deux peuvent apporter.

PAN M 360 :  Quels sont les principaux groupes que vous écoutiez, durant la réalisation de l’album?

Erika Hagen : Avec Dany, on a pas tant écouté d’albums en réalisant Pouvoirs magiques, mais j’avais des références et des ancrages stylistiques, notamment : le premier album homonyme de Big Thief,  l’album Somethings I Sit and Think, and Sometimes I Just Sit de Courtney Barnett ou l’album Eye on the Bat de Palehound. 

PAN M 360 : On sent bien l’inspiration des années 90 dans la direction de l’album. Est-ce la décennie musicale qui t’a forgée ou encore cette teinte s’est-elle développée dans le cadre de la réalisation ? 

Erika Hagen : J’avais déjà cette direction en tête avant de réaliser l’album. Les chansons étaient assez limpides, c’est ça qu’elles voulaient. Elles ont certainement pris de l’ampleur en ce sens en travaillant avec Dany par contre. Il a aidé à concrétiser le côté plus échevelé et slacker de l’album, que j’apprécie beaucoup.

PAN M 360 : Tu es souvent dans une démarche de fiction où tu aimes t’inspirer de ton vécu et de celui de tes proches pour créer une version altérée et romancée de cette réalité. Quelle part de la réalité t’incite-t-elle à en extraire quelque chose et à vouloir le modeler ?

Erika Hagen : Hey c’est une bonne question. J’aime explorer les émotions un peu étranges, les flottements, les ambivalences et les imperfections dans le quotidien. J’aime aussi explorer les détails sensoriels, les textures, la réalité du corps. Je trouve ça riche et souvent très évocateur. Je trouve aussi que c’est souvent là où l’existence est la plus dense. Mettons que j’imagine quelqu’un choisir sa tasse pour boire son café chaque matin, son état à ce moment-là, la lumière qui entre par sa fenêtre – je me retrouve aussi dans ce scénario. C’est un geste créatif relationnel, une exploration des scénographies quotidiennes des autres, qui finalement sont aussi les miennes et vice versa. C’est intime, banal et grand à la fois. C’est juste un exemple, mais ces genres de poésies d’observation sont omniprésentes dans ma démarche.

Les mécanismes de la mémoire aussi me fascinent. La manière dont on se raconte certaines histoires, certains souvenirs, pour s’expliquer les mystères dans nos vies et dans celles des gens qu’on aime. Je ne pense pas me tanner de ces thématiques là un jour, où du moins pas dans un futur proche!

PAN M 360 : On distingue tout de suite la particularité de ta plume, que je trouve très imagée et rafraîchissante, remplie de naïveté sans filtre. As-tu des inspirations particulières?

Erika Hagen : Merci, ça me touche ! Il y a d’innombrables écritures qui m’ont marquée, par influence directe ou de manière plus sporadique et conceptuelle. Littérairement parlant, dans les dernières années, j’ai un coup de cœur immense pour Patrice Desbiens et Michel Garneau. Quand on parle de plume naïve mais profonde, ces deux-là me sautent aux yeux. Je nomme souvent Stéphane Lafleur, parce que c’est un incontournable pour moi et que sa plume a beaucoup informé la mienne. J’aime aussi l’univers de la poète canadienne Sue Goyette, qui a une dextérité poétique et narrative surprenante. C’est une de celles qui m’a incitée à réfléchir à la poésie anglaise autrement, à explorer les liens d’écriture entre mes deux langues, puisque je porte cet héritage familial. Je pense spécifiquement à son recueil Océan, qui m’a en plus été offert par ma grand-maman Anita, très importante dans ma vie. Plusieurs autres auteur.trice.s participent à cultiver ma curiosité pour l’écriture et ses possibles. C’est une ressource infinie, il y a tant à lire, à écouter aussi!

PAN M 360 : La poétesse Marie-Andrée Gill, avec qui tu as collaboré en 2019, a-t-elle laissé une empreinte sur toi et ta manière de voir l’écriture?

Erika Hagen : Oh wow vraiment. Je ne l’ai pas nommée dans la question précédente, mais elle fait partie des auteur.trice.s qui m’ont aidée à préciser mon écriture, surtout quand je commençais à écrire plus intentionnellement il y a une dizaine d’années. Marie-Andrée m’a appris à identifier ce qu’elle appelait le cœur des poèmes. Ça implique de couper dans le bacon et aller au noyau poétique de la patente. Elle m’a appris la valeur de la réécriture. Avant de travailler avec elle, je ne retouchais pas beaucoup mes textes, maintenant oui. J’applique constamment les outils et  je pose le regard qu’elle m’a aidé à aiguiser dans l’écriture de mes chansons. Même si c’était bref comme mentorat, ça a été un moment déterminant dans ma pratique d’écriture.

PAN M 360 :  La Shed est tellement le parfait endroit pour se laisser imprégner par « le côté brut ». Est-ce que le lieu a influencé les chansons et la direction de l’album?

Erika Hagen : La Shed est un lieu qui a beaucoup d’âme. La première fois que je suis entrée là, j’ai eu l’impression que ce studio avait vu naître beaucoup de musique. Je pense que ce lieu, de pair avec l’équipe de réalisation de l’album, m’a rappelé de rester proche de mes chansons, de mes envies et de mes instincts, de ne pas tomber dans une attitude performative. C’est un endroit inspirant qui invite à l’intégrité dans la démarche. Travailler là, avec l’expertise de Dany, m’a permis de garder le cap sur le côté « straight to the point » de la prod. On ne voulait pas surenchérir, les chansons avaient besoin d’être droit au but. C’est des petites histoires, des vignettes du quotidien, on voulait laisser ça parler sans interférence. 

