Un 12 juillet au FINA: Angélique Kidjo, Chanda & the Passsengers, Boulila & Friends, Naxx Bitota
par Rédaction PAN M 360
L’équipe de PAN M 360 est très présente au Festival international Nuits d’Afrique, nos contributeurs.trices rapportent quotidiennement ce qu’ils.elles ont vu et entendu aux concerts présentés à Montréal jusqu’au 23 juillet.
Crédit photo: Pierre Langlois
Angélique Kidjo: impériale malgré une apparente économie de moyens
Sans conteste, Angélique Kidjo demeure cette bête de scène dont l’objet permanent est de mobiliser un à un ses fans potentiels à chacun de ses concerts. Rares sont ces esprits conquérants du showbiz ayant conservé la flamme de la scène une vie durant, la diva béninoise en est un exemple probant. Insatiable, la lauréate du Prix Nuits d’Afrique pour la Francophonie a offert une performance électrisante comme elle l’a toujours fait lors de ses escales montréalaises depuis les années 90.
Économie de moyens au demeurant : pas d’ambitieux décors de scène au programme, pas d’éclairages innovants, pas d’arrangements sophistiqués, pas de grands moyens audiovisuels, pas de contexte immersif. Mercredi soir au MTELUS, Angélique Kidjo choisissait de carburer à l’huile de bras, optant ainsi pour la vieille école des soirées afro-pop : percussions ouest-africaines, batterie, guitare, basse et une chanteuse assurément survoltée. Rien d’autre. Ce qui n’a aucunement empêché son public de danser et lui manifester bruyamment son amour et son admiration.
Une quinzaine de chansons étaient inscrites au programme : originales de Kidjo, dont Africa, One of a Kind, Do Yourself, Sahara, Meant for Me, Choose Love, Mother Nature, Free and Equal. Plusieurs titres provenaient de son plus récent album sorti en 2021, Mother Nature, mais sans le lustre des excellentes productions afrobeats, proéminentes dans cet enregistrement de fort belle tenue.
Le public a aussi eu droit aux reprises connues de l’interprète dont Bemba Colorá(Celia Cruz), Crosseyed and Painless et Once In A Lifetime (Talking Heads) ou encore Pata Pata (Miriam Makeba) en mode accéléré. Le tout fut assorti d’une apparition surprise du chanteur louisianais Zachary Richard dans une version presque rap du classique cajun L’arbre est dans ses feuilles, version prévue en duo via laquelle Angélique a visiblement éprouvé quelques difficultés d’adaptation.
Pour le reste, concert fondé exclusivement sur la seule et solide performance de sa soliste africaine, valeur sûre devant l’Éternel.
Chanda & The Passengers : funk vintage
Dans un même esprit vintage, la formation montréalaise Chanda & The Passengers, chapeautée par la soliste Chandra Holmes, a offert une performance digne des années 60 et 70, soit une approche funk à la James Brown, à la Parliament/ Funkadelic, à la Chic, à la Cameo… Cette magnifique chanteuse à la spectaculaire tignasse afro peut compter sur un puissant registre d’alto/contralto et s’exprime dans les règles de l’art d’une époque antérieure à la sienne. C’est idem pour ses musiciens férus de funk, de jazz et aussi de musique afro-latine… de la génération précédente. Les époques cohabitent au présent, force est de constater une fois de plus…
Alain Brunet
Boulila & Friends font sauter et se heurter le Club Ballatou
Boulila & Friends a offert un rythme régulier de fusion africaine, de funk, de blues et de jazz gnawan à une salle comble au Club Ballatou. En entrant, la piste de danse s’est immédiatement remplie, avec un groupe de neuf musiciens : un saxophoniste (le seul et unique Damian Jade Cyr de Montréal), une batterie, des choristes, une basse et des claviers, et le leader de Boulila, Boudouch Yassine, à la guitare et au Xalam (une guitare à deux cordes de la taille d’un gros ukelele).
Ce groupe était ridiculement soudé et bien préparé, se lançant dans des jams instrumentaux entre les numéros d’afro-fusion, et reprenant le refrain en union sans se regarder les uns les autres. Le groupe nous a emmenés dans le désert avec un blues saharien presque touareg, rappelant quelqu’un de Mdou Moctar, mais aussi le Calypso avec les rythmes. C’était une performance mystique combinant le son africain avec une fusion plus occidentale, et le public l’a adorée.
Stephan Boissonneault
Naxx Biota a une voix pour la scène
En apportant un peu de rumba congolaise et un style serein à Montréal, Naxx Biota a séduit le Club Ballatou, même si la foule commençait à s’éloigner, car il était 23 heures. Mais sa voix pleine d’âme les a convaincus de rester pendant presque toute la durée du concert. La voix et les mouvements de Naxx Biota sont à la fois enjoués et robustes. Bien que la musique soit rythmée et bien conçue, ce sont ses mouvements de danse et ses visages qui captivent le public. Il y a tant de passion dans ces chansons. Engagée mais très festive, elle poursuit son inspiration dans son style « Mutuashi-Rumba-Sebene » de grande qualité. Je n’ai jamais vu une telle performance. Whitney Houston rencontre Erykah Badu.
Stephan Boissonneault
Un 8 juillet au FIJM: The Brooks, Braxton Cook, Édelène Fitzgerald, High Klassified
par Rédaction PAN M 360
Au Festival International de Jazz de Montréal, les experts de PAN M 360 assistent aux concerts qui secouent les mélomanes. Suivez notre équipe !
The Brooks enchante la place des festivals en clôture du FIJM
Crédit photo : Benoit Rousseau
Appelé en renfort mercredi dernier afin de remplacer Macy Gray qui devait initialement se produire sur la grande scène du FIJM, Place des Festivals, le groupe jazzy funk montréalais The Brooks a assuré avec brio le concert de clôture de l’édition 2023. Mené entre autres par Alan Prater au chant et Alexandre Lapointe à la basse, l’octuor a su se tailler au fil des années une place sur la scène groove et briller au Québec et au-delà de nos frontières.
Samedi soir, le band a navigué avec aise dans le funk, le jazz et la soul. The Brooks a exécuté ses meilleurs titres tels que Priceless et Pain & Bliss et a offert une musique qui fait assurément bouger. Tout au long du spectacle, chacun des membres du collectif a eu son moment pour briller, donnant lieu à un solo enlevant du guitariste Philippe Look. Le chanteur et musicien du groupe, Alan Prater, est un véritable showman et a tout donné; Prater était en pleine maîtrise sur la grande scène.
En prime, The Brooks a fait appel aux très aimées chanteuses Dominique Fils-Aimé et Hanorah. Dès son arrivée, Fils-Aimé a fait chavirer le rythme en transportant le public dans son univers plus calme et ombragé. Quant à elle, la deuxième invitée a su charmer le public avec sa reprise du célèbre titre I Try de Macy Gray, probablement une mince consolation pour les amateurs qui souhaitaient voir l’Américaine au festival. Après près 90 minutes de prestation, Alan Prater avait un dernier tour dans son sac et a laissé place à un invité afin qu’il demande sa copine en mariage. Évidemment, la principale concernée a accepté la grande demande et c’était l’extase. Difficile de demander mieux pour clore le FIJM.
Jacob Langlois-Pelletier
Braxton Cook, voir de près une étoile qui monte
Braxton Cook et son quatuor ont illuminé la scène de la tente du Pub Molson hier soir avec une performance passionnée, fougueuse , émouvante. Le travail magistral de Cook au saxophone est toujours un plaisir à écouter, mais cette soirée a également été une vitrine pour le côté auteur-compositeur-interprète de Cook, étoile montante dans le firmament du jazz.
Braxton a inauguré le concert avec l’une de ses compositions les plus connues, No Doubt., un numéro rythmé et émouvant que le groupe chevronné a parcouru avec facilité. Il a enchaîné avec M.B, le premier morceau de son dernier album, Who Are You When No One is Watching, un morceau lourd avec une sorte de rythme trap qui est une dédicace à Ma’Khia Bryant, l’une des les nombreuses victimes de la brutalité policière et du racisme systémique aux États-Unis.
Cook avait une présence scénique charismatique qui n’exclut pas la gentillesse. Il a pris le temps d’entrer en communication avec le public et d’engager ce dernier tout au long du set, offrant un aperçu de comment et pourquoi ceci ou cela a été écrit.
Le groupe a ensuite pris un virage plus pop, avec une interprétation de certaines des chansons du dernier album de Cook, comme 90’s qui présente Masego sur l’original. La voix de Cook a certes brillé mais le choix du lieu n’était pas le mieux adapté pour les moments intimes entre le public et l’interprète. Qu’à cela ne tienne, les spectateurs semblaient vraiment avoir du plaisir. Et je suis sûr que quelques personnes dans ce public ont découvert leur nouvel artiste préféré.
Varun Swarup
High Klassified et ses amis s’éclatent en fin de soirée
Crédit photo : Benoit Rousseau
Le tout dernier spectacle de la mouture 2023 du FIJM était confié au producteur montréalais High Klassified, et sa prestation était très attendue à en juger la masse de festivaliers présents sur l’Esplanade de la Place des Arts, vers 23h. Au cours des dernières années, le beatmaker a connu une ascension fulgurante dans le monde de la musique notamment en étant celui derrière Comin Out Strong de The Weeknd et Future.
En voyant son nom au menu de la soirée au FIJM, on ne savait pas vraiment à quoi s’attendre. Accompagné sur scène du pianiste Nathan Dumont, du batteur Alexis Gagnon et du bassiste Paul Charles, il a proposé un « set 100% Klassified » composé de ses morceaux les plus populaires réimaginés en formule band, allant du R&B à l’EDM en passant par la drum’n’bass. Soutenant qu’il était le « chef d’orchestre de la soirée », le producteur a essentiellement fait jouer les enregistrements de ses différents titres étoffés par le travail des trois musiciens. Pendant le spectacle, High Klassified a plutôt agi en tant qu’animateur en lâchant quelques mots au micro ici et là. Il faut aussi dire que les moments de silence entre les différents morceaux brisaient le rythme du concert, surtout dans le premier droit.
Heureusement pour le public, High Klassified a fait appel à trois artistes au courant de son set, soient Hubert Lenoir, Zach Zoya et Cherry Lena. Les différents invités ont interprété certains de leurs titres produits par le Québécois, dont DIMANCHE SOIR pour Hubert Lenoir. Une chose est certaine, il est intéressant de voir le Lavallois évoluer sur scène, mais cette formule devra être retravaillée. Saluons néanmoins les efforts du producteur afin de transformer ces morceaux pour l’occasion.
Jacob Langlois-Pelletier
Edelène Fitzgerald, Prix Oliver-Jones parfaitement justifié !
On peut d’ores et déjà parler d’une consécration locale: Édelène Fitzgerald a reçu samedi le Prix Oliver-Jones et s’imposait du coup parmi ces jeunes artistes québécois qui s’élèvent au-dessus de la mêlée. Présent en toute générosité malgré ses 89 ans, le fameux pianiste lui a décerné le prix qui porte son nom, estimant que le “talent québécois est là” et qu’il faut “être fier de notre jeunesse”.
Édelène se lance avec un nom de famille plutôt connu (!!!) dans le monde du jazz, voilà une arme à double tranchant. Pour l’instant, en tout cas, ça ne tranche que du bon côté! Tromboniste pendant huit ans et plus, elle s’est finalement consacrée au chant vu ses aptitudes évidentes: voix chaude d’alto, diversité de textures vocales, bon sens de l’improvisation, puissance à revendre.
Elle peut fort bien s’approprier la musique “qui décoiffe” de Nubiyan Twist ou de Genevieve Artadi, tout en adaptant Queen B de belle façon ou même A Night In Tunisia de Dizzy Gillespie. C’est à mon sens cette avenue qui lui va le mieux pour se distinguer clairement de ses pairs.
L’accompagnement est généreux, il faut dire: claviers, basse, batterie, guitare électrique, saxophone, trompette. Ce n’est pas toujours impeccable, on cherche parfois le fil conducteur à ce répertoire. On voit rapidement qu’Édelène Fitzgerald et ses collègues, tous très prometteurs au demeurant, ne sont pas encore très loin de leur propre éducation musicale et qu’ils réunissent plusieurs de leurs apprentissages au sein d’un même set sans en souder les liens esthétiques.
Mais… plus d’une heure de concert permettent de conclure à du talent brut qu’il faut absolument développer. Prix justifié !
