Un 30 juin au FIJM: Buddy Guy, Avishai Cohen, Snarky Puppy, Mark Guiliana …

par Rédaction PAN M 360

Au Festival International de Jazz de Montréal, les experts de PAN M 360 assistent aux concerts qui secouent les mélomanes. Suivez notre équipe !

Buddy Guy, increvable malgré les adieux

Buddy Guy au FIJM / Benoit Rousseau


Ă€ 86 ans, Buddy Guy a fait comprendre Ă  la salle Wilfrid-Pelletier, qui affichait complet, pourquoi il est une lĂ©gende vĂ©nĂ©rĂ©e du blues. Après une heure du jeune ouvreur, Christone « Kingfish » Ingram – qui prend la relève de gars comme Buddy Guy – la lĂ©gende elle-mĂŞme est entrĂ©e lentement sur scène en salopette de jean et chemise Ă  pois. Sa voix est toujours aussi pure et pleine d’âme que le jour oĂą il a commencĂ©, comme s’il guidait la foule Ă  travers un sermon religieux. Mais au lieu de Dieu, il prĂŞche le blues, la chose mĂŞme qu’il est en quelque sorte responsable d’avoir popularisĂ©e et vraiment maintenue en vie ces dernières annĂ©es. « Ils ont arrĂŞtĂ© de jouer ce genre de blues aux États-Unis et je ne sais pas trop pourquoi », a dĂ©clarĂ© Buddy Guy Ă  voix basse Ă  la foule. « Et ces hip-hoppers commencent Ă  jurer Ă  la radio, alors maintenant je me dis, merde, il faut que je commence Ă  jurer Ă  mes concerts ».

Sur scène, Buddy Guy est en partie comĂ©dien, il se trĂ©mousse et s’enfonce dans sa guitare, donnant parfaitement l’impression qu’elle pleure ou qu’elle rit. Il a toujours le mĂŞme charisme que l’on attend de Buddy Guy. Il aurait pu s’asseoir sur une chaise et personne n’aurait pu lui reprocher quoi que ce soit, mais non, il se dĂ©plaçait sur la scène, faisait des blagues en s’inspirant de la foule – un vrai showman. Et il est toujours aussi douĂ©, jouant des solos comme un dieu ennuyĂ©, avec un son et une sonoritĂ© de guitare Ă  couper le souffle. Pendant le standard du blues « How Blue Can You Get », il s’est arrĂŞtĂ© Ă  mi-chemin en disant : « Je ne veux pas que quelqu’un dise : ‘Oh, je suis venu au concert et c’Ă©tait bien, mais il n’a pas jouĂ© ceci ou cela' ». Il s’est ensuite lancĂ© dans une version d’une minute de « Boom Boom » de John Lee Hooker et a enchaĂ®nĂ© avec « Voodoo Child (Slight Return) » de Jimi Hendrix, reprenant parfaitement les diffĂ©rents styles de guitare. La soirĂ©e s’est terminĂ©e en beautĂ© lorsqu’il a fait venir les Kingfish pour un jam, mais Buddy Guy a laissĂ© le jeune homme de 24 ans prendre la vedette en chantant « Cheaper to Keep Her ».

Mesdames et messieurs, je me souviens d’avoir entendu ce jeune homme jouer au Mississippi et de m’ĂŞtre dit : « Hmm, il faut que je fasse quelque chose pour ça » », a dĂ©clarĂ© Buddy Ă  la foule. C’est en effet la tournĂ©e d’adieu de Buddy Guy, mais j’ai l’impression qu’il ne cessera jamais de jouer, de prĂŞcher le blues ou de trouver la prochaine gĂ©nĂ©ration de jeunes talents. « Bye Montreal, I’ll see y’all next time ». Bien sĂ»r, Buddy. Ă€ la prochaine fois.

Stephan Boissonneault

The Avishai Cohen trio // Benoit Rousseau

Avishai Cohen ne s’enfonce jamais dans les sables mouvants

Pour les fans d’Avishai Cohen, les deux dernières annĂ©es du festival ont Ă©tĂ© particulières. L’annĂ©e dernière, Avishai devait se produire avec son trio mais, Ă  la dernière minute, son pianiste n’a pas pu venir. Avishai a su tirer le meilleur parti de la situation et a interprĂ©tĂ© un ensemble intime de chansons folkloriques israĂ©liennes en chantant et en jouant du piano, ainsi qu’en jouant en duo avec la batteure Roni Kaspi. Cette annĂ©e, Avishai est revenu au Théâtre Maisonneuve et a tenu ses promesses, et plus encore.

La soirĂ©e Ă©tait dĂ©bordante d’Ă©nergie et le groupe a jouĂ© une liste de chansons prĂ©fĂ©rĂ©es du public comme  » Seven Seas « ,  » Dreaming  » et  » Beyond « . Le trio a prĂ©sentĂ© quelques morceaux de leur dernier album, Shifting Sands, mais a conçu le spectacle comme une vitrine que tout le monde peut apprĂ©cier. L’Ă©quipe chargĂ©e du son et de l’Ă©clairage a fait un travail remarquable pour crĂ©er une atmosphère.

Ă€ certains moments, on avait l’impression que le groupe pouvait tout aussi bien s’appeler le Roni Kaspi Trio, tant elle semblait occuper le devant de la scène. Ses solos ont toujours Ă©tĂ© passionnants et ont tenu tout le monde en haleine ; lors d’un solo en particulier, il y a eu une ovation !



Varun Swarup

Snarky Puppy comme prĂ©vu…

Depuis plus d’une quinzaine d’années, le bassiste et compositeur Michael League érige son édifice via le web et autres moyens autrefois considérés comme parallèles ou indies. Aujourd’hui, on affirme que c’est devenu un façon incontournable de construire une carrière. Aujourd’hui, le véhicule principal de Michael League, Snarky Puppy est un incontournable et remplit des salles de 2000 places et plus partout où il accoste.

Vendredi soir, c’était évidemment archi plein et ce fut une soirée de groove fusion à grand déploiement, avec section de vents, deux assortiments de claviers dont un Hammond B3, guitare, violon, basse, percussions. Bref, beaucoup de monde agité sur une scène agitée.

Snarky Puppy est renommĂ© pour ses croisements jazzy groove, ses thèmes mĂ©lodiques fĂ©dĂ©rateurs et ses formes amples assorties de bridges relativement exigeants pour ses interprètes. GĂ©nĂ©ralement, cette musique est propice Ă  la fĂŞte, Ă  la levĂ©e des coudes pendant qu’on « tchèque la passe Â», et offre juste assez de prĂ©tentions virtuoses pour rĂ©jouir certains mĂ©lomanes plus aguerris. C’est pas mal ça… comme prĂ©vu.

Alain Brunet

Mark Guiliana , pur délice

crédit : Benoît Rousseau

Le Gesù était rempli à pleine capacité pour le quartette de Mark Guiliana, un excellent choix dans la programmation 2023 du FIJM.

Transplanté sur la Côte Ouest avec sa compagne Gretchen Parlato et leur fils, Guiliana poursuit la traversée d’un plateau acoustique, amorcée au milieu de la décennie précédente. Importante était cette impression d’une langue musicale affranchie de ses évidences fondatrices.

Après nous avoir ébloui à l’époque où prévalait son groupe Beat Music, ensemble électro-jazz avec lequel il s’est permis de brefs retours, Mark Guiliana a fait le choix d’une instrumentation acoustique depuis plusieurs années déjà.

La formation ici réunie était d’une grande cohésion, composée du saxophoniste ténor Jason Rigby (aussi excellent clarinettiste, mais pas ce soir-là) , du contrebassiste Chris Morrissey et du pianiste Jason Lindner. On aurait pu s’attendre à entendre Shai Maestro, qui joue au sein de la même formation dans le superbe enregistrement The Sound of Listening, c’était plutôt Lindner qui a offert un jeu circonspect et raffiné.

Fondé sur le jeu très particulier et les goûts de Guiliana, ce quartette acoustique a acquis une maturité d’expression à laquelle peu d’ensembles de ce type parviennent. Tout le spectre des émotions est sobrement ratissé de manière générale, mais peut laisser place à plus de testostérone et d’aventure.

On se trouve dans des mouvances comparables aux ensembles acoustiques de David Binney ou de Brian Blade, soit des formations clairement jazz pour son swing augmenté de cellules rythmiques très contemporaines. Il en est de même pour la mélodie et l’harmonie, c’est-à-dire y a bien assez de lignes consonantes pour qu’on soit prêt à admettre certains passages plus savants.

Pur délice.

Alain Brunet

Un 29 juin au FIJM: Hiromi, Kingfish, Aftab-Iyer-Ismaily, Kokoroko, Ibrahim Maalouf, Misc, Hawa B, The Franklin Electric…

par Rédaction PAN M 360

Au Festival international de jazz de MontrĂ©al, les experts de PAN M 360 frĂ©quentent tous les concerts qui secouent les mĂ©lomanes.  Suivez notre Ă©quipe!

Hiromi, quelque part entre Oscar Peterson et Joe Hisaishi

De retour Ă  MontrĂ©al après six ans, Hiromi au Théâtre Maisonneuve, ce jeudi soir, Ă©tait une occasion spĂ©ciale. Avec PUBLiquartet, un quatuor Ă  cordes de New York, elle a interprĂ©tĂ© l’intĂ©gralitĂ© de sa Silver Lining Suite, une Ĺ“uvre qui mĂŞle harmonieusement le jazz, le classique et le jazz-fusion. Ainsi, la soirĂ©e a pris des allures classiques et a Ă©tĂ© marquĂ©e par une dramaturgie digne de Beethoven.

Ce qui est vraiment Ă©tonnant, c’est l’Ă©nergie Ă©lectrique qu’Hiromi est capable d’exploiter au piano et dans le public. Ses doigts ont parcouru sans effort les passages orchestraux complexes, exĂ©cutant des traits rapides comme l’Ă©clair et des lignes mĂ©lodiques complexes avec prĂ©cision et clartĂ©. Tout au long des morceaux, les spectateurs ont applaudi Ă  tout rompre, ne pouvant retenir leur enthousiasme plus longtemps. Pourtant, en un instant, elle pouvait atteindre le pianissimo le plus tendre. Si certains la trouvent trop voyante, il est indĂ©niable que la musicalitĂ© d’Hiromi est quelque chose de vraiment spĂ©cial.