PAN M 360 : Qu’avais-tu envie de partager avec le public à travers cette folle ride de ces 10 chansons?

Erika Hagen : J’avais envie d’offrir un trajet fougueux et introspectif, où la plume naïve et les réflexions existentielles des chansons seraient mises en bouche avec beaucoup de plaisir et de ludisme. Je revendique l’idée qu’on est plusieurs mondes à la fois, que ces mondes-là se parlent entre eux, que l’introspection se marie avec l’irrévérence et que la tendresse est compatible avec le dynamisme. Donc Pouvoirs magiques, pour moi, c’est un album qui embrasse l’errance, qui explore les espaces de négociation entre la plainte et la liberté. Mon rapport avec ces chansons est assez conforme à leur propos, au sens où j’ai ressenti en moi une augmentation d’autonomie et d’agentivité dans le processus de composition et de réalisation. Quand je pense à Pouvoirs magiques, je pense aux vouloirs, dans leurs formes multiples : vouloir exister fort, vouloir comprendre, vouloir se reposer, vouloir trouver l’amitié avec soi-même et les autres, vouloir slacker d’un tour et laisser nos ambivalences respirer un brin.

PAN M 360 : Des spectacles sont-ils à prévoir en 2025 pour cet album? Pour Bleu Kérosène?
Erika Hagen : Oui! On lance Pouvoirs magiques à Québec le 15 mai au Pantoum, et le 11 juin au Quai des Brumes à Montréal. Ensuite on joue à la Grange du Presbytère à Stoneham le 13 juin, et le lendemain (en trio) au Festival de la chanson de Tadoussac. Bleu kérosène , c’est derrière nous, mais j’aimerais vraiment repartir un nouveau projet avec mon frère éventuellement (Jérémie, si tu lis ces lignes, saches que ben voilà ce serait ben l’fun, ça te tente-tu? )

Modibo Keita a grandi à Montréal, il est tromboniste de formation et joue autant qu’il peut lorsqu’il n’est pas programmateur au Festival international de jazz de Montréal. Depuis la mise en place de la nouvelle direction artistique de l’événement, on voit que le jazz redevient une priorité dans la programmation extérieure, question de relancer l’intérêt et éventuellement de faire passer en salles les artistes les plus fédérateurs. Aussi, l’équipe de programmation a recruté un vrai de vrai musicien de jazz, de surcroît un fin connaisseur de la tradition et de l’apport des nouvelles générationsen la personne de Modibo Keita. Il nous aide ici à débusquer les musts de la programmation, en salle comme à l’extérieur, bien au-delà des évidences aussi mentionnées dans sa nomenclature. Alain Brunet l’a interviewé pour PAN M 360.

BILLETS ET INFOS

Le 41e Festival international de musique actuelle de Victoriaville (FIMAV) se tiendra du 12 au 18 mai prochains: parcours extérieur d’installations sonores, cinéma et quelques concerts sont prévus cette année, bien que la formule 2025 en soit une de transition: le samedi 17 mai, le plat principal sera servi par le saxophoniste, flûtiste, compositeur, improvisateur et directeur musical Mats Gustafsson. Le musicien suédois s’amène avec son excellent trio FIRE Orchestra, auquel se joindront 14 interprètes et improvisateurs québécois et canadiens pour un concert en formule big band. Plus tard dans la soirée de samedi, les festivaliers de Victo auront droit au groupe californien Sleepy Time Gorilla Museum. Pour en apprendre davantage sur cette programmation minceur, PAN M 360 a interviewé Scott Thomson.

BILLETS ET INFOS

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En primeur canadienne, le Nouvel Opéra Métropolitain a recruté la célébrissime Marie-Nicole Lemieux pour incarner Carmen presonnage principal de cet opéra signé Georges Bizet, dont on commémore le 150e anniversaire de la mort le 3 juin 2025. La direction d’orchestre sera assurée par Jean-Marie Zeitouni, chef principal de l’Orchestre symphonique d’Edmonton et réunira un aréopage exclusivement composé de solistes québécois, dont Étienne Dupuis dans le rôle du toréador. Le Nouvel Opéra Métropolittain partagera la scène avec l’Ensemble ArtChoral. Marc Boucher, directeur artistique et fondateur du festival Classica, n’est pas peu fier de cette prise !

BILLETS ET INFOS

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Cinquante ans de carrière derrière la cravate, du groupe Octobre à aujourd’hui, Pierre Flynn poursuit sa tournée Sur ma route. Ce spectacle solo a été nommé 4 fois à l’ADISQ 2024 dont la catégorie Spectacle de l’année. En mars dernier, l’auteur-compositeur haussait sa proposition à l’invitation du Palais Montcalm à se produire accompagné d’un quatuor à cordes. Les mélomanes de Classica pourront aussi apprécier ce concert rétrospectif assorti de quelques nouvelles chansons. Marc Boucher explique tout ça à Alain Brunet pour PAN M 360.

BILLETS ET INFOS

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Montréal-Munich est l’occasion de poursuivre les rencontres internationales du quatuor de saxophones Quasar, dont c’est le dernier concert montréalais de la saison – ce dimanche après-midi à la Salle Bleue de l’édifice Wilder, programme présenté de concert avec le Vivier. De nombreuses résidences de création au Québec et en Bavière ont d’ores et déjà été tenues, elles réunissent  cette fois les saxophonistes de Quasar aux compositeurs.trices Francis Battah, Philipp C. Mayer, Maxime McKinley, Florence M. Tremblay, Alexander Strauch et Abigél Varga. Six créations inédites  sont prévues à Montréal et seront de nouveau exécutées à Munich cet été, soit au festival A•DEvantgarde. Directrice artistique de Quasar, la saxophoniste Marie-Chantal Leclair répond ici aux questions d’Alain Brunet pour PAN M 360.