Alain Brunet
Un 7 juillet au FIJM: Robert Plant, Alison Krauss, Badbadnotgood, Teke::Teke, Mali Obomsawin…
par Rédaction PAN M 360
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Robert Plant et Alison Krauss: la grande classe !
crédit photo: Victor Diaz-Lamich
Il faut le souligner de nouveau: très peu nombreux sont les artistes populaires capables de nourrir leur inspiration jusqu’au bout de la route, et Robert Plant est de ces rarissimes figures emblématiques à avoir réussi cet exploit. Vendredi soir à la Salle Wilfrid-Pelletier, un concert de très haute tenue en faisait encore l’éloquente démonstration : le superbe tandem formé avec l’artiste americana Alison Krauss et une formation d’exception.
La longévité de Robert Plant tient aussi à la cohérence de sa démarche, une vie durant. Rappelons-nous que Led Zeppelin fut au départ un groupe britannique essentiellement inspiré par le rock’n’roll, le blues et le folk américains, avec cette particularité de muscler considérablement la proposition via les transes générées par les rythmes très lourds de feu John Bonham, les riffs acidulés du guitariste Jimmy Page et de la voix paroxystique de Robert Plant. On se rappellera aussi de l’usage inspiré de référents orientaux et d’arrangements brillants du bassiste John Paul Jones, inspirés de la musique classique moderne occidentale.
Tout ça était perceptible vendredi soir (sauf la musique classique), mais dans un contexte fort différent. La formation réunissait des musiciens américains de haute volée, crème de la crème americana – Jay Bellerose, batterie, Stuart Duncan, banjo, violoncelle, mandoline, Viktor Krauss, basse, guitare, JD McPherson, guitare et concert d’introduction, Dennis Crouch, contrebasse. Sans conteste, cette instrumentation était propice à tous les croisements entre les éléments constitutifs de la musique populaire américaine, et aussi à de brillantes adaptations de Led Zep.
Tour à tour, on a entendu les reprises en tandem de Rich Woman (Lil’Millet), Fortune Teller (Benny Spellman), Can’t Let Go (Randy Weeks), The Price of Love (Everly Brothers), suivies d’une parfaites relecture ledzeppienne, soit Rock and Roll et une reprise inspirée de Please Read the Letter (Plant et Page) On a poursuivi avec High and Lonesome (Plant et T Bone Burnett), Trouble With My Lover (Allen Toussaint & Leo Nocentelli), In the Mood (Plant), puis une paire de chants traditionnels avec paire de solistes, soit Marty Groves et Gallows Pole avant de filer vers la conclusion, avec une magnifique adaptation orientalisée d’une chanson folk ledzeppienne, The Battle of Evermore. On fermera les livres dans le ravissement total avec When the Levee Breaks (Memphis Minnie et Kansas Joe McCoy).
Un demi-siècle après avoir atteint les cimes du rock, Robert Plant n’a jamais abandonné ces référents et pourtant, il est le seul membre de Led Zep à cheminer dans la grande création – quoique John Paul pourrait être encore pertinent.
Ainsi, depuis une quinzaine d’années, Plant explore les fondements de la culture americana comme peu de Britanniques l’ont fait à un tel niveau – blues, rock, bluegrass, R&B louisianais, folk, country, musiques des Appalaches, etc.. Il le fait en Amérique du Nord comme en Europe, on a tour à tour applaudi Band of Joy (2010), Lullaby and the Ceaseless Roar (2014), Carry Fire (2017) mais… Raising Sand (2007) et Raise the Roof (2021), ses deux albums en duo avec Alison Krauss ont obtenu le plus d’impact. On peut comprendre car Raising Sand est en quelque sorte la porte d’entrée de ce cycle extraordinaire. Inutile d’ajouter qu’Alison Krauss, une chanteuse et violoniste exemplaire pour son allégeance esthétique au country-folk-américana et aussi au violon traditionnel, forme un duo idéal avec l’ex-frontman de Led Zep.
Et c’est exactement ce qu’on a observé vendredi soir au FIJM, soit encore plus qu’en 2011 lorsque Plant s’était produit façon americana à la PdA avec l’inspiré et compétent Buddy Miller à la direction musicale. Quoique… ce fut excellent il y a 12 ans. C’est dire la pérennité du chanteur anglais, parmi les plus grands à n’en point douter.
Alain Brunet
TEKE::TEKE, tous les éléments réunis pour une grande célébration de créativité
crédit photo Frédérique Ménard-Aubin
Lors de notre récente interview avec TEKE::TEKE, le groupe était un peu inquiet d’attirer suffisamment de monde pour assister à sa représentation au FIJM. En fait, ils n’avaient vraiment rien à craindre. Jouant devant une salle comble au Club Soda, cette soirée était une célébration de ce groupe montréalais absolument unique, devant un public constitué de nombreux fans et de sa famille élargie.
Le septuor s’est hissé cérémonieusement sur scène avec une musique de film en toule de fond. Donner le ton avec Gotoku Lemon – une excellente introduction à leur art-rock immergé dans le monde sonore eleki – toute apparence d’hésitation a rapidement disparu, et le groupe a contaminé le public. Nous allions choper un virus très spécial !
Maya Kuroki, la sirène aux manettes, manifeste une présence scénique envoûtante. Vêtue d’un costume traditionnel japonais, elle portait de sa voix tout le poids du folklore ancien, perçant le voile entre réalité et imaginaire. Elle dansait et se balançait, entraînant toute la congrégation dans un état de transe . « Ce soir, nous sommes tous des fantômes », a-t-elle lancé au mégaphone. Touche particulièrement sympa !
Derrière Kuroki, le sextet a rapidement puisé sans ses arrangements cinématographiques, uniques et funky, le programme se voulait une vitrine pour le nouvel album Hagata. L’énergie que ces artistes apportent est vraiment épidermique et on aime que le groupe y confère une théâtralité singulière. Ainsi Teke::Teke a monté un spectacle dans le plus pur sens du terme.
Cette musique est une authentique célébration de la créativité, de l’expérimentation inter-genres et interculturelle, et faire partie de cette célébration était un privilège.
Varun Swarup
Badnadnotgood: « expérience audiovisuelle »pas vraiment mauvaise… et pas vraiment bonne
crédit photo: Benoît Rousseau
Ce n’était pas vraiment mauvais… et pas vraiment bon. Il s’agissait de BADBADNOTGOOD, le trio de jazz instrumental monstrueux et changeant, bien qu’il ait joué en live en tant que cinq musiciens sur la scène principale du FIJM. Le set a commencé par un enregistrement de War Pigs, beaucoup trop fort, avant que le bassiste Chester Hansen n’enclenche sa pédale fuzz. Le début ressemblait plus à un concert de doom rock qu’à un concert de jazz et la foule semblait un peu bizarre, mais une fois que le reste du groupe – Alexander Sowinski à la batterie, Leland Whitty au saxophone et aux guitares, Felix Fox aux clés et Juan Carlos aux percussions – est arrivé, le spectacle a pris forme et ils ont plongé dans Signal From The Noise, tiré de leur dernier album, Talk Memory.
Cette fois-ci, le groupe torontois est venu avec un fantastique fond de film 16 mm, qualifiant le spectacle d’expérience audiovisuelle à plusieurs reprises. Depuis 2019, Matthew Tavares, membre fondateur du groupe, n’est plus au clavier et a été remplacé par Felix Fox, un claviériste tout aussi mesuré, mais les trois membres restants ont été les principales vedettes du spectacle, chacun prenant ses propres solos improvisés et groovy entre les chansons de l’album Talk Memory. Sowinski a joué le rôle de « hype man », incitant le public à sauter, à applaudir et à « woo » à certains moments précis.
Il y a eu quelques hommages improvisés à la chanteuse brésilienne Gal Costa et MF Doom, qui ont fait vibrer la foule, mais rien de comparable à l’interprétation de Lavender de IV, sans doute leur album de jazz le plus abouti et le plus accrocheur.Je dirais que Talk Memory est une expérience plus agréable en live que sur l’enregistrement, et bien que le set consistait principalement en cela et que j’espérais plus d’IV et peut-être quelques interprétations de Sour Soul, c’était quand même un show mémorable.
Stephan Boissonneault
L’OVNI FELP atterrit sur l’Esplanade
Le multi-instrumentiste et réalisateur originaire de Besançon a balancé son récent album HELP ainsi que d’autres surprises sur la scène Club Montréal TD.
Après une longue intro atmosphérique aux tons de clavier-basse et saxophone ondulants, Félix Petit prend l’arrière-plan et laisse se produire un à un les invités figurant sur son album. Laurence-Anne vient interpréter la sinistre Dino, dont la propulsion du refrain semble toujours surgir de nulle part. Ensuite, au tour d’une Klô Pelgag, d’une nonchalance rêveuse, d’interpréter Babyfoot, chanson glaciale qui demande une telle attitude. Greg Beaudin, HAWA B, le rappeur de Besançon Miqi O, la tête du groupe Bellflower Em Pompa, tous et toutes se sont succédés au micro.
Le concert est devenu étonnant à partir de la moitié, alors que Félix Petit et ses musiciens ont entrepris de jouer un segment instrumental. Ce qu’on pensait être un simple interlude n’a cessé de se métamorphoser. La musique alternait entre des rythmes plus roc(k)ambolesques les uns que les autres. À la fin de ce pot-pourri d’environ dix minutes, on oubliait presque qu’il restait encore un dernier invité au programme, mais on se l’est rappelé bien vite… car Hubert Lenoir a volé la vedette illico ! Il a brillé, déchiré et pris le contrôle de la scène pour une finale tout simplement énorme. Difficile de le voir comme artiste invité, lui.
Bien que le contexte live ne permette pas autant de détails que ce que HELP offre dans nos oreilles, ce spectacle, avec son équipe d’étoiles, était vraiment digne du plus grand festival de jazz au monde.
Théo Reinhardt
Mali Obomsawin: la renaissance autochtone passe aussi par le jazz contemporain
crédit photo: Pierre Langlois
Puisque nous sommes encore en pleine renaissance de la culture autochtone, toute nouvelle manifestation de créativité titille notre curiosité et celle de la contrebassiste, chanteuse, compositrice, improvisatrice et leader abénakie Mali Obomsawin n’y fait pas exception.
On devinera que le Studio TD était plein pour ce premier concert de la musicienne venue en sextuor : Magdalena Abrego (guitare), Scott Bevins (trompette), Allison Burik (clarinette), Noah Campbell (saxophone), Zack O’Farrill (batterie), Mali Obomsawin (contrebasse et chant).
La leader de l’ensemble a grandi dans le New Hampshire mais connaît fort bien Odanak, fief de la nation Abénakie planté près de la rivière Saint-François et non loin du lac Saint-Pierre. Elle s’exprime en angais et en abénaki, elle est clairement à fond dans l’affirmation de son identité autochne, qu’elle assortit d’une critique acerbe (et parfaitement légitime) du colonialisme blanc et de l’oppression catholique.
Musicalement, ce désir d’actualisation de l’héritage culturel autochtone dans un contexte jazz se traduit par une esthétique contemplative, parfois ponctuée de secousses et éruptions. Des chants autochtones sont ici des vecteurs mélodiques autour desquels les improvisations, parfois mélodiques, parfois atonales, s’élaborent doucement en temps réel, sur tempos généralement lents. La complainte, la colère mais aussi la fierté et l’espoir se manifestent dans un calme apparent, dont on finit par décrypter la nature.
Les mélodies et rythmes autochtones dont Mali Obomsawin fait usage sont simples et purs. L’intégration de ces matériaux traditionnels dans le jazz contemporain, une pratique musicale forcément plus complexe est une étape incontournable à l’essor des Premières Nations à travers la création musicale. La contrebassiste, chanteuse et leader peut compter sur une solide éducation musicale en jazz de chambre contemporain, comme c’est le cas de ses collègues, sans toutefois révéler un niveau exceptionnel dans l’exécution.
Néanmoins, on passe un bon moment avec Mali Obomsawin, on apprécie son jeu, son chant, son esprit, sa direction, et aussi sa reprise touchante de Buffy Sainte-Marie, Little Wheel Spin And Spin.
Et on est curieux de la suite. Le jazz autochtone ne compte pas énormément de praticiens. On connaît surtout (et pas assez) la chanteuse swing Mildred Bailey(1907-1951), issue de la nation Coeur d’Alene dans l’Idaho , authentique pionnière du chant jazz ayant été une grande influence pour les plus grandes – Ella Fitzgerald, notamment. On connaît aussi feu Jim Pepper (1941-1992), très bon saxophoniste ténor issu de la nation Muscogee Creek, collaborateur de Charlie Haden dans le Liberation Music Orchestra, musicien à qui l’on doit ausi l’hymne Wichitai To, que connaissent tous les fans de Robert Charlebois sans nécessairement en savoir les origines.
Il y a certes d’autres musiciens autochtones qui circulent sur la planète jazz, on imagine qu’il y en aura beaucoup plus dans un avenir pas si lointain.