Varun Swarup

Kingfish quitte la scène Rogers devant un public admiratif

Christone « Kingfish » Ingram at Rogers Stage

Après quelques fantastiques afrobeats jazzy offerts par les Londoniens de Kokoroko, je me suis dirigé vers la scène des Rogers pour une nuit de blues endiablé. Lorsque les lumières se sont éteintes, un groupe a commencé à jouer un blues standard de 12 mesures avec un orgue, une batterie et une basse, et une guitare solo féroce a pris le contrôle des haut-parleurs.

Pendant les cinq minutes suivantes, il n’y avait aucun musicien sur scène, jusqu’Ă  ce que la bĂŞte d’un homme – ou d’un garçon, car je viens d’apprendre qu’il a 24 ans… – Christone « Kingfish » Ingram – entre sur scène en brandissant sa magnifique Telecaster violacĂ©e. Il prend le micro et laisse Ă©chapper une voix qui donnerait du fil Ă  retordre Ă  B.B. King. Comme si Howlin’ Wolf et Muddy Waters avaient un petit-fils secret du Mississipi qu’ils avaient dĂ©cidĂ© de ne jamais rĂ©vĂ©ler au monde.

Pendant une heure, les Kingfish ont jouĂ© avec le public, ne jouant que cinq ou six chansons, mais avec des interludes en solo qui ont durĂ© 15 minutes, avec des expressions faciales trop belles pour ĂŞtre ignorĂ©es. Et c’Ă©tait sublime. Le style solo de Kingfish s’articule autour d’une narration. J’imagine que c’est un homme timide dans l’âme qui laisse son jeu de guitare parler, confesser ses secrets les plus profonds et les plus sombres. Le clou du spectacle a Ă©tĂ© le moment oĂą le Kingfish a quittĂ© la scène pour laisser son groupe jammer pendant quelques minutes jusqu’Ă  ce que le jeu de guitare fantĂ´me reprenne les haut-parleurs. Les fans se sont retournĂ©s et ont vu Kingfish jouer dans la foule, des gouttes de sueur dĂ©goulinant de son front.

« Je vous verrai tous Ă  22 heures quand nous jouerons un autre set. » Il est 21 h 50… Kingfish revient au micro. « Je vous verrai tous Ă  11 heures ! » C’est vrai, il allait recommencer dans une heure. Le talent de ce gamin est incontestable et on entend dire qu’il jouera avec le seul et unique Buddy Guy lors d’une prochaine reprĂ©sentation. C’est Ă  ne pas manquer.

Stephan Boissonneault

Photos by: Victor Diaz Lamich
Courtesy of Festival International De Jazz De Montreal

Arooj Aftab, Vijay Iyer, Shahzad Ismaily: tension et dĂ©tente en AmĂ©rique du Nord… et en Asie du Sud

Piano, Fender Rhodes, synthĂ©s, voix humaine, basse Ă©lectrique. Arooj Aftab, Vijay Iyer et Shahzad Ismaily auraient normalement rempli le Monument National vu le succès critique de leur rĂ©cent album Love In Exile. Devant un parterre un peu trop clairsemĂ© au goĂ»t de la chanteuse, nous aurons droit Ă  quatre improvisations bien senties, rĂ©parties sur un peu plus d’une heure. Trop court? Un peu trop court mais concluant de manière gĂ©nĂ©rale.

RĂ©duire ce concert Ă  une sĂ©ance de mĂ©ditation serait simpliste. Comme ces artistes l’expliquent en interview, on parle plutĂ´t d’une subtile dialectique tension-relâchement, qui n’exclut pas les montĂ©es d’intensitĂ© dans le jeu et le volume. On l’aura constatĂ© dans les derniers volets de cette riche prestation. Autre dĂ©construction de clichĂ©s : non, ce n’est pas de la musique indo-pakistanaise revisitĂ©e dans un contexte jazz, il s’agit plutĂ´t d’une imbrication culturelle dans le contexte d’une expression globale.

Arooj Aftab n’est pas une chanteuse de qawwalî, ni de musique carnatique ou hindoustanie; sa technique vocale n’a pas grand-chose à voir avec la musique classique de l’Asie méridionale. Nous avons plutôt devant nous une autodidacte de talent qui a su faire évoluer son organe vocale et trouver une voix inspirée du chant pop occidental. Qui plus est, sa posture pince-sans-rire, parfois aux limites du cynisme, son ballon de vin à la main et ses vêtements modernes défient tout traditionalisme.

On l’a soulignĂ© Ă  maintes reprises par le passĂ©, le jazzman visionnaire Vijay Iyer n’est aucunement un musicien classique indien, bien qu’il en connaisse assurĂ©ment les Ă©chelles mĂ©lodiques. Ce qu’il cherche est ailleurs, sans exclure quelques couleurs de la culture de ses parents. Fils d’immigrants pakistanais, Shahzad Ismaily Ă©volue sur ce mĂŞme territoire ouvert, très riche harmoniquement et propice Ă  de magnifiques mises en commun de recherches texturales. Vraisemblablement, nous sommes en AmĂ©rique du Nord… mais aussi un peu en Inde du Sud.

Alain Brunet

Ibrahim Maalouf et la communication de masse

Devant un parterre bien tassĂ© sur la Place des festivals, le trompettiste franco-libanais Ibrahim Maalouf a prĂ©sentĂ© le plus pop de ses projets : Capacity to Love, hymne instrumental Ă  la paix, la tolĂ©rance, la curiositĂ© de l’Autre, l’amour entre les ĂŞtres. Jeudi soir, cette capacitĂ© d’aimer des humains ne fut certes pas mise Ă  l’épreuve.

Le virtuose au quatre pistons (au lieu de trois) a construit sa carrière sur des mélanges probants de jazz moderne et de mélodies du Levant, Maalouf est devenu une référence absolue du jazz oriental. Cette fois, il amalgame ses découvertes antérieures au groove, comme le font Snarky Puppy, Louis Cole, Kokoroko et autres Ezra Collective.

Ce à quoi les dizaines de milliers de festivaliers ont eu droit, c’était de la pop instrumentale de haute tenue. Le public pouvait s’accrocher au beat d’inspiration soul-R&B-hip-hop-afrobeats-reggaeton et se laisser séduire par l’exotisme moyen-oriental, mais aussi à la virtuosité d’un soliste éloquent et de ses musiciens – notamment Mihai Pîrvan, qui a parfaitement adapté son saxophone alto au langage des instruments traditionnels à vent qu’on utilise dans la musique classique arabe. Musicalement, ce projet groovy d’Ibrahim Maalouf n’est peut-être pas son plus profond, il s’agit néanmoins de son acte le plus généreux au chapitre de la communication de masse.

Alain Brunet

Vous avez dit Kokoroko?

On l’a dĂ©jĂ  soulignĂ©, le combo londonien Kokoroko malaxe Ă  qui mieux mieux le jazz groove Ă  la sauce CTI et la musique africaine des annĂ©es 70 et 80 – surtout Nigeria (afrobeat) et Ghana (highlife). RassemblĂ©s devant la scène Rio-Tinto, des milliers de festivaliers ont dĂ©couvert ce mĂ©lange unique afro-groovy, qui ne pourrait ĂŞtre concoctĂ© ailleurs qu’au Royaume-Uni vu les ingrĂ©dient de cette succulente recette jazzy pop.

On l’a aussi souligné, ces musiciens (claviers, guitare, basse, batterie, percussions, trompette, trombone, voix) sont solides et cohésifs. Aucun d’entre eux ou elles ne font dans la haute voltige, le résultat est supérieur à la somme de ses parties, voilà la meilleure façon de se faire valoir pour un groupe de jeunes pros.

Alors on boude pas son plaisir, on apprécie l’entrain généré par ces riffs souvent déployés par la trompette et le trombone de deux frontwomen, chanteuses de surcroît, dont la fondatrice Sheila Maurice-Grey.

Pas moins de 90 minutes de pure joie!

Alain Brunet

Au milieu de Misc

Après les performances gratuites de Kokoroko ,de Grande-Bretagne, et de Ibrahim Maalouf de France, celles et ceux qui n’étaient pas encore saoulés complètement de musique pouvaient se rendre au studio TD pour écouter le trio québécois de MISC. Le public, majoritairement jeune, ne l’a pas regretté une seconde.

MISC, c’est le clavieriste JĂ©rome Beaulieu , le batteur William CotĂ© et le bassiste (accoustique et Ă©lectrique) FrĂ©dĂ©ric Roy. « J’ai la chance extraordinaire de jouer avec mes deux meilleurs chums Â» s’est exclamĂ© Beaulieu aux deux tiers du spectacle . Cette complicitĂ© est Ă©vidente musicalement. MISC est aux antipodes du trio de Brad Meldhau. On est pas dans l’improvisation fine ou dans le dĂ©luge de notes savantes.

Les trois boys font un jazz plus percussif. Même le piano de Beaulieu est percussif. On flirte souvent avec le rock, c’est le son d’ensemble qui prime. On joue aussi beaucoup avec la réverbération et les bidouillages électronique.Plusieurs pièces étaient issues de l’album Partager l’Ambulance de 2021.

Mais le trio a beaucoup gagné en cohésion et en innovation depuis sa publication.William Coté joue des cymbales comme un savant batteur de jazz mais peut aussi y aller a fond la caisse dans des rhytmiques plus lourdes, mais jamais sans subtilité.Idem pour le bassiste Frédéric Roy, qui alterne, même parfois dans la même pièce , entre la contrebasse et la basse électrique.

Jérome Beaulieu , qui travaille aussi avec plusieurs formations, dont celle de Daniel Bélanger, gagne sans cesse en maturité. Il y’a des centaines de trio piano, basse, batterie. Ce n’est pas facile de se frayer un chemin dans cette jungle jazzistique touffue.

Mais si MISC passe près de chez vous, allez-y! Vous passerez un excellent moment . 

Michel Labrecque

HAWA B serpente sur l’Esplanade

L’Esplanade de la Place des Arts était clairsemée jeudi soir, juste avant 19h.. mais cela n’a pas tenu longtemps. HAWA B a su faire tourner les têtes et cesser les pas pressés.