PAN M 360: Quasar multiplie les collaborations à l’étranger depuis longtemps. Quelle est la nature spécifique de cette collaboration Montréal-Munich? Pouvez-vous en faire l’historique et nous en rappeler la substance?

Marie-Chantal Leclair : Ce projet est notre collaboration la plus importante à ce jour avec le milieu musical de Munich. Il s’agit d’un partenariat entre Quasar et le Festival A•DEvantgarde avec l’appui du Vivier  à Montréal. Le public montréalais pourra assister à la création de 6 œuvres nouvelles composées par 3 compositeurs et compositrices du Québec et 3 de l’Allemagne. C’est un projet basé sur la réciprocité, le dialogue et sur nos passions communes pour la création. Nos collaborations internationales font rayonner les compositeurs et compositrices québécois à l’étranger et cela est une grande motivation pour nous. Mais aussi, et cela est très stimulant, elles nous donnent l’occasion de travailler avec des compositeurs et compositrices d’un peu partout dans le monde, de découvrir d’autres voix, d’autres langages, d’autres pratiques. Avec un projet comme Montréal-Munich, les deux aspects se réalisent et cela nous comble. On parle ici de rencontres artistiques et aussi de rencontres profondément humaines.  

Ce qui caractérise ce projet et qui est aussi notre marque de commerce, c’est le travail collaboratif de recherche-création réalisé avec chacun des compositeurs. En juin dernier, nous avons réalisé une résidence de création à Munich avec les compositeurs allemands et,  en décembre dernier, nous avons fait la même chose avec les compositeurs québécois. 

Cette semaine, tout ce beau monde est réuni pour travailler sur leurs œuvres avec nous mais aussi pour écouter le travail des autres, échanger, partager.

Notre premier concert à Munich remonte à mars 2011 où nous avions joué à l’Académie des Beaux-Arts grâce à une invitation du compositeur Moritz Eggert, rencontré à Montréal. Nous avons aussi par la suite travaillé à quelques reprises avec les classes de composition de l’Université de Munich. Nous avons profité de ces séjours à Munich pour rencontrer les directeurs artistiques du Festival A•DEvantgarde et avonsélaboré ensemble cette collaboration. 

PAN M 360: Quelles sont les retombées de cette collaboration?

Marie-Chantal Leclair : Nous serons à Munich le 4 juillet prochain où nous présenterons le concert. Les trois compositeurs.trices du Québec seront du voyage. Donc, c’est une vitrine importante pour le milieu de la musique contemporaine du Québec dans un pays où ce type de musique est très important. Cela positionne aussi Montréal comme un pôle créatif majeur en musique. Car on va se le dire, même si nous n’avons pas toujours de très grands moyens, l’activité en musique nouvelle à Montréal est vraiment impressionnante. Le public montréalais est très choyé de ce côté

PAN M 360: Concentrons-nous sur le programme de dimanche, c’est-à-dire commenter chacune des œuvres avec leurs caractéristiques propres : leur compositeur.trice, la forme générale de l’œuvre, les enjeux de l’exécution pour le quatuor:

Marie-Chantal Leclair: Six créations en un seul soir, c’est un défi de taille. Chaque pièce a ses propres défis techniques et d’interprétation. Rappelons que le thème du festival aDevantgarde est la beauté, un concept inspirant et déroutant à la fois. 

Maxime McKinleyDOLMEN (In memoriam Roland Giguère) , 2025 (14′) 

Maxime offre ici une pièce très riche en couleurs inspirée de l’univers poétique de Roland Giguère. La pièce est divisée en sections : appels, ancêtres, volcan, cris, chants, chuchotements, tremblements et rivage, qui chacune explore différents mondes sonores énigmatiques et poignants. Il y a un aspect mélodique fort dans la pièce mais résolument contemporain. Une beauté assez étrange qui fascine. 

Francis BattahSuite , 2025 

Avec ce projet, Francis conjugue son amour pour le jazz et la musique contemporaine.  C’est une pièce ludique, truffée d’humour et de légèreté, et qui révèle une grande maîtrise de l’écriture. Elle requiert une grande virtuosité autant celle qui caractérise les solos de jazz à la bebop que les partitions contemporaines les plus extrêmes. 

Florence M. TremblayVapeurs taillées dans l’air lascif , 2025 

Avec cette pièce Florence poursuit son exploration de l’univers fascinant de sons multiphoniques au saxophone. C’est une matière très riche mais qui demande beaucoup de contrôle tant pour l’écriture que pour l’interprétation. Florence a plongé dans ces sons, les a décortiqué, analysé, déconstruit pour pouvoir ensuite tisser sa pièce. Il s’agit de notre deuxième collaboration avec Florence. C’est intéressant pour nous de travailler avec des compositeurs sur plus d’un projet.

Alexander StrauchUn soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux. – Et je l’ai trouvée amère. – Et je l’ai injuriée. , 2025 

Le titre de la pièce est tiré d’un poème de Rimbaud. Elle joue librement avec le concept de la beauté, tantôt mélodique, tantôt frénétique, la pièce révèle une écriture achevée, un geste clair, sûr, et le plaisir pur de l’invention.  

Philipp Christoph MayerSongs from the Basement (4.40 Symbiosis) , 2025 

La pièce de Philip est très dense en énergie, le rythme y tient une place importante. La composante électronique vient transformer, amplifier, appuyer les parties instrumentales de manière sophistiquée et percutante. Elle s’inspire d’une bande-dessinée imaginaire qu’on aimerait bien lire! 