Alain Brunet
Un 6 juillet au FIJM: Tank & The Bangas, Chucho Valdés, Kassa Overall, Colin Stetson…
par Rédaction PAN M 360
Au Festival International de Jazz de Montréal, les experts de PAN M 360 assistent aux concerts qui secouent les mélomanes. Suivez notre équipe !
Tank & The Bangas, La Nouvelle-Orleans de 2023 et sa jambalaya musicale
crédit photo: Benoît Rousseau
On associe La Nouvelle-Orléans à Louis Armstrong, Wynton Marsalis et sa famille, Terence Blanchard et les nombreux brass bands. Bref, le jazz sous de multiples formes.
Mais La Nouvelle-Orléans est aussi funk, R&B et bounce, comme on nomme la variété régionale du hip-hop. S’il y a un groupe qui incarne la fusion musicale de la métropole louisianaise en 2023, c’est bien Tank and the Bangas.
Cette formation malaxe tous les styles de La Nouvelle-Orléans et fabrique son propre son, comme la cuisine créole de la ville mélange la cuisine française, antillaise, espagnole et américaine.
Hier soir sur la Place des Festivals, Tarriona « Tank » Bell et ses amis en ont fait la flamboyante démonstration. Tout le groupe est vêtu de rouge, à l’image de l’album Red Balloon, sorti en 2022. Pas de doute: nous allions danser, lever les bras, taper des mains, mais devant une toile musicale savante et étoffée .
Le saxophoniste et flûtiste Etienne Stoufflet insuffle l’âme jazz au groupe. La basse de Jonathan Johnson en assure la base funk. Et le reste du groupe entre dans la danse. Mais il n’y a pas de Tank and the Bangas sans Tank Bell, qui est l’épicentre du groupe. Tank peut chanter soul, rapper, faire de la poésie, crier, chuchoter. La foule suit. La rondelette chanteuse est une femme à la fois forte et vulnérable, c’est ce qui touche les spectateurs.
Tout au long de la soirée, le groupe alternera entre rythmes furieux et ballades introspectives. Belle soirée, chaude soirée ! Il suffisait de voir les nombreux sourires au sein de la foule très diversifiée pour s’en convaincre.
Michel Labreque
L’immense legs de Chucho
crédit photo: Frédérique Ménard-Aubin
Le pianiste Jesus « Chucho » Valdes est un monument du latin jazz, autant pour son physique colossal que pour son immense contribution au jazz moderne d’inspiration latino-américaine et d’ascendance africaine. Autrefois leader et principal compositeur de la mythique formation cubaine Irakere, Chucho fut longtemps Ze référence du piano latin jazz, et ce malgré les tensions toujours présentes (et toujours ridicules) avec Los Estados Unidos.
En 2023? On pardonnera à l’octogénaire de strictement gérer son patrimoine, au plus grand plaisir de ses fans venus remplir le Théâtre Maisonneuve à pleine capacité, jeudi soir.
Octogénaire en pleine possession de ses moyens, le pianiste et ses brillants acolytes ont parfaitement résumé ce legs en une chaleureuse représentation.
La technique de Chucho a longtemps jugée exemplaire : solide formation classique à la soviétique (dans ses impros, on l’a entendu encore citer Mozart, Chopin, Debussy, Rachmaninov), culture complète du piano jazz moderne ou contemporain (sa reprise de Armando’s Rhumba de Chick Corea était exemplaire) et sa propre contribution consiste à adapter ces connaissances au sillon pianistique de la musique cubaine moderne- Rubén Gonzales, Frank Emilio, Emiliano Salvador, etc.
On lui doit bien sûr des innovations singulières au clavier, notamment ces motifs ultra-rapides exécutés en ostinato par la main droite, en parfait synchronisme avec des mélodies ou autres motifs harmoniques articulés par la main gauche. Évidemment, les tumbaos et autres procédés typiques du piano latin sont au menu de Chico. Peut-on lui reprocher de piocher ? Parfois, son exubérance percussive sur les ivoires est un peu too much en ce qui me concerne mais….ses fans, majoritairement latins en cette soirée montréalaise, adorent ce genre de débordement. Que dire de plus?
On devinera que le pianiste légendaire ne s’entoure pas de pieds de céleri : Horacio Hernandez, batterie, José A. Gola, basse, Roberto Jr. Vizcaino, percussion. Ce dernier fut particulièrement impressionnant, sa maîtrise hallucinante des percussions afro-latines n’était pas sans rappeler celle des plus grands maîtres tel Giovanni Hidalgo.
Autour de Chucho Valdés, aujourd’hui âgé de 81 ans, ce quartette aura présenté le nec plus ultra du latin jazz, bien sûr lié à une autre époque, celui de sa génération. Immense respect.
Alain Brunet
Kassa Overall: chaos organisé
crédit photo: Marie-Emmanuelle Laurin
Touffu, chargé, un tantinet bordélique, groovy, toujours sympathique. Diplômé du fameux conservatoire d’Oberlin (Ohio), ce batteur originaire de Seattle est aussi rappeur et chanteur. Ses qualités vocales sont cependant moindres que ses remarquables habiletés aux percussions. Son flow n’est pas celui de ses invités (Danny Brown, Lil B, Shabazz Palaces, etc.) sur son album Animals, sorti cette année chez Warp, un label enclin normalement aux musiques électroniques cette fois ouvert au jazz assorti de beatmaking.
Son chant est ténu, pas toujours juste devant public, mais Kazza Overall s’en sort bien malgré ses carences. Car il est un showman parmi les plus allumés du jazz actuel.
À ses côtés se trouvent l’excellent percussionniste Bendji Allonce (natif de Montréal) exprime sa culture haïtienne en incluant des rythmes vaudous et afro-antillais son approche; fluide à souhait, le pianiste Ian Fink possède les atouts nécessaires à une carrière internationale; au sax soprano et aux percussions incluant la batterie, le multi-instrumentiste Tomoki Sandera apporte de belles couleurs à l’ensemble et le soutien du bassiste Giulio Xavier Cetto s’avère impeccable.
Kazza Overall, 40 ans, a grandi avec le hip-hop et a parfait son éducation en jazz et en percussion classique, il fut sideman pour nombre de pointures dont feue la pianiste Geri Allen. Son projet fusionne à l’évidence tous les éléments constitutifs de sa culture personnelle et cette culture se déballe dans un joyeux bordel sur scène, chaos néanmoins organisé malgré quelques moments d’errance. Cool.
Alain Brunet
Colin Stetson en direct de son univers: respiration circulaire, micro-contacts…
Dans un Gèsu sombre, meublé de projections abstraites et d’effets stroboscopiques, on se serait davantage cru au Suoni Per Il Popolo qu’au FIJM C’est sans doute ce qui explique le départ précipité d’une poignée de spectateurs dès les premières plaintes multiphoniques de Colin Stetson. Par contre, les initiés auront été bien servis.
Le musicien était seul sur scène, mais les sources sonores étaient multiples. Stetson a effectivement développé son style iconoclaste en agrafant des microphones un peu partout sur ses colonnes d’air. Cette captation complexe permet entre autres de faire ressortir un jeu percussif sur les clés de l’instrument, mais également les dynamiques les plus subtiles du souffle au contact de l’embouchure. Un capteur piezo placé sur la gorge permet également d’amplifier les effets de voix, qui sont par la suite modulés via leur passage à travers l’instrument. Même sachant cela, la performance n’en était pas moins mystifiante, alors qu’on peinait parfois à identifier quelle combinaison de technique pouvait produire des textures complexes. Pourtant, aucune pédale à effet ni boucle n’y était pour quelque chose.
Lorsqu’on écoute ses albums, il est facile d’oublier les prouesses nécessaires à une telle exécution, alors qu’il est toujours théoriquement possible de se rabattre sur des enregistrements superposés ou du travail de postproduction. Voir Colin Stetson en spectacle confronte immédiatement l’auditeur au fait de sa respiration circulaire, qui semble pouvoir s’éterniser à volonté. En pleine maîtrise de son univers sonore, le saxophoniste a livré une exécution hypnotique de son répertoire, lequel était centré sur des morceaux relativement drone et à longs développements. À la sélection de pièces du dernier album When We Were That What Wept for the Sea, quelques morceaux aux fondements plus rythmiques de All of this I do for Glory auraient bien complété le programme.
Laurent Bellemare
Un 5 juillet au FIJM: Thundercat, Genevieve Artadi, Annahstasia, Ping Pong Go, Jupiter…
par Rédaction PAN M 360
Au Festival International de Jazz de Montréal, les experts de PAN M 360 assistent aux concerts qui secouent les mélomanes. Suivez notre équipe !
Thundercat est le space cowboy funky de nos rêves
Thundercat / Benoit Rousseau
Malgré la chaleur accablante du 5 juillet, des milliers de personnes se sont rassemblées à la Scène TD pour voir Thundercat, le bassiste virtuose qui a produit la musique de certains des artistes les plus influents de la dernière décennie : Kendrick Lamar, Flying Lotus, Gorillaz, Ariana Grande, Anderson .Paak, etc.
Il jouait bien sûr de sa propre musique, principalement celle de son dernier album de jazz-fusion, It Is What It Is. Dès les premiers instants, Thundercat (de son vrai nom Stephen Bruner) a fait comprendre à la foule que cette prestation allait être plus jazz que la plupart des autres – car il joue au FIJM – en jouant un solo de basse ridiculement free jazz sur sa classique basse à six cordes orange brûlé, plein de pops et de virages à nous faire tourner la tête. Allô Victor Wooten?
Non, Thundercat est son propre maître et donne l’impression que c’est trop facile et on peut dire qu’il aime ça, souriant d’un grand sourire de Cheshire entre les chansons. Et ses falsettos vocaux montent en flèche, comme s’il était un Marvin Gaye moderne avec un peu plus de delay et de filtre d’écho. Mais son groupe, Justin Brown à la batterie et Dennis Hamm au clavier, était tout aussi talentueux, prenant leurs propres solos de cinq minutes entre les chansons. Ce qui distingue Thundercat des autres, c’est son adoration pour la culture pop, les animes, les films et les jeux vidéo, et il l’a fait savoir pendant son concert, en parlant de son enthousiasme pour les trois derniers épisodes de l’épopée fantastique ninja, Naruto. Cet aspect de Thundercat est indissociable de ses paroles et de sa tenue de scène – collier doré Sonic the Hedgehog, t-shirt rayé Felix the Cat et un trésor de tatouages de références aux jeux vidéo et aux animes, [See You Space Cowboy…] – montre un homme qui sait de quoi il parle.
La setlist était principalement composée de titres plus récents, datant des deux dernières années, mais il y avait quelques grands succès de Drunk comme A Fan’s Mail, Tron Song et Friendzone. Une surprise, juste pour le FIJM, a été la présence de Louis Cole à la batterie pour le titre I Love Louis Cole. Il s’avère que les deux sont de très bons amis. Tout le monde attendait Them Changes, et Thundercat a livré une version plus improvisée de son épopée bass funk. Il est ensuite parti et est revenu pour jouer No More Lies, le morceau qu’il a sorti il y a peu avec Tame Impala. Il aurait peut-être été plus judicieux d’intervertir l’ordre de ces deux dernières chansons, le public étant devenu beaucoup plus électrique pour Them Changes. Un concert du FIJM à graver dans nos mémoires.
Stephan Boissonneault
Geneviève Artadi, songwriting d’un autre type
Genevieve Artadi est liée à cette scène californienne d’un renouveau moins en moins neuf, en marche depuis la fin des années 2000, avec les Flying Lotus, Thundercat, Terrace Martin, Sounwave et autres Cameron Graves. Avec trois albums à son actif, on la compte parmi les rares chanteuses à formuler de telles propositions : créer des refrains, couplets et ponts sur des charpentes harmoniques et figures rythmiques complexes inspirées du jazz contemporain, du jazz-fusion et de l’électro-jazz.
À l’orée de la nuit, le Studio TD était rempli à craquer pour accueillir cette chanteuse atypique. A-t-on craqué pour elle? Sa voix haute et claire est limitée en puissance et en texture, mais sa personnalité extravertie compense pour cette relative ténuité vocale qui peut devenir un irritant. Cette tension de cette petite voix avec le muscle du soutien rythmique est non sans rappeler Deerhoof, et la comparaison s’arrête là car nous sommes vraiment sur le terrain du jazz et le super batteur de Mme Artadi se nomme Louis Cole dont on kiffe totalement le big band.
Les autre membres de la formation sont l’excellent guitariste Adam Ratner et nulle autre que la claviériste Isis Giraldo, alias Chiquitamagic, très douée Colombienne qui a fait ses études en piano jazz à Montréal et qui fait désormais carrière dans les grandes ligues. Elle a progressé vers la production, le beatmaking et le jeu de claviers en temps réel, elle fréquente la famille élargie de Louis Cole depuis quelques années et la voilà à la direction musicale de Genevieve Artadi. Bravo et cool soirée chez Genevieve Artadi.