C’est un mélange bien homogène de rock alternatif, de R&B, de jazz et de soul que nous présente ce groupe dirigé par la chanteuse et autrice-compositrice Nadia Hawa Baldé. On observe une vaste gamme d’influences – on entend autant Radiohead que Beyoncé – encapsulée à merveille dans des chansons à la structure évolutive, aux progressions d’accords surprenantes, et au caractère majoritairement contenu, qui fait briller les musiciens et les envolées démentes lorsqu’elles arrivent.

L’artiste semble s’être creusĂ©e une niche  scĂ©nique bien confortable entre nonchalance et intensitĂ©. Elle bouge lentement, mais dĂ©cidĂ©ment, s’accroupissant ou se pliant en deux pour atteindre des notes Ă  l’extrĂ©mitĂ© haute de son registre, faisant virevolter ses cheveux, descendant plusieurs fois de scène pour aller rejoindre la foule, lançant son pied de micro en bas de la scène, envoyant promener son tabouret avec des coups de pieds… le tout d’une manière curieusement dĂ©tachĂ©e, presque robotique, mais qu’on devine aussi purement spontanĂ©e. C’est comme assister Ă  une explosion au ralenti. Toute l’intensitĂ© y est, mais on peut savourer chaque Ă©change chimique, sentir la dĂ©charge d’énergie qui nous parvient et vivre l’expĂ©rience sans en ĂŞtre soufflĂ© dans le moment, tout en restant subjuguĂ©.

Théo Reinhardt

The Franklin Electric inaugure le MTELUS du FIJM

La rumeur au MTELUS était bien bruyante, alors que le public attendait, patiemment ou non, l’arrivée de ce groupe-collectif créé et dirigé par Jon Matte.

Le concert Ă©tait dĂ©diĂ© au nouvel album qui sortait quelques heures plus tard. La première moitiĂ© du spectacle a servi Ă  nous faire sentir le vent de ces nouvelles chansons, après quoi on se permettait de revenir en arrière. Ă€ un moment, Jon Matte s’assoit au piano et demande s’il y a des questions dans le public. Évidemment, la première question Ă©tait « pouvez-vous faire vos anciennes chansons? Â», ce Ă  quoi Matte rĂ©pond: « Oui… mais tu viens de voler le punch, man! » 

Avec un groupe complet et trois violonistes, les chansons folk-pop brillaient de leur qualité crépusculaire et leur atmosphère remplissait la pièce. Jon Matte est aussi très habile vocalement, autant pour bien rendre ses passages plus textuellement denses que ses élans mélodiques. Une belle voix de tête aussi, qu’il utilisait pour tenter de donner des parties chantées à la foule lors de quelques chansons.

Théo Reinhardt

Un 28 juin au FIJM

par Rédaction PAN M 360

Au Festival international de jazz de MontrĂ©al, les experts de PAN M 360 frĂ©quentent tous les concerts qui secouent les mĂ©lomanes.  Suivez notre Ă©quipe!  

crédit photo: Frédérique Ménard-Aubin

Les esprits de la musique avec le Brad Mehldau Trio

Le festival de jazz a commencĂ© sous les meilleurs auspices avec le Brad Mehldau Trio au Théâtre Maisonneuve. Dans une atmosphère fĂ©brile, devant un public dĂ©bordant d’impatience, le groupe s’est frayĂ© un chemin Ă  travers quelques vieuex thèmes du bebop, quelques originaux de la formation, et quelques nouveaux morceaux, pour une soirĂ©e de très belle musique et de performance palpitante.

Larry, Jeff et Brad jouent ensemble depuis près de vingt ans maintenant, et leur alchimie est vraiment quelque chose Ă  voir et Ă  entendre ! Ă€ la fin du concert, qui a durĂ© une heure, le public n’en avait tout simplement pas assez et le groupe a jouĂ© jusqu’Ă  trois rappels !

Mehldau a bien sĂ»r Ă©bloui par sa maĂ®trise totale du piano, suscitant de nombreux regards d’incrĂ©dulitĂ© et de stupĂ©faction dans la salle de concert. Parmi les moments forts, citons le magnifique original Ode, un voyage hypnotique et Ă©mouvant, une interprĂ©tation en trio du classique de Mehldau Resignation et une version très monkiste du standard Sweet and Lovely, qui mettait bien en valeur le sens de l’humour du groupe. C’est toujours un plaisir de voir ces maĂ®tres Ă  l’Ĺ“uvre.

Varun Swarup

crédit photo: Frédérique Ménard-Aubin

Natalia Lafourcade, une fiesta mexicaine introspective

Étions-nous Ă  MontrĂ©al ou Ă  Monterreyal? Montrexico? Dans le grand hall de la Maison Symphonique, on entendait presque exclusivement de l’espagnol. 

Natalia Lafourcade et son groupe d’excellents musiciens nous ont fait plonger dans les trĂ©fonds de l’âme mexicaine. La mort, l’amour, la sorcellerie, la faune. Elle nous a fait chanter le son des cigales. C’était profond, magnifique , suave. 

La première partie nous présentait son récent opus De Todas Las Flores. Par la suite, Natalia Lafourcade a célébré le folklore et la chanson mexicaines. Avec une version particulièrement originale de La Llorona de Chavela Vargas ainsi que plusieurs chansons de sa région originelle de Veracruz. Puis elle a conclu sur des pièces originales d’albums précédents.

La foule a bruyamment manifestĂ© son bonheur. Su felicidad. 

Natalia Lafourcade fabrique du bonheur, mais sur un mode introspectif. Sa voix nous touche jusqu’au plus profond de l’âme. La musique marie la tradition avec la modernité avec une grande intelligence. 

Que dire de plus ?

Michel Labrecque

Suoni: le mythe de Sun Ra, toujours vivant

par Alain Brunet

Contre toutes attentes historiques, le mythe de Sun Ra (1914-1993) est l’un des plus vivants de l’histoire du jazz, mythe que l’on a une fois de plus observĂ© ce dimanche Ă  l’Église Saint-Denis. Reconverti provisoirement Ă  l’afrofuturisme, le temple chrĂ©tien Ă©tait rempli Ă  capacitĂ© de trippeux de tous âges, venus y communier avec les esprits du cosmos et de la planète Saturne, d’oĂą proviendrait symboliquement ce fameux musicien dont l’orchestre porte toujours le pseudonyme, 70 ans après sa fondation.

NĂ© Herman Poole Blount, surnommĂ© Sonny Blount Ă  ses dĂ©buts comme sideman et arrangeur, ce pianiste iconoclaste  fut objecteur de conscience Ă  la Seconde Guerre mondiale. Pour cela, il fut emprisonnĂ© et la mĂ©decine carcĂ©rale le jugea schizophrène. On le lâcha dans la nature en 1942, l’animal n’en fit qu’à sa tĂŞte.

Originaire de l’Alabama,  Sonny Blount menait une carrière amorcĂ©e dans les annĂ©es 30 sur les routes du blues et du jazz. InstallĂ© Ă  Chicago dans les annĂ©es 40, il fut arrangeur notamment pour Fletcher Henderson et sideman pour le tenorman Coleman Hawkins. Son big band fut fondĂ© en 1953, rebaptisĂ© Sun Ra Arkestra en 1955. Le pseudonyme de Sun Ra s’inspirait de l’Égypte antique, dont le dieu du soleil se nommait Ra. Voyez le genre !

Dès lors, le discours du musicien Ă©tait un enchaĂ®nement de paraboles intergalactiques. Bien malin pourrait affirmer si cette rhĂ©torique relevait d’une rĂ©elle schizophrĂ©nie traversĂ©e par une rhĂ©torique fantaisiste qu’on associe aujourd’hui Ă  l’afrofuturisme, ou bien Ă©tait-ce une façon consciente d’échapper Ă  la rĂ©alitĂ© Ă  laquelle Herman Blount devait faire face malgrĂ© tout – racisme, condition artistique difficile, prĂ©caritĂ© Ă©conomique, rejet de ses pairs, etc. Pour l’avoir moi-mĂŞme interviewĂ©, je puis tĂ©moigner que l’Ă©nigme demeure entière.

ConsidĂ©rĂ© comme très Ă©trange Ă  l’âge d’or du jazz moderne (bebop et hardbop), au mieux une curiositĂ© sinon un freak show, Sun Ra inclut des sĂ©quences atonales Ă  ses orchestrations bien avant qu’Ornette Coleman eut nommĂ© l’approche free jazz et que Miles Davis traita Ornette  de carrĂ©ment dĂ©bile. 

Peu prisĂ© par l’écosystème de la musique, Sun Ra persiste et signe, intègre  Ă  son Ĺ“uvre le free jazz  et une instrumentation audacieuse (claviers Ă©lectrifiĂ©s, bidules Ă©lectroniques, etc.). Farouchement indĂ©pendant, il fonde son propre label (El Saturn) et devient un pionnier de l’autoproduction. TransplantĂ© Ă  New York dans les annĂ©es 60, il devient rapidement une cĂ©lĂ©britĂ© parallèle, attire les beatniks et les hip cats, dont les rĂ©putĂ©s  Dizzy Gillespie et Thelonious Monk. Des interprètes de haut niveau lui restent fidèle, dont le tenorman John Gilmore qui est alors pressenti  pour faire partie du Miles Davis Quintet. Fin des annĂ©es 60, la contre-culture en fait une figure emblĂ©matique, on vit l’Arkestra Ă  la une du Rolling Stone.

Fin des annĂ©es 60, l’Arkestra s’installa Ă  Philadelphie, ses instrumentistes vivent  tous dans la mĂŞme maison, Ă  la manière des communes hippies de l’époque.

Les dĂ©cennies se succèdent, le Sun Ra Arkestra s’est produit partout dans le monde, dont plusieurs fois Ă  QuĂ©bec, MontrĂ©al et Victoriaville dans les annĂ©es 70, 80, 90…. Après la mort de Sun Ra en 1993, la direction artistique est reprise par John Gilmore jusqu’à son dĂ©cès en 1995. Puis par le saxophoniste alto Marshall Allen  devient le grand timonier de l’Arkestra, une force de la nature aujourd’hui âgĂ©e de 99 ans ! Le bientĂ´t centenaire ne monte plus sur scène (ou très rarement) depuis peu, on peu comprendre! Si Marshall Allen assume encore officiellement la direction du Sun Ra Arkestra, Knoel Scott (saxes alto et baryton, percussions, break dance) en est le chef sur scène, la chanteuse Tara Middleton en est la prĂŞtresse.