Abigél VargaFour Days, Four Nights , 2025 

La pièce d’Abigél mélange les textures des saxophones avec des parties électroniques. D’apparence plus classique, elle est résolument contemporaine par ses recherches de timbres, son propos et son imagination. 

Crédit photo: Marie Lassiat

BILLETS ET INFOS

Les virtuoses québécois Serhiy Salov et Jean-Philippe Sylvestre ont été choisis par Marc Boucher pour faire équipe dans un programme impliquant des œuvres pour piano à 4 mains pour un piano (Fauré, Beethoven, Bizet) ou encore 2 pianos (Saint-Saëns). Le directeur artistique de Classica explique son choix à Alain Brunet pour PAN M 360, dans le contexte d’une interview scindée pour chaque programme. Ce programme sera présenté le 5 juin prochain.

BILLETS ET INFOS

PROGRAMME

Gabriel Fauré 

Suite Dolly, op. 56, pour piano quatre mains

L.V Beethoven 

Sonate en ré majeur, op. 6, pour piano quatre mains
Georges Bizet 

Jeux d’enfants, op. 22, suite pour piano à quatre mains   

Camille Saint-Saëns 

Carnaval des animaux, op. 9, version pour deux pianos 

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La direction artistique du festival Classica a constitué un quatuor entièrement féminin de violoncellistes québécoises: Kateryna Bragina, Chloé Dominguez, Agnès Langlois et Noémie Raymond. Des compositrices de différentes époques y seront mises en lumière dans ce contexte propice: Nadia Boulanger. Isabella Leonarda, Hildegarde von Bingen et même Charlotte Cardin ! Il y aura aussi Debussy, Monteverdi, Bruch, Corrette et Carlos Gardel, premier crooner mondial de l’histoire moderne. Marc Boucher a eu cette idée de Violoncelles au féminin, programme prévu le 4 juin prochain. Il défend ici son choix dans ce fragment d’une longue interview réalisée par Alain Brunet.

BILLETS ET INFOS ICI

Programme

Claude Debussy (1862–1918)

Rêverie          

Nadia Boulanger (1887–1979)

Trois pièces pour violoncelle et piano

Claude Debussy

La Fille aux cheveux de lin 

Isabella Leonarda  (1620–1704)

Sonate  
Claudio Monteverdi
   (1567–1643)

Pur ti miro

Hildegarde von Bingen (1098–1179)

[œuvre à déterminer]      

Max Bruch (1838–1920)

Kol Nidrei        

Michel Corrette (1707–1795)

Le Phénix  

Charlotte Cardin   (1994–    )

Confetti          

Carlos Gardel (1890–1935)

Por una cabeza

Le Köln concert, ou concert de Cologne, avait été donné par Keith Jarrett le 24 janvier 1975, soit il y a 50 ans. L’enregistrement public devint la plus écoutée des improvisations pour piano solo de l’histoire discographique (environ une heure), et certes la locomotive du répertoire de l’étiquette allemande ECM, fondée et toujours dirigée par Manfred Eicher. Voilà certes un des albums emblématiques du jazz des années 70 et dont l’aura confère un statut mythique. Pour commémorer le demi-siècle de cet enregistrement, Marc Boucher, directeur artistique et fondateur du festival Classica, a rêvé d’une transcription de l’impro pour quatuor à cordes signée François Vallières et interprétée par l’altiste Elvira Misbakhova, le violoncelliste Stéphane Tétreault, les violonistes Antoine Bareil et Marie Bégin. Marc Boucher est ici invité à nous en apprendre davantage dans ce fragment d’une longue interview menée par Alain Brunet pour PAN M 360.

BILLETS ET INFO

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Amanda Harvey, aussi connue sous le pseudo/acronyme IRL, est l’une des artistes sonores et musiciennes les plus engagées de Montréal. Son approche étudiée est le fruit d’années passées à créer activement des communautés et à nourrir sa compréhension du son. Si les paysages sonores d’IRLʼs incarnent cette profondeur, c’est parce qu’ils s’inspirent de diverses pratiques d’écoute ayant une vaste signification sociale.

Membre de ffiles, un collectif radiophonique féministe, ou coproductrice de A Kind of Harmony avec Julia Dyck , qui étudie les pratiques sonores multidisciplinaires sous un angle social et environnemental, Amanda Harvey suit les pistes de son cœur et nʼa pas peur de remettre en question ses propres croyances. Qu’y a-t-il entre les oreilles – mais surtout, que ressent le corps ? Ses sons sont élaborés avec une grande attention et une sensibilité accrue à l’espace, car ils parlent pour être entendus.

L’approche de l’espace comme médium dans ses œuvres mènera inévitablement à des résultats intéressants dans le dôme de S.A.T.ʼs, alors qu’elle se prépare pour sa performance à Substrat le jeudi 1er mai, partageant la scène avec Bénédicte, Micheal Gary Deen et Freddy Speer. Dans cet entretien, Amanda Harvey parle de ce qu’elle a appris de A Kind of Harmony, de l’importance de la communauté, de l’évolution de sa pratique de la spatialisation et de son approche du son incarné.

PAN M 360 : Je me demande si nous pouvons inverser les rôles : quelles sont les leçons importantes que vous avez apprises en produisant A Kind of Harmony et qui ont affecté votre propre discipline ?