Alain Brunet
Ping Pong Go font du cosmos leur terrain de jeu
Entre 19 et 20h sur l’Esplanade, ce groupe formé du claviériste Vincent Gagnon et du batteur P-E Beaudoin cuisait pour toutes les bonnes raisons. On a pu voir ces deux fourmiller un peu partout sur la scène émergente franco-québécoise dans les dernières années, entre les Hubert Lenoir, Keith Kouna, Lou-Adriane Cassidy, Tire le coyote et bien d’autres. Pour leur concert au FIJM, Lysandre Ménard et Cédric Martel s’ajoutaient à l’équipe, aux claviers et à la basse respectivement.
On peut dire que Ping Pong Go redonne son sens galactique au mot « nébuleux ». La musique du groupe semble venir du cosmos, sans doute grâce aux sonorités de ses nombreux synthétiseurs. Épopée à travers les planètes ou voyage planant nocturne au-dessus d’un paysage urbain, les deux se valent. Même sous le soleil de 19h, dans la chaleur suffocante de cette journée, on réussissait à nous emmener ailleurs, sans oublier un détour chez Billie Holliday et un passage dans un coin qui rappelle pas mal Talking Heads.
En voyant Ping Pong Go jouer sur scène, le nom du groupe prend tout son sens. Chaque morceau est une partie de tennis de table : la basse et les percussions montent la table, les claviers se renvoient la balle, le rythme monte… et le tout se termine par un smash! éclatant.
Bref, place aux solos de synthés criards, à une molette de modulation acharnée, place à la prouesse technique et technologique, place au space-jazz-prog-jam, place aux grimaces, aux sourires, aux regards complices, et à toute cette vibrance. Place à Ping Pong Go!
Théo Reinhardt
Annahstasia, beau moment d’instrospection
Je ne connaissais rien d’Annahstasia quand je suis arrivé à la scène Rio Tinto du festival. J’ai tout de suite été happé par cette voix. Dans une enveloppe musicale plutôt douce, Annahstasia est parfois déchirante. Cette jeune dame sait alterner entre l’extrême douceur et le cri.
J’ai appris qu’Annahstasia Enuke est une nigériane américaine basée à Los-Angeles. Qu’elle a enregistré un EP cette année, intitulé Revival.
Est-elle soul, folk ou jazz? Plutôt folk, repondrais-je, mais avec des attirances vers le soul-jazz. Le mélange de violoncelle, guitare, basse et clavier confère de la profondeur aux arrangements .
Une partie de la foule était vraiment subjuguée , malgré la chaleur accablante de cette soirée. Je suis toujours fasciné par la capacité du public à écouter quand c’est essentiel. Et, cette heure de concert était essentielle.
Cette voix qui peut jouer sur plusieurs octaves nous conviait ainsi à une sorte d’intimité, d’énergie essentielle.
Annahstasia nous dit qu’il faut être gentil et respectueux . Et beaucoup de chansons parlent de pouvoir féminin.
Elle a fini par demander en français ; « C’est bien? » J’ai répondu: « c’est très bien ».
Michel Labrecque
Jupiter sur Terre
Jupiter Bokondji, né Jean Pierre Bokondji Ilola, propose une infusion frénétique de musique congolaise qu’il croise avec une culture populaire clairement mondialiste. La musique de ce bouillant frontman (et son groupe Okwess) se fonde sur la rumba / soukouss, fondement de la musique pop congolaise moderne, mais aussi d’attitude rock comme on en trouve peu sur le continent noir. Même si sa voix rauque et grave dépasse à peine un octave, le chanteur en impose, son autorité sur scène ne fait aucun doute. Les curieux venus à sa rencontre auront apprécié l’énergie et l’indépendance d’esprit de cet artiste prisé des rock stars, on pense notamment à Damon Albarn ou Massive Attack. Solide décharge!
Alain Brunet
Un 4 juillet au FIJM: Marisa Monte, The Weather Station, Mezerg, The Bad Plus, black midi, Makhathini …
par Rédaction PAN M 360
Au Festival International de Jazz de Montréal, les experts de PAN M 360 assistent aux concerts qui secouent les mélomanes. Suivez notre équipe !
The Weather Station at FIJM / Benoit Rousseau
The Weather Station offre un climat merveilleux au FIJM
Accompagnée de son groupe, vêtue de bleu acidulé, Tamara Lindeman alias The Weather Station, a apporté la chaleur émotionnelle et la pluie au FIJM avec sa pop baroque jazzy et sa voix de sirène. En fait, sa voix peut passer d’un registre grave et conversationnel à un soprano lumineux en quelques secondes, hypnotisant le public en un clin d’œil. Son groupe est également une merveille, portant l’instrumentation à un autre niveau avec des solos de saxophone, des riffs de guitare délavés et retardés, et une section rythmique qui fait se balancer les corps. L’album Ignorance semblait faire partie de la setlist principale et peu du morceau complémentaire, How Is It That I Should Look At The Stars. Une partie de moi voulait vraiment entendre des morceaux plus anciens, mais je suis arrivé en retard, et c’est parfois le propre du showbiz.
Mais une fille sur le côté de la scène, qui, je pense, était la fille d’un membre invité du groupe et ne devait pas avoir plus de 12 ans, a exécuté de fantastiques mouvements de danse non chorégraphiés pendant les tubes Robber et I Tired To Tell You, ajoutant de la légèreté à des chansons aux sujets lourds comme les changements climatiques et la structure géopolitique mondiale qui s’assombrit. Je pense que c’est là l’attrait extraordinaire de la musique de The Weather Station ; peu importe à quel point elle est sombre ou triste, on peut toujours danser dessus.
Stephan Boissonneault
La grand messe sensuelle de Marisa Monte (avec Rommel en prime)
Mardi soir, au Théâtre Maisonneuve, nous étions quelque part entre Montréal et Montrecife. Un public très majoritairement brésilien, surexcité, habillé à quatre épingle s’était rassemblé pour accueillir Marisa Monte.
Beaucoup d’entre eux ont été surpris par l’arrivée sur scène du brésilécois-allons-y d’un autre néologisme-Rommel, qui assurait la première partie.
L’auteur-compositeur né dans l’État du Maranhao au nord du Brésil et installé chez nous, a conquis le public rapidement. Dans la mouvance de Chico Cesar et, jusqu’à un certain point, du Lenine des premières années, il a présenté des extraits de Karawara, son sixième album, qui rend hommage aux autochtones du monde entier. C’était une formidable vitrine offerte par le FIJM, en première partie d’une grande étoile brésilienne . Et Rommel n’a pas raté sa chance. Il s’est fait beaucoup de nouveau amis. Ses créations sont de plus en plus originales.
La salle était déjà chauffée à bloc, quand Marisa Monte a fait son apparition sur scène, sur une musique très atmosphérique pinkfloydienne.
Puis elle s’est lancée à fond dans l’interprétation de Portas, son premier disque original en dix ans.
Une fois de plus, ce mélange de sophistication et de musique populaire nous saute aux oreilles. Les arrangements du trio de vents-cuivres, du tromboniste Antonio Neves, sont hyper savants et s’harmonisent fabuleusement à la voix de Marisa. On croirait parfois entendre du Steve Reich.
Et quelle voix! C’est vraiment en concert qu’on réalise l’étendue de son registre vocal, puisque la dame a fait longtemps du chant classique.
Autre surprise: elle a fait toutes ses présentations de chansons en français. Même devant une salle essentiellement lusophone. Bravo madame!
Après la section consacrée au nouveau disque, la rayonnante chanteuse et compositrice s’est lancée dans l’interprétation de nombreux succès passés.
Entre chaque chansons, elle présentait longuement un de ses musiciens avant de lui faire un câlin. Pour montrer l’importance de l’équipe.
Quand j’ai quitté , peu de temps avant la fin, le Théâtre Maisonneuve était en transe.
Marisa Monte, c’est l’intelligence, la sensualité, l’ouverture.
Par contre, Marisa, laisse tomber ta robe de première partie qui clignote et fait mal aux yeux.
Mezerg at Rio Tinto Stage / Benoit Rousseau
Mezerg transforme la scène extérieure Rio Tinto en boîte de nuit
Si vous êtes comme moi et que vous suivez un tas de musiciens sur Instagram après avoir observé leur virtuosité pendant quelques vidéos, vous connaissez peut-être déjà Mezerg, une machine techno française, one-man band qui n’utilise que des instruments live comme le clavier synthé, le thérémine et le kick pour créer une fête dansante endiablée.
Il est intéressant d’observer Mezerg en action, lorsqu’il décide quelle ligne de synthétiseur mettre en boucle ou quel coup de pied de batterie pour commencer sa chanson. Cet homme est construit sur l’improvisation, affiné par ses talents de thérémine qui défient les profondeurs et submergent complètement le public, comme s’il nous ordonnait à tous de partir en guerre. Le jeu d’éclairages était également grandiose, parfois synchronisé avec le kick de Mezerg, que je suis presque sûr qu’il contrôle le tout via MIDI, mais qui sait ? Mezerg est probablement plus apte à jouer à MUTEK Montréal qu’au FIJM, mais la foule était en admiration devant ses talents de techno-jazzman et plus qu’heureuse de se déplacer dans le club extérieur qu’il a créé.
Stephan Boissonneault
The Bad Plus en tant que quartette
Photo Benoît Rousseau
Deux décennies plus tôt ou peut-être un peu plus, The Bad Plus avait été qualifié de « trio acoustique le plus pesant du jazz ». On aimait alors The Bad Plus pour ses reprises jazzifiées de musiques cool du moment, de l’indie rock à l’électro. De surcroît, on appréciait leurs propres compositions, très en phase avec les tendances jazzistiques du dernier quart de siècle.
On se souviendra aussi d’une collaboration magnifique avec le saxophoniste Joshua Redman, au milieu des années 2010. Puis le trio acoustique s’est transformé après le départ du pianiste Ethan Iverson. La contrebasse (Reid Anderson) et la batterie (Dave King) ont dû conclure d’autres alliances. Et celle devant laquelle nous nous sommes retrouvés, mardi soir au Monument National, était tout à fait distincte de l’ancienne mouture. Sous étiquette Edition, un album homonyme en témoigne, sorti en 2022.
Reid Anderson n’a pas manqué d’humour, notamment en présentant sa pièce Motivation 2 et rapportant les appréhensions de certains, à savoir si cette œuvre était plus motivante que Motivation 1. Ou encore cette pièce You Won’t See Me Before I Come Back où il indique s’être rendu au Tim Hortons. Haha!
Grande différence dans l’instrumentation : Ben Monder est clairement un maître de la guitare jazz de notre époque, tant pour son articulation virtuose que ses orientations créatives en tant que compositeur ou improvisateur. Au saxo (ténor dans ce contexte), Chris Speed roule sa bosse depuis longtemps dans l’écosystème du jazz new-yorkais, sa réputation n’est plus à faire, sa haute virtuosité ne fait nul doute.
Au programme du Monument-National , on mise désormais davantage sur le répertoire original que sur une exécution singulière des vieux et nouveaux standards. À savoir si l’identité ou la marque The Bad Plus est absolument nécessaire à la réussite à long terme de ce quartette fort intéressant (et moins spectaculaire) on vous le donne en mille.
Alain Brunet
black midi at FIJM / Frédérique Ménard Aubin
black midi mène le Club Soda au feu de l’enfer
Devant une salle comble au Club Soda, black midi a offert un spectacle digne de son nom. Avec son post-punk frénétique, leur math rock et leur indie jazz, le tout enveloppé d’un manteau d’expérimentation avant-gardiste, la foule de jeunes spectateurs a eu droit à une soirée spectaculairement chaotique.
Après que l’auditoire eut été chauffé à blanc par Joseph Shabason, le quatuor britannique est entré sur scène avec un air de confiance nonchalante, ressemblant à une équipe hétéroclite de savants fous sur le point de se mettre au travail. Geordie Greep, l’énigmatique frontman du groupe, s’accroche à sa guitare avec une intensité qui confine à la possession. Son regard perçant et ses propos schizophréniques sur scène suggèrent un conduit vers un royaume éthéré qui se trouve juste au-delà de la portée de l’entendement des mortels. Le batteur Morgan Simpson s’est avéré être une véritable force de la nature, et j’ai passé le concert à être envoûté par son athlétisme.
Jouant beaucoup de morceaux de l’album Hellfire, le groupe s’est également fait plaisir avec quelques classiques de Shlagenheim. Il n’a pas fallu longtemps pour qu’un mosh pit débauché se forme sur le devant de la scène, et j’ai parfois eu l’impression que le groupe ressemblait à des sénateurs romains commandant leurs légions dans une œuvre de Hieronymus Bosch.