Dimanche soir, une quinzaine d’instrumentistes constituaient le Sun Ra Arkestra, très majoritairement âgĂ©s mais toujours animĂ©s par les flammes solaire et saturnienne de leur dĂ©funt leader. Devant nous, un siècle de jazz dĂ©filait dans une grâce certaine et, parfois, avec une dĂ©licieuse imprĂ©cision : blues, swing, bebop, hardbop, soul, gospel, jazz brĂ©silien, mais aussi free-jazz et autres approches expĂ©rimentales. 

En fait, jamais le mythe de Sun Ra ne s’est dĂ©gonflĂ© et le ballon vole toujours de nos tĂŞtes en 2023. Aujourd’hui les passages free de l’Arkestra sont intĂ©grĂ©s et compris par une large part des mĂ©lomanes, bien au-delĂ  des cercles de la musique improvisĂ©e. Comme c’est le cas depuis les annĂ©es 60, les jeunes gens Ă©taient en forte dĂ©lĂ©gation Ă  ce happening multigĂ©nĂ©rationnel comme PAN M 360 les aime, gracieusetĂ© des Suoni Per il Popolo.

Assurément, on peut parler à la fois de coolitude et de classicisme.

Un 17 juin aux Francos: Robert Charlebois, Philippe Brach

par Théo Reinhardt

L’équipe de PAN M 360 se fait un plaisir de fourmiller un peu partout aux Francos, dans les recoins évidents et moins évidents, pour le public francophile. Suivez notre couverture!

Crédit photo: Victor Diaz Lamich

Pour la clĂ´ture  des Francofolies de MontrĂ©al, un des artistes les plus importants de l’histoire du QuĂ©bec Ă©tait invitĂ©. Nous attendions tous impatiemment devant la scène Bell, samedi soir. 

Ă€ 78 ans, après près de soixante ans de carrière, Robert Charlebois ne nĂ©cessite aucune introduction. La première rock star nationale, l’innovateur de la chanson et le catalyseur de la culture dans les annĂ©es 60 et 70 se prĂ©senterait devant la place des festivals le temps d’une heure et demie. Une rare opportunitĂ© qu’il aurait Ă©tĂ© absurde de ne pas saisir. 

Il se prĂ©sente sur scène vĂŞtu de blanc, l’air d’un pilier de marbre, et commence le spectacle avec Le manque de confiance en soi. « On va manquer notre coup » est peut-ĂŞtre la phrase la plus ironique de la soirĂ©e… puisque Robert en CharleboisScope en clĂ´ture des Francos de 2023 est loin d’être un coup manquĂ©. 

Le souffle, la puissance, la justesse, l’interprĂ©tation, l’humour… Charlebois a encore tout ce dont il a besoin pour jouer ses chansons de manière intense, ressentie, et tout simplement impressionnante. Inspirante, aussi, puisque la flamme brĂ»le toujours brillamment chez cet homme, qui envoyait sans doute un vent d’espoir aux jeunes artistes le regardant. Il dirigeait la foule, la taquinait, dansait sur scène, levait son pied de micro et sa guitare dans les airs… rien Ă  envier des autres stars du rock. 

Les grands succès ont Ă©tĂ© jouĂ©s et reçus avec Ă©clat, et Louise Forestier est venue agrĂ©menter la scène pour la fameuse Lindberg, au plaisir de tout le monde, si on se fie aux acclamations. 

Spectacle sensationnel, spectacle historique, et peut-ĂŞtre un peu mĂ©lancolique aussi. Car qui sait combien de fois encore nous pourrons chanter Je reviendrai Ă  MontrĂ©al, Les ailes d’un ange, J’t’aime comme un fou et tous ces autres hymnes entourĂ© de 40 000 personnes? Qui sait si Ordinaire pourra encore nous frapper Ă  la figure et nous serrer le cĹ“ur comme elle l’a fait lorsque jouĂ©e sous nos yeux? On ne le sait pas, mais si Charlebois nous a prouvĂ© quelque chose samedi soir, c’est que le pilier est solide, et sa parure toujours reluisante. 

Samedi soir, le 17 juin, Montréal a donc pu vivre et chérir le temps de quelques chansons légendaires. Certains se sont souvenu du passé, d’autres ont créé des souvenirs pour le futur, mais aucun d’entre eux n’était banal. Samedi soir, les Francos se terminaient en toute beauté.

Philippe Brach avec les gens qu’on aime

Crédit photo: Frédérique Ménard-Aubin

Le dernier vrai concert des Francos Ă©tait en fait celui de Philippe Brach, l’invitĂ© surprise, sur la scène Hydro-QuĂ©bec Ă  23h30. L’esplanade de la Place des Arts Ă©tait bien occupĂ©e; pas surprenant vu la sortie rĂ©cente de l’acclamĂ© Les gens qu’on aime après des annĂ©es d’inactivitĂ©. 

Brach n’a pas tellement changĂ©. IrrĂ©vĂ©rencieux, il dĂ©bute le concert en clamant qu’il veut des plaintes de bruit de la part des condos environnants, sur lesquels il ne manque pas la chance de faire quelques commentaires. Il s’adoucit ensuite en communiquant sa joie de constater que MontrĂ©al est encore bien vivante, et se rĂ©active en promettant de « finir les Francos comme du monde. » Le tout entrecoupĂ© d’une symphonie d’acclamations, bien sĂ»r. 

Alors, le concert commence, et Philippe Brach révèle qu’il appuie à fond son côté clownesque en dévoilant sous sa tenue rouge une-pièce le costume d’un certain Ronald McDonald. Salopette jaune et chandail ligné blanc et rouge. Mais l’accoutrement n’est pas que plaisanterie. C’est en lien avec le personnage et la performance: toujours un peu ironique et contestataire à la fois. De plus, Brach rit souvent sur la mélodie de ses chansons. Un rire forcé, parfois sardonique, un rire un peu déstabilisant qui cache un cri, un pleur, un ouragan. Alors un clown, oui, mais le genre de clown qui fait un peu trop peur aux enfants. L’artiste a donc visé juste en allant vers le Ronald.

Le concert consistait en majeure partie des plus grands succès de l’auteur-compositeur-interprète  de Chicoutimi, mais la dernière partie du spectacle Ă©tait rĂ©servĂ©e au nouvel album. Last call, Tic tac et le suave « Bonjour les amis », sur la chanson Un peu de magie ont Ă©tĂ© inaugurĂ©es, et le tout Ă©tait dĂ©lectable. Faute d’orchestration, c’est la foule qui apportait le cĂ´tĂ© grandiose aux chansons. Les musiciens brillaient aussi, surtout avec l’allure lĂ©gèrement ivre du rythme de Tic tac.

Le concert s’est terminé sur une note sobre et rassembleuse, au rythme de la voix et du claquement de doigts de Philippe Brach, seul sur la scène, pour la chanson a cappella Bonne journée. L’esplanade était soulevée d’une foule de voix. Comme si les Francos de 2023 se terminaient sur un fondu au silence. Une redescente sur Terre. Un retour à la vraie vie. C’était le concert parfait pour terminer. La musique de Brach est peut-être subversive, et parfois insaisissable, mais son honnêteté perce l’air comme une flèche et vient se loger sur un de nos murs intérieurs. Pas trop épique, ni trop humble, c’était vrai, et c’est bien du vrai qu’il fallait pour la fin de ce festival.

À l’année prochaine, les Francos!

Un 16 juin aux Francos: Les Louanges, Jok’Air, Daniel BĂ©langer

par Rédaction PAN M 360

L’équipe de PAN M 360 se fait un plaisir de fourmiller un peu partout aux Francos, dans les recoins évidents et moins évidents, pour le public francophile. Suivez notre couverture!

Les Louanges laisse sa marque sur la Scène Bell

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Crédit photo : Benoît Rousseau

Si on en juge par le parterre de la scène Bell qui Ă©tait dĂ©jĂ  rempli Ă  craquer plusieurs minutes avant le dĂ©but du spectacle, la prestation des Louanges Ă©tait attendue. Un mĂ©lange d’excitation et d’euphorie rĂ©gnait sur la foule avant mĂŞme que le spectacle commence.  

Le tout a dĂ©butĂ© avec l’apparition d’une chorale sur scène, qui crĂ©ait des harmonies hypnotisantes et faisait monter la tension dans la foule de plus en plus agitĂ©e. Un saxophoniste est venu amplifier l’effet du moment.  

Alors  que l’on s’attendait Ă  voir le principal intĂ©ressĂ© apparaĂ®tre  sur scène, nous l’avons entendu entamer ChaussĂ©e, et les Ă©crans ont rĂ©vĂ©lĂ© quelques secondes plus tard qu’il se frayait un chemin dans la foule, jusqu’à une plateforme peuplĂ©e de festivaliers euphoriques qui chantaient avec lui Ă  tue-tĂŞte. Chose sĂ»re, il sait comment faire une apparition remarquĂ©e !

Visiblement Ă©merveillĂ© par la foule en extase, le chanteur a dĂ©clarĂ© avec assurance que ce spectacle ne serait pas seulement son plus gros, mais son meilleur – ce que nous confirmons.  

Le chanteur a ensuite continuĂ© son chemin jusqu’à la scène en interprĂ©tant Qu’est-ce que tu m’fais, s’arrĂŞtant un instant pour se mettre Ă  genoux et poser cette question Ă  une spectatrice, qui ne s’en est probablement toujours pas remise. Une autre chose est sĂ»re, Vincent Roberge sait commencer un spectacle!  

Il  fait preuve d’une prĂ©sence scĂ©nique extravagante,  s’effondre Ă  genoux, hurle ses paroles, interrompt sa performance pour embrasser sa copine devant une foule Ă©bahie. Bien que le style musical des Louanges se rapproche de la pop, sa performance tire beaucoup d’influences de la soul et du funk. Plusieurs morceaux sont arrangĂ©s pour ĂŞtre plus groovy, et intègrent des solos de saxophones enivrants.  Les interactions du saxophoniste avec le chanteur font sans conteste partie de ce qui  rendra cette performance mĂ©morable. 