IRL : Une chose que j’ai vraiment apprise vient de l’un des participants de cette saison – la personne que je viens de mentionner, AM the geographer. Dans son interview, elle explique que tous les espaces – les espaces naturels – ne veulent pas être enregistrés. Ainsi, lorsque vous vous apprêtez à enregistrer un espace naturel ou extérieur, vous devez vous asseoir avec cet espace et voir si l’intention est là pour que vous enregistriez. Parfois, l’espace va vous refuser, ou vous allez sentir que vous n’êtes pas réellement, à ce moment-là, le bienvenu. C’est quelque chose que je n’avais jamais rencontré au cours de toutes mes années de recherche sur le son, le lieu et l’espace. J’ai trouvé cela extrêmement révélateur parce que ce nʼétait pas une pratique que j’avais personnellement. À l’avenir, si je fais un enregistrement sur le terrain et que j’arrive dans un espace qui semble ne pas vouloir être enregistré ou dont on se souvient à ce moment-là ou de cette manière, je nʼen ferai pas. Cʼest la principale leçon que jʼai tirée de cette saison.

PAN M 360 : Wow, cʼest très intéressant! Ça semble être une approche complètement différente de l’écoute. C’est presque comme si on écoutait l’espace comme s’il était

IRL : Exactement. Je suis presque sûr qu’ils disent quelque chose comme ça : vous devez vous asseoir et écouter l’espace, et c’est l’espace qui vous dira si vous devez ou non prendre cet enregistrement. Parce qu’il est extractif dans un sens.

Une autre participante que nous avons interrogée, Sandra Volney, qui est basée ici, étudie la manière dont l’enregistrement des sons de la terre peut nous alerter sur le réchauffement climatique et le réchauffement de la terre. Je savais que c’était possible d’un point de vue conceptuel, mais parler avec une artiste qui met cela en pratique et travaille avec des scientifiques pour collecter ces données et créer des œuvres sonores à partir de celles-ci m’a également ouvert les yeux.

PAN M 360 : Je trouve cela très logique, car vous reliez les gens à leur sensibilité, ce qui rend la question plus personnelle. Dans ce sens, je suis curieux de connaître votre propre pratique de récupération des sons. Vous avez expliqué quʼil y a une approche préliminaire de l’écoute de l’espace. Cela a-t-il changé votre façon d’écouter au fil du temps ?

IRL : Je pense qu’au cours de l’année écoulée, ma façon d’écouter a évolué, non seulement en raison de la production du podcast, mais aussi à cause de certains événements qui se sont produits dans ma propre vie. Auparavant, lorsque j’abordais l’enregistrement sur le terrain ou l’enregistrement d’environnements naturels ou extérieurs, j’allais un peu vite en besogne. Aujourd’hui, je sens que j’ai vraiment besoin de m’asseoir dans un espace et de m’ancrer avant d’enregistrer.

Je pense qu’il y a beaucoup plus d’intention maintenant – comme sentir comment le son résonne dans mon corps et si oui ou non cʼest quelque chose que je veux, vous savez, un souvenir actif, quelque chose à quoi je peux me référer. Je suis donc devenu beaucoup plus intentionnelle, et peut-être un peu plus pointilleuse sur ce que j’enregistre, quand, et à quoi servent ces enregistrements. Je ne pense pas que tout doive être partagé. Cʼest très sensible – on a l’impression que c’est beaucoup plus intime qu’avant.

PAN M 360 : Quand vous parlez de l’importance de savoir à quoi cela va servir, je suppose que c’est aussi une question de savoir où cela va être joué et à qui cela va être joué. Comment cette relation entre le public, le son et l’espace a-t-elle évolué pour vous ? Je sais que vous organisez et jouez des événements à Montréal et que vous êtes très impliquée dans la communauté. Est-ce, pour vous, une façon d’élargir l’impact de ce que vous apprenez ?

IRL : Oui, sans aucun doute. J’ai fait partie d’un collectif de longue date qui existe encore aujourd’hui, les ffiles, un collectif radiophonique. Lorsque je travaillais avec eux, nous étions très axés sur le féminisme. Cela m’a vraiment enracinée dans la communauté montréalaise au sens large et a établi un parallèle entre ma pratique de l’art sonore et ma relation avec la communauté d’ici.

Cette plateforme m’a permis de rencontrer de nombreuses personnes et a donné aux artistes un espace pour discuter de leur travail. Pendant de nombreuses années, nous avons organisé une émission sur n10.as où nous avons invité des personnes – principalement des personnes queer, des femmes identifiées et des personnes de LGBTQIA – à venir jouer. Cela m’a permis de grandir et de nouer des relations au sein de la communauté.

Je tiens aussi à dire que sans la communauté qui m’entoure et les gens que jʼai rencontrés à Montréal, je nʼaurais pas de pratique musicale ou radiophonique. Beaucoup de gens m’ont offert du temps, de l’énergie et des plateformes pour présenter ce que je peux offrir. Sans ce soutien, je ne pense pas que jʼaurais une telle pratique.

PAN M 360 : On peut dire que vous avez une base assez solide. Vous faites n10.as, A Kind of Harmony, vous faites partie de ffiles, et maintenant tu fais Substrat au S.A.T. Comment voyez-vous ce moment dans votre développement en tant qu’artiste ?

IRL: Cʼest un moment important à bien des égards. Comment dire… cela m’a poussée à améliorer mon flux de travail et ma pratique créative d’une manière que j’évitais en quelque sorte. Je suis complètement autodidacte – je ne suis pas allée dans une école de musique et je n’ai pas pris de leçons. La plupart de ce que jʼai appris mʼa été transmis par des amis ou par moi-même, de manière intuitive. Cette émission m’a montré où je devais m’améliorer pour exceller – ou au moins pour présenter un travail qui sonne bien à la base.