Varun Swarup
Makhathini… ça frappe fort !
J’ai commencé ma soirée musicale du 4 juillet avec un trio de jazz, je l’ai terminée avec un autre, bien différent.
Le trio du cubain québécois Rafael Zalvidar, accompagné du saxophoniste alto Luis Deniz, a offert un jazz savant, un peu scolaire pour moi , mais a comblé la foule, qui était en grand nombre au studio TD, à 18h 00.
En revanche, le Sud-Africain Nduduzo Makhathini ont offert une performance beaucoup plus iconoclaste au Pub La Traversée Molson Export. L’Esplanade Tranquille était tout sauf tranquille.
Certains appellent ça du jazz spirituel, d’autres pourraient dire du jazz destructeur. Je suis arrivé à mi-chemin du concert de 22 H 00. Makhathini, son bassiste Zwelakhe-Duma Bell et son batteur Francisco Mela étaient déjà en sueur.
Ces jeunes loups du jazz tapent fort sur leurs cordes, sur leurs peaux ou sur les ivoires. Mais transpire de tout cela une urgence de vivre, une énergie folle.
Ça joue fort, mais ça demeure acoustique et jazz, avec des passages free.
Un jazz imparfait, mais très parlant, susceptible de joindre un jeune public. Et le vieux que je suis a apprécié se faire brasser.
J’ai toutefois eu un peu peur pour l’état du piano à la fin du concert…
Michel Labrecque
Un 3 juillet au FIJM et en marge: Herbie, Domi, JD, Nate, Cynic, Atheist…
par Rédaction PAN M 360
Au Festival International de Jazz de Montréal, les experts de PAN M 360 assistent aux concerts qui secouent les mélomanes. Suivez notre équipe !
Herbie Hancock, verdeur phénoménale !
Le piano est un instrument propice à la longévité de son utilisateur, Herbie Hancock en a fait lundi la brillantissime démonstration, lundi soir à la Salle Wilfrid-Pelletier. Aucunement diminué par l’âge qu’il a (83 ans!!), le plus respecté des pianistes vivants sur la planète jazz témoignait d’une verdeur phénoménale, d’une articulation exemplaire et d’une vivacité d’esprit sans pareil. On aurait pu lui pardonner certains manquements, remarquez, on n’a vraiment pas eu à le faire.
Herbie y est allé d’abord d’une ambitieuse Overture introduite par un passage carrément électroacoustique (pas aussi« weird » que l’annonçait son concepteur) assortie d’éléments, riffs ou thèmes tirés de son immense répertoire, connu de tout jazzophile qui se respecte – Butterfly, Chamelelon, Rockit, etc.
Certaines œuvres au programme ont été jouée intégralement et transformées par les sidemen, et pas les moindres : le trompettiste Terence Blanchard, le guitariste Lionel Loueke, le bassiste James Genus et le batteur Jaylen Petiniaud, ont conféré leur personnalités respectives à l’œuvre du plus cool des octogénaires actifs sur la planète jazz.
Il était prévisible que fusse rendu un hommage à Wayne Shorter, ami de toujours avec qui il avait joué Footprints, un standard de feu le saxophoniste et compositeur, jadis magnifiée par le Miles Davis Quintet dont ils étaient tous deux parmi les membres éminents.
Il était toutefois moins prévisible qu’une part congrue de ce programme fut constitué de pièces jazz-funk, notamment Actual Proof (album Thrust) et Come Running to Me (Sunlight) avec Vocoder, ancêtre de l’Autotune.
Pour conclure? Le mégatube Chameleon (Headhunters, album homonyme), bien évidemment. Pour ce, le leader a choisi d’exploiter son synthé en bandoulière et improviser avec chacun de ses collègues plutôt que de s’exécuter au piano dans le bridge. D’aucuns auraient préféré la structure de l’enregistrement originel, mais notre monumental Herbie a choisi le risque d’une relecture en règle, pour le meilleur ou pour le pire.
N’est-ce pas ce à quoi on doit s’attendre d’un grand jazzman ? Oui, et on lui pardonnera ses choix artistiques moins intéressants qu’à l’escale précédente.
Alain Brunet
Domi & JD Beck, ze phénomène de l’heure
Tout le monde se les arrache, bien au-delà de la planète jazz. La propulsion virale de ces deux artistes à peine sortis de l’adolescence n’a d’égal que leur talent. Domi (Domitille Degalle), originaire de Nancy, et JD Beck de Dallas et réunis aux USA alors qu’ils étudiaient au Berklee College of Music, faisaient déjà l’objet d’un vrai buzz.
Un concert plutôt poche, paresseux et décousu de Robert Glasper m’avait conduit à migrer vers ce concert des plus rafraîchissants, donné dans un Club Soda bien rempli. C’était peu de temps après la sortie de Not Tight, un premier album prisé par un vaste public, bien au-delà du jazz.
Un an plus tard, le phénomène a pris de l’ampleur. Anderson.Paak, Snoop Dog, Thundercat ou même Ariana Grande enregistrent à leurs côtés, c’est dire leur pouvoir attractif.
On avait eu droit sensiblement à la la même matière que lundi à la Wilfrid, alors que Domi a multiplié les prouesses de sa main droite, rapidité extrême et précision extrême de l’articulation, et ébloui de sa main gauche qu’elle utilise à la manière d’une basse électrique, notamment lorsqu’elle joue du Jaco Pastorius ou du Wayne Shorter, époque Weather Report.
Comment expliquer ce buzz? Par la jeunesse de ses protagonistes , par l’esthétique visuelle assortie de décors naïfs des plus sympas, par leur look d’ados qui se fichent de tout… et surtout par cette hallucinante virtuosité acquise à un si jeune âge – tournant de la vingtaine. JD Beck a déjà absorbé et maîtrisé maintes techniques de ses prédécesseurs, son petit kit de batterie et ses emprunts à la musique électronique impressionnent. Quiconque apprécie les instrumentistes d’un tel niveau se délecte à coup sûr, même avec les problèmes techniques auxquels ils ont dû faire face devant le public de Herbie Hancock.
Alain Brunet
Nate Smith et l’esprit du groove
Au deuxième soir de sa virée de trois concerts, le super-batteur Nate Smith a produit l’effet escompté : ravir les fans de groove en leur balançant la matière d’une obscure « beat tape » qu’il avait enregistrée pour ses 40 ans, « il y a de ça quelques années » comme il l’a souligné en pouffant de rire. Aux côtés de spécialistes de cet exercice, soit le claviériste Kiefer et le bassiste CARRTOONS, Nate Smith a mis de l’avant ce minimalisme soul-funk.
L’approche consiste à répéter pendant une dizaine de minutes ou plus une progression harmonique très simple, inspirée de la soul/R&B. Simpliste? Redondant? Nenni. Nate Smith et ses collègues chevronnés ont tôt fait de faire apprécier les micro-variations de ces grooves et d’ainsi en faire sortir toute la suavité. Cette facture existe depuis les belles années de CTI dans les années 70, un label enclin à la jazzification de la soul.
Le retour en force de la soul/R&B instrumentale via le hip hop dans le monde du jazz s’accompagne de phénomènes connexes dont celui-ci, revigoré par des instrumentistes doublés de beatmakers, forts d’une vaste culture de musiques populaires afro-américaines à l’ère numérique. Qui s’en plaindra?
Alain Brunet
Emmet Cohen, réincarnation du swing
Je mentirais si je devais écrire une critique complète du concert du Emmet Cohen Trio, lundi soir au Studio TD. Pour un artiste si profondément enraciné dans la tradition désormais presque centenaire du swing, ce fut une belle surprise, mais peut-être pas vraiment une surprise.
Avec ses performances électrisantes et sa forte présence en ligne, Emmet est maintenant une sorte d’icône du piano dont la mission est de maintenir vivant l’esprit du swing – et stride par moments.
En arrivant à mi-chemin de leur set, il y avait une sensation particulière dans l’air. Quelque part, l’esprit d’Ahmad Jamal était présent, alors que le groupe canalisait l’élégance et la théâtralité des arrangements du trio minimaliste-maximaliste de Jamal. Le dévouement du trio à engager le public était également louable. Cohen s’est fait un devoir de faire en sorte que la foule se sente partie prenante du spectacle, partageant des anecdotes et des idées sur la musique qu’ils étaient sur le point de jouer. Pour terminer la soirée, leur troisième rappel, ils ont absolument secoué le classique d’Ellington, Satin Doll, et à la fin du concert, nous savions tous que nous faisions partie de quelque chose de spécial.
Varun Swarup
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Focus and Elements : Cynic et Atheist enfin réunis
En marge du Festival de Jazz, Montréal accueillait hier soir deux sommités du métal progressif infusé de jazz fusion. Tous deux fort de 35 ans d’activité, Cynic et Atheist présentaient respectivement l’intégralité de Focus (1993) ainsi qu’une sélection de Piece of Time (1990), Unquestionable Presence (1991) et Elements (1993). Devant un Théâtre Fairmount bien rempli, les deux groupes ont livré une exécution irréprochable de leur répertoire.
Atheist impressionnait par son énergie inépuisable, laquelle s’arrimait par ailleurs sans problème avec la complexité des morceaux interprétés. Effectivement, il est rare de voir une combinaison aussi réussie de technicité instrumentale et de présence scénique si forcenée. Le chanteur Kelly Schaeffer, seul membre original de la formation, s’est entouré jeunes musiciens faisant la moitié de son âge pour composer sa dernière mouture. Cependant, la fougue de ses camarades n’avait d’égale que la sienne puisque Schaeffer n’a visiblement rien perdu de son charisme et de sa folie. Si rejouer des classiques aurait pu amplement satisfaire, surtout pour un lundi soir tranquille, Atheist a de loin dépassé les attentes.
Ensuite, Cynic a démarré son spectacle avec un rendu chronologique de son premier album, devenu un culte incontournable du death metal. Plus angulaires et agressives que les pièces récentes du groupe, ces compositions étaient interprétées avec toutes les nuances souhaitables. Notamment, l’interaction entre voix chantée au vocoder et voix criée était fidèle à l’album. Quant aux timbres de guitares, ceux-ci étaient soigneusement travaillés et adaptés à chaque section musicale via processeurs numériques. Après un bref hommage à l’encens aux défunts Sein Reinert (batterie) et Sean Malone (basse), Cynic a enchaîné avec quatre morceaux traversant leur discographie plus récente. Ces pièces parfois sereines, parfois intenses, mais toujours très dynamiques ont bien clôturé la soirée même si on en aurait pris davantage.
Laurent Bellemare
Un 2 juillet au FIJM: Samara Joy, JaRon Marshall, Elliot Maginot, Blue Moon Marquee, Vance Joy …
par Rédaction PAN M 360
Au Festival International de Jazz de Montréal, les experts de PAN M 360 assistent aux concerts qui secouent les mélomanes. Suivez notre équipe !
Samara Joy déjoue toute méfiance
Crédit photo: Benoît Rousseau
Y avait-il lieu d’être méfiant ? Samara Joy gagne un Grammy, deux Grammys, révélation de l’année, album jazz de l’année. La fille a 23 ans, deux albums dont un autoproduit. Et voilà que le jury des Grammys décide qu’une chanteuse de jazz classique dépasse toutes les chanteuses pop émergentes de 2023. On écoute distraitement Samara Joy, on se dit bof, voilà une autre intégriste du jazz qui titille les bien-pensants de la culture américaine. Pas très excité, donc.
Et puis, je me dis qu’il ne faut quand même pas éviter le sujet, le snobber. Que ces victoires largement médiatisées, légitimement ou non, méritent notre attention. Ce n’était donc pas sans scepticisme que je me suis porté volontaire pour la couverture de Samara Joy. Et… une fois de plus, des idées préconçues s’écroulent. On l’entend pendant une courte apparition samedi soir, invitée du prodige pianistique Julius Rodriguez. Hum, ce n’est pas la réplique muséale de Sarah Vaughan, peut-être plus que ça. Puis on propose à PAN M 360 une interview avec cette jeune femme.
Elle est très grande, elle est brillante, elle est sympa. Aucune prétention. Deux heures plus tard, on se présente au Monument National. Elle a troqué sa tenue relaxe pour une robe de soirée et des talons. Elle entonne This Is the Moment, nos oreilles battent du pavillon, nos yeux s’écarquillent. Ce n’était donc pas un de ces choix incohérents et déconnectés dont les Grammys sont capables parfois.