Vincent Roberge a ainsi laissé sa trace dans l’histoire des Francos de Montréal, et fera de même ailleurs !

Arielle Caron

Jok’Air fait la fĂŞte au Club Soda!

Crédit photo: Frédérique Ménard-Aubin

Avant de fouler la scène du Club Soda vendredi, la vedette du rap français, Jok’Air, a indiquĂ© Ă  PAN M 360 qu’il allait offrir une prestation pour « turn up », et il a tenu sa promesse! Dès son entrĂ©e, l’Ă©nergie a montĂ© d’un cran et la foule a rĂ©pondu prĂ©sente. Tout au long, le rappeur a chantĂ© plusieurs morceaux issus de son dernier projet Melvin de Paris ainsi que ses titres les plus populaires tels que Las Vegas. L’un des moments forts de la soirĂ©e est assurĂ©ment lorsque l’artiste de 31 ans a fait sa chanson SensualitĂ©, sa propre version du titre du mĂŞme nom initialement interprĂ©tĂ© par la Belge Axelle Red. Le public Ă©tait captivĂ© par la vedette et chantait ses morceaux mot pour mot . 
Ă€ mi-chemin, Jok’Air a invitĂ© plusieurs membres de la foule Ă  venir le rejoindre sur scène. Évidemment, ils sont plusieurs Ă  avoir rĂ©pondu Ă  l’appel et près d’une vingtaine de personnes se sont retrouvĂ©es sur scène. Quelques morceaux plus tard, le rappeur est descendu dans la foule et a pris le temps de signer quelques autographes avant d’entamer son succès Elles ont trop jouĂ© avec mon cĹ“ur. Sur scène, le rappeur jouit d’une aisance remarquable et connecte facilement avec son public. En Ă©tant seulement accompagnĂ© d’un DJ, Jok’Air a essentiellement sa musique comme on la retrouve sur ses albums. Seul bĂ©mol de la soirĂ©e, le spectacle du Parisien n’a durĂ© que 60 minutes et la foule en aurait voulu davantage!

Jacob Langlois-Pelletier

Daniel Bélanger à la Wilfrid: intouchable !

Crédit photo: Benoît Rousseau

Quelques mots sur Daniel BĂ©langer, dont l’album et le nouveau concert ont Ă©tĂ© encensĂ©s par la critique plus tĂ´t cette annĂ©e. Je n’y Ă©tais pas au MTELUS mais je puis tĂ©moigner que le mercure en juin (…)  Ă©tait très Ă©levĂ© Ă  la Wilfrid. Philippe Brault (basse), JosĂ© Major (batterie), JĂ©rĂ´me Beaulieu (claviers) et Guillaume Doiron (guitares) sont tous d’excellents musiciens pour mener Ă  bien la mission. Quelques pièces de Mercure en mai, le dernier opus, et une vaste majoritĂ© de classiques tirĂ© de son vaste rĂ©pertoire. Pince-sans-rire devant l’Éternel, Daniel BĂ©langer fut bref et hilarant. FĂ©dĂ©rateur, il fut maintes fois accompagnĂ© par de puissants chĹ“urs venus du parterre, mezzanine et balcons, chĹ“urs majoritairement fĂ©minins. Une sĂ©rie de rappels ont coiffĂ© cette performance Ă©clatante. Cette fois,  BĂ©langer a optĂ© pour un son un peu plus sale, des guitares plus saturĂ©es (le son de Doiron n’est pas sans rappeler celui de  Dan Lanois), des claviers peut-ĂŞtre trop discrets, un mixage parfois au dĂ©triment de l’intelligibilitĂ© du texte mais… c’était peut-ĂŞtre voulu ainsi et personne (ou presque personne) ne s’en est formalisĂ©. Car Daniel BĂ©langer est dĂ©sormais un intouchable de la chanson de qualitĂ© au QuĂ©bec, l’épreuve du temps a Ă©tĂ© remportĂ©e depuis une mèche.

Alain Brunet

Un 15 juin aux Francos : Anatole, Dumas, Fuudge

par Théo Reinhardt

L’équipe de PAN M 360 se fait un plaisir de fourmiller un peu partout aux Francos, dans les recoins évidents et moins évidents, pour le public francophile. Suivez notre couverture!

Anatole l’impassible

Crédit photo: Théo Reinhardt

Ă€ 19h sur la scène Siriusxm, Anatole et sa bande ont allĂ©gĂ© les esprits le temps de quelques chansons. Lui et ses cinq musiciens, tous assis sur des chaises ou des tabourets, ont visĂ© une performance libre et dĂ©complexĂ©e. Anatole Ă©tait ainsi prĂ©sentĂ© sous une lumière authentique et claire, ce qui lui a permis de faire briller les petits dĂ©tails. 

Anatole, alias Alexandre Martel, cherche à ralentir la cadence. Il converse avec le public entre ses chansons, question d’amoindrir la distance entre scène et parterre. On se regarde dans les yeux et, pour une rare fois, on peut sentir que ça connecte. L’air est léger, les corps relaxés, c’est un moment bienvenu de ressourcement dans la folie des Francos.

Ce contexte n’a toutefois pas empĂŞchĂ© Anatole et sa bande de faire de la musique captivante. Debout ou assis, l’auteur-compositeur-interprète et rĂ©alisateur (Hubert Lenoir, Lou-Adriane Cassidy, Thierry Larose, Alex Burger, Lumière) se dandine et s’active, comme si ses chansons Ă©veillaient une bĂŞte en lui dont il ne peut s’extirper. TantĂ´t frĂ©nĂ©tique, tantĂ´t calme, son interprĂ©tation semble provenir d’une profondeur insondable qui jette un voile attrayant de mystère. Ă€ un moment, Anatole se lève nonchalamment et dĂ©gaine un solo de guitare qu’il filtre  dans un talkbox. Surprise mystifiante pour le public, qui n’avait pas encore repĂ©rĂ© le petit tube de plastique accrochĂ© Ă  l’un des micros.

Il Ă©tait plaisant de voir Anatole enfin sous la  lumière, alors qu’il semble plus souvent opĂ©rer dans l’ombre. Il reste Ă©vasif malgrĂ© sa portĂ©e et son implication dans une multitude de projets. Le temps d’un concert, on a peut-ĂŞtre pu accĂ©der Ă  une des rĂ©elles formes de son existence. C’est la preuve que, parfois et encore, la solution se trouve dans la retenue, dans la sobriĂ©tĂ©, dans l’essentiel.

Dumas le rassembleur

Crédit photo: Benoit Rousseau

Ă€ 20h, devant la scène Loto-QuĂ©bec, le parterre Ă©tait rempli d’un public qui traversait les gĂ©nĂ©rations. Il Ă©tait l’heure pour l’habituĂ© Dumas de se prĂ©senter le temps d’un retour en arrière vers son second album Le cours des jours. Il est toujours agrĂ©able de voir des musiciens aguerris prĂ©senter un spectacle bien huilĂ©. On sait que ça marche. Et avec un travail d’éclairage palpitant, les yeux pouvaient ĂŞtre autant ravis que les oreilles. 

Dumas et son profil fascinant, c’est-Ă -dire Ă  la fois sincère, banal et spectaculaire, un peu drĂ´le aussi (peut-ĂŞtre sans le vouloir), mais toujours bienveillant, a vite charmĂ© le public. Avec des « attention Ă  vous! » dirigĂ©s vers la foule, des « Merci MontrĂ©al! » et des « To the bridge! Â» qui se rĂ©pĂ©taient, le personnage s’est vite trouvĂ© Ă  l’aise et communicatif. Toujours en train de bouger sur la scène, de gauche Ă  droite, mettant un pied sur les moniteurs pour saluer la foule, on voyait bien qu’il se faisait plaisir. 

Les musiciens aussi. Chacun a eu ses moments pour briller, surtout lors de la longue et entraĂ®nante Le dĂ©sir comme tel, morceau d’une dizaine de minutes. Le clou du spectacle, 

Vers la fin, Dumas raconte ses dĂ©buts en tant qu’artiste, et comment il a Ă©tĂ© aidĂ© par d’autres, plus Ă©tablis.  Faisant dĂ©sormais partie de ces autres plus Ă©tablis, et ayant envie de redonner au suivant, il invite Émile Bourgault.  Avec Dumas, ce jeune auteur-compositeur-interprète qu’on a pu voir sur la scène Hydro-QuĂ©bec le 9 juin, chantera l’hymne pop-rock Les secretsi. Une belle surprise qui tĂ©moigne d’une gentillesse de la part de l’artiste, et qui fera sans doute un beau souvenir pour l’invitĂ©.

Fuudge les écraseurs

Ă€ 22h sur la scène Sirius xm, le groupe montrĂ©alais arrive comme une tonne de briques et envoie Ă©craser le son dans l’air. Ces quatre musiciens, qui en sont Ă  leur troisième Francos, s’inspirent du grunge, du noise et de la musique psychĂ©dĂ©lique. Le chanteur grogne, crie et beugle, la basse enveloppe tout de son ton râpeux, les percussions courent frĂ©nĂ©tiquement au son Ă©pais des toms, et la guitare lead dĂ©chire avec sa voix criarde. Des harmonies vocales, des mĂ©lodies sombres qu’on fait exprès de ne pas toujours rendre consonantes, des solos cuisants, le tout rehaussĂ© par des tons planants de synthĂ©s en arrière-plan… Fuudge livre sa musique sur un plateau d’argent Ă©corchĂ©, et le public a faim. Au devant de la foule, on voit une petite  tempĂŞte de corps qui se dĂ©chargent au rythme des distorsions. « Ta yeule, toute va ben » crient les membres du groupe lors de leur chanson du mĂŞme titre, et ils ont raison. Ça parlait peu, et tout allait bien.

Alors si vous cherchez du lourd, optez pour  Fuudge. Si vous cherchez un dessert, tenez-vous en loin.