PAN M 360: Que diriez-vous au sujet du travail à accomplir en préparation de Substrat?

IRL : Comme je travaille principalement avec du matériel et des synthétiseurs modulaires, j’ai dû me concentrer davantage sur l’utilisation d’un logiciel d’enregistrement. J’ai dû apprendre beaucoup de choses sur le routage audio – que je ne connaissais pas du tout auparavant – et comprendre les règles générales d’enregistrement : niveaux, fréquences, égalisation.

Lorsque je produis, il sʼagit principalement de vibrations – et dans un contexte live, cela ne se traduit pas toujours. Jʼai joué des concerts avec du matériel qui sonnait très mal, et je suis sorti de ces concerts avec un sentiment de défaite, ne sachant pas vraiment où je m’étais trompé. Mais ce projet m’a poussé à voir où je devais progresser. Jʼapprends encore beaucoup en tant que musicien. Travailler dans un espace tel que le dôme exige beaucoup pour produire une pièce quiʼsoit attrayante, qui sonne magnifiquement et qui fonctionne également sur le plan technique. Cela a été un véritable défi, mais je suis très reconnaissante d’avoir été poussée à le faire.

PAN M 360 : Je suis sûr que l’apprentissage de toute cette spatialisation ne sera pas inutile. Vous l’avez déjà fait au Centre PHI, et il semble que cela fasse partie de votre pratique. Pensez-vous à l’espace lorsque vous créez une pièce ?

IRL : Cʼest une excellente question. Quand Pablo, l’ingénieur avec lequel nous travaillions au S.A.T., a entendu certains de mes sons, il m’a dit : « Bon, beaucoup de vos sons sont enregistrés de manière spatiale – ils sont déjà spatialisés dans la manière dont ils sont composés.

Dans ma pratique, je pense toujours à utiliser le son pour envelopper l’auditeur et le mettre en transe, afin qu’il perde la notion du temps, qu’il sorte de l’espace et entre dans son corps.

PAN M 360 : En parlant d’espace, que pensez-vous de l’utilisation du dôme par Substratʼs exclusivement pour le son ? Et plus généralement, que pensez-vous du fait que les visuels l’emportent sur la musique – ou de l’absence de musique ?

IRL : Lorsqu’ils vous engagent pour la série, ils vous disent : il n’y a pas de visuels dans le dôme. Personnellement, je préfère cela. Les visuels, surtout lorsqu’on est confronté à des écrans, changent vraiment l’expérience. J’aimerais me produire dans un espace où les gens peuvent fermer les yeux et où je ne fais même pas partie de la performance – où ils n’entendent que le son. Cʼest littéralement un rêve devenu réalité pour moi.

Bien sûr, les visuels peuvent améliorer une performance. Si je travaillais avec un VJ, je sais exactement qui je choisirais et le type de matériel qu’il utiliserait. Mais les visuels peuvent dominer ou nuire à l’expérience du son.

Avec le son, vous pouvez vous asseoir et créer votre propre sens – ou parfois le sens existe déjà dans votre corps. Les visuels peuvent vous sortir de cette écoute incarnée.

Il serait formidable d’avoir une série continue explorant ce type d’espace – le son est vraiment incroyable là-dedans.

PAN M 360: Y a-t-il d’autres projets aussi poussés suggéreriez-vous à ce titre?

IRL :Allez voir la deuxième saison de A Kind of Harmony. Sinon, pas d’autres projets – juste IRL. Vous pouvez me trouver sur SoundCloud ou sur mon site irluman.com.

PAN M 360 : Ou dans la vraie vie

IRL : Oui – ou dans la vraie vie. Je suis définitivement dans les parages. Vous me verrez probablement danser quelque part ce week-end ou le week-end prochain. Je vais commencer à préparer un album – attendez-le avec impatience.

BILLETS & INFOS

Après la sortie de Good Grief en 2022 et de son EP de 5 chansons If I was I am en 2023,  Bells Larsen nous revient avec Blurring Time. Un bel album de 9 chansons où le passé et le présent cohabitent, se tiraillant parfois, pour un instant qui n’existera jamais ailleurs que sur l’album. Une immortalisation d’un passage à travers l’art où l’artiste, alors dans un processus de transition, a voulu dire au revoir à son ancienne identité, comme un cadeau d’adieu, l’entremêlant avec son présent.

Une trame de voix pour les aigus par le « soi d’avant » et une pour les graves par le « soi du présent », après la prise de testostérone. En résulte un duo mélodieux et intime qui inscrit brillamment en musique, et dans l’histoire, cette période de changement qu’il a voulue empreinte de bienveillance plutôt que de tristesse. 

Les extraits 514-415, Blurring Time et Might font leurs chemins accompagnés par leurs vidéoclips et donnent tout de suite le ton de son folk doux et réconfortant avec une pointe de magie dans les arrangements, toujours avec un jeu de voix bien dosé.  Cette approche unique a d’ailleurs valu à l’artiste trans s’être fait refuser l’accès au territoire américain, où il devait se produire en concert, ce qui fut d’ailleurs médiatisé récemment.

Marilyn Bouchard a eu l’occasion de discuter avec Bells Larsen de son processus de création, des collaborateurs. trices sur l’album ainsi que de ses changements vécus et à venir, puisqu’ils ne sont jamais finis.

PAN M 360 : D’où t’es venue l’idée de faire cohabiter ta voix d’avant et ta voix du présent sur l’album?