Samara Joy a un registre d’alto mais peux pousser la note dans celui d’une soprano. Ce n’est pas seulement le résultat d’une technique rigoureuse, mais bien d’un don de la nature. La variété des timbres, des modulations, des variations de puissance, voilà autant d’atouts pour cette chanteuse exceptionnelle.
Super à l’aise sur scène, humble et fière, très drôle, divertissante au max. Elle sait s’approprier un standard tel Stardust de Hoagy Carmichael ou Chega de Saudade signée Tom Jobim, ou une adaptation vocale de Nostalgia composée jadis par le trompettiste bop Fats Navarro, ou encore l’hybridation de Stevie Wonder et Nancy Wilson, ou même ces lignes incandescentes en hommage à la grande Betty Carter, une influence somme toute plus évidente chez Samara Joy. Ce qui est une excellente nouvelle pour la suite des choses.
Alain Brunet
JaRon nous guide tous vers le cosmos
JaRon Marshall, le claviériste des Black Pumas, a ranimé la foule endormie de la scène Rogers en jouant 80 % de son premier album solo, earth sounds, dimanche soir au FIJM. Soutenu par un batteur et un bassiste fantastiques – avec lesquels il a commencé à jouer le même jour -, JaRon a entraîné la foule dans un tourbillon de jazz cosmique qui tenait à la fois de Return to Forever et de Pharoah Sanders. L’instrument principal était, bien sûr, deux claviers que JaRon maîtrisait avec aisance.
On aurait dit qu’il n’avait pas transpiré pendant ses solos de synthétiseur ou ses arrangements d’accords complexes. Le groupe a fait un excellent travail en gardant le groove pour le public, sans trop plonger dans le domaine du free jazz. JaRon est clairement un maestro qui aime le jazz émotionnel et nous avons eu la chance de le voir sur une scène plus petite et plus intime, car ce musicien pourrait facilement jouer sur les scènes principales dans un an ou deux.
Stephan Boissonneault
Elliot Maginot fait son nid sur l’Esplanade
À 23h, l’Esplanade de la Place des Arts voit se produire l’auteur-compositeur-interprète Elliot Maginot. Sur la scène, des guirlandes parcourent l’espace, grimpent sur l’équipement, délimitant le terrain de jeu. Pour agrémenter le tout, six hiboux décoratifs sont éparpillés à l’avant-scène et sur le matériel… cet animal qui est en apparence devenu le symbole de prédilection de l’artiste, à en juger par ses communications sur les réseaux sociaux.
Le concert d’Elliot Maginot débute sur une atmosphère sonore à laquelle vient s’ajouter quelques ondoiements de guitare. Un son planant qui fait à la fois monter la tension et relaxer les muscles. Alors que les musiciens se préparent, le public se réchauffe. Ensuite, c’est parti pour 55 minutes de folk-pop flattée, tantôt sautillante, tantôt contemplative, et surtout lumineusement teintée de saxophone, marimba, violoncelle et de touches ouest-africaines. La batterie résonne dans la cage thoracique et la voix de l’artiste dans l’esprit.
Elliot Maginot se distingue par cette voix pincée et pleine de souffle, et aussi par son interprétation intense mais contenue. Lorsqu’il chante, son corps et son visage se crispent d’émotion, et sa voix est traversée d’un frémissement – pas un vibrato – qui soulève les mots plus longs et les fins de phrases. Un chanteur peu commun, peut-être, mais un chanteur tout de même. On le comprend en le voyant sur scène.
Bref, spectacle charmant! Disons que la branche sur laquelle Elliot Maginot est perché ne donne pas trop envie de partir.
Théo Reinhardt
Blue Moon Marquee Brings transporte son Raspy Gypsy Blues au FIJM
Il était agréable de voir Blue Moon Marquee, un groupe albertain qui a débuté humblement en tant que duo, jouer devant une plus grande foule à la Scène Loto Québec. Ils étaient en compétition avec Vance Joy au même moment, mais les vraies têtes – la foule qui cherchait quelque chose d’un peu plus que du folk générique – ont commencé à grandir de plus en plus. Ce doit être la voix envoûtante et Tom Waits-esque d’A.W. Cardinal, ou la section rythmique, jouée par Jasmine Colette à la basse et à la batterie. Vous avez bien lu. Elle joue des deux et frappe littéralement les cymbales tout en jouant et en chantant. Rien de plus punk rock et DIY que cela. Sans elle, le groupe n’est rien.
Il s’agit généralement d’un groupe de deux musiciens, mais lors de ce concert, ils ont été rejoints par un clavier/orgue de style saloon qui a ajouté une toute autre dimension à la guitare solo bluesy et à la basse qui bat la chamade. Ce groupe est plein d’intensité et son énergie est sauvage et indomptable. Cardinal a terminé son set en chantant sans micro et sa voix rauque a porté jusqu’au fond de la foule. Ne manquez pas d’aller voir Blue Moon Marquee la prochaine fois que vous en aurez l’occasion.
Stephan Boissonneault
Vance Joy charme la foule du FIJM
Un peu plus d’un an après la sortie de son troisième album, In Our Own Sweet Time, l’auteur-compositeur-interprète australien Vance Joy foulait la grande scène du FIJM, en fin de soirée dimanche. Devant une place des festivals pleine à craquer, l’artiste de 35 ans a offert un heureux mélange de titres tirés de ses différents projets, et ce pendant près de 90 minutes. Placé au milieu de la scène, avec sa guitare ou son ukulélé à la main, Vance Joy était accompagné sur scène par différents musiciens, dont une trompettiste et un saxophoniste, procurant davantage de richesse et de profondeur à ses meilleurs succès. Tout sourire, l’Australien a débuté sa prestation avec Missing Piece, un morceau issu de son dernier opus.
À mi-chemin, Vance Joy a enflammé la foule lorsqu’il s’est emparé de son ukulélé pour son titre Saturday Sun pour ensuite ralentir le tempo avec sa ballade We’re Going Home. Lors de cette dernière, les gens amassés devant la scène ont brandi leur lumière, donnant lieu à un superbe moment. Sans équivoque, le moment fort du spectacle a été lorsqu’il a chanté son titre le plus populaire à ce jour, Riptide. C’était l’heure de la fête et la foule s’époumonait en chantant les paroles de la chanson. Alors qu’on croyait que l’interprétation de son plus gros hit signait la fin de sa prestation, l’artiste a surpris tout le monde avec une reprise bien réussie du succès de ABBA, Gimme! Gimme! Gimme!. Force est d’admettre que Vance Joy a su conquérir le cœur de millions d’auditeurs avec sa pop au fil des années, et nous en avons encore eu la preuve hier soir!
Jacob Langlois-Pelletier
Un 1er juillet au FIJM: Julius Rodriguez, Theon Cross, Moon Hooch, Anomalie, Micheal League…
par Rédaction PAN M 360
Au Festival International de Jazz de Montréal, les experts de PAN M 360 assistent aux concerts qui secouent les mélomanes. Suivez notre équipe !
Julius Rodriguez: déjà un grand, du haut de ses 24 ans
Malgré un premier set écourté à cause des ‘’conditions météorologiques’’, le jeune pianiste-batteur-compositeur Julius Rodriguez a rendu la foule bien réfugiée sous l’abri du pub La Traversée Molson Export de la Place Tranquille du Quartier des spectacles totalement scotchée à sa vivacité, son intelligence et sa virtuosité.
La méthode Rodriguez est simple : toujours se baser sur un motif, une phrase mélodico-rythmique, un riff ou un thème simple et accrocheur pour ensuite libérer toutes ses possibilités expressives. Rodriguez est un jeune musicien aussi instinctif en impro que remarquablement éduqué en technique (classique ET jazz). Son jeu limpide et franchement excitant est empreint d’une émancipation qu’il sait communiquer à ses partenaires à la contrebasse, à la batterie (car il a joué majoritairement le piano) et à la trompette.
Ceux-ci sont aussi aisés dans leur hardiesse interprétative que bien attelés à rendre tout cela cohérent avec la vision de leur leader. Quelques perles signées Hancock (dont Butterfly), mais pas mal de matos de ses deux albums actifs (un complet et un EP, tout juste) et de la nouvelle matière aussi, qu’il n’a pas encore nommée. Je suggère Rainy Night in Montreal, parce que ça restera un moment mémorable. En bonus, pour une seule pièce (InHeaven, présente sur Let Sound Tell All sorti en 2022) : la magistrale voix de Samara Joy que l’on compare, à raison, à Ella, Nina et Sarah. Une véritable leçon d’expressivité vocale. La prochaine fois que Julius viendra chez nous, ce sera en salle, à fort prix.
Frédéric Cardin
Theon Cross explore les sons mystérieux du tuba
Theon Cross joue du tuba comme quelqu’un qui a découvert tous les secrets de cet instrument. Personne ne savait vraiment ce qui nous attendait à l’intérieur des murs du TD Studio, mais la majeure partie du spectacle était composée de Theon Cross et d’un guitariste à la réverbération produisant des sons cosmiques, qui m’ont rappelé les intermèdes d’une chanson de The Comet is Coming.
La guitare agissait presque comme une machine à larsen, plongeant davantage dans le domaine du rock ambient, alors que le tuba était toujours au premier plan de la performance. Dans certains morceaux, seul Cross jouait du tuba avec des techniques de respiration complexes qui faisaient ressembler l’instrument à un chat hurlant. Pour être honnête, après 15 minutes de ce type de performance en solo, j’avais vu ce que j’avais à voir. Il est très doué, mais on ne peut que s’étonner du nombre de sons que l’on peut produire avec un tuba, tant de fois.
Stephan Boissonneault
Moon Hooch: EDM cuivrée et jazzée pour cette génération
Moon Hooch se trouve dans une impasse étrange où il pourrait être un groupe EDM dirigé par des saxophones, ou un trio de jazz à l’ambiance plus sonore. Cependant, ils ont définitivement privilégié le côté dansant de leur musique lors de leur performance intérieure et pluvieuse de la Fête du Canada au Gesu. La salle pouvait accueillir des sièges, mais il n’a fallu que 15 minutes à Moon Hooch pour que tout le monde se lève et danse sur leur impressionnante musique de duels de saxophones.
Le batteur a vraiment besoin d’être mentionné ici parce qu’il maintient le rythme et le groove pendant que Michael et Wenzl font durer la folie. Certains morceaux ressemblent à de la techno ou de la house music et si je ne les regardais pas passer du saxophone baryton au saxophone alto et au saxophone ténor en direct, j’aurais juré que les morceaux venaient des patchs de synthé. Moon Hooch joue le rôle de DJ à tour de rôle pour stimuler la foule pendant que les autres membres du groupe jouent à fond. Je pense que le choix de la salle était étrange car un groupe avec autant d’énergie aurait dû jouer sur une scène extérieure.
Stephan Boissonneault
Anomalie en formule big band, ce n’est qu’un début !
photo credit: Benoît Rousseau
Scène Rio-Tinto, ils étaient plus d’une quinzaine de musiciens sous la bannière Anomalie, ce projet de jazz-fusion-soul-R&B-dancehall mené par le claviériste et compositeur montréalais Nicolas Lemieux.
La prédiction est facile à formuler : dans toutes ses configurations, Anomalie est promis à une brillante carrière internationale. Cette formule big band n’est pas courante dans le contexte jazzistique local, mais elle l’est de plus en plus au sein de la génération de trentenaires biberonnés au hip-hop de Kendrick Lamar, à l’électro de Flying Lotus et au jazz issu des nouvelles scènes de Los Angeles, Chicago ou Londres.
Comme il l’explique en interview, Nicolas Lemieux ne cherche pas à transcender les formes du jazz moderne mais plutôt à composer la musique orchestrale comme s’il s’agissait d’une chanson pop aux prolongements jazzifiés. Samedi, les milliers de fans trempés au terme d’une averse longue et insistante, ayant amputé de moitié la performance prévue pour 90 minutes. Le public n’en était pas moins heureux de vibre sur ces rythmes plus proches du hip-hop instrumental que du jazz, de ces riffs puissants et harmoniquement consonants, et quelques solistes chrevronnés tel le trompettiste Andy King ou le leader lui-même aux claviers.
Cette pop instrumentale parle à quiconque a vécu son adolescence ou sa jeune vie adulte au cours des deux précédentes décennies. Chacun peut s’y retrouver, les balises sont claires, aucune prise de tête à l’horizon. L’écriture de Nicolas Lemieux ne mène pas aux explorations atonales, emprunte peu les chemins rythmiques non binaires, s’en tient à des mélodies accrocheuses et des riffs conviviaux. Voilà autant de raisons de croire au succès présent et à venir d’Anomalie.
Alain Brunet
League, Brock, Thomas, Spark: magnifique mélange d’instruments et de genres
Snarky Puppy est ce groupe de jazz iconoclaste américain, qui se produisait le 30 juin en grand ensemble, pour célébrer son dernier album Empire central.