Un 14 juin aux Francos: Loud, Pierre de Maere, thaĂŻs, VendĂ´me, Juliette Armanet, Zaho de Sagazan

par Rédaction PAN M 360

L’équipe de PAN M 360 se fait un plaisir de fourmiller un peu partout aux Francos, dans les recoins évidents et moins évidents, pour le public francophile. Suivez notre couverture!

Loud et sa bande au sommet des Francos

crédit photo: Frédérique Ménard-Aubin

Après Fouki il y a quelques jours, Loud Ă©tait le deuxième rappeur quĂ©bĂ©cois Ă  assurer la grande scène de l’Ă©dition 2023 des Francos, mercredi soir. Avec l’aisance qu’on lui connaĂ®t, l’artiste de 35 ans a offert une prestation impeccable deplus d’une heure et demie, entourĂ© d’invitĂ©s extraordinaires dont entre autres le pionner du rap kĂ©b, Sans Pression, son partenaire de longue date, Lary Kidd, ainsi que le collectif mythique Muzion. 

Loud a dĂ©butĂ© et terminĂ© la soirĂ©e avec les meilleurs titres issus de son dernier opus, Aucune promesse. Entre-temps, le rappeur a offert une excellente sĂ©lection de ses meilleurs succès tirĂ©s de tous ses projets, allant mĂŞme puiser dans le catalogue de Loud Lary Adjust (LLA), son ancien collectif qu’il formait avec Lary Kidd et Adjust. Au grand plaisir de la foule, Lary Kidd s’est joint Ă  Loud pour interprĂ©ter certains titres de LLA comme XOXO, leur morceau le plus populaire. Avec la prĂ©sence sur scène du producteur Adjust pendant tout le spectacle, les trois membres de Loud Lary Adjust Ă©taient ainsi rĂ©unis et un sentiment de nostalgie s’est immĂ©diatement emparĂ© de la place des Festivals.

Tout au long, Loud s’est fait un malin plaisir Ă  accueillir des invitĂ©s sur scène. « C’est important de rendre hommage aux O.G et au futur du rap quĂ©bĂ©cois », a-t-il dit avant d’annoncer l’entrĂ©e de Sans Pression. Par la suite, le public a aussi eu le droit au passage de Souldia, Connaisseur Ticaso, Muzion, Lost, Raccoon et mĂŞme 20some. L’un des moments forts de la soirĂ©e est sans aucun doute l’interprĂ©tation de On My life par Loud, Lary Kidd et 20some. L’Ă©nergie Ă©tait Ă  son comble et les trois hommes Ă©taient en parfaite symbiose avec la foule. Sans rĂ©elle surprise, c’est lorsque les premières notes de Toutes les femmes savent danser se sont faites entendre que les gens prĂ©sents se sont faits bruyants. 

Visuellement, la prestation de Loud Ă©tait superbe. Ă€ plusieurs reprises, l’immense Ă©cran derrière le rappeur Ă©tait sollicitĂ© pour projeter des vidĂ©oclips et mĂŞme des paroles. Ă€ quelques reprises, le QuĂ©bĂ©cois s’est amenĂ© au bout de la scène oĂą se retrouverait une plateforme Ă©lĂ©vatrice, imposant davantage sa dominance sur le rap kĂ©b. Une chose est certaine, Loud a prouvĂ© encore une fois qu’il est dans une classe Ă  part dans son domaine, et ce devant des dizaines de millers de personnes. 

Jacob Langlois-Pelletier

Pierre de Maere, excentrique et assumé

Crédit photo: Victor Diaz-Lamich

L’intrigant auteur-compositeur-interprète belge, Pierre de Maere Ă©tait en ville aux Francos, mercredi soir. Devenu connu grâce Ă  son titre Un jour je marierai un ange, l’artiste de 22 ans propose une pop planante teintĂ© d’Ă©lectro. Ce qui le dĂ©marque et qui lui a permis son ascension fulgurante au cours de la dernière annĂ©e, c’est sans aucun doute son univers flamboyant, sa voix et sa capacitĂ© Ă  s’aventurer dans les aigus.

D’entrĂ©e de jeu, l’excentricitĂ© sur scène du jeune homme est frappant et assumĂ©e. Sur scène, Pierre de Maere donne tout, absolument tout. VĂŞtu d’un complet rouge, le jeune prodige se dĂ©hanche et danse de manière atypique, non sans rappeler un certain Stromae. Ă€ plusieurs reprises, il se dit ĂŞtre essoufflĂ© et en profite pour reprendre son souffle en remerciant les diffĂ©rents membres de son Ă©quipe. Pendant le spectacle, il a chantĂ© son premier album Regarde-moi dans sa presque totalitĂ©. Outre certains problèmes de voix, le rĂ©sultat Ă©tait très fidèle Ă  l’enregistrement. Impossible Ă  nier, Pierre de Maere propose quelque chose de diffĂ©rent et d’intĂ©ressant musicalement. Il sera Ă  surveiller!

Jacob Langlois-Pelletier

thaïs termine sa semaine incroyable aux Francos en beauté

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Crédit photo: Jacob Langlois-Pelletier

Après deux premières parties et une participation Ă  La TraversĂ©e, l’autrice-compositrice-interprète thaĂŻs a conclu sa semaine de brillante façon lors du spectacle-vitrine, mercredi soir. Fidèle Ă  son habitude, la QuĂ©bĂ©coise a offert une prestation tout en douceur d’une trentaine de minutes aux gens amassĂ©s devant la scène Silo Brasseur de MontrĂ©al. Visiblement habitĂ©e par sa musique, thaĂŻs se laissait emporter par son Ĺ“uvre et dansait sur ses arrangements Ă©lectro-pop. AccompagnĂ©e de Jay Essiambre Ă  la batterie, elle a proposĂ© des versions davantage texturĂ©es de ses titres les plus populaires tels que Tout est parfait et La nuit te ressemble. Le public a d’ailleurs eu le droit Ă  plusieurs envolĂ©es instrumentales de sa part. Sur scène, son Ă©nergie est contagieuse, ce qui rend l’univers de la chanteuse extrĂŞmement accessible. Difficile de mieux demander pour bien dĂ©buter sa soirĂ©e aux Francos,

Jacob Langlois-Pelletier

Vendôme s’amuse sur la scène SiriusXM!

Si on en juge par la grandeur de la foule, le premier album de Vendôme, La Fable de la grenouille dorée, a fait de nombreux adeptes. Défini par le groupe comme du « folk-métal-légende », cet album est appréciable de plus belle sur scène, lorsque les chansons sont jouées entre deux ou trois blagues de la part des gars de Vendôme qui ont visiblement du plaisir à jouer ensemble, et à jouer pour leur public. 

Le groupe a offert une performance forte en Ă©nergie, mais proposant tout de mĂŞme quelques instants de douceur. Un moment particulièrement marquant fĂ»t lorsque le batteur prit la place du guitariste Tom Chicoine (qui arborait une fausse barbe et une perruque – on apprendra plus tard que c’était pour dissimuler le fait qu’il s’agissait en fait de La Faune) pour interprĂ©ter une ballade avec Marc-Antoine, le frontman du groupe. Après avoir rĂ©clamĂ© Ă  la foule de « se fermer la gueule, mais gentiment », les deux garçons ont interprĂ©tĂ© 03.04.19, permettant au public de reposer leur tĂŞte, qui devait commencer Ă  ĂŞtre douloureuse avec tout ce headbanging.

Arielle Caron

Triomphe de Juliette Armanet, parfaite construction hexagonale

crédit photo: Victor Diaz-Lamich

Comme l’indique le titre de son album sorti en 2021, Juliette Armanet brĂ»le effectivement le feu. Le brasier est bien pris aux planches dès la première mesure! D’origine française en majoritĂ© absolue, le public ayant rempli le MTELUS est gagnĂ© d’avance et n’a cesse de se pâmer devant un spectacle huilĂ© au quart de tour. Au piano, au centre de la scène, du haut des escaliers,  carrĂ©ment dans la foule lorsqu’elle enlace ses fans ravis ou mĂŞme du haut de la loge d’oĂą elle entonne quelques frĂ©quences, la star sait comment fonctionne la variĂ©tĂ© française. Parfaitement.

L’identité et la tradition de la pop hexagonale y sont respectées jusque dans les moindres détails: chanson “classique”, euro-disco, funky-jazzy, nostalgie à profusion malgré de (très) légères actualisations. Le verbe est bien ciselé, les thèmes sont d’actualité, la voix haut perchée, les poses évocatrices, la mise en scène rigoureuse et efficace, la construction par-faite…car il s’agit là d’une construction en  bonne et due forme, aussi brillante soit-elle. 

Un iota de France Gall par ici, une larme de Laurent Voulzy par lĂ , un soupçon de François Feldman, un chouia de Barbara et ainsi de suite. Ă€ l’évidence, Juliette Armanet  s’inscrit dans une tradition de chanson/variĂ©tĂ© hexagonale, elle  a certes beaucoup rĂ©flĂ©chi Ă  l’érection de son personnage composite.

Et ce au grand plaisir de son public, essentiellement blanc et français, public ayant intégré ses référents et qui les déguste de nouveau. 

Alain Brunet

Zaho de Sagazan:  premier choc au QC

crédit photo : Alain Brunet

Notre interview en tĂ©moigne, nous avons Ă©tĂ© sĂ©duits par les enregistrements et propos de cette Zaho de Sagazan, qui a fait boum chez les francos festivaliers. Sur l’Esplanade de la Place des Arts, elle a conquis autant les Kebs de souche que les Français venus Ă  sa dĂ©couverte. La matière de son seul album a largement suffi Ă  mettre sur le cul. Certes tributaire de la chanson française-française, particulièrement brellienne et stromaĂ«ienne, cette songwriter et performer a trouvĂ© l’équilibre idĂ©al entre synthwave, krautrock et chanson dite Ă  texte. 

Elle tout pour elle, cette plus qu’étonnante jeune femme de 23 ans. Naturellement douée pour les planches, cette voix de contralto impose le silence sur les scènes lorsque seule au clavier, et elle a tôt fait de nous aspirer dans le beat synthétique d’une redoutable binarité, non sans rappeler la pop synthétique allemande des années 70 (Kraftwerk, etc.) , mais aussi des variétés multi-générationnelles de pop synthétique dédiées au plancher de danse, de Depeche Mode à  Indochine en passant par Com Truise et Kavinsky. 