Bells Larsen: En écrivant cet album, en l’espace d’un an, j’ai compris qui j’étais. J’ai écrit Blurring Time en premier et Might en dernier…mais en réalité elle aurait pu s’appeler I’m gonna » parce que ce n’était plus une possibilité rendu là c’était devenu une certitude. J’ai réalisé à ce moment-là qu’il fallait que je prenne certaines décisions pour être plus authentique par rapport à moi-même, comme par exemple commencer la testostérone. Ça a été vraiment difficile pour moi de savoir si je voulais capturer l’album avec ma vieille voix ou attendre après la transition et l’enregistrer seulement avec la nouvelle. Mais  quelque part c’était un peu inquiétant pour moi parce qu’il y avait une part d’incertitude là-dedans de ne pas savoir comment mon instrument serait modifié. Alors, par sécurité, je me suis dit que j’allais d’abord capturer avec ma vieille voix…et ensuite en réfléchissant au truc je me suis dit « tu sais quoi je pense pas que j’ai jamais vu quelqu’un qui fait un mélange de documentation sur sa transition de cette manière-là » et en même temps il y avait à ce moment-là un trend sur Tik Tok avec les duos où tout le monde faisait des duos avec une version modifiée d’eux-mêmes…je me suis dit que que ce serait un beau cadeau…d’adieu et de bienvenue à me faire.

PAN M 360 : Est-ce que, depuis ta nouvelle voix, cela t’emmène vers des inspirations sonores différentes, puisque ton instrument s’est modifié?

Bells Larsen : Oui tout-à-fait! Vraiment! C’est un peu comme apprendre le français : on a accès à pleins de nouvelles options qu’on avait pas avant! Ça me permet de comprendre et d’expérimenter avec mon instrument de manière nouvelle. Tout comme la langue française me permet d’aller chercher de nouvelles rimes avec lesquelles jouer, ma nouvelle voix me permet d’accéder à des tonalités auxquelles je n’avais pas accès avant.

PAN M 360 : Tu disais dans une entrevue que c’est un album qui est né plus de la nécessité que du choix? Pourquoi?

Bells Larsen : Je pense que c’était une nécessité pour mieux me comprendre. Ma relation avec mon identité, c’est pas une relation où c’est noir ou blanc…this or that…un ou l’autre. Même si je suis un gars, même si j’ai pris des décisions pour transitionner, j’emmène tellement de trucs avec moi de ma vieille version. Et je trouvais ça important que cet autre moi m’accompagne dans ma transition, non seulement avec la musique mais aussi pour le reste de ma vie. J’aurais pu juste enregistrer ma voix avant ou juste après ma transition,mais j’ai fait le choix musical des deux…dans la nécessité pour moi en tant que personne d’être en phase avec tout ce que je suis, étais, et serai.

PAN M 360 : On retrouve plusieurs lieux de Montréal dans tes textes : Outremont, le coin Clark/Duluth. Ton art est-il influencé par la ville où tu vis?

Bells Larsen : Oui c’est sûr! Montréal est tellement belle! C’est magnifique comme ville! Je partage mon temps entre Toronto et Montréal, et j’ai une amie qui vivait à Montréal et qui est repartie à Toronto qui me disait quelque chose comme : « Tsé Toronto tu vas là pour tes amis, tes connexions…c’est vraiment une ville sociale. Montréal, c’est une expérience… »,  et je n’aurais pas pu mieux dire. Montréal c’est une expérience où tous tes sens sont actifs. Montréal tu peux la sentir, la feeler, la goûter, la voir. Je me sens très inspiré comme artiste par Montréal, parce qu’elle est tellement artistique aussi comme ville.

PAN M 360 : Tu disais que la lentille avec laquelle on regardait le passé dans le cas d’une transition était souvent triste ou teintée de regrets mais que tu voulais plutôt faire de ce passage une célébration, remplie de bienveillance et de gratitude. Peux-tu nous expliquer ta vision?

Bells Larsen: Tout d’abord,  je mets vraiment l’emphase sur le fait que ça c’est ma perception à moi et mon vécu du truc mais je comprends tout-à-fait que certaines personnes auront besoin de vivre un deuil d’une manière qui leur est propre et qui peut parfois être plus triste,  ayant besoin de mettre la vieille version de soi de côté pour que la nouvelle puisse vraiment naître. Juste pour dire que tous les sentiments sont valides. J’ai grandi en regardant  l’émission canadienne Degrassi et j’ai aussi regardé plusieurs vidéos de coming-out, même avant de faire le mien, et dans beaucoup des représentations que je voyais… disons dans Degrassi quand il y avait une personne trans qui parlait, on voyait la vieille version de cette personne-là et il y avait beaucoup de musique triste en arrière, dans les coming-out vidéos sur YouTube il y avait pas forcément un ton triste mais…une dichotomie claire (que je comprends tout-à-fait)…donc au final c’était souvent plus mélancolique et je m’y retrouvais moins. C’était moins ma réalité puisqu’au départ, j’avais pensé que j’étais peut-être non-binaire…genre que j’étais un mélange. Comme j’ai dit dans la toune Blurring Time, j’ai pensé que j’étais « both and more » et maintenant je comprends que c’est plutôt un côté binaire où je tombe mais j’ai beaucoup de dualités, de complexité, d’influences qui cohabitent en moi et je ne pourrais pas être la personne que je suis maintenant sans toutes les versions de moi du passé. Alors c’est un peu ça que je voulais célébrer sur l’album et j’avais envie que ce soit une célébration douce pour les deux moi.

PAN M 360 : Les arrangements dans l’album sont minimalistes et épurés. Était-ce un choix pour laisser plus de place aux voix?