Le premier juillet, nous avons eu droit à un quartet issu de Snarky Puppy. Le violoniste Zach Brock, le batteur JT Thomas, le claviériste Bobby Sparks et le bassiste et leader Michael League.
Violon, Clavier, batterie, Basse, c’est peu commun.
À eux quatre, ces musiciens ont travaillé avec tellement de gens, de David Crosby à Stanley Clarke à David Liebman, the RH Factor, Fred Hammond. Et ils se connaissent tous depuis longtemps .
Le quartet est parti en lion, sur un thème de Wayne Shorter puis Stevie Wonder a suivi. Je n’ai pas reconnu la pièce tellement le travail d’improvisation jazzistique était puissant.
Ces quatre esprits libres improvisent sur des thèmes connus, mais ne savent pas où leur complicité va les mener. Parfois, on est dans le jazz pur, parfois dans le soul déchirant, parfois dans le fuzzy extrême.
Michael League nous a expliqué l’origine de ce quartet: dans les début de Snarky Puppy, au Texas, en 2007, League, Sparks et Thomas se rendaient chaque lundi soir dans une petite boîte de Dallas, pour improviser sans arrêt . Le violoniste Zach Brock se joignait à eux occasionnellement.
Le festival de Jazz a offert une deuxième soirée de spectacle à Michael League et il a choisi de ressusciter cette expérience.
Et personne ne s’est ennuyé : Jt Thomas a chanté une chanson de Bill Whiters Who is He And What Is He To You, qui a mené à des improvisations déjeantées.. Le violoniste Zach Broch était tout en subtilités, Bobby Sparks s’est déchaîné sur son orgue.
Puis il y’ a eu Voodoo de De Angelo. Et un blues dont j’ai oublié le nom.
Tout au long du spectacle, Michael League, comme à son habitude, formait le liant avec sa basse électrique vrombissante. Il s’est même permis quelques envolées en solo, y compris une avec une pédale fuzz qui grattait notre colonne vertébrale.
Je l’ai dit souvent sur ce site: Michael League est un des musiciens américain les plus créatif de sa génération. Il en a fait de nouveau la démonstration.
Et la foule, multigénérationnelle, en aurait pris encore.
Michel Labrecque
Un 30 juin au FIJM: Buddy Guy, Avishai Cohen, Snarky Puppy, Mark Guiliana …
par Rédaction PAN M 360
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Buddy Guy, increvable malgré les adieux
Buddy Guy au FIJM / Benoit Rousseau
À 86 ans, Buddy Guy a fait comprendre à la salle Wilfrid-Pelletier, qui affichait complet, pourquoi il est une légende vénérée du blues. Après une heure du jeune ouvreur, Christone « Kingfish » Ingram – qui prend la relève de gars comme Buddy Guy – la légende elle-même est entrée lentement sur scène en salopette de jean et chemise à pois. Sa voix est toujours aussi pure et pleine d’âme que le jour où il a commencé, comme s’il guidait la foule à travers un sermon religieux. Mais au lieu de Dieu, il prêche le blues, la chose même qu’il est en quelque sorte responsable d’avoir popularisée et vraiment maintenue en vie ces dernières années. « Ils ont arrêté de jouer ce genre de blues aux États-Unis et je ne sais pas trop pourquoi », a déclaré Buddy Guy à voix basse à la foule. « Et ces hip-hoppers commencent à jurer à la radio, alors maintenant je me dis, merde, il faut que je commence à jurer à mes concerts ».
Sur scène, Buddy Guy est en partie comédien, il se trémousse et s’enfonce dans sa guitare, donnant parfaitement l’impression qu’elle pleure ou qu’elle rit. Il a toujours le même charisme que l’on attend de Buddy Guy. Il aurait pu s’asseoir sur une chaise et personne n’aurait pu lui reprocher quoi que ce soit, mais non, il se déplaçait sur la scène, faisait des blagues en s’inspirant de la foule – un vrai showman. Et il est toujours aussi doué, jouant des solos comme un dieu ennuyé, avec un son et une sonorité de guitare à couper le souffle. Pendant le standard du blues « How Blue Can You Get », il s’est arrêté à mi-chemin en disant : « Je ne veux pas que quelqu’un dise : ‘Oh, je suis venu au concert et c’était bien, mais il n’a pas joué ceci ou cela' ». Il s’est ensuite lancé dans une version d’une minute de « Boom Boom » de John Lee Hooker et a enchaîné avec « Voodoo Child (Slight Return) » de Jimi Hendrix, reprenant parfaitement les différents styles de guitare. La soirée s’est terminée en beauté lorsqu’il a fait venir les Kingfish pour un jam, mais Buddy Guy a laissé le jeune homme de 24 ans prendre la vedette en chantant « Cheaper to Keep Her ».
Mesdames et messieurs, je me souviens d’avoir entendu ce jeune homme jouer au Mississippi et de m’être dit : « Hmm, il faut que je fasse quelque chose pour ça » », a déclaré Buddy à la foule. C’est en effet la tournée d’adieu de Buddy Guy, mais j’ai l’impression qu’il ne cessera jamais de jouer, de prêcher le blues ou de trouver la prochaine génération de jeunes talents. « Bye Montreal, I’ll see y’all next time ». Bien sûr, Buddy. À la prochaine fois.
Stephan Boissonneault
The Avishai Cohen trio // Benoit Rousseau
Avishai Cohen ne s’enfonce jamais dans les sables mouvants
Pour les fans d’Avishai Cohen, les deux dernières années du festival ont été particulières. L’année dernière, Avishai devait se produire avec son trio mais, à la dernière minute, son pianiste n’a pas pu venir. Avishai a su tirer le meilleur parti de la situation et a interprété un ensemble intime de chansons folkloriques israéliennes en chantant et en jouant du piano, ainsi qu’en jouant en duo avec la batteure Roni Kaspi. Cette année, Avishai est revenu au Théâtre Maisonneuve et a tenu ses promesses, et plus encore.
La soirée était débordante d’énergie et le groupe a joué une liste de chansons préférées du public comme » Seven Seas « , » Dreaming » et » Beyond « . Le trio a présenté quelques morceaux de leur dernier album, Shifting Sands, mais a conçu le spectacle comme une vitrine que tout le monde peut apprécier. L’équipe chargée du son et de l’éclairage a fait un travail remarquable pour créer une atmosphère.
À certains moments, on avait l’impression que le groupe pouvait tout aussi bien s’appeler le Roni Kaspi Trio, tant elle semblait occuper le devant de la scène. Ses solos ont toujours été passionnants et ont tenu tout le monde en haleine ; lors d’un solo en particulier, il y a eu une ovation !
Varun Swarup
Snarky Puppy comme prévu…
Depuis plus d’une quinzaine d’années, le bassiste et compositeur Michael League érige son édifice via le web et autres moyens autrefois considérés comme parallèles ou indies. Aujourd’hui, on affirme que c’est devenu un façon incontournable de construire une carrière. Aujourd’hui, le véhicule principal de Michael League, Snarky Puppy est un incontournable et remplit des salles de 2000 places et plus partout où il accoste.
Vendredi soir, c’était évidemment archi plein et ce fut une soirée de groove fusion à grand déploiement, avec section de vents, deux assortiments de claviers dont un Hammond B3, guitare, violon, basse, percussions. Bref, beaucoup de monde agité sur une scène agitée.
Snarky Puppy est renommé pour ses croisements jazzy groove, ses thèmes mélodiques fédérateurs et ses formes amples assorties de bridges relativement exigeants pour ses interprètes. Généralement, cette musique est propice à la fête, à la levée des coudes pendant qu’on « tchèque la passe », et offre juste assez de prétentions virtuoses pour réjouir certains mélomanes plus aguerris. C’est pas mal ça… comme prévu.
Alain Brunet
Mark Guiliana , pur délice
crédit : Benoît Rousseau
Le Gesù était rempli à pleine capacité pour le quartette de Mark Guiliana, un excellent choix dans la programmation 2023 du FIJM.
Transplanté sur la Côte Ouest avec sa compagne Gretchen Parlato et leur fils, Guiliana poursuit la traversée d’un plateau acoustique, amorcée au milieu de la décennie précédente. Importante était cette impression d’une langue musicale affranchie de ses évidences fondatrices.
Après nous avoir ébloui à l’époque où prévalait son groupe Beat Music, ensemble électro-jazz avec lequel il s’est permis de brefs retours, Mark Guiliana a fait le choix d’une instrumentation acoustique depuis plusieurs années déjà.
La formation ici réunie était d’une grande cohésion, composée du saxophoniste ténor Jason Rigby (aussi excellent clarinettiste, mais pas ce soir-là) , du contrebassiste Chris Morrissey et du pianiste Jason Lindner. On aurait pu s’attendre à entendre Shai Maestro, qui joue au sein de la même formation dans le superbe enregistrement The Sound of Listening, c’était plutôt Lindner qui a offert un jeu circonspect et raffiné.
Fondé sur le jeu très particulier et les goûts de Guiliana, ce quartette acoustique a acquis une maturité d’expression à laquelle peu d’ensembles de ce type parviennent. Tout le spectre des émotions est sobrement ratissé de manière générale, mais peut laisser place à plus de testostérone et d’aventure.
On se trouve dans des mouvances comparables aux ensembles acoustiques de David Binney ou de Brian Blade, soit des formations clairement jazz pour son swing augmenté de cellules rythmiques très contemporaines. Il en est de même pour la mélodie et l’harmonie, c’est-à-dire y a bien assez de lignes consonantes pour qu’on soit prêt à admettre certains passages plus savants.
Pur délice.
Alain Brunet
Un 29 juin au FIJM: Hiromi, Kingfish, Aftab-Iyer-Ismaily, Kokoroko, Ibrahim Maalouf, Misc, Hawa B, The Franklin Electric…
par Rédaction PAN M 360
Au Festival international de jazz de Montréal, les experts de PAN M 360 fréquentent tous les concerts qui secouent les mélomanes. Suivez notre équipe!
Hiromi, quelque part entre Oscar Peterson et Joe Hisaishi
De retour à Montréal après six ans, Hiromi au Théâtre Maisonneuve, ce jeudi soir, était une occasion spéciale. Avec PUBLiquartet, un quatuor à cordes de New York, elle a interprété l’intégralité de sa Silver Lining Suite, une œuvre qui mêle harmonieusement le jazz, le classique et le jazz-fusion. Ainsi, la soirée a pris des allures classiques et a été marquée par une dramaturgie digne de Beethoven.
Ce qui est vraiment étonnant, c’est l’énergie électrique qu’Hiromi est capable d’exploiter au piano et dans le public. Ses doigts ont parcouru sans effort les passages orchestraux complexes, exécutant des traits rapides comme l’éclair et des lignes mélodiques complexes avec précision et clarté. Tout au long des morceaux, les spectateurs ont applaudi à tout rompre, ne pouvant retenir leur enthousiasme plus longtemps. Pourtant, en un instant, elle pouvait atteindre le pianissimo le plus tendre. Si certains la trouvent trop voyante, il est indéniable que la musicalité d’Hiromi est quelque chose de vraiment spécial.
Varun Swarup
Kingfish quitte la scène Rogers devant un public admiratif
Christone « Kingfish » Ingram at Rogers Stage
Après quelques fantastiques afrobeats jazzy offerts par les Londoniens de Kokoroko, je me suis dirigé vers la scène des Rogers pour une nuit de blues endiablé. Lorsque les lumières se sont éteintes, un groupe a commencé à jouer un blues standard de 12 mesures avec un orgue, une batterie et une basse, et une guitare solo féroce a pris le contrôle des haut-parleurs.
Pendant les cinq minutes suivantes, il n’y avait aucun musicien sur scène, jusqu’à ce que la bête d’un homme – ou d’un garçon, car je viens d’apprendre qu’il a 24 ans… – Christone « Kingfish » Ingram – entre sur scène en brandissant sa magnifique Telecaster violacée. Il prend le micro et laisse échapper une voix qui donnerait du fil à retordre à B.B. King. Comme si Howlin’ Wolf et Muddy Waters avaient un petit-fils secret du Mississipi qu’ils avaient décidé de ne jamais révéler au monde.
Pendant une heure, les Kingfish ont joué avec le public, ne jouant que cinq ou six chansons, mais avec des interludes en solo qui ont duré 15 minutes, avec des expressions faciales trop belles pour être ignorées. Et c’était sublime. Le style solo de Kingfish s’articule autour d’une narration. J’imagine que c’est un homme timide dans l’âme qui laisse son jeu de guitare parler, confesser ses secrets les plus profonds et les plus sombres. Le clou du spectacle a été le moment où le Kingfish a quitté la scène pour laisser son groupe jammer pendant quelques minutes jusqu’à ce que le jeu de guitare fantôme reprenne les haut-parleurs. Les fans se sont retournés et ont vu Kingfish jouer dans la foule, des gouttes de sueur dégoulinant de son front.