Les synthĂ©s modulaires sont actionnĂ©s par ses comparses inspirĂ©s, pendant qu’elle pilote son puissant vaisseau de sĂ©duction. Ce n’est qu’un dĂ©but !  On pourra dire qu’on Ă©tait lĂ  lorsque le premier choc eut lieu en AmĂ©rique francophone.

Alain Brunet

Un 13 juin aux Francos: Thierry Larose, Ariane Roy

par Rédaction PAN M 360

L’équipe de PAN M 360 se fait un plaisir de fourmiller un peu partout aux Francos, dans les recoins évidents et moins évidents, pour le public francophile. Suivez notre couverture!

CrĂ©dit photo page d’accueil: BenoĂ®t Rousseau

Thierry Larose, une des tĂŞtes d’affiche de la relève indie quĂ©bĂ©coise, a occupĂ© la scène d’un Club Soda bien rempli ce mardi soir. Il Ă©tait attendu par une foule de jeunes avides d’entendre la matière de son rĂ©cent album Sprint! en concert. Ce qui faisait office de lancement du nouveau projet s’est d’ailleurs rĂ©vĂ©lĂ© ĂŞtre un Ă©vĂ©nement encore plus excitant pour l’artiste, puisque quelques heures plus tĂ´t, Sprint! Ă©tait dĂ©voilĂ© parmi les 40 albums de la longue liste Polaris 2023. De quoi ĂŞtre fier. 

L’énergie Ă©tait donc haute pour les heureux Ă©lus sur scène, mais ils ont tout de mĂŞme su rester mesurĂ©s. Le public, lui, n’avait pas cette contrainte. Il faut dire que Thierry Larose est adorĂ© par les temps qui courent. C’est qu’il  va chercher quelque chose de libĂ©rateur et de profond chez les gens, ses textes font ressortir la lumière cachĂ©e et rendre les regards pĂ©tillants. En regardant autour, du milieu du parterre au Club Soda, on a vu des sourires, des gens qui s’essuyaient les yeux, d’autres qui dansaient, qui levaient les bras, qui se laissaient emporter par la musique. Pour avoir vu Thierry Larose deux fois au Club Soda, je peux dire que son public est parmi les plus bruyants et passionnĂ©s. Une expĂ©rience tout Ă  fait Ă©nergisante !

Sur la scène, le tout est bien prĂ©parĂ©, avec de la place pour de bons moments improvisĂ©s. Le groupe en concert de Thierry Larose est d’ailleurs bien impressionnant: avec Lou-Adriane Cassidy au clavier et Ă  la guitare acoustique, Anatole Ă  la guitare et Charles-Antoine Olivier de Blesse Ă  la batterie, on a envie de prĂŞter attention Ă   tous les membres, car ils jouent tous bien, et surtout bien ensemble. Des conversations de guitare entre Larose et Anatole, des intros de chansons qui laissent deviner ce qui s’en vient, des Ă©lans percussifs de Charles-Antoine Olivier entre les chansons… En bref, ces artistes sur scène ont une bonne chimie, se parlent près des oreilles et rient souvent, pour des raisons qu’on prend plaisir Ă  deviner. 

MalgrĂ© le lancement de Sprint! Les chansons de Cantalou, le premier album, se sont frayĂ©es un chemin dans le programme. Ă€ voir la foule chanter les chansons, on ne se demande pas pourquoi. Il semble bien s’agir d’un classique moderne pour cette petite niche de l’auditorat. Les chansons de Cantalou se prĂŞtent aussi mieux Ă  des Ă©lans rock, et permettent au groupe de nous montrer ce dont  il est capable en termes de lourdeur du son. Larose, lui, est modeste sur scène, il parle peu et doucement lorsqu’il le fait. On comprend qu’il prĂ©fère laisser la musique parler pour elle-mĂŞme, pendant que Lou-Adriane Cassidy et Anatole volent souvent la vedette cĂ´tĂ© intensitĂ©. 

C’est donc un album bien lancé par Larose, et encore mieux reçu par le public. Voilà un artiste qui creuse très bien son sillon dans la musique locale, et qui semble déjà laisser des traces pour les autres après lui.

Théo Reinhardt

Ariane Roy illumine la scène Loto-Québec

Crédit photo : Victor Diaz Lamich

La performance d’Ariane Roy sur scène Loto-Québec hier soir a permis aux adeptes de Médium Plaisir d’apprécier des versions réarrangées des chansons de cet opus, mettant grandement en valeur ses musiciens. Elle a notamment quitté la scène alors que son guitariste préparait le public à une interprétation grandiose de Ce n’est pas de la chance avec un solo de guitare envoûtant. La chanteuse a également laissé son micro de côté et s’est assise par terre en plein milieu de Je me réveille pour faire briller son claviériste.

La chanteuse nous réservait quelques surprises : Valence s’est brièvement présenté sur scène pour interpréter la collaboration Charlie, et le public s’est réjoui d’écouter en primeur une chanson à paraître sur un prochain album qui s’annonce très prometteur. On a également eu droit à une reprise extravagante de Souvent longtemps énormément de Diane Tell.En outre, la performance a été interrompue par la remise à Ariane du Prix Félix-Leclerc, qui récompense les jeunes auteurs-compositeurs-interprètes francophones. Dans ce contexte, Ariane et ses musiciens sont restés devant public avant le rappel et ont ainsi clôturé leur performance avec Fille à porter. Enfin presque: ils se sont ensuite réunis à l’avant de la scène pour interpréter Éli a cappella, y intégrant des harmonies à couper le souffle.

Arielle Caron

Un 12 juin aux Francos: Arthur H

par Alain Brunet

Depuis dĂ©jĂ  trois dĂ©cennies, Arthur H revient rĂ©gulièrement Ă  MontrĂ©al. On aurait pu se lasser de sa voix cendrĂ©e et graveleuse,  de ses envolĂ©es de fausset, de son humour absurde parfaitement maĂ®trisĂ©,  de son verbe tendre ou coriace, de son propos saignant ou bien cuit, de ses capacitĂ©s Ă  improviser devant public et modifier le cours des choses devant nous.

Eh non, on ne s’est pas lassé. Encore en 2023, chaque rencontre avec Arthur H a son lot d’étonnement, de surprise, de magie, de rires et de grâce.

Au Studio TD (XYZ), il se prĂ©sente en quartette un lundi soir des Francos, lui au clavier et mĂ©lodica, son collègue de toujours Nicolas Repac aux guitares, Pierre Lebourgeois au violoncelle pizzicato et arco, RaphaĂ«l SĂ©guinier aux percussions. 

Le rĂ©pertoire est entamĂ© en toute souplesse par de parfaits complices, nous avons ici affaire Ă  un maĂ®tre dans l’art de nous faire voyager dans les humeurs humaines, dans les enjeux existentiels « âprement exquis », dans La vie comme l’indique le titre de son tout rĂ©cent album et dont il prĂ©sentera plusieurs titres en persillant le tout de  classiques, dont L’Autre cĂ´tĂ© de la lune (Dark Side of the Moon, clin d’oeil Ă  Pink Floyd) , Adieu tristesse,  La boxeuse amoureuse, la Caissière du Super, L’Ă©toile et autres La plus triste des chansons.

Le prisme d’Arthur H est poĂ©tique, adaptĂ© Ă  la forme chanson, excellent communicateur. Il annonce Ă  ses fans hilares qu’il vient Ă  MTL pour la première fois, il se plaindra plus tard d’un « grand problème » Ă  MontrĂ©al d’une pĂ©nurie locale de ukulĂ©lĂ©s, enfouis jadis au fond de l’ocĂ©an avec le naufrage du Titanic (qui a coulĂ©lĂ©, on s’en doute bien), il Ă©voquera ce roi de France (Emmanuel Macron) que les Français haĂŻssent « pour le plaisir » et cette reine de France qu’on adore, soit Brigitte Fontaine (« mystĂ©rieuse guerrière », « funambule prĂ©fĂ©rĂ©e » qui fut d’ailleurs une grande amie de son dĂ©funt père Jacques), et ainsi de suite. 

Près de deux heures de croisière aux teintes africaines, jazz, latines, classiques impressionnistes, pop psychĂ©dĂ©lique ou funky disco, le tout enchaĂ®nĂ© sans efforts apparents, en toute voluptĂ©. Toujours brillant, toujours inspirĂ©, toujours coulant, « smooth operator Â» devant l’Éternel, Arthur H a encore Ă  dire, Ă  chanter et Ă  jouer.

UN 10 JUIN AUX FRANCOS: PHILIPPE B, LUJIPEKA, GAB BOUCHARD, ISABELLE BOULAY

par Rédaction PAN M 360

L’équipe de PAN M 360 se fait un plaisir de fourmiller un peu partout aux Francos, dans les recoins évidents et moins évidents, pour le public francophile. Suivez notre couverture!

crédits photos: Victor Diaz-Lamich

Philippe B ravit le studio TD

Samedi soir, 20h. La scène du studio TD est décorée d’un piano à queue, de quelques guitares, de claviers, et de petites concoctions lumineuses ressemblant à des lampes de sel. Dépouillé, simple, mais efficace. C’était un premier concert en six ans pour l’auteur-compositeur-interprète émérite Philippe B, qui vient tout juste de sortir son sixième album Nouvelle administration. Alors, à quoi pouvait-on s’attendre de ce grand retour? C’est ce que l’artiste a lui-même exploré de manière humoristique sur scène entre ses chansons. Allait-il revenir avec un projet techno? Un album instrumental au piano? Que pouvait-il bien faire pendant six ans? Finalement, nous l’avions sous les yeux: on se rend bien vite à l’évidence que le nouveau Philippe B est le même que le vieux, mais avec plus d’années et un enfant sous son aile. Alors « l’artiste préféré de ton artiste préféré » débute la performance avec la chanson titre de son nouvel album, et s’ensuit près de quatre-vingt-dix minutes de moments ravissants, touchants et bouleversants. On le savait déjà, mais voir les textes à tout raser de Philippe B prendre vie devant nos yeux leur accorde le double du poids, même si la livraison est des plus humbles. Avec deux musiciennes et choristes à la basse et aux claviers/synthétiseurs, tous les éléments nécessaires à la magie sont présents, et on a même droit à des surprises, comme un jam (« ou boeuf, comme ils disent en France », dit Philippe B) pour la chanson California Girl. Spectacle frappant, spectacle rare, spectacle mesuré.