Bells Larsen : Oui exactement! Je voulais que les voix soient à l’avant-plan et d’un autre côté aussi… J’écris toute ma musique dans ma chambre, assis sur mon lit, c’est assez intime. Et j’adore tellement la qualité des mémos vocaux  au moment où la chanson vient juste d’être écrite. Je pense que je voulais aussi cette qualité d’intimité. Que quand quelqu’un écoute la musique il puisse sentir qu’il est à côté de moi maintenant…et à côté de moi avant. Que les deux versions de moi sont de chaque côté de l’auditeur.

PAN M 360 : Tu avais déjà travaillé avec Graham Ereaux pour Good Grief, qu’est-ce qui a été différent dans le processus de création cette fois-ci?

Bells Larsen : Honnêtement, je dirais qu’il y a eu des moments où ce n’était pas facile. C’est vraiment connecté avec ma santé mentale et aussi avec mon estime et ma confiance en moi. Avant j’étais vraiment « je suis flexible, i’m good to go with whatever » mais quand tu es plus sûr de ce que tu veux, de ce que sont tes limites et que tu es plus direct avec ça… C’est vraiment bon mais quand tu avais des relations qui existaient avec beaucoup de facilité, ça crée un contraste disons. Quand j’ai enregistré la voix haute, je n’avais pas encore commencé la testostérone et j’étais encore incertain…encore un peu timide. Puis, j’ai cultivé tellement d’amour propre et de compréhension de qui je suis dans l’intervalle, aussi grâce à une psy fantastique… Je savais beaucoup plus qui j’étais. Donc peut-être que ça pouvait être choquant pour certains. Et Graham est vraiment la personne la plus douce, ce n’est pas à propos de lui mais à propos du monde en général et de mon rapport à celui-ci qui a changé. J’ai perdu quelques liens dans le processus, par alignement, mais Graham n’est pas là-dedans!

PAN M 360 : Tu as également travaillé avec Georgia Harmer sur cet album, qui est une amie d’enfance, c’était comment?

Bells Larsen : C’était le truc le plus naturel du monde. Je suis à l’appartement de mes parents en ce moment et je vois la guitare qu’elle m’a donnée pour mon 18e anniversaire. Avec cette guitare, j’ai donné  tous mes premiers shows avec Georgia. J’ai plus ou moins une décennie d’expérience de travail avec elle, et la raison pour laquelle je suis allé la chercher pour ce projet-là, c’est parce qu’elle avait une relation vraiment intime avec ma voix d’avant.  Donc c’est sûr qu’elle va m’aider à accueillir la nouvelle. Et aussi c’est une musicienne tellement talentueuse, qui a une manière vraiment intéressante de penser  les harmonies. Elle entend les choses. Elle sait où en donner et où en enlever, comment créer des impacts…et je suis vraiment content d’être allé la chercher pour ça.

PAN M 360 : Le queer time est un sujet qui te fascine et qui t’a inspiré pour cet album. Veux-tu nous en parler un peu?

Bells Larsen : Je pense que le monde queer et trans vit l’expérience temporelle différemment que les personnes cisgenres ou straight,  principalement parce qu’on découvre un peu plus tard dans la vie. En tout cas, ça a été vrai pour moi puisque j’ai fait plusieurs coming-out – j’ai déjà identifié avec chacune des lettres dans l’acronyme LGBTQ-. J’ai 27 ans mais en même temps je me sens comme si j’avais 3 ans. J’apprends tout juste sur mes désirs, mes vœux, mes limites…puisque c’est juste maintenant que je peux cultiver et découvrir ça. J’ai d’autres amis de mon âge qui sont en train d’avoir des bébés. Une timeline queer c’est pas chronologique…mais c’est pas déchronologique non plus.  Mon timeline est tellement flou,  tellement all over the place. Je suis moi maintenant. Mais j’ai toujours été moi. Et je suis encore le moi que j’étais. Tout ça coexiste.

PAN M 360 : Tu as récemment annoncé que tu avais dû annuler une série de concerts aux États-Unis, en raison du climat inquiétant qui y règne ces jours-ci et aussi à cause de complications reliées au fait que tu es trans. Peut-on en savoir davantage?
Bells Larsen : Ouais ça fait une semaine et demi que j’ai annoncé ça et ça quelques jours que mon album est sorti alors je pense que c’est bien naturel que l’album et que je sois un artiste politisé soient mélangés. J’accueille ça et je le comprends. Et j’espère que mon album peut être réconfortant pour ma communauté, surtout celle  vivant aux USA,  pour les personnes qui se sentent isolées et oppressées par les nouveaux règlements. J’espère que la musique peut humaniser la communauté… parce que les gens haïssent ce qu’ils ne comprennent pas et ont peur de l’inconnu. J’espère que ma musique peut montrer que je ne suis qu’une personne voulant  se rapprocher d’elle-même et que ce n’est pas quelque chose d’unique pour les personnes trans. Je trouve vraiment beau qu’au sein de la communauté trans, on démontre une propension à s’explorer soi-même. Je vais gérer la situation, me concentrer sur le Québec, le Canada et l’Europe. Et je pense que je suis moins dans le choc maintenant, je comprends la situation actuelle.

PAN M 360 : Qu’est-ce qui t’attend pour la suite de 2025?
Bells Larsen : Il y a i beaucoup de shows qui s’en viennent (pas aux États-Unis mais ailleurs haha)! Oui il y a Toronto, Hamilton, Montréal aussi c’est à guichets fermés et je suis très excité. Aussi il y aura les festivals et encore plus de dates québécoises à venir jusqu’à l’automne. Je ferai une tournée Canadienne avec un de mes héros, on va se promener dans de grosses salles!

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