« Je vous verrai tous à 22 heures quand nous jouerons un autre set. » Il est 21 h 50… Kingfish revient au micro. « Je vous verrai tous à 11 heures ! » C’est vrai, il allait recommencer dans une heure. Le talent de ce gamin est incontestable et on entend dire qu’il jouera avec le seul et unique Buddy Guy lors d’une prochaine représentation. C’est à ne pas manquer.
Stephan Boissonneault
Photos by: Victor Diaz Lamich Courtesy of Festival International De Jazz De Montreal
Arooj Aftab, Vijay Iyer, Shahzad Ismaily: tension et détente en Amérique du Nord… et en Asie du Sud
Piano, Fender Rhodes, synthés, voix humaine, basse électrique. Arooj Aftab, Vijay Iyer et Shahzad Ismaily auraient normalement rempli le Monument National vu le succès critique de leur récent album Love In Exile. Devant un parterre un peu trop clairsemé au goût de la chanteuse, nous aurons droit à quatre improvisations bien senties, réparties sur un peu plus d’une heure. Trop court? Un peu trop court mais concluant de manière générale.
Réduire ce concert à une séance de méditation serait simpliste. Comme ces artistes l’expliquent en interview, on parle plutôt d’une subtile dialectique tension-relâchement, qui n’exclut pas les montées d’intensité dans le jeu et le volume. On l’aura constaté dans les derniers volets de cette riche prestation. Autre déconstruction de clichés : non, ce n’est pas de la musique indo-pakistanaise revisitée dans un contexte jazz, il s’agit plutôt d’une imbrication culturelle dans le contexte d’une expression globale.
Arooj Aftab n’est pas une chanteuse de qawwalî, ni de musique carnatique ou hindoustanie; sa technique vocale n’a pas grand-chose à voir avec la musique classique de l’Asie méridionale. Nous avons plutôt devant nous une autodidacte de talent qui a su faire évoluer son organe vocale et trouver une voix inspirée du chant pop occidental. Qui plus est, sa posture pince-sans-rire, parfois aux limites du cynisme, son ballon de vin à la main et ses vêtements modernes défient tout traditionalisme.
On l’a souligné à maintes reprises par le passé, le jazzman visionnaire Vijay Iyer n’est aucunement un musicien classique indien, bien qu’il en connaisse assurément les échelles mélodiques. Ce qu’il cherche est ailleurs, sans exclure quelques couleurs de la culture de ses parents. Fils d’immigrants pakistanais, Shahzad Ismaily évolue sur ce même territoire ouvert, très riche harmoniquement et propice à de magnifiques mises en commun de recherches texturales. Vraisemblablement, nous sommes en Amérique du Nord… mais aussi un peu en Inde du Sud.
Alain Brunet
Ibrahim Maalouf et la communication de masse
Devant un parterre bien tassé sur la Place des festivals, le trompettiste franco-libanais Ibrahim Maalouf a présenté le plus pop de ses projets : Capacity to Love, hymne instrumental à la paix, la tolérance, la curiosité de l’Autre, l’amour entre les êtres. Jeudi soir, cette capacité d’aimer des humains ne fut certes pas mise à l’épreuve.
Le virtuose au quatre pistons (au lieu de trois) a construit sa carrière sur des mélanges probants de jazz moderne et de mélodies du Levant, Maalouf est devenu une référence absolue du jazz oriental. Cette fois, il amalgame ses découvertes antérieures au groove, comme le font Snarky Puppy, Louis Cole, Kokoroko et autres Ezra Collective.
Ce à quoi les dizaines de milliers de festivaliers ont eu droit, c’était de la pop instrumentale de haute tenue. Le public pouvait s’accrocher au beat d’inspiration soul-R&B-hip-hop-afrobeats-reggaeton et se laisser séduire par l’exotisme moyen-oriental, mais aussi à la virtuosité d’un soliste éloquent et de ses musiciens – notamment Mihai Pîrvan, qui a parfaitement adapté son saxophone alto au langage des instruments traditionnels à vent qu’on utilise dans la musique classique arabe. Musicalement, ce projet groovy d’Ibrahim Maalouf n’est peut-être pas son plus profond, il s’agit néanmoins de son acte le plus généreux au chapitre de la communication de masse.
Alain Brunet
Vous avez dit Kokoroko?
On l’a déjà souligné, le combo londonien Kokoroko malaxe à qui mieux mieux le jazz groove à la sauce CTI et la musique africaine des années 70 et 80 – surtout Nigeria (afrobeat) et Ghana (highlife). Rassemblés devant la scène Rio-Tinto, des milliers de festivaliers ont découvert ce mélange unique afro-groovy, qui ne pourrait être concocté ailleurs qu’au Royaume-Uni vu les ingrédient de cette succulente recette jazzy pop.
On l’a aussi souligné, ces musiciens (claviers, guitare, basse, batterie, percussions, trompette, trombone, voix) sont solides et cohésifs. Aucun d’entre eux ou elles ne font dans la haute voltige, le résultat est supérieur à la somme de ses parties, voilà la meilleure façon de se faire valoir pour un groupe de jeunes pros.
Alors on boude pas son plaisir, on apprécie l’entrain généré par ces riffs souvent déployés par la trompette et le trombone de deux frontwomen, chanteuses de surcroît, dont la fondatrice Sheila Maurice-Grey.
Pas moins de 90 minutes de pure joie!
Alain Brunet
Au milieu de Misc
Après les performances gratuites de Kokoroko ,de Grande-Bretagne, et de Ibrahim Maalouf de France, celles et ceux qui n’étaient pas encore saoulés complètement de musique pouvaient se rendre au studio TD pour écouter le trio québécois de MISC. Le public, majoritairement jeune, ne l’a pas regretté une seconde.
MISC, c’est le clavieriste Jérome Beaulieu , le batteur William Coté et le bassiste (accoustique et électrique) Frédéric Roy. « J’ai la chance extraordinaire de jouer avec mes deux meilleurs chums » s’est exclamé Beaulieu aux deux tiers du spectacle . Cette complicité est évidente musicalement. MISC est aux antipodes du trio de Brad Meldhau. On est pas dans l’improvisation fine ou dans le déluge de notes savantes.
Les trois boys font un jazz plus percussif. Même le piano de Beaulieu est percussif. On flirte souvent avec le rock, c’est le son d’ensemble qui prime. On joue aussi beaucoup avec la réverbération et les bidouillages électronique.Plusieurs pièces étaient issues de l’album Partager l’Ambulance de 2021.
Mais le trio a beaucoup gagné en cohésion et en innovation depuis sa publication.William Coté joue des cymbales comme un savant batteur de jazz mais peut aussi y aller a fond la caisse dans des rhytmiques plus lourdes, mais jamais sans subtilité.Idem pour le bassiste Frédéric Roy, qui alterne, même parfois dans la même pièce , entre la contrebasse et la basse électrique.
Jérome Beaulieu , qui travaille aussi avec plusieurs formations, dont celle de Daniel Bélanger, gagne sans cesse en maturité. Il y’a des centaines de trio piano, basse, batterie. Ce n’est pas facile de se frayer un chemin dans cette jungle jazzistique touffue.
Mais si MISC passe près de chez vous, allez-y! Vous passerez un excellent moment .
Michel Labrecque
HAWA B serpente sur l’Esplanade
L’Esplanade de la Place des Arts était clairsemée jeudi soir, juste avant 19h.. mais cela n’a pas tenu longtemps. HAWA B a su faire tourner les têtes et cesser les pas pressés.
C’est un mélange bien homogène de rock alternatif, de R&B, de jazz et de soul que nous présente ce groupe dirigé par la chanteuse et autrice-compositrice Nadia Hawa Baldé. On observe une vaste gamme d’influences – on entend autant Radiohead que Beyoncé – encapsulée à merveille dans des chansons à la structure évolutive, aux progressions d’accords surprenantes, et au caractère majoritairement contenu, qui fait briller les musiciens et les envolées démentes lorsqu’elles arrivent.
L’artiste semble s’être creusée une niche scénique bien confortable entre nonchalance et intensité. Elle bouge lentement, mais décidément, s’accroupissant ou se pliant en deux pour atteindre des notes à l’extrémité haute de son registre, faisant virevolter ses cheveux, descendant plusieurs fois de scène pour aller rejoindre la foule, lançant son pied de micro en bas de la scène, envoyant promener son tabouret avec des coups de pieds… le tout d’une manière curieusement détachée, presque robotique, mais qu’on devine aussi purement spontanée. C’est comme assister à une explosion au ralenti. Toute l’intensité y est, mais on peut savourer chaque échange chimique, sentir la décharge d’énergie qui nous parvient et vivre l’expérience sans en être soufflé dans le moment, tout en restant subjugué.
Théo Reinhardt
The Franklin Electric inaugure le MTELUS du FIJM
La rumeur au MTELUS était bien bruyante, alors que le public attendait, patiemment ou non, l’arrivée de ce groupe-collectif créé et dirigé par Jon Matte.
Le concert était dédié au nouvel album qui sortait quelques heures plus tard. La première moitié du spectacle a servi à nous faire sentir le vent de ces nouvelles chansons, après quoi on se permettait de revenir en arrière. À un moment, Jon Matte s’assoit au piano et demande s’il y a des questions dans le public. Évidemment, la première question était « pouvez-vous faire vos anciennes chansons? », ce à quoi Matte répond: « Oui… mais tu viens de voler le punch, man! »
Avec un groupe complet et trois violonistes, les chansons folk-pop brillaient de leur qualité crépusculaire et leur atmosphère remplissait la pièce. Jon Matte est aussi très habile vocalement, autant pour bien rendre ses passages plus textuellement denses que ses élans mélodiques. Une belle voix de tête aussi, qu’il utilisait pour tenter de donner des parties chantées à la foule lors de quelques chansons.
Théo Reinhardt
Un 28 juin au FIJM
par Rédaction PAN M 360
Au Festival international de jazz de Montréal, les experts de PAN M 360 fréquentent tous les concerts qui secouent les mélomanes. Suivez notre équipe!
crédit photo: Frédérique Ménard-Aubin
Les esprits de la musique avec le Brad Mehldau Trio
Le festival de jazz a commencé sous les meilleurs auspices avec le Brad Mehldau Trio au Théâtre Maisonneuve. Dans une atmosphère fébrile, devant un public débordant d’impatience, le groupe s’est frayé un chemin à travers quelques vieuex thèmes du bebop, quelques originaux de la formation, et quelques nouveaux morceaux, pour une soirée de très belle musique et de performance palpitante.
Larry, Jeff et Brad jouent ensemble depuis près de vingt ans maintenant, et leur alchimie est vraiment quelque chose à voir et à entendre ! À la fin du concert, qui a duré une heure, le public n’en avait tout simplement pas assez et le groupe a joué jusqu’à trois rappels !
Mehldau a bien sûr ébloui par sa maîtrise totale du piano, suscitant de nombreux regards d’incrédulité et de stupéfaction dans la salle de concert. Parmi les moments forts, citons le magnifique original Ode, un voyage hypnotique et émouvant, une interprétation en trio du classique de Mehldau Resignation et une version très monkiste du standard Sweet and Lovely, qui mettait bien en valeur le sens de l’humour du groupe. C’est toujours un plaisir de voir ces maîtres à l’œuvre.
Varun Swarup
crédit photo: Frédérique Ménard-Aubin
Natalia Lafourcade, une fiesta mexicaine introspective
Étions-nous à Montréal ou à Monterreyal? Montrexico? Dans le grand hall de la Maison Symphonique, on entendait presque exclusivement de l’espagnol.
Natalia Lafourcade et son groupe d’excellents musiciens nous ont fait plonger dans les tréfonds de l’âme mexicaine. La mort, l’amour, la sorcellerie, la faune. Elle nous a fait chanter le son des cigales. C’était profond, magnifique , suave.
La première partie nous présentait son récent opus De Todas Las Flores. Par la suite, Natalia Lafourcade a célébré le folklore et la chanson mexicaines. Avec une version particulièrement originale de La Llorona de Chavela Vargas ainsi que plusieurs chansons de sa région originelle de Veracruz. Puis elle a conclu sur des pièces originales d’albums précédents.
La foule a bruyamment manifesté son bonheur. Su felicidad.
Natalia Lafourcade fabrique du bonheur, mais sur un mode introspectif. Sa voix nous touche jusqu’au plus profond de l’âme. La musique marie la tradition avec la modernité avec une grande intelligence.
Que dire de plus ?
Michel Labrecque
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