Théo Reinhardt

Lujipeka enflamme le Club Soda

A person singing into a microphone
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Cette annĂ©e, la programmation des Francos propose un bon nombre de rappeurs français et Lucas Taupin, plus connu sous le nom de Lujipeka, est assurĂ©ment le plus captivant du groupe. Lors du premier samedi de l’Ă©dition 2023 du festival, l’ancien membre de Columbine, le collectif Rennais dorĂ©navant inactif qui a connu son lot de son succès de 2014 Ă  2019, a offert une prestation impeccable au Club Soda. « Luji » a su transporter le public au sein de son univers dĂ©jantĂ© et de ses diffĂ©rentes Ă©nergies, passant de sons très chargĂ©s teintĂ©s de pop Ă  d’autres plus lĂ©gers et introspectifs. Sur scène, l’artiste de 27 ans se dĂ©marque grâce Ă  son Ă©nergie contagieuse, ses paroles atypiques et son excellente technique.

Le rappeur a dĂ©butĂ© en force en interprĂ©tant son morceau Éclipse. Alors que le public avait les yeux rivĂ©s sur la scène et attendait son entrĂ©e, il a eu la grande surprise de voir qu’il dĂ©butait sa prestation directement dans la foule. Depuis son dĂ©part de Columbine il y a près de quatre ans, Lujipeka a dĂ©jĂ  fait paraĂ®tre trois EPs et son album Montagnes Russes. Il a connu une ascension fulgurante au cours de la dernière annĂ©e. 

Tout au long de la soirĂ©e, le Rennais a proposĂ© un heureux mĂ©lange de titres tirĂ©s de ses projets solos et les plus grands succès de Columbine tels que Pierre, feuille, papier, ciseaux et Chambre 112, au grand plaisir des gens amassĂ©s au Club Soda. Afin d’interprĂ©ter leur collaboration Victor Osimhen, la vedette a accueilli sur scène son confrère BEN plg qui venait tout juste de se produire sur la Scène Desjardins dans le cadre des Francos. Lujipeka a conclu sa superbe soirĂ©e avec Pas Ă  ma place, son morceau solo le plus populaire Ă  ce jour. Tout au long, la foule a chantonnĂ© les paroles du rappeur français, et il est Ă©vident que sa musique, autant en tant que membre de Columbine qu’en solo, a su traverser l’Atlantique et charmer le QuĂ©bec! 

Jacob Langlois-Pelletier

Gab Bouchard transporte la scène Hydro-Québec

À 23h30, c’est l’invité surprise Gab Bouchard qui est attendu par une immense foule de jeunes exaltés. Une prestance scénique, une voix puissante, des musiciens impressionnants, tout était au rendez-vous pour le concert de Grafignes, l’album récent de cet auteur-compositeur-interprète. Les moments doux et lourds s’alternent, l’album étant maintenant bien connu, la foule chante les chansons, et les musiciens se font plaisir à eux et à ceux qui les regardent en s’emportant par voie de leurs instruments. S’il y a un bémol à ce spectacle, c’est bien les niveaux débalancés du son. Trop de basse pour peu de claviers, une guitare lead qu’il fallait chanter pour se la faire entendre, et une voix souvent difficile à distinguer. Mais bon, peut-être ne faut-il pas y être en tant que musicien pointilleux… c’est la joie des festivals, après tout! Les chansons ont été jouées, les ondes sonores envoyées, reçues, et converties en chaleur. Lumineux et revigorant.

Théo Reinhardt

Isabelle Boulay: ne plus rien se refuser

Lorsqu’elle a complĂ©tĂ© son cycle de chanson consacrĂ© Ă  Alain Bashung, Isabelle Boulay s’est enquise Ă  ses fans: “M’aimez vous encore” ? 

C’est dire l’inquiĂ©tude lĂ©gitime de la chanteuse populaire face Ă  ce changement Ă  son rĂ©pertoire. Ça passe ou ça casse ? 

Entre Luc Plamondon et Jean Fauque, entre Daniel DeShaime et  Alain Bashung, il y a effectivement plus qu’un ocĂ©an. La distance culturelle est beaucoup plus considĂ©rable entre Paris et MontrĂ©al qu’entre Bâton Rouge et Matane. Il y avait lĂ  pour la chanteuse populaire le risque de crĂ©er un schisme malencontreux. Petit risque, somme toute. Car Isabelle Boulay a donnĂ© samedi soir le meilleur rĂ©cital qu’il m’ait Ă©tĂ© donnĂ© d’observer depuis son Ă©mergence il y a plus de 3 dĂ©cennies.

Au Théâtre Maisonneuve, on a certes vu une part de la foule un tantinet perplexe, mais on a vu une autre part de la foule ravie, expressive. Le public d’Isabelle Boulay est plus composite que jamais il ne l’a Ă©tĂ©: celui de la première ligne, celui qui a aimĂ© la chanteuse de variĂ©tĂ©s, fĂ©rue de chanson keb, de country keb, de chanson cajun et autres variantes de l’americana francophone. Samedi soir, on avait affaire Ă  un accompagnement d’exception, plus rock en certains moments, plus compĂ©tent sur toute la ligne – Philippe Turcotte (claviers et direction), Olivier Laroche (guitare), Alex Kirouac (batterie), FrĂ©dĂ©ric BeausĂ©jour (basse et contrebasse), et un gros merci Ă  Jocelyn Tellier (guitares), que l’on peut qualifier de musicien central au sein de cette formation.

Lors d’une sĂ©ance en studio, je me souviens avoir conversĂ© sur ce paradoxe avec un des principaux rĂ©alisateurs de ses albums, nul autre que Benjamin Biolay. Ensemble, nous dĂ©plorions discrètement qu’Isabelle n’exprime l’étendue rĂ©elle de ses goĂ»ts Ă  travers son rĂ©pertoire. 

Encore aujourd’hui, Isabelle Boulay n’a rien reniĂ© de ce qu’elle a accompli une vie durant. CĂ´tĂ© Bashung, elle s’est appropriĂ© la portion la plus amĂ©ricaine de son rĂ©pertoire, sauf La nuit je mens, une des plus belles du rĂ©pertoire bashungien (sinon la plus belle) qu’elle a enrobĂ© d’une rĂ©elle amĂ©ricanitĂ©. 

En somme, elle assume pleinement son parcours dont la France occupe une part congrue, et ça ne fait certes pas de tort Ă  l’isolationnisme culturel keb franco, dominant et dĂ©plorable depuis un demi-siècle. Au tournant de la cinquantaine, Isabelle Boulay a dĂ©cidĂ© de ne plus rien se refuser et ainsi bonifier une offre chansonnière tĂ©moignant de la pleine assomption de ses goĂ»ts. Celles et ceux qui s’en plaindront sont d’ores et dĂ©jĂ  remplacĂ©s par de nouveaux arrivants, contribuant Ă  ce lustre inhĂ©rent aux grands interprètes de la chanson francophone.

Alain Brunet

UN 9 JUIN AUX FRANCOS: ÉMILE BOURGAULT, LES CHATONS, BLESSE

par Théo Reinhardt

PAN M 360 se pointe dans les recoins des Francos, et s’affaire Ă  tĂ©moigner de concerts Ă©vidents ou moins Ă©vidents pour le public francophile. Suivez notre couverture !

Émile Bourgault – 18h

L’auteur-compositeur-interprète qui a remporté il y a quelques mois le concours Ma première Place des Arts a foulé la scène Hydro-Québec et a rapidement fait entrer la foule dans son univers. Une aisance scénique, un charisme, une sauce indie-pop et rock accrocheuse qui se prête parfois même au country, combinée à des textes subtils qu’on devine sombres, cela accorde un caractère magnétique au jeune artiste. La courte prestation s’est terminée sur une note rassembleuse, alors que, tout juste avant la pluie, un dernier refrain de vocables a fait chanter le public le temps de quelques mesures jouissives.

Les Chatons – 18h30

Suite Ă  Émile Bourgault, Les Chatons, laurĂ©ats du mĂŞme concours dans la catĂ©gorie groupe,  ont prĂ©sentĂ© la lourdeur de leur son. DĂ©barquĂ©s nonchalamment sur scène, tous vĂŞtus de noir avec un petit châle sur lequel on pouvait voir un visage de chat dessinĂ©, les quatre musiciens ont vite su hĂ©risser leur poil et montrer leur crocs: du mĂ©tal rapide, virevoltant, et agrĂ©ablement accessible venait bousculer les tympans de la foule, alors que le chanteur dĂ©clamait habilement des paroles absurdes et humoristiques. Leur Ă©nergie Ă©tait assez contagieuse pour faire tomber la pluie… mais ces chatons n’ont pas peur de l’eau. L’heureuse surprise de la performance Ă©tait une reprise de Mentir de Marie-Mai, version encore plus mĂ©tallique. Un choix judicieux qui mĂŞlait parfaitement les conditions. Ces chatons sont dĂ©finitivement Ă  surveiller.

Blesse – 22h

Les trois garçons de Blesse semblaient fébriles, mais décontractés en arrivant sur la scène Sirius XM. L’air était frais, mais la pop-rock bruyante et triturée du groupe qui fêtait sa première année d’existence a su réchauffer le public, qui était garni à en surprendre agréablement. Il est clair que plusieurs personnes attendaient depuis longtemps de voir ces garçons jouer sur scène. Entre leurs chansons, Blesse en profitait pour s’assumer, pour communiquer qu’ils étaient un nouveau groupe et qu’ils laissaient derrière eux l’histoire cahoteuse de leur précédent. C’était un beau moment, et on voyait que plus le spectacle avançait, plus le trio se déchaînait sur scène. L’autrice-compositrice-interprète Sophia Bel a partagé l’espace le temps de l’énergique Creusercreuser, et une interlude pour chanter les 26 ans de Charles-Antoine Olivier est venue attendrir l’atmosphère. Un bel anniversaire pour ce groupe, et un spectacle qui démarre l’été du bon pied pour ces trois amis qui sont certainement là pour rester.

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